Le retour de Chateaubriand
Franck Ferrand raconte...- 1,402 views
- 15 Jan 2021
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9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Nous sommes sur le port de Douvres, en Angleterre, donc le 6 mai 1800, et regardez là bas, il y a une espèce de silhouette qui est en train de s'agiter. L'homme en question a toutes les raisons d'être excité. Ça fait de très longues années qu'il n'a pas pu traverser la Manche et aller fouler le sol de France. Il a dû quitter son pays précipitamment en 1792 et j'ai besoin de vous dire pour quelles raisons.
En 1792, il était âgé seulement de 23 ans. À ce moment là, et donc huit ans plus tard, en 1800, il a 31 ans au moment de sortir de son exil forcé. Et je vous parle, vous l'avez compris, de François-René de Chateaubriand en 1800.
Son retour est possible, de même que pour toute une partie des émigrés, il y a eu le coup d'État de Bonaparte, qui a décidé de réaliser une synthèse la Constitution du 22 frimaire an 8. Autant dire 13 décembre 1799, affirme dans son préambule Citoyens, la révolution est fixée aux principes qu'ils l'ont commencée. Elle est finie, comme nous dirions nous aujourd'hui. On a sifflé la fin de la récréation. Chateaubriand a subi dans sa chair les affres de la révolution.
Il a été blessé à la cuisse. Dans l'armée de Condé, en 1792, sa femme, ses trois sœurs, sa mère qui à l'époque, à 72 ans, ont été emprisonnés sous la Terreur. Et puis son frère Jean-Baptiste et sa belle sœur ont même été guillotiné en 1794, place de la Révolution. L'exil à Londres a connu pour François-René un certain nombre de périodes. Il était arrivé dans la capitale anglaise dans un parfait dénuement. Il a dû donner des cours de français pour survivre.
Il a rédigé durant des années un essai sur les révolutions volontiers critiques. Ai je besoin de vous le dire? Sur le phénomène? Laissez en question était publié en mars 97. Il a reçu un accueil plutôt mitigé. Du moins a t il permis à Chateaubriand de se faire remarquer parmi les exilés de cette communauté française hors frontières. Une rencontre a récemment changé le destin de Chateaubriand. Il faut toujours des gens comme ça qui viennent. Vous donnez, vous donnez le coup de pouce et en l'occurrence, à Londres, il a rencontré Louis de Fontanes et l'a rencontré en 1798.
Cela faisait quatre ans que Fontanes était membre de l'Institut. Il a été gagné au nouveau régime Fontanes et il a rejoint Bonaparte. Or, il a convaincu le jeune Chateaubriand de rentrer en France en dépit de son inscription sur la liste des exilés, ce qui faisait de lui quand même un proscrit. Qu'à cela ne tienne, il va suffire de changer d'identité. Et c'est sous le nom de Jean David de La Sagne, qui est supposé habiter Neuchâtel, que Chateaubriand va donc pouvoir revenir sur le sol français.
Au moment de clore les chapitres d'exils dans Mémoires d'outre tombe, Chateaubriand écrit Je le cite.
Arrivé au bout de ma première carrière, s'ouvre devant moi la carrière de l'écrivain. d'Homme privé, je vais devenir homme public. Je sors de l'asile virginal et silencieux, de la solitude pour entrer dans le carrefour souillé et bruyant du monde. Le grand jour va éclairer ma vie rêveuse, la lumière, pénétrer dans le royaume des ombres.
Je quitte les pensées et les chimères de ma jeunesse, comme des sœurs, comme des amantes que je laisse au foyer de la famille et que je ne reverrai plus.
Franck Ferrand Si tu christiques quatre heures de traversée sur un navire suédois.
Marias Toujours un peu houleuse, la traversée de la Manche. Et puis, on approche des côtes françaises. En ce 6 mai 1800 à Paris. Désormais le 16 floréal an 8 personnes. Inutile de vous le dire, personne n'attend Chateaubriand sur le port de Calais. Du reste, François-René ne va pas moisir à Calais dès le 13 mai. Il est à Paris et sur la route entre ces deux villes. L'écrivain va redécouvrir la France. Il va retrouver son pays, ce pays qu'il n'avait pas vu depuis 8 ans.
Et le tableau qu'il nous en brosse dans ses mémoires offre deux impressions contradictoires.
D'abord. D'abord, Chateaubriand témoigne de la pauvreté, pour ne pas dire même de la misère qui, à l'époque, affecte la France avant même d'accoster. Il a fait une remarque depuis la mer, j'ai été frappé de l'air pauvre du pays. À peine quelques mois se montrait dans le port. Or, au fur et à mesure de la progression vers Paris, cette impression première ne fait que s'affirmer sur la route. On apercevait presque point d'hommes, des femmes noircies et aller les pieds nus, la tête découverte ou entourée d'un mouchoir, labourait les champs.
On les eût prises pour des esclaves. Il évoque aussi l'état de délabrement du pays, lui même envoyé des murs d'enclos ébréchée, des églises abandonnées dont les morts avaient été chassées, des clochers sans cloches, des cimetières sans croix, des saints sans s'entêtait elapidae dans leur niche sur les murailles et étaient. Ces inscriptions républicaines, déjà vieilli. Liberté, égalité, fraternité ou la mort?
Et pourtant, passé cette première impression, c'est triste et même désolé. Celui qui est en train de redécouvrir son pays nous décrit une France irréductiblement joyeuse. Et lorsqu'ils entrent dans Paris.
C'est même une atmosphère de fête qui l'entoure, suivant le jouis. À mon grand étonnement, en entrant dans les Champs Elysées des sons de violons, de corps, de clarinette et de tambours, j'aperçus des bastringue ou dansaient des hommes et des femmes.
Et au gré de ses pérégrinations, l'écrivain nous fait partager la gaieté qui, quoi qu'il arrive et quoi qu'il advienne, animent la capitale. En France, disait Beaumarchais, tout finit par des chansons à tous les coins de rue. Des hommes crient. Je cite Chateaubriand, ombres chinoises, vues d'optique, cabinets de physique, bêtes étranges. Malgré tant de têtes coupées, il restait encore des oisifs, constate t il. En attendant, lui même va devoir vivre avec très peu de moyens et pas d'occupation officielle.
Il habite un petit entresol de la rue de Lille, sans disposer de la moindre source de revenus, bien sûr. Alors, il écrit à Fontanes le 30 juillet, pour le supplier de lui envoyer 20 Louis. Me voilà comme au sortir du ventre de ma mère, écrit t il. Car mes chemises même ne sont pas françaises. Elles sont la charité d'un autre peuple. Preuve de son extrême pauvreté. Un extrait, un passage des mémoires d'outre tombe qui témoignent des moqueries faites à son encontre alors qu'il se trouve dans un café.
Je cite de nouveau Chateaubriand je ne fut pas plus tôt assis à ma place que des garçons entrèrent serviette à la main et criant comme des enragés Consommez messieurs, consommez! Je ne me le fit pas dire deux fois et je m'évader piteusement aux cris moqueurs de l'assemblée parce que je n'avais pas de quoi consommer.
Le concert de la loge, sous la direction de Julien Chauvin, interprété ce final de la Quatrième Symphonie, ou plutôt de la Symphonie opus 4, numéro 3 d'un compositeur qu'on n'entend pas souvent, mais que Jérémie Baigorri a sorti de son exil.
C'est Marie Alexandre Ghenne, Franck Ferrand, Si tu christiques. La situation de Chateaubriand en 1800 est assez précaire. Il vit sans un sou, sous une fausse identité. Il lui faut renouveler son permis de séjour tous les mois à la préfecture de police. Bien sûr, cette même police qui, bien sûr, surveille ses agissements comme ceux de tous les gens de passage. Voici une note de police en date du 20 juillet 1800. J'ai fait surveiller le nommé Jean-David de la Sagnes.
Il en résume. Il en résulte que c'est un homme de lettres qui ne voyage que pour acquérir des connaissances. Il ne fréquente que des savants et des libraires. La vérité, c'est que l'identité réelle du sieur de la Sagne est sans doute connue des services de police. Les bureaux de Fouché surveillent cette société parisienne aussi bien du côté des Jacobins que de celui des royalistes. Vous savez que les dangers pour le premier consul viennent d'un peu partout. Le régime mis en place par Bonaparte est un régime assez fragile au début, et de nombreux complots vont être déjoués dans le meilleur des cas.
Donc, je vous ai raconté l'autre jour l'attentat de la rue Saint-Nicaise. Donc, si Chateaubriand n'est pas inquiété, c'est qu'il n'est pas considéré comme dangereux. Les affaires de notre homme vont tout de même s'améliorer à partir de 1801. Dès la fin de décembre 1800, Fontane l'intègrent en effet à la rédaction du Mercure de France, qu'il vient de refonder. Dans son premier article, le Chateaubriand évoque sévèrement le livre de Madame de Staël. Il est dur avec l'ouvrage de Madame de Staël, mais il est tendre, évidemment, à propos du livre que lui même est en train de préparer.
D'ailleurs, François-René va signer ce premier article ça ne s'invente pas, l'auteur du Génie du christianisme. Mais c'est par un autre livre qu'il va se faire connaître de la Société parisienne du Consulat. En 1801 paraît en effet son premier livre jamais sorti en France, Atala, où les amours de deux sauvages dans le désert. Cet ouvrage va connaître un immense succès cinq rééditions simplement au cours de la première année. En juillet 1820, Chateaubriand va pouvoir être rayé de la liste des émigrés et désormais, il pourra donc porter son nom sans risquer de se faire arrêter après Atala.
Nouveau succès. Ça fait plus de sept ans que l'écrivain préparait cet ouvrage. Et là, cette fois, il s'agit bel et bien du génie du christianisme. Chateaubriand aura donc attendu pour le publier le moment opportun, puisque c'est juste au moment où Bonaparte signe avec la papauté un concordat concordat qui surprend toute l'Europe. C'est à ce moment là que l'écrivain breton va donc publier cet ouvrage apologétique de la religion chrétienne. Il écrit Le christianisme et la pensée de l'avenir et de la liberté humaine.
Nouveau succès, encore plus grand celui là, au point que le Premier Consul est fait savoir qu'il avait ce livre sur son chevet. Une semaine après sa parution, Chateaubriand est invité par le frère du premier consul par Lucien Bonaparte à une réception à l'hôtel de Brienne. Et c'est Élisa Bonaparte, qui est proche de Fontanes, qui va pousser Napoléon à s'entretenir avec l'écrivain. Nous sommes là le 22 avril 1802.
Evidemment, je cède la parole à Chateaubriand. J'étais dans la galerie lorsque Napoléon entra, il me frappa agréablement, je ne l'avais jamais aperçu que de loin. Son sourire était caressant et beau, son œil admirable, surtout par la manière dont il était placé sous son front et encadré dans ses sourcils. Il n'avait encore aucune charge. La tannerie dans le regard, rien de théâtral. Et d'affecter Bonaparte ma perçut et me reconnut. J'ignore à quoi je donne la fausse modestie de Chateaubriand.
C'est un vrai bonheur.
Il m'a perçu. Donc quand il se dirigea vers ma personne, on ne savait qu'il cherchait. Les rangs s'ouvraient successivement. Chacun espérait que le consul s'arrêterait à lui. Il avait l'air d'éprouver une certaine impatience de ces méprises.
Je m'enfoncer derrière mes voisins Bonaparte et le va tout à coup la voix et me dit Monsieur de Chateaubriand, je restais seul alors en avant, car la foule se retira et bientôt se refermant en cercle autour des interlocuteurs. Bonaparte m'a Bordat avec simplicité, sans me faire de compliments, sans questions oiseuses, sans préambule. Il me parla sur le champ de l'Egypte et des Arabes, comme si c'était dans son intimité et comme s'il ne fait que continuer une conversation déjà commencée entre nous.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire, évidemment, mais Chateaubriand, pour dire les choses avec délicatesse, n'est pas désintéressé. Il attend une place au sein des institutions du nouveau régime, bien sûr. Et pourtant, il va devoir attendre, attendre au bout d'un an. Il n'a toujours rien obtenu. Il est soucieux de faire sa cour. L'auteur du Génie du christianisme et il va dédicacer la deuxième édition, celle de mai 1803.
À qui de droit les peuples vous regardent? La France a grandi par vos victoires, a placé en vous son espérance. Continuez à tendre une main secourable à 30 millions de chrétiens qui prient pour vous. Au pied des autels que vous leur avez rendu, c'est bien le moins que j'ai pu écrire. L'auteur du Génie du christianisme. Deux jours après la parution de cette seconde édition, le premier consul va comprendre ce qu'on attend de lui. Il signe la nomination de Chateaubriand au poste de secrétaire de légation à Rome, la Ville éternelle, sur laquelle Chateaubriand fondait beaucoup d'espoirs.
Chateaubriand est cependant un peu déçu du peu de prestige que revêt la fonction à laquelle il vient d'être nommé. Or, à peine installé à Rome, il va multiplier les erreurs. Dès ses premiers jours, le Breton visite les notables de la ville. Le cardinal Fesch, ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, qui, par ailleurs, est quand même l'oncle de Napoléon. Fesch voit d'un mauvais œil ce secrétaire qui est là pour, semble t il, lui faire une certaine concurrence.
Chateaubriand n'apprécie pas son travail. Au bout de deux semaines, il déclare ne pas vouloir rester à Rome trop longtemps. Et son ultime faute, c'est de réclamer l'abolition des lois organiques que Napoléon, que Napoléon, a finalement additionné au Concordat. Problème on ne lui avait jamais demandé d'en dire autant. Il n'a jamais reçu une telle mission.
Et Napoléon est furieux. Ne me parlez pas de votre Chateaubriand, John Hurt, son talent comme écrivain, mais un brouillon et je n'en veux plus pour mes affaires, dit il à sa sœur.
Six mois après sa nomination, notre homme va donc être nommé, en novembre 1803, chargé d'affaires dans la République du Valais. Plus d'Etat coincé entre la France et l'Italie. Avant de rejoindre son nouveau poste, Chateaubriand va quand même remonter par Paris pour sa seconde rencontre avec le premier consul, en passe de devenir empereur. Rencontre moins chaleureuse, nettement que la première. Vous allez le voir et qui sera du reste la dernière?
Un extrait de l'ouverture de la Cest de l'UDC Be English Baroque Solo était sous la direction de Sir Eliott Gardiner.
Franck Ferrand sur Radio Classique J'ai vu passer le jaune à la trappe. John Eliot Gardiner, bien entendu.
C'est donc l'ultime face à face entre Chateaubriand et Napoléon Bonaparte. On est le 18 mars 1804, aux portes de l'Empire.
Chateaubriand écrira dans les mémoires d'outre tombe. Il passait presque sans s'arrêter. À mesure qu'il s'approcha de moi, je fus frappé de l'altération de son visage. Ses joues étaient délavées et livide. Ses yeux à son train. Son teint pas lié, brouillé. Son air sombre, terrible. L'attrait qu'il m'avait précédemment poussé vers lui, c'est ça. Au lieu de rester sur son passage, je fis un mouvement afin de l'éviter. Il m'a jeté un regard comme pour chercher à me reconnaître, dirigea quelques pas vers moi, puis se détourna et s'éloigna.
Lui était apparu comme un avertissement. Oui, c'est dans la meilleure des hypothèses. Trois jours après cette rencontre, ce va être le drame. Vous savez, le duc d'Enghien est fusillé dans les fossés du château de Vincennes et Chateaubriand apprend cette exécution par les annonces d'un vendeur de journaux. Il rentre chez lui. Il écrit La fausse que vous venez de creuser à Vincennes sera désormais un obstacle infranchissable entre vous et moi. Vous pouvez tout. Il y a une chose que vous ne pouvez pas me compter au nombre des serviteurs de votre fortune.
En réalité, Chateaubriand écrit le lendemain à Talleyrand qu'il ne peut rejoindre sa fonction de la République du Valais parce que sa femme serait trop souffrante. Alexandre Duval Stalin, que j'ai toujours grand plaisir à citer dans son livre sur Chateaubriand, raconte.
Le livre s'appelle François-René de Chateaubriand Napoléon Bonaparte. Une histoire de gloire. Ce sont des portraits croisés, nous dit. Deux empires vont désormais s'affronter celui du verbe et celui de l'action. La gloire de l'un nourrit celle de l'autre. La légende du siècle s'écrit à deux sur deux rives opposées à la puissance. inquIete des armes, répond la force tranquille des mots. Sur un théâtre extérieur pour Napoléon et dans un exil intérieur pour Chateaubriand, François-René va démissionner de tout poste officiel et il va de nouveau rencontrer à partir de là des soucis financiers.
Il faut déménager, réduire son train de vie. Nous ne sommes là qu'au début de l'empire et vous avez bien compris qu'il n'y a plus de accointances avec le pouvoir en place et. Pour compenser, il va falloir écrire et écrire dans le Mercure de France. Chateaubriand va multiplier les diatribes à l'égard de l'empereur. Et comme il ne peut nommément attaquer Napoléon, eh bien il critique l'Empire romain. Comprenne qui pourra, évidemment. Napoléon est furieux. Il va supprimer d'ailleurs le mercure.
Chateaubriand va aller s'installer à la Vallée aux Loups, dans la région de Sceaux. Vous savez un peu d'espace entre Paris et lui? Il écrit. Si Napoléon en avait fini avec les rois, il n'en n'avait pas fini avec moi.
Franck Ferrand s'y Radio-Classique, position désormais totale entre l'empereur et l'écrivain.
Napoléon regrette cette dissension. Il ira jusqu'à dire J'ai pour moi la petite littérature et contre moi, la grande. Un jour, alors que circule la rumeur que Chateaubriand serait mort dans un naufrage durant un voyage qu'il faisait vers la Terre sainte. Napoléon dit à ses proches. Eh bien, est ce que cela vous réjouit? C'est cependant moins un homme qui faisait honneur à son pays et que c'est cependant pardon, du moins un homme qui faisait honneur à son pays et que je regrette.
Moi qui suis le seul qui ait lieu à s'en plaindre.
C'est tout le paradoxe de cet homme qui avait une très claire conscience des talents qu'il pouvait exister de son temps. Aussi bien l'empereur va t il chercher à se réconcilier avec Chateaubriand. En 1811, l'académicien Chénier vient à mourir. Chénier, le frère, si je puis dire. Napoléon se dit que c'est l'occasion. Chateaubriand va pouvoir soigner son beau discours de réception. Sauf qu'avant de le prononcer, il doit en soumettre une copie aux autorités qu'on va voir le grand tome corrigée de sa main.
La prose du grand écrivain et Napoléon est là, qui raye de nombreuses mentions. Chateaubriand s'insurge ça et là, déchiré, marqué, habito de parenthèses et de trace au crayon par Bonaparte, dit il. L'ongle du lion était enfoncé partout et j'avais une espèce de plaisir d'irritation à croire le sentir dans mon flan. Il est demandé à l'écrivain de rédiger un autre discours. Refus tout net, évidemment. Chateaubriand va devoir attendre la chute de l'Empire. Il va devoir attendre en 1814 le retour des Bourbons pour aller occuper son fauteuil à l'Académie.
Presque tout au long de sa vie, notre homme vivra comme ça dans la figure de l'opposant politique. C'est vrai qu'il va connaître une embellie avec la restauration, mais qui sera qui sera de courte durée? C'est un opposant néanmoins affable et léger, peut être même jusqu'à une forme inconsistance. ORMESSON Personne n'est plus simple, disait il de Chateaubriand, personne n'est plus honnête, plus transparent et peut être plus naïf que ce menteur et ce cachottier. Il finit par être désarmant à force d'inconstance et presque d'inconscience.
Il y a tout un côté débridé et rigueur chez ce conservateur engoncé et volontiers moralisateur. J'ajouterais chez cet acteur, chez cet observateur de l'histoire d'une histoire qui, à l'époque, était tellement mouvementée et passionnante. Citons une dernière fois le maître lui même. Je me suis rencontré entre les deux siècles comme au confluent de deux fleuves. J'ai plongé dans leurs eaux troublées, mais éloignons un regret du Vieux Rivage où j'étais né et nageant avec espérance vers la rive inconnue où vont aborder les générations nouvelles.
Merci à Jean-Baptiste Gallen, qui a préparé cette émission et bonjour à notre Christian Morin pour la dernière fois de la semaine. Bonjour Christian. Oui, parce que lundi, nous recommençons à nous retrouver. Bonjour mon cher Franck. Vous savez qu'aujourd'hui, on célèbre un anniversaire, celui du baptême de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, le 15 janvier 1622. J'ai noté cela, mais surtout, ça va très bien avec les propos que vous venez de tenir concernant Chateaubriand.
Si je vous disais, c'est une folie à nul autre, mon pardon, je reprends et c'est une folie à nulle autre seconde de vouloir se mêler, de corriger le monde et de l'actualité avant le nom, entre une entremise, entre deux scènes. Voilà donc que nous célébrerons en pensée ce baptême de Jean-Baptiste Poquelin que vous avez évoqué il y a quelques jours à lundi matin. Et je vous souhaite.