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L'intrigante Christophe Hondelatte. Il m'arrive parfois de penser que beaucoup d'affaires criminelles se ressemblent, mais pas celles d'aujourd'hui. Celle d'aujourd'hui est vraiment à part. Il s'agit de l'enquête sur le meurtre, en juillet 1991 à Clairac, dans le Lot et Garonne, d'une jeune fille de 18 ans qui s'appelait Caroline no Libé. C'est une enquête qui a duré dix ans et c'est un cas d'école, car elle cumule tous les défauts d'une mauvaise enquête à étudier dans les centres de formation de la gendarmerie et de la police.

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Le podcast est à votre disposition. Voici donc l'enquête sur le meurtre de Caroline Naud Libé que j'ai écrite avec Thomas Audouard. Réalisation Céline Braff.

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Repin, Christophe Hondelatte. C'est l'histoire d'une gamine de 18 ans que l'on retrouve mourante et finalement morte devant sa porte en soi. Caroline, nos libe, ce que je vais vous raconter maintenant. A ce stade, je ne sais pas si c'est la vérité. C'est ce que raconte le père Claude no Libé. C'est lui qui l'a découverte. Le 31 juillet 1991, le père est chez lui, à Clairac, dans le Lot et Garonne, et vers 23 heures, il entend des gémissements dehors.

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Au début, il croit que c'est le chien, d'autant plus qu'il est malade. Alors, il regarde par la fenêtre et il voit une masse sombre devant le portail de son pavillon. Il se dit le clébard, alors il sort et ça n'est pas à nos chiens. C'est sa fille Caroline qui est là, couchée sur le sol, face contre terre, la tête accrochée au portail par sa cravate qui s'approche. Caroline, il détache la cravate du barreau du portail.

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Il la retourne. Elle est couverte de sang, mais elle respire. Alors, il court à l'intérieur de la maison.

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Il veut appeler les secours, mais son téléphone est verrouillé. Il panique. Il essaye de le déverrouiller. Il n'y arrive pas. Alors il court chez son voisin.

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Il sonne. Claude Mais qu'est ce qui se passe? Je crois que je crois qu'on a tué ma fille.

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Le voisin, tout de suite, appelle un médecin et il va voir sur place et elle est là, couchée près du portail qui se penche et ne respire pleut. Le docteur arrive. Caroline est morte. Le voisin appelle tout de suite la mère Christiane. Les parents sont séparés et c'est le médecin qui appelle les gendarmes. Et quand ils arrivent, ils découvrent la scène de crime. Entre temps, le père a dépendu la gamine. Les gendarmes la trouvent couchée sur le dos.

[00:03:09]

A mon avis, là, tu vois la plaie sur le thorax. A mon avis, c'est un coup de couteau. Et puis là, les gendarmes se tournent vers le père. Libé, vous pouvez nous raconter dans quelles circonstances vous avez découvert le corps de votre fille.

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Il raconte. Il explique comment il a retrouvé sa fille vivante comme pendue au portail. Et puis les gendarmes font le tour de la scène de crime. Alentour, il n'y a pas d'arme du crime. Il n'y a pas de couteau et il n'y a pas non plus de traces de lutte. Mais là, près du portail, il y a une trace de semelle. Et puis quelques mégots près du corps. Le parapluie de Caroli, tout cela est saisi ou glissé dans des sachets plastiques pour le labo.

[00:04:06]

Je vous le dis tout de suite dans quelques heures, il va se mettre à pleuvoir. Il n'y aura rien d'autre à tirer de cette scène de crime. Et puis les gendarmes vont vers la maison des hommes à VUL sur le volet ras du sol. C'est un an une trace de sang sur le volet droit. Une fois à l'intérieur du sang, on trouve aussi sur le sol de la véranda, sur une table, sur un interrupteur et sur le téléphone.

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Les gendarmes se disent c'est le père, c'est le père couvert de sang qui a dû serrer sa fille contre lui et qui a mis du sang partout. Et comme il est là qui lui demande de confirmer le salat sur l'interrupteur. C'est vous qui l'avez mis. La réponse du père est confuse. Oui, peut être pas. C'est possible. Souviens plus. Et puis, ça se complique pour lui avec l'histoire du téléphone. Il dit que le téléphone était verrouillé et que dans la confusion, il n'est pas arrivé à le déverrouiller et que c'est pour ça qu'il est allé téléphoner chez nos voisins.

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Bon, en soi, ça n'a pas beaucoup d'intérêt. Mais le médecin qui prévient les gendarmes dit qu'il n'a eu aucun mal à téléphoner, qui n'a rien eu à déverrouiller. Bref, vous l'avez compris au tout début de cette histoire, le père est dans le collimateur. Je vous ai parlé des traces de sang sur le volet et du téléphone verrouillé qui ne l'était pas vraiment. Eh bien, il y a autre chose qui conduit à braquer les regards vers le père les clés, le trousseau de clés de Caroline.

[00:05:53]

Savez vous où on le retrouve sur la porte d'entrée, à l'intérieur? Monsieur Lilybée, comment se fait il que les clés de Caroline soient là et vous savez, les clés? D'habitude, on les met dans le sac à pain à l'extérieur, elles comme moi, en rentrant ce soir. J'ai dû me tromper. J'ai dû prendre son trousseau. Tout. Mouais, sauf que la mère, qui a vu Caroline en fin d'après midi, raconte une autre histoire.

[00:06:22]

Il est passé chez moi avant de rentrer chez son père. Et elle avait ses clés. Elle a posé son trou, sont sur la table en arrivant. En fait, je me souviens. Elle a un porte clés en forme de coeur.

[00:06:32]

Je le vois sur la table. Et alors, comment Clé se retrouve t elle sur la porte à l'intérieur? Pourquoi le père raconte t il cette histoire de sac à pain?

[00:06:50]

Le lendemain, le père est placé en garde à vue et lui, le naïf. Au début, il ne réalise pas qu'on le soupçonne. Et puis, les questions se font de plus en plus pressantes et il commence à comprendre que les gendarmes pensent qu'il a pu tuer sa fille, notamment à cause de cette histoire de clés. Et il comprend que les gendarmes se demandent si le meurtre de Caroline n'a pas eu lieu dans la maison. Et si ensuite, on n'a pas tiré le corps dehors.

[00:07:16]

Et qui est bien, lui, le père? Mais bon, il est tout de même relâché. N'empêche que Clairac est un petit village et les gens parce que le père était couvert de ça, oui, couvert de la tête aux pieds. A mon avis, c'est lui.

[00:07:49]

L'autopsie a lieu cinq jours après, je le sais, c'est beaucoup, mais on est en pleines vacances d'été. Le légiste étudie d'abord la plaie sur le thorax et il confirme que c'est un coup de couteau. Le couteau a sectionné une côte au passage. Il a perforé le péricarde et il a terminé sa course dans le ventricule droit du cœur sans le traverser. La plaie est perpendiculaire. Elle fait quatre centimètres de large. A mon avis, la mort n'a pas été instantanée.

[00:08:18]

Mais il est vraisemblable qu'elle soit survenue jeudi 10, 15 minutes après le coup de couteau. Ce n'est pas la seule plaie. Il y a aussi un coup sur la paupière supérieure gauche et un coup sur l'arête du nez, mais pas de signes de strangulation, pas non plus de signes de violences sexuelles. La toxicologie est négative. Ça veut dire que Caroline n'était pas droguée. Donc, on résume son agresseur la frappe bim bam! Et il lui plante son couteau dans le cœur.

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Qui qui est venu, seriné cette gamine sur le seuil de sa porte. Et pourquoi? Caroline était une enfant de Clairac, troisième d'une famille modeste. Le père est cariste en usine. La mère est ouvrière agricole. Les deux aînés ont quitté la maison. La mère, récemment, a refait sa vie et Caroline a fait le choix de rester vivre avec son père tout en restant très proche de sa mère. Elle la voyait presque tous les jours. A 18 ans, Caroline était devenue chez son père la femme de la maison.

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Elle faisait les courses, le ménage, les comptes. Elle travaillait à la chaîne, dans une usine de conditionnement de haricots verts. Un petit copain, non. Enfin, si elle en a eu deux, ces deux là, mais pas longtemps.

[00:09:41]

Rien de sérieux, alors on tente de reconstituer l'emploi du temps de Caroline durant la soirée du meurtre. Elle devait aller à une fête avec sa copine Valérie. Mais là, Valérie en question raconte qu'elle passe la chercher en début de soirée. Elle n'est pas là et le père ne sait pas où aller. Branchez vous voulez! Elle a dû aller dîner chez sa mère ou chez son copain à Albert. La copine Valérie part donc seule à la fête. Pendant ce temps là, Caroline est en effet chez son copain Albert et ils dînent ensemble vers 20 heures.

[00:10:25]

Le copain Albert raconte qu'à la fin du repas, il la ramène en mobylette chez sa mère. Il est alors 21h30 21h45. La mère confirme et elle dit qu'après. Vers 22 heures 10, Caroline rentre chez elle, enfin chez son père, à pied. Il lui faut dix minutes pour aller chez sa mère à chez son père. Elle arrive donc devant chez elle à 22 heures 20. Qui l'attend? Qui l'a suivi? A Clairac, il y a mille habitants.

[00:11:03]

Mettez vous à la place des gens. Le père a été placé en garde à vue, pas simplement interrogé en garde à vue. Il n'y a pas de fumée sans feu. Ils n'ont pas fait ça pour rien et patati patata. C'est un village qui s'est mis dans la tête que Claude Nobs Libé avait tué sa fille Caroline et qu'il n'est pas près de l'enlever de la tête.

[00:11:32]

Mais je voulais aider les gens de Clairac, pas tous, mais beaucoup se disent il n'y a pas de fumée sans feu. Il n'est pas blanc blanc, le papa et à la moulinette de la rumeur. La pauvre Caroline en prend aussi pour son grade. Et de fréquenter les Vittore pense aussi Tiji. Il était tout le temps drogué. Je vous l'assure, la Carolina. C'est ce qu'on appelle une figure facile. Vous voyez quoi? Il y en a même qui disent qu'elles se prostituer.

[00:12:03]

Et d'autres, tenez vous bien qu'elle entretenait avec son père une relation incestueuse? Non. L'idée? Il a perdu sa deuxième femme et les gendarmes. Ça tombe bien, ils sont obligés de le vérifier. Je vous le dis tout de suite pour ne pas salir plus longtemps la mémoire de la pauvre Caroline. Tout cela est faux et archi faux.

[00:12:28]

Les obsèques de Caroline ont lieu le 7 août à l'église de Clairac. Tout le village est là, y compris les langues depute et bien sûr, les gendarmes sont là aussi et à l'église et ensuite au cimetière, ils observent les uns et les autres et surtout le père, parce que dans leur tête, deux gendarmes comme dans celle du patron de l'enquête, le procureur de la République de Marmande, c'est lui. Ils n'ont pas encore de preuves, pas assez d'arguments pour le coffret, mais c'est lui.

[00:13:00]

Valérie, l'amie de Caroline qui est venu la chercher le soir du meurtre et réinterroger les gendarmes, veulent mettre au clair cette histoire de clés.

[00:13:09]

Quand vous êtes venu la chercher, vous vous souvenez? C'est qu'il y avait des clés sur la serrure de la porte d'entrée. Oui, oui, il y avait bien des clés. Et tu sauras reconnaître le trousseau de clés qui était à ce moment là sur la cellule. Ah oui, ce que je peux vous dire, c'est que ce n'était pas avec l'aide de Caroline. Intéressant en début de soirée, donc, le trousseau du père serait sur la porte et en fin de soirée, après le meurtre, ce serait celui de Caroline qui aurait pu jouer à cet étrange changement de clé, si ce n'est le père.

[00:13:43]

Alors, le 12 août, le père est à nouveau placé en garde à vue. On est en 1991 et il n'est pas prévu d'avocat. Les gendarmes la joue donc à l'ancienne. Ils veulent le faire craquer, faute de preuves. Ils veulent des aveux. Alors, au début de la garde à vue, il trace un cercle au sol à la craie et ils mettent Claude Nobs Libé au milieu. Bien, vous avez interdiction de sortir de ce cercle.

[00:14:10]

On est en plein mois d'août et il fait chaud. Je pourrais avoir à boire s'il vous plaît. Un gendarme se lève, va remplir un verre d'eau et il le pose à l'extrémité de la table. Tu auras ton verre d'eau quand tu nous aura dit enfin la vérité. Mais lui, lui reste droit dans ses bottes. Vous faire, je n'ai pas tué. Caroli n'aurait même pas eu l'idée.

[00:14:46]

Et pendant toute la durée de sa garde à vue, il ne bouge pas et à la fin, alors qu'il n'a rien avoué et qu'il n'y a aucune preuve, il est déféré devant le juge d'instruction et inculpé de meurtre. Et tant qu'à faire, écroué. Le 16 août, le juge ordonne une nouvelle perquisition de la maison. Pour l'occasion, les gendarmes ont cherché Claude no Libé et ils le sortent de sa cellule. Et sur la route de Clairac, ils sont commandés, un peu déroutés par son comportement.

[00:15:21]

Il y a de quoi. Le père est d'humeur badine. Il plaisante avec eux. Il leur raconte même une blague. Ça n'arrange pas ses affaires. Dans la maison, les gendarmes découvrent de nouvelles traces de sang, notamment une trace dans l'évier et dans la chambre de Caroline. Ils tombent sur des vêtements encore tachés de sang, mais qui ont manifestement été lavés. Et ça non plus. Ça n'arrange pas les affaires du père.

[00:15:59]

Le juge missionne l'un des papes de la police scientifique de l'époque, Louis Le Ribaud, qui rend son rapport le 18 août, rapporte dans lequel il relève un certain nombre de points.

[00:16:14]

Le père dit qu'il a dépendu le corps de sa fille et qu'il l'a retournée. Alors pourquoi le cadavre? Quand les gendarmes le découvrent, a t il les jambes croisées? Deuxième bizarrerie. L'expert a examiné les gicleur de sang sur le pantalon du père. Ça ne colle pas du tout avec ce qu'il dit avoir fait. Troisième étrangeté. Pourquoi a t il du sang de sa fille partout sur le bas du corps et pas sur le torse? Enfin, dernier point inexplicable, vous vous souvenez qu'on a retrouvé du sang sur le volet droit près de l'entrée?

[00:16:50]

Le père dit qu'il a peut être fait ça avec sa main. Or, il n'y a pas d'empreintes dans cette tache de sang. Il n'y a pas de traces de doigts. Cette tache semble avoir été faite par une surface lisse. Pourquoi pas la veste en cuir de Caroline? Ce qui voudrait dire que Caroline entre dans la maison avant d'être assassiné. Donc, tout ça est accablant pour Claude Nobs, Libé qui essaye de s'expliquer, mais enfin le son sur mon pantalon, c'est quand je me suis penché sur elle pour écouter son coeur, pour voir si elle était vivante.

[00:17:35]

J'ai la trace de sang lisse sur le volet, ce qu'on ne peut pas imaginer que elle est agressée près de la porte. Et puis qu'après coup, elle s'appuie sur le volet et qu'ensuite, elle revienne vers le portail pour s'écrouler. C'est possible, non? À son avocat, qui s'étonne de le voir aussi serein en prison, Claude, nos libertés. Pourquoi est ce que j'ai eu le riz, que je suis innocent? Ils sont savants et ils vont bien finir par se rendre compte que ce n'est pas moi le coupable.

[00:18:10]

Le 16 septembre, un mois et demi après le meurtre. Nouvelle reconstitution devant la maison où est placé dans la position du corps de Caroline un mannequin couvert de sauce tomate. Claude Nobs Libé. Là, on lui demande de rejouer les gestes qu'il a accompli la nuit de la mort de sa fille. Ça dure sept heures et à un moment, la juge demande à Claude Nocibé de se saisir du mannequin comme il a saisi sa fille. Et là, il craque.

[00:18:39]

Non, non, ça, vous me le ferait jamais faire. Silence dans la petite troupe de juges, de gendarmes, d'avocats et d'experts réunis autour de lui. Mais à partir de là, la juge se laisse gagner par le doute. Et le 27 septembre, contre l'avis du procureur, elle décide de libérer Claude Nocibé sans pour autant décréter un non-lieu. Ils restent inculpés, mais libre. Il est temps de s'intéresser à une question, une seule pour quelles raisons?

[00:19:20]

Quel mobile le père aurait été tué? Sa fille Caroline. D'après l'expert psychiatre Claude Nobs, Libé entretenait une relation fusionnelle avec elle, fusionnelle. Une relation de quasi dépendance qui peut s'expliquer par son histoire personnelle. Né en 39 à Clairac, dans une famille de six enfants, Claude Naud Libé a perdu sa maman quand il avait 9 ans. Il a été élevé par ses soeurs et ensuite ses frères et ses sœurs sont morts les uns après les autres. Et puis, son couple a volé en éclats.

[00:19:54]

Il ne lui restait plus que Caroline. Ça explique la puissance des liens qu'il avait avec elle. Tous ces racontars de village ne sont que des sornettes. Oui, Caroline avait de l'ascendant sur son père. Oui, elle jouait à la fois à la mère et à la fille. Oui, elle n'aimait pas qu'une femme s'approche un peu trop près de son papa. Mais c'était tout de même une belle relation père fille. À partir de l'automne 1991, il ne se passe plus rien dans cette enquête.

[00:20:32]

Le père reste inculpé, mais libre. Aucun nouvel élément ne vient nourrir le dossier. Et les années passent quatre ans et a un moment donné, la juge doit faire un choix ou elle décrète un non-lieu. Le meurtre de Caroline restera non résolu ou bien le renvoi le père devant la cour d'assises.

[00:20:51]

Elle décide d'une troisième voie. Elle décide de relancer l'enquête. Une nouvelle équipe de gendarmes est nommée, qui pointe tout de suite une lacune. À 600 mètres de chez Claude Nobs, Libé se trouve un nid émeus, un institut médico éducatif qui accueille des adultes handicapés mentaux, en rentrant chez sa mère le soir du meurtre. Caroline est forcément passée devant. Comment se fait il qu'on n'ait pas exploré cette piste à l'époque? Alors, on le fait. Quatre ans après, les gendarmes débarquent Ali Émeus et réclament la liste des résidents de l'époque.

[00:21:29]

Ils étaient cinq à dormir sur place le soir du meurtre. Les cinq noms sont passés au fichier. Aucun n'a de casier judiciaire et la piste est refermée.

[00:21:49]

Et à nouveau sur la liste des suspects, il ne reste plus que le père, le père qui a perdu tous ses amis, le père à qui plus personne ne parle, le père qui est montré du doigt dans tout le village et qui, à un moment donné, est désespéré, finit par écrire au président de la République. Il va lui falloir deux ans de plus 1997 pour qu'enfin on prononce à son endroit un non-lieu pour insuffisance de charges. Il n'y en a aucune en vérité au dossier qui accuse le père.

[00:22:23]

Mais comme le meurtre en reste non élucidé, les gens continuent de penser que c'est lui. Et donc, finalement, il est obligé de quitter Clairac, où pourtant il est né.

[00:22:41]

Cette affaire serait sans doute restés impunis s'il n'y avait eu un coup de chance en mai 2011. Dix ans après le meurtre, une femme de ménage de l'Institut médico éducatif trouve sous un lit un petit bout de papier plié. Elle le déplie dessus. Il est écrit Je suis l'assassin de Caroline au Libé. Alors, elle le transmet immédiatement à la direction de l'institut, qui prévient tout de suite les gendarmes. Et à partir de là, ça devient compliqué. La chambre où on a découvert le petit mot est occupée par un pensionnaire de 38 ans qui s'appelle Philippe N.12.

[00:23:17]

C'est un peu le chouchou du foyer. Il est poli, attentionné, assez courtois. On s'aperçoit d'ailleurs au passage que son nom ne figurait pas sur la liste donnée en 1995, quand les gendarmes se sont brièvement intéressés à la piste de l'IME. On l'avait oublié. Bon.

[00:23:42]

Le problème avec Philippe Grindhouse, c'est qu'il a ses temps mental et il est placé là depuis 20 ans, depuis ses 17 ans, et il ne pose 17 éducateurs, aucun souci particulier. Ils disent même qu'il n'est pas loin de pouvoir vivre de manière autonome dans un foyer ouvert. Il travaille d'ailleurs au sein de l'Institut et il a une amoureuse, une pensionnaire de l'IME. Mais quand on passe son nom au fichier, on s'aperçoit que Philippe Grindhouse a un passé en 1985, soit six ans avant le meurtre de Caroline.

[00:24:18]

Il a agressé une jeune fille avec un couteau. Ça s'est passé à Saint Livradois, tout près de Clairac. Philippe Grindhouse suit une jeune fille de 17 ans qu'il trouve jolie. Il a un couteau et il saute sur elle pour la violer. Elle se débat. Il la poignarde au ventre et il s'enfuit en raison de son handicap mental. Il est déclaré irresponsable pénalement. Il est interné en hôpital psychiatrique. Et puis, quelques mois plus tard, il ressort de l'hôpital et il retrouve sa place.

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Ali Emeutes de Clairac.

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Ce qui est étrange, c'est qu'en 1991, quand Caroline est assassinée, personne ne pense à lui. Il faut dire qu'elle meurt le 31 juillet et que l'IEM ferme ses portes pour les vacances le 1er août et au retour des vacances. La vie reprend tranquillement et les gendarmes, obsédés par le père, ne vont pas plus loin. Alors, est ce que c'est lui? Est ce que c'est Philippe Grindhouse qui a poignardé Caroline? Le 30 mai 2001, dix ans après le meurtre de Caroline, les gendarmes débarquent dans la chambre de Philippe Grindhouse pour une perquisition.

[00:25:35]

Quand il les voit, il se redresse sur son lit et il crie J'ai deux personnes.

[00:25:40]

Mais dans sa chambre, on trouve une sorte de journal de bord que les gendarmes feuillettent immédiatement et entite 992. Il écrit la finaud Libé est morte. Elle s'est fait assassiner, tuer la prochaine liste que je dois tuer. Liste que je dois agresser. Et dans sa chambre, on trouve aussi trois couteaux et un gant sectionné au poignet. Philippe Grindhouse est immédiatement placé en garde à vue et il dit les choses le plus simplement du monde. J'ai noté la vérité sur le papier et après, il désigne le couteau qu'il a utilisé, un Opinel, et il explique que Le Guen lui a servi à masquer les empreintes.

[00:26:23]

Je voyais passer tous les jours devant Machelon. Je la trouve jolie. Alors, il la suit, il la rattrape, il la poignarde d'abord au cou et elle lui dit Mais qu'est ce que je t'ai fait? Et lui, il lui plante son couteau dans le coeur. A l'issue de son interrogatoire, Philippe Grindhouse est présenté aux juges mis en examen et écroué. Quelques semaines plus tard a lieu une reconstitution, il se prête au jeu. Mais trois mois plus tard, il se rétracte.

[00:27:05]

Peu importe le juge, le renvoi devant la cour d'assises du Lot et Garonne est là, évidemment, se pose la question de sa responsabilité. Son retard mental peut il lui éviter les assises? On sollicite trois experts psychiatres. Le premier dit qu'il est accessible à la sanction et qu'on peut le juger. Le deuxième dit tout l'inverse et le déclare irresponsable. Et le troisième, comme le premier, propose de le juger en tenant compte de l'altération de son discernement.

[00:27:43]

C'est finalement la solution qui est retenue. Philippe Grindhouse comparaît devant les Assises d'argent le 10 janvier 2004 et se retrouve dans le box un peu déconnecté. Souriant, l'air pas inquiet. De toute façon, il est innocent. La est là pas. Tu leur. On fait venir à la barre sa victime de 1985 ce jour là. J'ai cru mourir. Le personnel de l'Institut médico éducatif vient dire qu'il était le plus doux du centre et à la fin, il se passe quelque chose d'extrêmement rare.

[00:28:31]

Le père de Caroline est là, bien sûr. Pendant dix ans, il a fait office de suspect. Il est fatigué, il est malade, il est au bout du rouleau et l'avocat général s'adresse à lui. Monsieur Quolibet. Je vous présente ici les excuses de la justice française. Au nom de tout ce que vous avez subi. Et ensuite, il prononce ses réquisitions à l'encontre de Philippe Grindhouse. Je rappelle ici que les faits. Justifierait une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.

[00:29:07]

N'est ce pas? Mais bien entendu, nous tiendrons compte des déficiences de l'accusé. Je vous demande donc qu'il soit condamné à une peine de 13 à 15 années de détention.

[00:29:24]

La défense, bien entendu, plaide l'acquittement au titre du handicap mental. Et finalement, Philippe Guindo est condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Il ne fait pas appel. Pour avoir été injustement accusé et incarcéré, Claude Nobs Libé, le père au bout du rouleau, obtient 50 000 euros d'indemnisation. C'est le prix d'une vie détruite et de dix années de soupçons sans preuve.

[00:29:58]

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