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La seconde Christa Sandalettes Comment ça marche? Un avocat? Comment choisir ses dossiers? Pourquoi accepte t il de défendre ce que l'opinion publique appelle des monstres? Dans un livre qui paraît chez Plon et qui s'appelle Soit je gagne, soit j'apprends, l'avocat Alain Jakubowicz raconte dans quelles circonstances et avec quel état d'âme il est devenu en 2017 l'avocat de Nordin Le Lenders, l'assassin présumé de la petite milice et du caporal Noyez. C'est une histoire absolument passionnante que je vais vous raconter en deux épisodes.

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J'aurais voulu, évidemment, qu'il débriefe lui même cette histoire, mais dans la perspective du procès qui s'annonce, il a choisi le silence absolu et c'est lui même qui m'a proposé de débriefer son histoire avec un autre ténor du barreau de Lyon, maître François Saint-Pierre, que je prends pour l'un des meilleurs avocats pénalistes du moment. Voici le premier épisode réalisation signée Céline Bras.

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Christophe Hondelatte. Tu ne devrais pas raconter ça là bas, pourquoi pas des coups à prendre? Quoi que tu dis, ça te sera reproché. Et puis, on ne parle pas d'un dossier avant qu'il soit jugé. Ce n'est pas ce que tu reproches à La Presse, mais je n'ai pas l'intention de parler du dossier.

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Je veux parler du rôle de l'avocat. Je veux rétablir certaines vérités. Je veux expliquer, pas pas m'expliquez, expliquer.

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Et pourquoi pas ce que les gens m'ont écrit des horreurs depuis que j'ai accepté de défendre le landré des messages du genre. Je vous souhaite le pire. Vous et votre famille ou va mourir en enfer avec lui, gros bâtard ou ou je vous souhaite de mourir d'un cancer généralisé et même gens que ta mère. Enfin, comment est ce qu'on peut méconnaître à ce point le rôle de l'avocat?

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Pour moi, cette histoire commence banalement par un coup de téléphone, un après midi de septembre 2017, d'un homme que j'ai récemment fait acquitter devant la cour d'assises.

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Ça va que vous avez entendu parler de la disparition de la petite Maïlys pendant un mariage? Bah voilà, je suis chez les parents de celui qui vient d'être arrêté pour ça. Je ne veux pas que sa mère. Et il me passe sa mère. Elle veut que je sois l'avocat de son fils. Je lui donne rendez vous à ce stade, je n'ai pris aucune décision et de toute façon, je ne peux pas prendre ce dossier d'abord sans avoir rencontré l'intéressé et surtout sans en avoir parlé ou associé du cabinet au cabinet de sensuellement un cabinet de droit des affaires.

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Je ne peux pas accepter un dossier aussi sensible et médiatique sans tenir compte de l'impact que cela aura sur nos clients qui, pour la plupart, sont des chefs d'entreprise.

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J'organise une réunion interne et c'est ma fille associée dans le cabinet qui intervient la première, je te rappelle que tu as une petite fille qui a le même âge que Maïlys quand même.

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Où ça, ça fait mal?

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Non, je n'ai pas oublié. Enfin, il faut quand même réfléchir à ce que nos clients peuvent penser de ton intervention dans une telle affaire, non? D'accord, mais je te rappelle qu'on est avocat. Par ailleurs, le suspect clame son innocence. Ça reste à prouver.

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Mais bon, puisque tout le sont, mes associés ont peur, mais ils me font confiance, ils me connaissent. Il subodore que j'ai déjà pris ma décision. Mais pourquoi est ce que j'ai choisi de défendre cet homme? Est ce que c'est parce que me remonte le démon qui travaillent tous les avocats, seul contre tous? Plus le crime est horrible, plus la tâche est difficile et plus difficile, plus elle est exaltante.

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Je rencontre Nordin, Hollandais pour la première fois le 15 septembre 2017 au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier. Pas au parloir. Avocat. Les détenus savent qu'il est là et c'est un monde qui a sa propre moralité. Et voyez vous, vous êtes un escroc, trafiquant de drogue, braqueur, voire assassin. Vous êtes accepté, sinon à respecter. Mais si vous êtes pointeurs, comme ils disent, si vous êtes accusés d'avoir commis un crime à caractère sexuel, alors malheur à vous est donc normal.

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Le Länders est déjà devenu leur tête de Turc. Pour sa sécurité, il ne peut plus croiser personne dans la prison. Résultat il va être mis au quartier d'isolement, la prison dont la prison, là où on place les récalcitrants.

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En attendant maître, vous pourrez le voir dans une salle de quartier. Je me suis préparé à cette rencontre. Je ne sais pas ce qu'il va me dire, ni même s'il va me parler, mais s'il me dit qu'il est pour quelque chose dans la disparition de ma liste, je l'exhorte de le dire au juge d'instruction pour qu'on la retrouve, pour qu'on mette un terme au calvaire des parents. En revanche, s'il me dit je refuse que vous en parlez aux magistrats, alors je serai prisonnier, car mon serment d'avocat m'impose le silence.

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Ça me tente, ça. Je ne me sens pas capable de plaider l'acquittement d'un homme que je sais coupable.

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Le mieux serait qu'il me le dise pas hypocritement. Faut que tu sois solide. Pour que tu sois solide, pour que tu sois professionnel. Quand la porte s'ouvre, je vois un homme massif qui ressemble aux photos parues dans la Presse.

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L'air abruti en moi, la poignée de main est ferme et franche.

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Asseyez vous, je vous prie. Il a l'air accablé, les yeux tombant. Il me fait penser à Droopy. Je ne peux pas vous dire totalement ce qu'on s'est dit. Ça appartient à la confidentialité de l'échange entre un avocat et son client. C'est sacré, ça. Et puis, il y a le secret de l'instruction. Là, je marche sur le fil du rasoir. Peut être que vous pouvez commencer par me parler de la nuit, du drame, de tout ce qui vous est reproché, des éléments qui sont parus dans La Presse.

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Allez! Je vous écoute, je ris. En fait, moi. Je suis totalement étranger à la disparition de Maïlys, vous croyez moi, mon rôle n'est pas de le croire ou de ne pas le croire. Je dois juste prendre acte de la ligne de défense qu'il me fixe. Il dit qu'il est innocent. Bon. Et maintenant, est ce que cette ligne est tenable? Pour répondre, il faut que je lise le dossier et pour le lire, il faut que j'accepte d'être son avocat.

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Je pourrais toujours me retirer si le dossier est accablant. Enfin, je pourrais me retirer tant que le fait que je sois son avocat n'est pas encore publique. Pour l'instant, la presse n'est pas au courant. En revanche, dès que ce sera rendu public, si je me retire, ça sera interprété comme un aveu, un aveu qu'à mon avis, il est coupable. Il faut que ça reste secret le plus longtemps possible, le temps que je lis le dossier.

[00:07:44]

Le secret tient moins de 10 ans. Le 24 septembre, La Presse annonce que je suis le nouvel avocat de Normal le l'ondée et moi, je choisis le silence. Je retourne le voir à la prison de Saint-Quentin-Fallavier dès le lendemain, le 25 septembre.

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Bonjour maître, je vais vous emmener voir votre client. Bon, on l'a installé dans le quartier d'isolement. Vous acceptez. C'est à dire qu'on pourrait le faire venir au parloir. Avocat, mais faudrait qu'on bloque la circulation dans l'établissement. On aimerait pouvoir s'en passer.

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Ouais, d'accord, d'accord, ça ne me pose aucun problème. Mais je vous le dis tout de suite, je ne veux pas le voir dans sa cellule. La cellule, c'est trop intime. Bon, vraiment bon. D'accord, on va vous le mettre dans une petite salle du quartier disciplinaire. Je ne veux pas le voir dans son intimité, mais je suis depuis qu'il a recouvert les murs de sa cellule d'images de moto qui l'a placé dans un coin.

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Une photo de son père, sa mère, de son frère, de sa sœur et de son neveu et une autre photo de ses chiens. Me voilà donc en route pour le quartier d'isolement et au passage, quelques mode aux détenus que je connais, à savoir un avocat bien séparé. Vous savez, la détention de autre client ne se passe pas très bien.

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Ses voisins de cellule l'insultent toute la nuit en poussant des hurlements. Mais vous ne pouvez pas faire quelque chose. Ce que vous voulez qu'on fasse? Pas grand chose à faire. Bonjour monsieur Lelandais, comment ça va? Je n'ai pas beaucoup dormi à cause des hurlements des autres. Et puis il y a le surveillant qui ouvrait la porte toutes les demi heures pour vérifier que je ne me suis pas suicidé. J'arrive pas à dormir. Je crois bien que c'est à cette occasion, cette deuxième visite, que je commence à me tutoyer.

[00:10:00]

A ma grande surprise, d'ailleurs, je n'ai pas le tutoiement facile. Je vous vois certains de mes associés depuis des décennies et d'ailleurs, je n'aime pas non plus que l'on me tutoie. Mais concernant le lenders, ça me vient de manière naturelle. Ni par sympathie ni par mépris. Je trouve simplement grotesque de vous voyez. Il est indispensable que je parvienne, malgré les difficultés, à nouer avec lui une relation de confiance mutuelle. Sans cela, le binôme avocat client ne peut pas fonctionner.

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En nous plongeant dans le dossier avec mes collaborateurs, nous tombons tout de suite sur une irrégularité de procédure. Elle saute aux yeux, je vous explique. En matière criminelle, la loi fait obligation de filmer les interrogatoires de la personne gardée à vue. L'obligation et les quatre premières heures de l'audition de Nordin Le L'ondée n'ont pas été filmés et donc les PV d'interrogatoire sont nuls. Je suis avocat, je n'ai pas le choix. Je dois déposer une requête en nullité.

[00:11:13]

Ce que je fais le 30 octobre sans en parler à personne. Décision le 30 novembre. Et, hasard du calendrier, c'est ce jour là, le 30 novembre, que, pour la première fois depuis qu'il est en prison, Nordin Le Landais est convoqué par la juge d'instruction. Je suis donc en route pour le palais de justice avec ma collaboratrice. Il y a de nouveau une chaîne de télé, annonce le Lenders a été filmé par une caméra de surveillance à Pont de Bonvoisin.

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A l'heure de la disparition de Maïlys Ilija, on sait que sur les images, dans la voiture, on distingue une petite forme blanche qui pourrait être une petite fille. Ce n'est pas bon pour lui. Et comme par hasard, ça sort aujourd'hui. Coincidence sans doute, ou plus sûrement, quelqu'un proche de l'enquête a donné cette information à cette chaîne de télé en violation du secret de l'instruction. Et la chaîne en fait ses choux gras. Je vous le dis, elle va même jusqu'à diffuser une reconstitution de l'image supposée montrer cette forme blanche.

[00:12:39]

Pas la vraie image, une image inventée par eux. Selon l'idée qu'ils se font des vraies images sans les avoir vus. Ma collaboratrice et moi, ça nous laisse sans voix.

[00:12:56]

En arrivant au palais, j'apprends que la chambre de l'instruction a annulé les PV d'audition.

[00:13:02]

C'est normal, c'est la loi. Et ensuite commence l'interrogatoire.

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Il dure toute la journée. Secret d'instruction. Je ne peux rien vous dire à ce sujet.

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En revanche, en sortant le soir, j'apprends que le procureur donne une conférence de presse diffusée en direct. Elle dure 22 minutes.

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La disparition de Marie-Lys a été fixée à 2 heures 45 à 12h46 et 12 secondes. Monsieur Lelandais mettait son téléphone en mode avion. À 12h47, son véhicule est filmé par une caméra de vidéosurveillance du centre ville de Pont de Beauvoisin à l'avant du véhicule. Une silhouette frêle de petite taille, qui est vêtue d'une robe blanche se trouve sur le siège passager avant un trois heures 24 et 29 secondes. Le véhicule est de nouveau filmé en sens inverse par cette caméra vidéo dans le sens du retour.

[00:14:13]

Le conducteur est alors seul dans la voiture.

[00:14:20]

L'article 11 du Code de procédure pénale dit que le procureur peut rendre public certains éléments de la procédure Milas. Enfin, il fait une lecture subjective de l'affaire. C'est une atteinte à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. Le procureur dit que la disparition de l'enfant est survenue à deux heures 45 du matin. Mais il y a des témoignages qui disent je les ai vus dans le dossier. A été vu au mariage après deux heures 45. Par ailleurs, les vidéos que nous avons vu ne montrent absolument pas dans la voiture une silhouette frêle vêtue d'une robe blanche.

[00:14:58]

On les voit même pas un humain, encore moins. Une fillette n'est pas non plus de robe blanche. La mise en condition du public et des futurs jurés a commencé du fait du procureur et à partir de là, les réseaux sociaux se déchaînent et des spécialistes se succèdent sur les plateaux pour parler d'un interrogatoire auquel ils n'ont pas assisté et d'une vidéo qu'ils n'ont pas vu. Le tout agrémenté d'images reconstituées, sans jamais se demander si elles correspondent à la réalité.

[00:15:33]

Le curé et pour moi, l'abyssin, le sentiment d'une impuissance. Mais est ce que pour autant, je dois parler? On me sollicite. Bien sûr, je choisis de réagir sur une seule chaîne, celle qui diffuse cette vidéo parce que j'y connais une journaliste et que je la respecte. Et bien sûr, en début d'interview, elle diffuse un extrait de la conférence de presse du procureur.

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L'enfant enlevé 12h46 12h47 téléphonaient sur le mode avion et votre client reviendrait seul à 3 heures 24. Mariage et oui. Ça, c'est l'interprétation qui a été donnée qui a été jeté en pâture aux Français. Il n'y a qu'à voir les titres le lendemain, les preuves accablantes Norden le Hollandais est coupable. Il ne reste plus finalement qu'à appuyer sur un bouton pour qu'il soit condamné. Ce n'est pas le dossier. Qu'est ce que vous avez différent? Ce n'est pas le dossier.

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Et je vous le dis les yeux dans les yeux. Je le dis à toutes les personnes qui nous entendent et qui nous écoutent, ce n'est pas le dossier.

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Je dis aussi que des témoins ont vu la petite fille dans la salle à 3 heures du matin et haussent le ton. Et je marque mon indignation. Oui, je m'indigne du procédé qui consiste à reconstituer une image en laissant croire qu'elle est issue du dossier. Oui, je dis qu'il est impossible de voir dans cette silhouette un enfant en robe blanche. C'était la réalité. On me l'a reproché tout ça, et on va opposer la triste réalité qui apparaîtra dans quelques mois.

[00:17:05]

Mais ce jour là, c'est ce que j'ai vu sur cette vidéo.

[00:17:10]

La vraie.

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Evidemment, je parle de tout ça avec Norden, le Länders, même si sa mère m'a prévenu vous savez, il parle pas beaucoup à un organe.

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Et les médicaments qu'on lui donne en détention n'arrangent rien. Le passé accablé, résigné, très loin de la tête brûlée que décrivent les médias, alors qu'un homme qui se dit innocent devrait se révolter, s'indigner. Et moi, je me demande qui il est, ce qu'il est le garçon respectueux qui n'a aucun problème avec les surveillants de la prison? Celui qui répond à la juge d'instruction par oui, madame, non, madame, poliment. Ou alors, est ce le marginal inquiétant, le fêtard violent dont parle la presse?

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Qui manipule qui?

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C'est avec son accord, bien sûr, que j'ai rompu le silence et que je suis allé à la télé.

[00:18:20]

Pas de problème à être faite comme il faut, alors qu'à ce moment là, il savait que c'était bien sa voiture, qu'on voyait sur la vidéo et que c'était bien Maïlys qui était sur le siège passager. Il aurait pu me le dire, n'y allez pas mettre. Le procureur a raison. Il m'a laissé aller à Canossa, comme on dit. Il m'a laissé aller m'humilier devant l'ennemi.

[00:18:44]

Mais moi, j'étais son avocat et j'ai fait ce que je devais faire à ce moment là.

[00:18:57]

C'est également avec son accord qu'ensuite je retourne au silence, mais je crois que c'est mieux qu'on parle, pas de moi. C'est pour ma famille. Et oui, son père a été violemment pris à partie alors qu'il faisait ses courses au supermarché. Son frère ne trouve plus de travail à cause de son nom. Sa soeur a été menacée et sa mère, victime d'un accident, a dû se faire hospitaliser sous son nom de jeune fille.

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Je leur recommande d'ailleurs de ne plus parler aux médias, mais régulièrement, ils se font piéger.

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En vérité, Nord le Lenders m'apparaît comme une sorte de paumé, fruit de notre époque et de notre société qui ne s'intéresse qu'à ses chiens et à ses motos et à rien d'autre. Il a 34 ans et tout ce qu'il a fait est chou et ces chiens sont ses seuls compagnons. Il a tenté de vivre avec des femmes, mais ça n'a pas marché. Et son travail? Il a dû retourner chez papa, maman et ses relations sociales se résume à la recherche de partenaires sexuels sur les réseaux sociaux.

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J'avoue que je suis effaré par le nombre de rencontres qu'il a collectionner comme ça en quelques clics, pour se retrouver dans une voiture avec une femme dont il connaît à peine le prénom. Il allait à ses rendez vous, comme d'autres vont à la pêche ou au foot. J'ai parlé de ça avec lui.

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Nordin. T'as connu le plaisir de ce qu'on appelle la séduction. J'ai vite compris que c'est un langage qui ne comprend pas d'inconnue. Je ne sais pas, moi. Le dialogue, le partage, la galanterie, l'attente, le désir, le respect. Tout ça, pour lui, c'est un concept 25. La journaliste qui m'a interrogé à la télévision m'a demandé pourquoi, du coup, je n'ai pas demandé la remise en liberté de mon client puisque, selon moi, la thèse de l'accusation ne tient pas.

[00:21:11]

Et d'ailleurs, lui même, au début, m'a demandé si c'était possible. Maître Pichu innocent, vous croyez pas que c'est possible? Soit libéré? Non? Non. Honnêtement, je ne crois pas que ce soit envisageable à ce moment là. Il y avait trop d'indices contre lui demander.

[00:21:32]

Sa mise en liberté était vouée à l'échec et inopportun. Mais là, la prise de parole du procureur change tout. Il dit que Maïlys a disparu à deux heures 45. Mais au vu des témoignages, ça ne tient pas. Et puis, si Maïlys a été vu sur le lieu du mariage à heures, elle ne pouvait pas se retrouver dans la voiture de Nordin Le L'ondée, à 12h47. Les accusations du procureur s'effondrent et d'un coup, tout le reste devient accessoire.

[00:22:05]

Donc, nous nous attendons à une demande de mise en liberté en démontrant qu'il est possible que Maïlys ait disparu à 12h45. Sauf à imaginer que les témoins mentent, qu'ils se trompent, ce qui est improbable. Cela dit, je ne veux pas faire cette demande pendant les fêtes de Noël. Ça serait trop douloureux pour la famille de Maïlys. Alors j'attends début janvier et je dépose ma demande. Et comme je m'y attendais, c'est reçu comme un sacrilège. Mais ma réponse, c'est le dossier, tout le dossier que le dossier.

[00:22:51]

L'audience est fixée au 8 février.

[00:22:53]

J'ai demandé que Nordin le l'ondée soit présent. Je veux que les magistrats et mon confrère de la partie civile le voient et je veux aussi que lui entende la parole de l'avocat général et de l'avocat des parents de Maïlys. L'audience est digne. Bien sûr, je ne m'attends pas à ce qu'on me donne raison, mais je veux prendre date. Je veux, comme Jacques bienveillant, remettre l'église au milieu du village, même si, entre temps, il y a eu de nouveaux.

[00:23:28]

La suite dans le deuxième épisode qui sera diffusé demain. Alors, bien sûr, j'aurais adoré débriefer cette histoire avec maître chaque Bouvy lui même qui a donc écrit ce livre, soit je gagne, soit j'opère qui paraît chez Plon, dont j'ai tiré cette histoire. Mais dans la perspective du procès, le Landais qui aura sans doute lieu au printemps prochain. Il a choisi le silence absolu et il vous a choisi, vous, de mettre François Saint-Pierre pour commenter et peut être défendre sa conception du métier d'avocat.

[00:24:01]

D'abord parce que vous êtes Lyonnais tous les deux. N'est ce pas? C'est vrai. Alors, le choix d'ailleurs du silence avant le procès, le refus de parler à la presse dans les mois qui précèdent. Bon, ça arrive, mais ça n'est pas courant. C'est à dire que souvent, les avocats choisissent au contraire de mettre en quelque sorte les journalistes dans leurs poches. C'est une option que vous avez pratiquée, que vous approuvez? Je crois que Alain Jakubowicz a vécu cette histoire d'une façon profondément dramatique et violente.

[00:24:40]

C'est très difficile de défendre un homme accusé du meurtre d'une enfant. C'est très difficile de le faire dans un tribunal. Une cour d'assises, c'est très difficile, encore plus de le faire face aux médias. Comprenons bien qu'il s'est heurté pour la première fois de sa carrière, remarquable par ailleurs à la réprobation sociale.

[00:25:02]

C'est à dire qu'il a vu dans le TGV, dans la rue, le regard des gens sur lui, le rejeter parce qu'il ose défendre un accusé de meurtre d'une enfant. Et donc, à l'avant veille de ce procès, il a fait ce choix de ne plus parler dans les médias pour justement concentrer toute son énergie sur ce procès et réserver ses explications aux juges, aux jurés qui vont l'écouter. Oui, bien sûr, c'est un choix qui est qui est responsable, totalement légitime, mais qui, je crois, s'imposait en l'espèce.

[00:25:37]

Vous vous ressemblez. Je trouve tous les deux à une limite tout de même près. C'est que Jacques Bovis, un cabinet spécialisé dans le droit des affaires et que vous vous faites au contraire de la défense pénale, c'est à dire que vous défendez des accusés et que vous êtes aussi défenseur des parties civiles, lui prend une ou deux affaires criminelles par an. C'est une sorte d'hygiène professionnelle. En tout cas, c'est ce qu'on ressent à la lecture de son texte.

[00:26:07]

Alain Jakubowicz C'est un parcours professionnel qui est absolument remarquable. C'est vrai qu'il a fondé un cabinet d'affaires très prospère. C'est une réussite remarquable, mais il ne faut pas oublier que c'est aussi un citoyen engagé.

[00:26:23]

Il a été président de la Licra et il a vécu les trois grands procès en France de criminels nazis ou vichystes sur le banc des parties civiles, sur le banc des parties civiles, Klaus Barbie à Lyon.

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C'était en 1987 ou 1988, puis Maurice Papon à Bordeaux et Paul Touvier à Versailles. J'insiste là dessus parce que voilà un avocat qui gère un cabinet d'affaires remarquable qui s'est consacré pendant des semaines, des mois, des années à cette défense, certes de parties civiles, mais qu'il a totalement absorbée de défense de la mémoire des victimes de la Shoa et du régime de Vichy. Bon, donc, c'est un avocat qui est parfaitement capable, en plus de son métier d'avocat de tous les jours.

[00:27:11]

Si vous voulez de s'investir totalement dans une affaire qui sort de son ordinaire, et là, par hasard, il n'a rien fait pour devenir l'avocat de Lelandais.

[00:27:23]

Votre récit le montre très bien. Il reçoit un coup de fil un jour d'une personne qui lui propose de rencontrer la mère de cet accusé. Et il devine. Il sent que c'est une affaire criminelle extrêmement grave. Pourquoi dirait il?

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Non, il dit oui, bien sûr, parce que c'est la mission de l'avocat. Mais j'ajoute parce qu'il a une pratique judiciaire. Des cours d'assises également. Alain Jakubowicz ne le dit pas assez parce qu'il ne se montre pas tout le temps. Systématiquement, il prend un gros dossier. Absolument. Mais quel gros dossier! C'est parfois des braqueurs de banlieue. Des accusés difficiles. Il est coutumier de ce combat, j'allais dire de cour d'assises. C'est difficile de défendre l'accusé en cour d'assises et donc il le fait.

[00:28:07]

Et il a accepté. Et il a eu raison.

[00:28:09]

Il y a l'idée derrière qu'on n'est pas totalement un avocat. Si, de temps en temps, on ne défend pas des très méchants, des salauds commandés, c'est ce qu'ils semblent penser. C'est vrai. Alain Jakubowicz parle des décennies de son métier d'avocat. C'est encore un jeune homme. Vous savez. A une très, très longue expérience, pas vraiment un avocat. Si de temps en temps, on ne se coltine pas les dossiers les plus difficiles, des types qui semblent indéfendables, c'est la racine du métier.

[00:28:41]

Et donc le hasard fait qu'il a dû accepter cette défense. Et il s'est vite rendu compte que ce serait la plus redoutable épreuve professionnelle de sa carrière. Et il le dit très bien, d'une manière extrêmement sincère et profonde, mais jamais indiscrète ou obscène. N'est ce pas dans ce récit qui a une puissance dramatique remarquable? Ce qui est étonnant, c'est qu'il ait livré ce livre avant que le procès ait eu lieu à unaccord, histoire soit terminée, mais je pense qu'il en a ressenti un besoin tout à fait impérieux pour se justifier vis à vis de lui même, mais aussi vis à vis de la société de nous tous, de ce que c'est que l'engagement d'un avocat dans une cause difficile.

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Est ce qu'il existe, comme il le dit, un démon de l'avocat qui prend un dossier seul contre tous? Parce que la tâche est difficile. Parce qu'elle est donc plus exaltante. Quand je vous écoutais, Christophe, livrer ce récit extraordinaire, je songeais à d'anciens procès. Je songeais dans un procès que j'ai vécu, que des avocats ont vécu et dont ils ont livré les témoignages dans les livres, mais pas seulement là, des années passées, des siècles passés.

[00:29:55]

Si vous lisez les avocats romains remonte à 2000 ans en arrière. Il y a cette même passion extraordinaire de défendre un homme seul face à tous. Mais ce n'est pas une provocation. C'est exaltant. C'est exaltant. C'est totalement exaltant.

[00:30:11]

Bien entendu, c'est chez les Romains. C'est tacite, tacite. C'est un historien romain qui était avocat aussi. Et il dit l'avocat. Il a une fonction, c'est d'empêcher qu'un accusé soit livré à la force, c'est à dire à l'arbitraire, au lynchage, à la curée. C'est la fonction primordiale de l'avocat. La peine de mort a disparu il y a quarante ans et c'est tant mieux. Elle est toujours incomprise, mais elle est toujours incomprise. Et la violence sociale est toujours là contre l'accusé d'un meurtre aussi grave que celui d'une enfant et contre son avocat qui lui est associé d'une façon ou d'une autre.

[00:30:48]

Il a vécu cette violence sociale là qui l'a profondément bouleversé. Il s'en est défendu dans ce livre pour se donner l'énergie de défendre cet homme devant la cour d'assises.

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Si on repart au début de l'histoire, on a l'impression qu'à partir du moment où un prévenu et sa famille vous demandent de devenir son avocat, il n'y a pas vraiment moyen de reculer. Est ce que c'est quelque chose que vous avez constaté vous même? C'est tout à fait exact. Vous savez, il y a une règle primordiale dans ce métier d'avocat, c'est la liberté. Nous exerçons une profession qui est libérale, qui est animée par cette liberté de choisir, d'accepter ou de refuser une défense.

[00:31:30]

Mais nous avons une mission judiciaire, sociale, culturelle qui est de défendre les accusés.

[00:31:36]

Le principe, c'est de dire oui, je vais le défendre. Maintenant, tout le monde n'est pas obligé de défendre un tel accusé. Il y a une à une.

[00:31:45]

Il faut le dire dès le début. Mais oui.

[00:31:48]

Ah oui, une fois que quand Alain dit si je me désiste, c'est un aveu implicite de ma part qu'il est coupable. Une sorte de dénonciation, je le trahis. Donc, il faut oser. Et alors? Ce qui est très intéressant dans son texte, c'est qu'il explique bien qu'au fur et à mesure de l'instruction judiciaire, l'enquête avance. Les preuves peuvent s'accumuler et elles vont se discuter. Mais la ligne devra évoluer. On ne peut pas non plus tenir une ligne de défense.

[00:32:15]

Il faut s'adapter aux circonstances et cette souplesse là est très importante. Je crois qu'elle a raison ici de ne pas être dogmatique, de ne pas soutenir une innocence totale absolue jusqu'au bout, contre l'évidence. Il évolue, mais je ne voudrais pas plus sa défense que d'ailleurs. Je ne connais pas dans le détail. Nous allons la suivre au procès. C'est extrêmement important que l'avocat puisse évoluer avec l'enquête et surtout, puisse proposer à son client, à un moment donné, des nouvelles de lui aussi.

[00:32:43]

Je ne dis pas d'avoué. Ce n'est pas forcément dans cette vision morale et binaire des choses. Mais tenir un discours, se libérer lui même. Il y a une chose dont je suis bien sûr, c'est que ce n'est pas un innocent de commettre un meurtre. Et j'ai bien vu des accusés rongés par cette culpabilité ne pas pouvoir s'exprimer et tout d'un coup, au procès, s'ouvrir. Pourquoi l'avocat aurait il pour fonction de fermer ce désir de parole? Il faut s'adapter sans jamais trahir son client.

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Celui qui ne veut pas parler l'avocat ne peut pas parler à sa place. J'ai vu deux ou trois avocats comme ceux là, avoués à la place de leur client. C'est un crime contre la défense. C'est inadmissible. En revanche, l'avocat qui veut l'accusé qui veut s'ouvrir, mais. Apporter sa pierre à un moment qui était nul parce. On le voit bien dans le dossier. Le lendemain, on le verra donc dans le deuxième épisode, mais à un moment, il vient d'avouer à son avocat.

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Et l'avocat lui dit Je te préviens, je vais sortir et je vais le dire. Sauf si l'autre lui avait dit à ce moment là Non, non, non, non, non. Mais là, il y a un petit moment où l'avocat est quand même un peu le leader de la décision.

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Il est certain que très souvent, dans les affaires criminelles, l'avocat est plus que leader de la décision. Il exerce une véritable emprise sur son client. On voit bien qu'Alain tutoie son client parce que le contact est plus aisé de cette façon là. L'avocat évidemment peu manipuler pour employer ce terme, son client. Et donc, il faut être très scrupuleux, vraiment sonder le souhait intime de celui ou de celle que l'on défend et ne jamais trahir ce souhait, sa parole.

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Tout cela se déroule sous le sceau du secret professionnel le plus absolu. Bien sûr, à un moment donné, l'avocat va s'exprimer publiquement en fonction de ce qui se sera dit sous le sceau du secret professionnel. Dans cet entretien qui se déroule dans ce parloir de prison, il faut imaginer le confinement, l'angoisse, la pesanteur de ces lieux. Et face à l'avocat, il y a un accusé qui est, mais torturé par sa situation, par éventuellement ce qu'il a commis comme acte et par son avenir à assumer.

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Quand on est accusé à un procès de cour d'assises, c'est extraordinaire comme expérience. Les gens ont du mal à se mettre à la place d'un accusé d'un meurtre en cour d'assises. Il faut lire Albert Camus, l'accusé, c'est remarquable. Mais il faut bien imaginer que pour pouvoir comprendre cela, faut se départir de clichés. Je ne dis pas du bien et du mal, mais comment est ce qu'on vit un tel procès? Et surtout, comment est ce qu'un tel accusé envisage son avenir?

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Personne d'entre nous ne peut vivre sans avenir, a projeté son ami l'accusé, qui sait qu'il va être condamné à une très lourde peine de prison. Être dans une oppression psychologique extraordinaire. Et cela, l'avocat le sait puisqu'il le vit dans cet entretien confidentiel et par conséquent, il doit pouvoir aider son client à se positionner et surtout, lorsqu'il prendra la parole en cour d'assises. Son discours sera véridique pour son client. Deux questions techniques. Est ce qu'on accepte ou on refuse un dossier en fonction de la charge de travail que ça représente?

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Parce que quand on prend le Länder, ça veut dire qu'il faut aller l'assister pendant la totalité des interrogatoires du juge d'instruction. Ça veut dire que il faut travailler son dossier qui va faire 15 000, 25 000, 30 mille pages. Par exemple, si vous accumulez des dossiers comme ça, il y a un moment où vous ne pouvez pas assurer. Moi, je suis totalement d'accord et c'est la raison pour laquelle les avocats qui défendent des accusés la plupart d'entre eux, sauf exception, vont refuser d'autres affaires.

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Il faut, quand on accepte une telle affaire, savoir cela vous prendra un temps considérable, une énergie considérable. Il faut rester en très bonne santé pour le faire. C'est quelque chose de très difficile physiquement, mais mentalement. Et donc, il faut s'organiser professionnellement pour pouvoir se consacrer totalement à une affaire, à une autre affaire, etc. Mais je le redis, le Barreau, c'est la liberté. Vous avez un très grand avocat pénaliste qui ont pu accumuler des procès.

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Jour après jour et on le sait très bien. Chacun fait ce qu'il veut naturellement. Alain, c'est tout à fait différent. Moi aussi, je ne souhaite absolument pas vivre ma vie entière professionnelle dans les cours d'assises à aligner les affaires les unes après les autres. Je crois que l'accoutumance est terrible parce que ça peut nous mener à ne plus sentir cette profondeur tragique qui exprime si bien Alain dans son livre.

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Est ce qu'on travaille les dossiers tout seul? La règle? Vous vous pratiquez comment? On voit que la Kubo vide au fond. Il revient devant ses collaborateurs en permanence pour leur demander une relecture de sa posture.

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Mais parce que c'est aussi un avocat civiliste commercialise qui a l'habitude de travailler en équipe. Donc, il applique ces méthodes à la rocade. Attendez, ça évolue. C'est vrai que chez nous, les pénalistes en avaient une vieille tradition. Vous souvenez de Thierry Levy, cet avocat extraordinaire pour lui? Mais plusieurs salles jeunesse le dérangeaient. Il faisait tout, tout seul et nous évoluons.

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Et moi, par exemple, l'âge que j'ai. J'apprécie énormément maintenant avec des plus jeunes, des beaucoup plus jeunes, et je travaille actuellement avec deux avocates qui ont 28, 35 ans et qui font un travail remarquable.

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Qu'est ce qu'elles font? Elles se coltine. Le dossier vous a t elle? Elle attire votre attention sur tel ou tel point qu'ils sont exploitables?

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Attention, c'est beaucoup mieux que ça. On travaille à parité en collège, à égalité. Il est hors de question que je sois leur chef et qu'elles soient mes subordonnées. Nous travaillons à égalité et donc c'est extrêmement motivant pour elles. Et on va plaider ensemble en cour d'assises, au tribunal correctionnel. Et le client a la même relation avec elle ou. Personnellement, moi, je suis contre la hiérarchie verticale, ça m'intéresse absolument pas qu'elles vont voir le client avec vous à la maison d'arrêt ou à ma place ou à la seule, et celles qui sont leaders souvent du dossier.

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Ça, c'est nouveau, non?

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Pour vous, mais pour bien d'autres. Alors ce qu'on subodore, c'est qu'en vérité, dès le début, Alain Jakubowicz sait que Nordin Lelandais a tué la petite Maïlys, mais qu'il s'astreint à respecter le mode de défense qu'a choisi son client. Je suppose que c'est souvent le cas. C'est à dire? On sent bien que, notamment à partir du moment où on a connaissance de cette vidéo qui le montre à l'aller avec une tache blanche au retour sans taches blanches que malgré ses dénégations, probablement, il est coupable.

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Ou alors on est tellement prisonnier de son client qu'au fond, on le suit jusque dans ses incohérences. Un avocat doit être indépendant. C'est dans son serment indépendant qui, y compris de son client et par conséquent, vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a des avocats qui suivent leur client. Attention, je crois qu'il est essentiel de bien distinguer d'abord. Moi, je crois que les évidences, il faut toujours s'en méfier. J'ai le souvenir de procès qui ont révolutionné, retourné un dossier de juge d'instruction.

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Imaginons bien que l'avocat, tout de suite, ait dit écoutez, ce n'est pas possible. Il faut plaider coupable. Jamais les choses auraient pu se fait jamais ça. Un avocat a une fonction dans un procès, c'est de défendre son client. Et si celui ci conteste l'accusation, c'est de contester l'accusation. Et c'est ainsi que le procès peut être dialectiques. Il y a une accusation, il y a une défense au juge, de juger l'avocat. Il n'est pas détenteur de la vérité.

[00:40:14]

Alain le dit très bien et son problème n'est pas de croire sur client sur parole. Ça n'a aucun sens. Il a pour fonction d'analyser les preuves qui sont réunies. Leur légalité. Il en parle aussi. C'est très important, leur force probatoire. Et alors de définir une stratégie de défense. Autrement dit. Mais ça, c'est vieux comme le Barreau. Lisez Cicéron, il le dit. La question de la vérité n'est pas celle de l'avocat. Bien sûr, la réalité s'imposera à lui, mais il lui faut défendre son client et peut être l'amener à évoluer dans son discours.

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Mais voyez vous, il y a une relation de l'avocat à la vérité et au mensonge qui est très spécifique. Ce métier est dangereux moralement, mais c'est vieux comme tout. Vous savez que, par exemple, à l'Académie française, jusqu'à il y a 150 ans, à peu près, il n'y avait pas d'avocat. Pourquoi? Parce que les avocats n'étaient pas recommandables moralement. Il mentait.

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Il y a un livre très célèbre chez les philosophes, qui est l'utopie de Thomas More, qui définit une cité idéale. Thomas mordit. Mais dans cette cité, surtout pas d'avocat. Ce sont des menteurs. Ils trompent les juges. Nous avons comme cela une vieille tradition où nous sommes loin d'une exigence morale.

[00:41:27]

Ça, c'est la question du juge. Mais en revanche, nous n'avons pas à mentir aux juges.

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Donc, c'est très paradoxal. Nous faisons l'interface entre l'accusé et le juge et c'est pourquoi les procès criminels, notamment, sont si difficiles pour l'avocat. Il est coincé entre ces injonctions très paradoxales. Il y a tout de même quelque chose qui a évolué très récemment dans l'époque contemporaine. C'est l'évolution remarquable de la police scientifique.

[00:41:54]

Avant la preuve d'un crime, c'était tels témoins, telle ou telle tache de sang. Mais là, la vérité scientifique ne s'imposait pas. Maintenant, il a un ADN. Le doute est important. Aujourd'hui, vous avez l'ADN, vous avez la téléphonie, vous avez les vidéos surveillance et par conséquent, la marge de discussion se réduit considérablement. Ce que l'on va discuter, c'est que la preuve scientifique a été bien élaborée. Les échantillons, etc.

[00:42:20]

On a beaucoup moins de marge. Et donc, cette question morale grave qui se pose à l'avocat depuis des siècles et des siècles, évolue avec cette évolution scientifique. C'est quelque chose auquel je réfléchis parce que ça me semble extrêmement intéressant, notre pratique professionnelle.

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Vous, par exemple, vous avez été pendant plus de trente ans l'avocat de Maurice Aduler, qui est l'assassin d'Agnès Le Roux pendant 30 ans. Vous avez défendu son innocence depuis la toute fin de l'histoire. Il s'est avéré qu'il était coupable et ça a été tout simplement dit par son fils. Quand vous défendez l'innocence dannuler pendant plus de trente ans, par exemple devant moi dans Faites entrer l'accusé, vous savez qu'il est coupable, mais je vais vous répondre que c'est vous qui le dites, qu'il est l'assassin d'Agnès.

[00:43:09]

Il a été condamné par la cour d'assises et la justice qu'il a dit c'est la vérité judiciaire n'est qu'une vérité. Et qui sait si un jour, des prélèvements ADN ne révéleront pas qu'en vérité, le scénario livré par son fils Guillaume pour l'accuser et le trahir n'est pas totalement imaginaire? La fonction d'un avocat, c'est vraiment de défendre son client, moi, au delà de la mort, puisqu'il est mort, Maurice annulez et il est mort chez son fils.

[00:43:33]

La liberté retrouvée alors, Jakubowicz est très remonté contre une chaîne de télévision d'information continue qui, en vérité, BFM TV ne le dit pas. Mais moi, je le dis. Qui donc révèle publiquement des éléments tirés du dossier d'instruction? Qui donc fabrique cette fausse vidéo? J'avoue que ça m'a stupéfait. Qui est donc supposé ressembler à jouer sachant qu'ils n'ont pas vu la vraie? Il n'y a pas de sanction pour ça. C'est à dire? En gros, un média fait ce qu'il veut.

[00:44:03]

Il peut inventer une pièce qui n'existe pas. C'est un problème fondamental. Elisabeth Guigou, lorsqu'elle était ministre de la Justice en 2000, a fait voter une loi très importante qui a prévu plusieurs actions et notamment une action pour faire sanctionner devant la justice civile les atteintes à la présomption d'innocence, pour interdire qu'on diffuse un accusé, les menottes aux mains, etc. Toutes ces mesures sont en fait insuffisantes, mais je ne dis pas qu'il faut brider la presse. Moi, je suis l'avocat de certains organes de presse, de journalistes et je suis un très grand partisan de la liberté de l'information.

[00:44:36]

C'est une évidence. Il y a une question de déontologie et de morale. Produire des fausses videos, c'est inadmissible. Évidemment, je pense que ça n'avait jamais été fait. C'est une grande première, mais c'est absolument sans conséquence, c'est à dire qu'il n'y a pas de sanction du tout. Je vais vous dire, j'en ai parlé avec Alain il y a quelques temps de cela et moi, je suis un partisan de toujours agir pour faire acter, garder en mémoire toutes les atteintes qui ont été portées dans les médias au principe du procès équitable.

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Parce que c'est très important. Ce qu'il dit à un moment donné est essentiel. Le problème de la presse, qui couvre les affaires judiciaires de cette manière là, c'est qu'elles risquent de conditionner la conviction des jurés qui vont arriver dans la salle d'audience avec une idée déjà préconçue.

[00:45:20]

Il faut faire confiance dans les présidents de cour d'assises pour leur dire attention. Ça n'est que à l'écoute des débats devant la cour d'assises que vous allez vous forger une conviction. M'enfin, c'est pas si évident que ça. Tout le monde n'est pas capable de se partage des éléments. Moi, je pense vraiment que il nous faut absolument développer une culture citoyenne de la présomption d'innocence. Mais en revanche, écouter cet enfant a été tué. Bon, c'est une information qui concerne tout le monde.

[00:45:47]

Pour les parents, il était important de savoir comment les choses allaient évoluer. Eux, ils ont un avocat qui s'adresse aux juges, qui sait comment ça se passe. Mais pour nous, tous les citoyens, c'est grave qu'une gosse a été tuée et par conséquent, il est normal que La Presse informe l'opinion publique, la société, sur le déroulement de l'enquête. Est ce que quelqu'un a été arrêté? Est ce qu'il avoue? Qu'est ce qu'il y a comme preuves?

[00:46:08]

On peut le dire, c'est un exercice redoutable. Et c'est pourquoi cette loi de 2000 qu'avait initié Elisabeth Guigou a permis au procureur de prendre la parole pour rectifier des fausses informations, tuer la rumeur, etc. C'est un exercice extrêmement difficile. Moi, je vais souvent à l'Ecole de la magistrature. J'ai beaucoup d'attrait pour la magistrature. Je travaille des procureurs et j'en vois de très nombreux maintenant tenir des conférences de presse. Exercice élégant si la conférence de presse du procureur.

[00:46:38]

Disons que elle aurait pu être mieux maîtrisée. Je connais son procureur. Je pense que c'est un homme de bonne foi, un bon professionnel.

[00:46:46]

Mais lui aussi a été envahi par l'émotion de l'affaire. Souvenons nous de François Molins quand il était procureur de Paris et qu'il a fait des conférences de presse sur les attentats renseigner les Français sur les enquêtes sur les attentats de 2015 et 2016. C'était un modèle du genre. En revanche, pour en avoir discuté avec lui, avec d'autres, j'avais déploré que, par exemple, Mme Houlette, la procureure financière, n'ait pas tenu de telles conférences sur l'affaire de François Fillon, par exemple, qui intéressait tout autant les Français parce que l'exercice était trop difficile.

[00:47:15]

M'ont il répondu. Et pourquoi pas? Ce que je pense, c'est que s'il y a une personne qui est capable d'informer les Français sans trahir le secret de l'enquête, sans trahir les droits des parties partie civile et accuser, c'est bien le procureur.

[00:47:29]

Je crois que l'École de la magistrature les forme à cela.

[00:47:31]

C'est une chose qui est vraiment extrêmement importante, retrouvera demain François Saint-Pierre pour le débriefe du deuxième épisode de cette mini série consacrée au métier d'avocat. À travers l'affaire Le L'ondée et l'expérience de l'avocat Alain Jakubowicz racontée dans ce livre, soit je gagne, soit j'apprends chez Plon l'implication dans une deuxième affaire de Nortel. Lelandais, la découverte des corps. Ses aveux? Demain, dès 6 heures, en podcast, en vous signalant que nous sommes désormais sur Instagram et que vous pouvez, sur Instagram, nous suivre à loisir.

[00:48:08]

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