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[00:00:04]

Christophe Sandalettes, je vous raconte en deux épisodes et voici le deuxième comment Alain Jakubowicz est devenu en 2017 l'avocat de Normal Lelandais, qui a avoué être l'assassin de la petite Maïlys et celui du caporal Noyer dans un livre qui paraît chez Plon. Soit je gagne, soit j'apprends. Maître Jakubowicz raconte avec beaucoup de franchise pourquoi et avec quel état d'âme il a accepté ce dossier. Et ensuite, dans la perspective du procès, il a choisi le silence. Et lui même a désigné un autre avocat pour débriefer son histoire.

[00:00:38]

Maître François Saint-Pierre, du barreau de Lyon. Le premier épisode est disponible sur votre application de podcast. Voici donc le deuxième épisode. Réalisation Céline Brace.

[00:00:54]

Christophe Hondelatte. Dans le premier épisode, en septembre 2017, Alain Jakubowicz accepte de devenir l'avocat de Nordin le Landais, accusé d'avoir enlevé au cours d'un mariage à pont de Bonvoisin, dans l'Isère, une petite fille prénommée Maïlys, qui, depuis, a disparu. Dès leur première rencontre, Nordin le landais dès qu'il est innocent. Fidèle à son serment d'avocat et malgré le lynchage de son client dans La Presse, maître Jacques Bovis défend donc l'innocence de son client. Il va même, sur la base du dossier, jusqu'à déposer une demande de mise en liberté.

[00:01:36]

Mais entretemps intervient un élément nouveau.

[00:01:48]

Le 18 décembre 2017, je reçois un appel de la gendarmerie.

[00:01:54]

Maître Jacques Barret oui, c'est moi. Dites moi, je vous appelle que votre client normal, le Landais, vient d'être placé en garde à vue dans le cadre d'un dossier instruit à Grenoble et donc, il requiert votre présence pour la Chiflet.

[00:02:11]

Une autre avenue? Mais de quoi je vous prend tout de suite la route? Et je le découvre en écoutant France Info.

[00:02:18]

Normal Hollander, déjà mis en examen dans l'affaire de la disparition de la petite Maelys à Pont de Bonvoisin, dans l'Isère, vient d'être placé en garde à vue dans une deuxième affaire. Il est maintenant suspecté d'avoir tué un jeune militaire à caporale qui l'aurait pris en stop au mois d'avril dernier. J'arrive à la gendarmerie, je parviens à éviter la presse avant que son interrogatoire de garde à vue commence. Je me entretien avec N'ordonne le lendemain une rencontre glaciale. Il ne me semble pas du tout paniqué, mais seulement abattu.

[00:02:54]

Et moi, à ce stade, je n'ai pas eu accès au dossier et donc je découvre les faits qui lui sont reprochés. Au fur et à mesure des questions posées par le juge, le caporal disparu s'appelle Noyez.

[00:03:06]

Moi, je n'ai rien à voir avec ce monsieur. Je vous assure rien du tout.

[00:03:11]

Àl'issue, il est présenté au juge d'instruction qui le met en examen pour assassinat. Ce qui veut dire d'abord que le juge pense que le caporal Noyez est décédé et que, par ailleurs, le l'ondée l'aurait tué avec préméditation. Quand je découvre le dossier, je me demande bien d'où il sort. Certes, son téléphone a borné au même endroit que celui du caporal, mais rien de plus. Et voilà comment je me trouve entraîné dans ce second dossier.

[00:03:45]

La presse, évidemment, s'en donne à cœur joie. Et pour cause, on a changé de registre et ça permet de jouer à faire peur. La France a désormais un nouveau tueur en série et les commentateurs se succèdent à nouveau sur les plateaux pour discourir pendant des heures sur un dossier dont il ignore tout et sur un homme qui ne connaissent pas non plus, mais qui présente, selon eux, toutes les caractéristiques du tueur en série. La question n'est plus de savoir si les coupables des deux crimes dont on l'accuse, mais de combien d'autres il est l'auteur.

[00:04:21]

Parole de spécialiste. On finira par en trouver un troisième, car il faut trois crimes minimum pour être un serial killer.

[00:04:30]

Et moi, moi, je suis emporté par ce tsunami et je ne peux rien dire, rien faire parce qu'il n'y a rien à dire, rien à faire. Pour être honnête avec vous, à ce moment là, je songe à refuser ce deuxième dossier. Le premier, je l'ai accepté, mais celui là, il m'est imposé.

[00:04:51]

On en parle au cabinet, mais là, ce n'est pas cohérent du tout de rester l'avocat dans l'un dans l'autre.

[00:04:57]

D'accord, un avocat ne quitte pas le navire dans la tempête.

[00:05:10]

Dans l'affaire, Maïlys, ma collaboratrice, débarque dans mon bureau, livide.

[00:05:16]

Alain Alain, on vient de recevoir de nouvelles pièces qui viennent d'être versées au dossier. C'est un rapport d'expertise scientifique. Ce rapport, je le lis. On a trouvé une minuscule tache de sang dans le coffre de Nordin Lelandais. Et ce sang est celui de Maïlys. On se regarde avec ma collaboratrice en silence. Et là, des larmes aux yeux, je me sens seul, terriblement seul, face à un obstacle que je me serais capable de surmonter. Ça n'est pas anormal.

[00:05:59]

Le lenders que j'en veux, c'est moi. J'ai présumé de mes forces. J'ai commis le pire péché pour un avocat l'orgueil. Je suis entré dans ce dossier pour faire triompher la vérité seul contre tous, et c'est la vérité qui triomphe de moi. Et je me retrouve seul contre tous.

[00:06:21]

Le roi est nu. Échec et mat. À ce moment là, je n'ai qu'une envie tout envoyer balader. Mais je ne peux pas partir. Je ne dois pas partir. Je dois boire le calice jusqu'à la lie. Le lendemain matin, je vais à la maison d'arrêt avec en poche le rapport d'expertise qui me brûle les doigts et qui torture ma conscience. Ça doit se lire sur mon regard. Il comprend tout de suite que quelque chose de grave est arrivé.

[00:06:58]

Un long silence s'installe et moi, je ne sais pas trop quel ton employer la manière forte. Ça ne servira à rien. Je dois rester professionnel coûte que coûte. Bon. Voilà. J'ai dans les mains un rapport de la police scientifique.

[00:07:19]

On a trouvé une tache de sang dans ta voiture et ce serait celui de Maïlys.

[00:07:25]

Normal, il a les yeux humides, le teint blafard. Il me regarde sans me voir. Il a compris que la partie était terminée et qu'il avait perdu Elyes. Il prend son visage entre les mains et il pleure. Je pense que tu as compris la situation, Nordin. Est ce que tu sais où est le corps de Maïlys? Oui, tu serais capable de le retrouver. Oui, je crois. Et là, je ne lui laisse pas le choix.

[00:08:03]

D'autres auraient sans doute proposé une stratégie différente, mais persister à nier est suicidaire. Quand je vais sortir normal, je vais appeler la juge d'instruction. Je vais lui dire qu'il faut qu'elle te réentendre de toute urgence. Et toi, tu devras reconnaître devant telle que toi, tu es Maïlys et que tu acceptes de l'accompagner où tu la mise. On est d'accord Norden. Et pour aujourd'hui, c'en est assez. Le temps viendra où il devra donner des explications, mais là, il en est incapable.

[00:08:47]

Et moi aussi.

[00:08:52]

Arrivé sur le parking, je reste prostré un moment dans ma voiture et puis je compose le numéro de la juge d'instruction, mais elle est absente.

[00:09:03]

Certains de ses collègues qui décrochent, dites J'ai pris connaissance des derniers éléments du dossier. J'ai mon rencontrer mon client. Ce matin, je sors de la prison. Vous pouvez faire passer un message à la juge qui souhaite être entendue dans les plus brefs délais.

[00:09:22]

Mais le problème, c'est qu'elle est en vacances. Donc, elle vous convoquera dès son retour.

[00:09:27]

Non, non, non, ça, ça ne peut pas attendre.

[00:09:32]

Bon, je vais tenter de la joindre pour rappel.

[00:09:36]

Ils ont compris. Nous sommes convoqués demain.

[00:09:45]

Le 14 février, nous prenons avec ma collaboratrice la route de Grenoble en sachant que la journée sera longue et pénible. Quand on arrive au palais de justice, je demande à m'entretenir avec mon client.

[00:09:58]

On est d'accord. Normal, on fait comme on a des œillères. Tu reconnait que tu es, tu es Marie-Lys, tu dis à la juge que t'es prêt à la conduire là où se trouve le corps. On est d'accord. D'accord. Et c'est ainsi que devant la juge en larmes, il reconnaît qu'il a tué Maïlys. Vous êtes d'accord pour nous conduire à l'endroit où vous avez abandonné le corps?

[00:10:26]

Monsieur, oui, bien maître.

[00:10:31]

Nous allons donc organiser un transport de justice.

[00:10:35]

On partira de la gendarmerie de Bonvoisin où je vous invite à vous rendre tout de suite et à partir de là, nous allons suivre le trajet parcouru par votre client le soir du drame, depuis la salle des fêtes où se déroulait le mariage, jusqu'à l'endroit où il a abandonné le corps de l'enfant.

[00:10:53]

C'est entendu. Sur place, les gendarmes ont pour mission d'éloigner les journalistes, mais en écoutant la radio, je m'aperçois vite qu'ils sont informés au fur et à mesure, sans doute par une personne proche du dossier. Et donc, une longue procession se lance. Précédé par des motards qui bloquent les carrefours Nordin Lelandais et dont la première voiture. C'est lui qui montre la voie et il collabore. Il répond aux questions. Il explique par où il est passé, ce qu'il a fait ou il s'est arrêté.

[00:11:30]

On roule, on s'arrête, on repart et moi, je me dis. Et s'il menait tout le monde en bateau, pourvu qu'il trouve l'endroit, alors je lui parle. Je l'encourage manifestement. Il veut y arriver et à un moment, on se retrouve bloqué par la neige.

[00:11:50]

Bon, ce n'est pas praticable. Il faut faire venir un engin de déneigement. Ça va prendre un peu de temps. On attend.

[00:11:59]

L'engin finit par arriver et la progression reprend.

[00:12:05]

Je suis Chertok, selon Surjouant. Mais à quel endroit précis ça s'est passé en été et avec la neige, ça n'a plus rien à voir.

[00:12:26]

Il s'arrête un bon moment au bord d'une pente boisée. Il hésite. Il est tenu en laisse avec ses menottes par les gendarmes. Il fait dix mètres vers le haut, puis vers le bas. Puis encore vers le haut. Puis il descend la pente. Il bifurque vers la gauche. Il passe sous les arbres. Il s'arrête près d'un rocher. Il cherche. Il tourne la tête à droite, à gauche. Il se baisse. Il balaye le sol de la main et il se relève comme si, comme s'il sentait les lieux.

[00:12:56]

C'est long. Tu es sûr, Nordin? Tu en es sûr? Oui, je veux tellement qu'on découvre cet enfant tellement les gendarmes fouillent superficiellement. Rien.

[00:13:11]

Bon, compte tenu de l'état du sol et de leur avancée, on va suspendre les recherches pour ce soir.

[00:13:20]

Sur le chemin du retour, Nordin le Landais s'effondre en larmes.

[00:13:25]

Attention, je ne veux pas qu'on se méprenne sur mon propos, mais c'est simplement ce qu'il fait pleurer. Chacun peut le voir et il n'y a pas besoin de l'interpréter. Moi, je rentre à pied, ça a été une journée éprouvante. J'ai marché à l'endroit où se trouvent les restes d'une petite fille de 9 ans qui a été tuée par l'homme que je défends. J'ai besoin d'être seule. J'ai besoin de respirer. J'ai besoin de silence.

[00:14:02]

Arrivé à ma voiture, je tombe sur le procureur de la République àmettre. Je voulais vous prévenir. Je vais faire une conférence de presse. C'est normal qu'il s'exprime, mais moi, je ne le ferai pas. Je nordet ni le courage, ni la force. Et d'ailleurs, que dire?

[00:14:30]

Nous reprenons la route de Lyon et à la radio où se déroule le procès en direct de Norden, le Landais et moi je me dis dans l'adversité et la détresse. La défense doit rester debout. L'homme que je suis est anéanti. Mais l'avocat n'en a pas le droit. Cette schizophrénie professionnelle m'habite depuis toujours et je crois que ce soir, elle est à son paroxysme. Nous écoutons en direct la conférence de presse du procureur.

[00:15:02]

Bon demi tour, on va à la mairie de Pont de Bonvoisin où ça se déroule.

[00:15:06]

Finalement, j'ai parlé et c'est en arrivant que je la prends maître. On a retrouvé les restes du corps de la petite Maïlys.

[00:15:20]

L'endroit désigné par Nordin Le Landais était donc exacte. Il a dit la vérité et ça me rassure autant que ça me terrifie.

[00:15:32]

Les journalistes sont là, mais moi, je ne sais pas quoi dire.

[00:15:36]

Alors je pas trop bon dans ces conditions? Vous resterez l'avocat de Länders? Oui, bien sûr.

[00:15:46]

C'est moi qui l'ai aidé à dire où se trouvait Maïlys s'il ne l'avait pas dit. Je crois que je serai parti, car ce dont on l'accuse me fait horreur. Mais je ne défends pas sa cause. Je défends un homme.

[00:16:04]

Comment vont réagir tous ceux qui croyaient à son innocence? Ses parents, son frère, sa soeur, sa mère et sa soeur ont beaucoup de difficulté à accepter la réalité. Mais pas question pour elle d'abandonner leur fils. C'est leur frère. Pour elle, c'est terrible, mais elles vont le voir à la maison d'arrêt. C'est le seul lien qui rattache normal le Landais à la vie. Le dernier soutien moral qui lui reste. En écoutant la radio vers 22 heures, Nordin Lelandais a été extrait de sa cellule et il a quitté le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier pour être conduit vers un lieu indéterminé.

[00:16:49]

Ses parents m'appellent évidemment alors, mais on vient d'entendre à la radio. Mais et comme personne ne m'a prévenu, je décide d'appeler le procureur sur son portable.

[00:17:06]

Ecoutez, je ne suis pas moi même. Ça me fait rire et je comprends qu'il est vexé de ne pas savoir.

[00:17:15]

Je comprends surtout que ses relations avec les juges d'instruction ne sont pas des plus cordiales. En vérité, Nordin Le, qui était dans un sale état à son retour à la prison, a été hospitalisé à lu HSA de l'hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon. C'est une prison dans l'hôpital. Les médias ont dit que c'était moi qui l'avait demandé. C'est faux. C'est l'équipe médicale de la prison qui l'a décidé et c'est donc là que je lui rend visite. Au début de la semaine suivante, on se retrouve dans une salle vaste et claire.

[00:17:50]

Il a l'air complètement drogué. Il est là, assis devant moi, droit, figé, l'air hagard. Il me fixe sans me voir. Il a les deux mains calées sous ses cuisses et dans ma tête, je revois les images de Vol au dessus d'un nid de coucou, le film de Milos Forman. Aucune discussion n'est possible aujourd'hui. Alors je me lève et repartons.

[00:18:12]

Je me surprends à lui adresser une petite tape sur l'épaule.

[00:18:17]

Je ne pense pas que je me serais souvenu de ce geste anodin, mais c'est lui qui me l'a rappelé à ma visite suivante Merci meutres.

[00:18:27]

Ça m'a fait du bien, vous savez, ce geste. Un instant d'humanité. Dieu que l'homme est complexe. Le lendemain, Nordin Le Lenders est à nouveau entendu par les juges d'instruction, mais il était pété. Il a la bouche pâteuse. Il est manifestement gavé de médicaments. Il n'est pas en état de répondre à la moindre question. Et puis, au cours des semaines suivantes, peut être grâce au suivi psychiatrique, il commence à parler. Même évoquer les faits devient plus facile.

[00:19:03]

Et s'épiler, à ce moment là que l'enquête sur le meurtre du caporal noyaient, avance enfin.

[00:19:15]

Dans cette affaire, les gendarmes ont déjà retrouvé le corps, mais jusque là normal, le Landais a toujours nié l'avoir tué. Il a reconnu qu'il l'avait pris en stop, mais rien de plus. Et là, il est convoqué pour un nouvel interrogatoire.

[00:19:31]

Et en préparant l'entretien avec lui, je sens qu'il est prêt à reconnaître qu'il l'a tué le lendemain avant d'entrer dans le bureau du juge de Chambery.

[00:19:42]

Je vérifie qu'il n'a pas changé d'avis. Pas changé d'avis. Je veux faire comme on a dit et il le fait et vous acceptez, monsieur le Landais, de nous conduire là, vous avez abandonné son camp? Oui, j'accepte, dans la mesure où on a déjà retrouvé les ossements du caporal. Il s'agit juste de vérifier qu'il a livré un nombre impressionnant de voitures de gendarmerie et mobilisé, précédé de motards qui ouvre la voie et suivie, bien sûr par une cohorte de journalistes.

[00:20:16]

Je refuse qu'on couvre la tête de mort d'Anne Landais. Je ne sais pas pourquoi ces images évoquent pour moi le lynchage. La peine de mort, quoi? Qui faut? Un homme n'a pas à se cacher.

[00:20:29]

Il doit assumer et affronter les regards. Le trajet donné par le Lenders correspond à celui de son téléphone portable et à celui du caporal Noyez. La nuit des faits, à un moment, il fait arrêter le convoi.

[00:20:52]

Stop! Par. Et il explique ce qui s'est passé, ce qu'il a fait ensuite et ensuite nous reprenons la route et il nous amène à l'endroit où, au mois de décembre dernier, des promeneurs ont retrouvé les ossements du caporal Wala. Il a reconnu les faits et moi, je reste convaincu que c'est grâce au travail des psychologues et des psychiatres de l'hôpital du Vinatier.

[00:21:20]

Et pourtant, on décide que son hospitalisation n'est plus nécessaire. Je le regrette. On le prive d'un suivi médical dont il a grand besoin. Comme dans toutes les affaires criminelles, N'ordonne le lenders est soumis à une expertise psychiatrique et psychologique. Les psychiatres et les psychologues doivent dire s'ils souffrent de pathologie. Si son discernement a été altéré ou aboli au moment des faits, j'avoue que la manière dont ces expertises se déroule a toujours été pour moi un mystère. Les experts doivent être sacrément doués pour arriver à un diagnostic et des pathologies et a asséné des vérités péremptoires.

[00:22:03]

Après avoir passé pour certains quelques minutes et pour d'autres quelques heures avec l'intéressé, Nordin le Landais m'a dit que pour lui, ça a duré 20 minutes. Il dit qu'il n'a pas pu placer un mot en dehors des réponses aux questions. Ça me fait penser à l'expert psychologue de l'affaire d'Outreau qui avait dit Quand on paye des expertises au tarif d'une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage. Et puis, je me suis souvent demandé comment sont rédigés les rapports de ces experts quand ils sont deux ou trois experts.

[00:22:34]

Comment font ils pour être toujours d'accord? Un jour, l'un de ces psychiatres de renom m'a raconté que ça se finissait souvent comme ça. Bon, te suis, cette fois, tu me suivra la prochaine là. Genre renvoi d'ascenseur.

[00:22:56]

Je vais voir Mordacq le Lenders quelques jours après son retour à la prison de Saint-Quentin-Fallavier. Il a retrouvé le quartier d'isolement et les insultes. Je le trouve abattu, abruti par les médicaments et par les heures passées devant la télé. Ça va, Nordin, comment est ce que tu passes des journées? Moi, je regarde la télé et bien sûr, tu regardes les émissions qui te sont consacrées, n'est ce pas? Bah ouais, tu devrais plutôt lire un organe.

[00:23:27]

T'as déjà lu des livres? J'en ai lu. 3. Lesquels? Bah d'abord, la véritable histoire du Bouddha. Je suis tombé dessus dans la chambre de ma soeur. Retour à terre, attiré par le bouddhisme. Est animé ou heureux. Et puis quoi encore? Charlie et la chocolaterie. On devait le lire à l'école. On joue bien. Un troisième livre, un livre sur l'affaire Patrick Dils.

[00:23:58]

Je l'ai trouvé à la bibliothèque de la prison. Il me demande régulièrement combien il risque. Quelle peine! Alors un jour, je lui dis Bah, tu vois un organe. Tu sortiras quand t'auras mon âge à peu près. Cela veut dire que vous ne serez pas là quand je sortirai une autre fois, je rentre du Sénégal Obama et j'ai eu sacrément peur que votre avion tombe. Une autre fois encore, au lendemain d'une soirée télé où on avait beaucoup parlé de lui et de moi, je suis énervé, surtout pour vous mettre de dix jours, vous.

[00:24:42]

Chacun fera ce qu'il voudra de ça, mais quand on voit un homme pendant des mois et des années dans quelques mètres carrés, on se retrouve dans une relation humaine. C'est la différence qui existe entre ceux qui ont un avis définitif sur un homme qu'ils n'ont pas vus et un avocat qui passent des centaines d'heures avec lui, même si moi, j'ai toujours veillé à maintenir une distance.

[00:25:10]

Les juges attendent l'été pour procéder à la reconstitution de la mort de Maïlys pour qu'elle se déroule dans les mêmes conditions que le soir des faits. Ils sont là avec leur greffière, le procureur, les parents de Maïlys, leur avocat et des experts et beaucoup de gendarmes et aussi des figurants, bien que le Länders.

[00:25:34]

Est ce que vous acceptez de refaire les gestes, c'est à dire de jouer votre propre rôle? Ou est ce que vous voulez être représenté par ce qu'on appelle un plastrons, c'est à dire un figurant? Je le convint de faire face. Il accepte. Dans la voiture, un mannequin de tissu est installé sur le siège passager et lui est au volant. Et la scène est filmée via le rendez vous.

[00:25:58]

Allez refaire les gestes que vous avez fait le soir du drame. Attention, top départ.

[00:26:05]

Et là, je suis à terre, bloquée, comme sans doute tous ceux qui sont là. Je n'imaginais pas qu'on puisse porter des coups d'une telle violence. Je suis tétanisée et je pense aux parents qui sont là à quelques mètres.

[00:26:22]

Je ne veux pas croiser leur regard. Mais qu'est ce que je fais là? Qu'est ce que je fais là? Voilà, je ne veux pas en dire plus. Et peut être d'ailleurs parce que j'en ai trop dit et j'accepte par avance tous les reproches qui me seront faits. Mon but n'est pas d'humaniser celui qu'on présente comme un monstre, et pas non plus de plaider avant l'heure. On m'a tellement demandé pourquoi j'avais accepté ce dossier. Pourquoi vous mettre? Pas vous mettre?

[00:26:58]

J'avais besoin de l'expliquer, de m'expliquer, l'expliquer. Il ne s'agit pas de moi. Il s'agit de la fonction de l'avocat. J'en ai entendu des synopsis à ce sujet et des insultes. Et des gens qui disent Mais pourquoi diable l'avocat du procès Barbie, du procès Touvier et du procès Papon? Le défenseur des droits de l'homme est devenu l'avocat de Nortel, le Landais. C'est à eux que je m'adresse pour leur expliquer que c'est le même avocat qui, après 40 ans de métier, a toujours la même passion, le même amour de la barre, la même combativité, la même foi en la justice.

[00:27:38]

Il n'a pas d'avocat des bonnes causes et d'avocats des mauvaises. Il n'a pas non plus d'avocat des accusés et des avocats des victimes. A ceux qui veulent diviser, je dis toujours je suis avocat. Ma robe est la même, quelle que soit la cause ou l'homme que je défends. Je vais débriefer cette histoire comme je l'ai débriefé hier avec vous, François Saint-Pierre. Alain Jakubowicz a désigné pour défendre sa parole puisque lui même a choisi, dans l'attente du procès, de n'ordonne le Landais de ne plus s'exprimer publiquement.

[00:28:19]

Cette issue est très touchante. Ce plaidoyer de Jacques Kubo vite pour ce métier qu'il a l'air d'aimer avec passion. Néanmoins, il me semble que ça n'est pas vrai qu'il y a des avocats qui ne font que de la partie civile et d'autres, comme Dupond-Moretti, qui ne défendent que des accusés. Et que donc, en pratique, il n'est pas toujours évident de faire les deux métiers de l'avocat pénaliste.

[00:28:47]

C'est vrai. C'est vrai que de nombreux avocats ou avocates préfèrent se cantonner dans la défense des parties civiles, notamment dans les affaires de crimes sexuels sur les enfants. C'est difficile de faire les deux, mais c'est possible. Et encore une fois, dans ce métier, il y a un très grand principe, c'est la liberté. De la même façon, des avocats refusent d'être partie civile. Je pense à Thierry Levy, qui a été un extraordinaire orateur qui, lui, pour une raison politique, refusait des parties civiles pour ne pas participer à la répression et ne pas être finalement responsable de l'incarcération des accusés.

[00:29:30]

Il y a encore des avocats qui pratiquent de cette façon là. Eric Dupond-Moretti, dont vous parliez, a été partie civile. Oui, mais il a toujours eu l'art de ne pas en parler trop, de ne pas parler plutôt de sa fonction de défenseur et de revendiquer une exclusivité.

[00:29:46]

Je pense à une avocate qui s'appelle Roxana d'Azergues, aidée, par exemple, qui se consacre totalement à la défense des prisonniers, mais également des accusés, qui a une très grande compétence en psychiatrie psychiatrie criminelle. Jamais elle n'a accepté. Elle n'acceptera. Jepense d'être partie civile parce que pour elle, la prison est une barbarie. Et vous voyez que au Barreau, il y a une liberté extraordinaire d'opinion, de variété. Et c'est ce que j'adore au Barreau, c'est que nous avons tous des pratiques qui, en même temps sont les mêmes, se ressemblent, mais en même temps diverge totalement et c'est notre privilège.

[00:30:26]

C'est cette liberté.

[00:30:27]

Et vous, par exemple, par hygiène professionnelle?

[00:30:30]

Vous pratiquez les deux, c'est à dire que lorsque quelqu'un vient me demander de le défendre ou de défendre son fils, par exemple sa fille. Qu'ils soient accusés ou parties civiles, je ressent le même trouble à lui dire non.

[00:30:44]

Il faut que j'ai une raison concrète. Je n'ai pas le temps. Il y a tel ou tel conflit d'intérêt, mais je n'ai jamais pu dire non à quelqu'un qui a été victime d'un crime.

[00:30:54]

Après, il y a la manière de défendre une partie civile. On n'est pas obligé d'être un procureur bis à plaider les preuves, voire même demander une peine de prison. Il y a dans un procès de cour d'assises pour meurtre un grand absent ou une grande absente. C'est la victime et les jurés. Les juges souhaitent savoir qui elle était. Et l'avocat de la partie civile, c'est l'avocat d'une morte dans ce cas de figure. C'est une très belle parole d'être l'avocat de l'absent ou de l'absente.

[00:31:24]

Je crois que c'est une grande fonction d'être avocat de parties civiles, bien entendu.

[00:31:28]

Est ce qu'on peut dire aussi que nous défendons que des gens qui n'ont pas d'argent? Il n'y a pas d'issue pour le cabinet d'un avocat et donc, être avocat de la partie civile permet aussi de faire vivre un cabinet.

[00:31:40]

Vous savez, nous, les avocats, nous avons une vieille tradition que l'on appelle le pro bono, c'est à dire qu'on peut défendre gratuitement quelqu'un qui n'a pas d'argent s'il nécessite cette défense là. Mais d'un autre côté, nous savons aussi que le Barreau est très bien organisé et que tout accusé a droit à avoir un avocat, un jeune avocat commis d'office qui se battra avec énergie, avec fougue, en demandant conseil à d'autres. Donc, là encore, c'est une très grande liberté.

[00:32:07]

On peut défendre que des accusés qui n'ont pas d'argent, c'est aussi ne pas avoir de revenus et mettre en péril son activité d'avocat. On sait bien que de temps en temps, parce que partie civile, ce sont des revenus à peu près garantis au moment de l'indemnisation civile. Justement, que l'on sera payé alors que l'avocat qui défend un coupable qui est complètement fauché. Tous les accusés et tous les accusés ne sont pas démunis. Des trafiquants sont riches. La question, pour l'avocat, est de savoir s'il peut être payé avec l'argent du trafic.

[00:32:36]

C'est un problème qui agite certains juges d'instruction et certains procureurs réputés là dessus. C'est à dire à défendent que des gens qui n'ont pas d'argent. On ne peut pas vivre.

[00:32:46]

Mais il y a aussi au Barreau une grande tradition que j'appellerais de l'économie solidaire. Autrement dit, on fait payer les riches et les pauvres payeront beaucoup moins. Il n'y a pas de tarif horaire unique. Certains l'ont revendiquée, mais quelle erreur! Nous sommes une profession libre et nous appliquons les tarifs. Pratiquée en fonction de quoi? De notre sens, de la justice, de l'équité et du social. C'est ça qui est merveilleux dans ce métier. On peut supposer, par exemple, nous nous attardons pas sur le calendrier, mais que.

[00:33:14]

Il vit chez ses parents, donc il n'a pas un radis et que donc probablement, les parents cassent leurs codes de vie. Mais c'est forcément limité. Comment est ce qu'on se rémunère quand on passe des années à travailler pour un client qui ne peut pas vous payer? Ecoutez, en ce qui concerne Nordin Lelandais, c'est le secret professionnel. Oui, oui, oui, on sait strictement rien de l'élargit. Ils sont souvent. La famille va contribuer, mais il faut aussi dire qu'il existe une aide juridictionnelle, des honoraires payés par l'Etat.

[00:33:43]

Qu'il ne suffit pas. Attendez, nous allons avoir à la fin de l'année 2021 le procès du Bataclan des attentats de novembre 2015. Il y a de très nombreux avocats pour les accusés, pour les parties civiles. Et bien le calcul est fait des honoraires qui seront payés par l'Etat à ces avocats qui n'est pas négligeable. Donc, nous avons évolué. La justice, c'est aussi la défense des parties civiles et des accusés. Et l'Etat remplit ses obligations. Donc, avec tout cela, les avocats aujourd'hui peuvent très bien économiquement réaliser le chiffre d'affaires qu'il leur faut.

[00:34:20]

Mais attention, soyons bien conscients des choses. Le mythe de l'avocat fortuné Kidane des dizaines de milliers d'euros par mois, il y en a certains, évidemment. C'est encore une fois la liberté. Mais la plupart des avocats gagnent pas plus qu'un fonctionnaire. Voilà, et c'est dans l'ordre des choses. La passion du métier. Vous savez, ce n'est pas celle du chiffre d'affaires. C'est deux choses différentes. Il y a un passage, évidemment, qui peut surprendre au moment où on sent bien qu'il est toshi, comme on dit en anglais.

[00:34:45]

Le l'ondée vient de lui avouer le meurtre de la petite malices et il lui dit tout doucement je suppose. En tout cas, c'est comme ça que je l'interprétez pas. C'est comme ça que je le sent. Je vais aller le dire aux juges et toi, tu vas le confirmer devant le juge. Il ne lui laisse pas beaucoup de choix. En tout cas, le seul sentiment qu'on a et on a aussi le sentiment que c'est pour son bien. C'est un moment extrêmement sensible dans la défense d'un accusé.

[00:35:11]

Celui dans lequel l'avocat, face à son client dans un parloir de prison, recueille son aveu, s'assure de son authenticité, s'assure de son consentement pour le dire au juge et l'avocat doit prendre attache avec le juge. Il faut donc bien être sûr de la volonté de l'accord du client.

[00:35:31]

Dans une situation extrêmement anxiogène parce que l'accusé qui avoue son crime renonce à tout espoir d'acquittement de libération et il sait qu'il va passer des dizaines d'années en prison.

[00:35:43]

Mais il pourrait lui dire Bon, OK, c'est toi qui fait, mais on va défendre ton innocence coûte que coûte.

[00:35:51]

C'est une question de déontologie, de morale professionnelle. Un avocat qui plaiderait l'innocence de son client, qui lui a avoué le crime.

[00:36:01]

Ma foi, aurait un problème de conscience. Mais certains l'ont fait, certains l'ont revendiqué, d'autres non. L'honneur d'Alain Jakubowicz, c'est justement d'avoir entendu l'évolution, le souci d'avouer de son client et d'avoir porté sa parole chez la juge d'instruction. Vraiment, je crois que ce métier nous confronte à des cas de conscience qui nous torturent l'âme. C'est ce qu'écrit très bien Alain Jakubowicz dans son livre. Le pire serait de se blaser, d'être cynique et de se dire qu'on s'en fout.

[00:36:31]

On va tenter le tout pour le tout. Imaginez qu'en cour d'assises, l'accusé dise au président de la cour d'assises ou la présidente. Mais j'ai dit à mon avocat que j'étais coupable. Il n'a pas voulu m'entendre pour jouer un vrai.

[00:36:43]

Il a l'air malin.

[00:36:45]

Vous savez, vous parliez hier de l'affaire de Maurice Agnelet à Rennes lors de son troisième procès. Son fils est venu le dénoncer. Vous savez ce qu'il a ajouté. Mais tout le monde le savait, a t il dit en me montrant du doigt. Les jurés ont loucher sur moi. J'ai dû me défendre de cela parce que c'était faux. C'était malveillant. C'est ce sont des moments absolument terribles. Les avocats vivent alors de grands moments de solitude dans le parloir de la prison, mais après sur le banc de la défense de la cour d'assises.

[00:37:14]

Lorsque la tempête s'est levée dans les débats et que la théorie de la défense qu'on avait imaginé mener au procès s'effondre, à ce moment là, il faut évoluer. Et de toute façon, il n'y a plus le choix. On n'a pas le droit de déserter le? Demande la défense à ce moment là.

[00:37:31]

La petite tape réconfortante qu'il fait anormale le Landais sur l'épaule, amène cette question est ce qu'on peut avoir de la tendresse, de l'affection pour un type qui a tué une petite fille?

[00:37:44]

Je pense qu'un avocat mêle intimement sa vie à celle de son client. Dans ces entretiens, je pense qu'un avocat sait aussi qu'il est le seul soutien humain de ce client. Et donc, un geste, une parole. Oui, bien sûr, ça fait partie. De l'avocat. Mais je crois aussi qu'un avocat doit toujours garder le contrôle et ne jamais tomber en empathie avec son client, de sorte que il perde son indépendance et qu'il ne discerne plus le bon chemin de la défense.

[00:38:17]

Alain Jakubowicz s'écrie très, très bien dans ce livre. Le débat intérieur que se livrent un avocat dans cette circonstance extrêmement tourmenté.

[00:38:25]

Parce qu'à force de finalement fréquenter quasi quotidiennement parloirs des prisons, des types qui ont tué, qui ont violé des pédophiles, etc. On peut finalement en venir à relativiser tout ça. Un dur. Bon, ben moi, c'est mon quotidien. Je l'aime bien quand même. C'était plein. C'est le danger des avocats. C'est le cynisme. Mal pour un juge d'instruction, c'est l'abus de pouvoir. Pour un avocat, c'est cynisme. On s'en fout. Finalement, c'est pareil la vérité.

[00:38:48]

Je vous disais que la question de la vérité et du mensonge est cruciale dans notre déontologie d'avocat. Ça ne veut pas dire qu'on éprouve un plaisir à mentir. Et d'ailleurs, on s'abstient de mentir, mais le client ment et nous pouvons savoir qu'il ment. Nous sommes un passeur de messages à ce moment là. C'est un métier vieux comme le monde, dont le deuxième plus vieux métier du monde est bien. Ce débat nous a toujours animés et j'y pense souvent encore.

[00:39:13]

Les expertises psychiatriques Jakubowicz Lorber, une ratatiné quasi sans précédent, laisse entendre que parfois, en l'occurrence dans l'affaire le Landré, ça aurait duré 20 minutes. Et surtout, il laisse entendre que les experts psychiatres se mettent d'accord entre eux mêmes quand ils ont des avis divergents pour rendre un avis commun. Quitte à se rendre la pareille dans le procès qui suivra un autre procès. Est ce que vous confirmez que c'est comme ça que ça se passe? Ce que je confirme, c'est que les avocats sont en colère contre les experts psychiatres parce qu'effectivement, ils considèrent que les rapports sont stéréotypés, qu'ils ont été rédigés rapidement.

[00:39:50]

On ne sait pas dans quelles conditions est qu'à l'audience à l'audience, leur parole aura un poids déterminant dans le verdict. Mais je crois aussi qu'il faut relativiser les choses.

[00:40:00]

Et à chacun son métier. Un psychiatre, c'est un professionnel. Il a des grilles de lecture et d'analyse. Il peut repérer un pervers relativement facilement et c'est son travail. Donc, lorsque nous ne sommes pas d'accord avec les conclusions d'un expert psychiatre, et bien nous demandons une contre expertise, sachant qu'elle peut être pire que la précédente. Oui, parce que la psychologie a le profil psychiatrique de notre client. Peut être est il très négatif. C'est ainsi. Ça fait partie du procès.

[00:40:31]

Personnellement, je pense que nous sommes entrés dans une ère nouvelle de la justice criminelle. Je le disais grâce aux preuves, aux technologies modernes scientifiques qui vont établir si oui ou non, des preuves sont là. Je pense qu'il nous faut revoir notre procédure de cours d'assises. Jusqu'à présent, si vous voulez, l'interrogatoire de l'accusé était l'événement central. Il fallait qu'il a avoué. Le rôle du président, c'était de le faire avouer. Le psychiatre était là pour apporter sa touche personnelle.

[00:41:04]

C'est Michel Foucault qui disait les experts psychiatres en matière de justice, ce sont des conseillers en répression. Mais tout a changé. Pourquoi ne commencerait on pas par évoquer les preuves qui, oui ou non, fondent une culpabilité? Après, on s'intéresse à la psychologie de la personne parce que c'est très important. Une peine prononcée par un jury de cour d'assises peut aller du simple au double en fonction de l'expertise psychiatrique. Il faut bien comprendre ce que c'est que des années de prison.

[00:41:32]

Moi, je pense qu'on a totalement perdu de vue que prononcer une peine de vingt ans de réclusion criminelle est envoyé pour des années et des années des accusés. Dans un système pénitentiaire qui est aussi contemporain soit il, demeure un système pénitentiaire carcéral qui broie les êtres. Et donc, je pense que les longues peines posent un véritable problème de réinsertion. A terme, il faut en être conscient et je ne suis pas naïf en disant cela. L'assassin, le meurtrier d'une enfant, passera des dizaines d'années en prison.

[00:42:08]

Mais dire que la répression, c'est la solution à tous les maux de la société est une aberration. Et actuellement, je pense que ce gouvernement a cette tendance là. Voyez vous, ça me fait de la peine de voir Dupont-Moretti, ministre de la Justice, trahir ses idéaux d'avocat et se dire que finalement, les délits d'expression pourraient passer en comparution immédiate pour que les gens prennent de la prison ferme, etc. Etc. Que les gens qui sortent de prison devraient porter des bracelets électroniques pour qu'on puisse les surveiller à la trace comme ça.

[00:42:35]

Mais où va t on? Bon, la répression n'est pas la solution à la crise sociale.

[00:42:41]

Ma dernière question est un peu philosophique. Jakubowicz dit Dieu que l'homme est complexe. On sait que l'opinion publique a une vision très en noir et blanc de l'humanité. Il y a les méchants. Et puis il y a les gentils et l'opinion se classe dans le camp des gentils. Est ce que l'exercice du métier d'avocat amène à une conclusion différente? Mais bien sûr, c'est un métier merveilleux et si je devais revivre une vie professionnelle, c'est celle ci que je vivrais.

[00:43:09]

C'est comme un très grand voyage dans la société. Vous rencontrez tout le monde, vous allez en prison, voire un homme accusé du meurtre de son épouse. Vous sortez, vous allez voir un chef d'entreprise poursuivi pour un abus de bien social ou un travail dissimulé. Etc. Etc. Vous voyez toute la société, mais comme vous, les journalistes, vous la découvrez évidemment. Et finalement, au bout d'années et d'années, on se dit mais encore, c'est Jacques Vergès, avocat de génie, qui disait à qui on demandait quel était votre plus belle affaire.

[00:43:36]

Et à 85 ans, il répondait Mais c'est celle que j'aurai demain.

[00:43:39]

L'homme aigri. Il n'est ni noir ni blond. Il y a des gentils et des méchants.

[00:43:44]

Je dirais que nous sommes tous ses secrets si complexes, mais je crois vraiment dans notre culture commune, dans nos valeurs sociales. Et je crois vraiment que la justice a un rôle merveilleux à jouer pour que les crimes soient jugés, bien sûr, mais que les accusés soient entendus, compris et qu'ils ne soient pas massacrés. La peine de mort a été supprimée pour laisser mourir les gens en prison. Mais en même temps, je comprends parfaitement le chagrin inextinguible des victimes de crimes pour tenir les deux bouts.

[00:44:18]

C'est le métier d'avocat. Je vous remercie infiniment, François Saint-Pierre, d'avoir ainsi accepté cet exercice. Difficile de parler du texte d'un autre avocat qui s'appelle Alain Jakubowicz, qui est un grand avocat et qui a écrit ce livre dont j'ai tiré des 12 épisodes de cette histoire désormais disponible tous les deux en podcast. Soit je gagne, soit j'apprends aux éditions Plon.

[00:44:42]

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