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Christophe Hondelatte La vie est parfois un miracle. C'est ce que vous vous direz, peut être en écoutant l'histoire du docteur Bougara de Marseille. En 1925, il est condamné pour un meurtre aux travaux forcés et envoyé au bagne en Guyane. Il va terminer sa vie. Les doigts de pieds en éventail sous les cocotiers. Il n'y a aucune morale dans cette histoire. Aucune nous la débriefe, feront tout à l'heure avec l'historien Michel Pierre, qui a écrit Le temps des bagnes aux Editions Taillandier Laréalisation et de Céline Lebrun.

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Christophe Hondelatte. Un samedi de mars 1925. Le 14. Une femme toute tourneboulé se présente au bureau de police de Marseille. Son mari, Jacques Remède, a disparu depuis le matin.

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Disparu depuis le matin et parti, il rentrera ce soir. Énorme. C'est inquiétant à cause de son métier qu'il a encaissé à la Société des céramiques. C'est lui qui, toutes les semaines, va chercher l'argent à la banque pour payer les ouvriers. Il a toujours beaucoup d'argent sur lui. Forcément, je suis vraiment inquiète. On la comprend. Et le commissaire André Robert, de la Sûreté de Marseille aussi. Alors il se met tout de suite sur le coup.

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Alors, qu'est ce qu'on sait sur ce jaque remède? A priori, une vie pépère. Il aime la pétanque, les dominos. Il a fait la Grande Guerre comme tous les hommes de sa génération. Il a fini lieutenant et obtenu la croix de guerre. Un Marseillais sans histoire, à part son métier d'enquêteur. Le jour de sa disparition, il avait beaucoup d'argent sur lui 8500 francs dans une sacoche. Il est allé les chercher au siège de la Société des Amis, près du Vieux-Port, et il devait aller distribuer la paye aux ouvriers de l'usine de Saint-Henri.

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Il n'y est jamais arrivé. Et là, une première hypothèse vient à l'esprit qui a forcément traversé la tête de tous ceux qui se promènent avec une grosse somme d'argent liquide qui n'est pas aam ckd appâter avec l'argent. C'est une piste. Et pour l'instant, c'est la seule. Les cocotiers et les vahinés. Le bon temps.

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Quinze jours plus tard, un ami de Jacques Remèdes demande à voir le commissaire Robert André vous. Alors, vous vouliez me voir, monsieur le commissaire? J'ai peut être une piste. Jacques avait la syphilis là. Asheton, Yokoi. Et il se faisait soigner discrètement. Vous comprenez pas par parle de ses anciens camarades de trajet. Le docteur Bourrat, il allait se faire faire une piqûre tous les samedis et vous noterez qu'il a disparu samedi. Et à votre connaissance, il y est allé le Samanide de sa disparition.

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Par des oui, j'ai vérifié, il y est allé. Jacques Rumen aurait donc disparu après être allé voir ce docteur plombera. Ça change tout. Le commissaire se rend immédiatement sur l'oiseau docteur Bougard, docteur Pierre Borras. Il est à la colle avec une ancienne prostituée, André. Ça sent pas l'enfant de cœur et la cocotte doit être gourmande. Il a signé récemment plusieurs chèques sans provision. Il y a des procédures en cours là dessus. Ce qui veut dire que le coco était aux abois.

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Il avait besoin d'argent. Ça nous ferait un mobile. Le commissaire Paques deux de ses hommes et il va sonner chez lui. Qu'est ce que c'est? S'étendraient ça, cocotte qui ouvre? Il a une odeur, une odeur de charogne, une odeur de mort. Le commissaire rentre. L'odeur vient d'un placard, il loue une nuée de mouches, s'en échappe et dans le placard, il y a le cadavre de Jacques Rumen. Et voilà donc le docteur Bruguera face au juge d'instruction.

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Monsieur ou ras? Fait le cadavre de Jacques Rumen dans votre placard. Oh, mon pauvre Rabbi! Moi, je n'y suis pour rien. Quand il est arrivé chez moi, il venait d'être dévalisé. Alors je suis sorti pour trouver l'agresseur. Je ne l'ai pas trouvé. Et quand je suis rentré, je l'ai trouvé gisant par terre. Il venait de s'empoisonner. Ça nous donne je ne sais pas avec quel produit. Un suicide, autrement dit un remède, se serait suicidé chez lui alors qu'il venait de se faire dévaliser et dévalisé.

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Il l'a été. On a retrouvé sa sacoche vide, son portefeuille a disparu et son alliance en or. Comment le traiter, vous? Pour la syphilis, le docteur? Par d'Épicure, une piqûre par semaine. Et vous l'avez traité le jour de sa mort. Oui, oui, le matin vers 9 heures. Pourquoi avez vous mis dans le placard, docteur? Pourquoi n'avez vous pas appelé? Je ne sais pas. Je n'étais plus maître de moi à quoi?

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Je ne savais pas quoi faire. Et puis j'avais peur d'être soupçonné.

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Comme c'est touchant, ça l'est moins quand on apprend que le lendemain, le bon docteur Boubat, par magie, lui qui était fauché comme les blés, a payé ses deux domestiques 50 francs chacun le lendemain et que le soir, il est parti en goguette avec madame et qu'ils ont fait valser les brodeuses.

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Elle aime les bulles. Madame le docteur Bougara a tué son copain Rumen pour le volet. Voilà la vérité. Le 17 juin, le commissaire Robert conclut son enquête et rédige son rapport. BOUGARA Romeu semble volonté amorales, en proie à tous les vices et dont la responsabilité était sans doute affaiblie par les graves blessures à la tête reçue pendant la guerre, était de surcroît débilités par l'abus de stupéfiants. André Audibert en profitait pour exiger de son ami des sommes dépassant ses ressources fort réduites depuis son divorce.

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Mais le médecin, redoutant de voir fuir celle dont il était violemment épris, finit toujours par céder aux volontés de son ami. De là la gêne qui mit Bourras aux abois et de la Russie, les chèques sans provision, les vols, peut être, et sans doute l'assassinat. Et Bougara fils en prison, André y passe quelques jours aussi. Elle est libérée. Je vais être honnête avec vous. En 1925, le bon docteur Bourras est bien parti pour terminer sa vie la tête dans un panier d'osier rempli de sciure.

[00:07:36]

Il est bon pour la guillotine. Cela dit, il a fait la Grande Guerre tout de même. Il était médecin à Verdun et après dans les Dardanelles. Touché à la tête, il est resté aveugle pendant cinq mois et on dit qu'il plongeait sous la mitraille pour récupérer les blessés et pour l'ensemble de son oeuvre. On l'a fait chevalier de la Légion d'honneur. Oui, monsieur. Alors, il a peut être occis son copain Rumen. C'est même probable.

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Mais c'est un héros de guerre. Et cette guerre terrible s'est achevée il y a à peine sept ans. Allez savoir si ça va pas un peu changer le cours de cette histoire. C'est le juge de Bozel qui est chargé de l'instruction à Marseille en 1925. Il a une sacrée réputation. D'abord, il paraît qu'il est sourd comme un pot, ce qui, pour rendre justice, est toujours un léger problème. Il n'est pas commode, mais surtout qu'il est très lent.

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Il va attendre 15 mois pour interroger le docteur Bruguera. 15 mois pour l'entendre raconter les mêmes mensonges. Mais avant ça, bien sûr, il mène l'enquête et il découvre que le docteur a un joli passé de voleur. Une patiente l'accuse de lui avoir soutiré 300 francs lors d'une consultation à domicile. Une autre femme dit que lors d'une visite, il a dévalisé son tiroir à bijoux. Un soldat l'accuse de l'avoir droguée pour lui prendre vingt mille francs et les amis d'un patient décédé dans son cabinet affirment qu'il l'a dépouillé de trois mille francs.

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Ça fait beaucoup.

[00:09:22]

À part ça, le juge se demande si Bougara ayant été blessé à la tête pendant la Grande Guerre, ça ne peut pas expliquer et excuser ses errements. Et donc, on lui fait subir neuf ponction lombaire pour vérifier s'il ne serait pas atteint d'une lésion cérébrale à la dixième.

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Ça fait tellement mal boudera, dit stop. Et le médecin déclare qu'il est irritable, mais responsable de ses actes.

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Un autre expert analyse les viscères de la victime. Il en conclut que Rumen n'a pas été empoisonné et c'est un mauvais point pour Bougara, mais qu'il s'agit possiblement d'un accident thérapeutique. Un choc après la piqûre du matin. Et ça, c'est un bon point pour Bourrat qui, sans doute, n'en espérait pas tant.

[00:10:21]

Avec tout ça, le juge clôt son instruction et il renvoie le docteur Pierre Bougara devant la cour d'assises d'Aix en Provence pour assassinat et pour vol.

[00:10:37]

Le procès s'ouvre le 22 mars 1927 et on lui demande bien sûr de raconter sa version de la mort de Rumen. Il était venu faire sa piqûre à Novare. Et ensuite, je crois qu'il est allé chercher la paye des ouvriers. Et après, il est revenu vers 2 heures. Totalement paniqué, vous lui avez volé tout l'argent. Et il m'a dit qu'il avait peur de la réaction de son patron, qu'il fallait tout de suite qu'il trouve 9900 pour aller payer les ouvriers.

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Que voulez vous, il était dans l'embarras. Alors, je suis sorti pour réunir la somme. Et quand je suis revenu? Rumen était mort. À part ça, il paraît qu'une sardine a bouché le port de Marseille. Balivernes, balivernes. Personne n'y croit. Rendrais l'ancienne prostituée qui lui aurait fait tourner la tête.

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Vient déposer à la barre combien Bougara vous donnait il par mois? 3000 l'OVRA. 3000 francs. Mais cet énorme. 3000 chauffera. Et oui, c'est le salaire d'un garçon boucher Poquelin. Mais vous savez, si j'avais su qu'il était capable d'une chose pareille. Et puis, on fait venir le professeur Barral de la faculté de médecine de Lyon. Je tiens à dire ici qu'il me paraît possible que le traitement contre la syphilis, c'est à dire les injections D'arsenaux Barjols, soient responsables de la mort de M.

[00:12:05]

Rumen. Ça arrive. Que voulez vous? Malheureusement, docteur, je vous en prie, ne sortez pas du CHUM de votre mission d'expertise. Votre mission consistait à analyser les viscères. On ne vous a pas demandé de nous apprendre les causes de la mort. Pardon, monsieur le président, mais le texte de mon mandat stipulait bien de procéder à toute recherche utile. Un autre professeur de médecine vient à la barre vous semble t il naturel, docteur, qu'un médecin enferme dans un placard un client mort à la suite de l'accident?

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Je ne pense pas que ce soit courant. Non, mais il y a eu cependant des précédents. J'en ai connu un qui a mis son client dans une malle. Cela ne peut pas se justifier, mais cela peut s'expliquer et il peut se produire chez le médecin le plus honnête. Un trouble de l'esprit, non? Vous savez, vous ce que vous feriez dans ce cas? Solidarité de médecins Koopa человека. L'avocat général, à la fin, plaide pendant huit heures et il met la défense de Bougara en miettes.

[00:13:30]

Cette histoire suicidera est absolument absurde. Et pourquoi se serait suicidé? Parce qu'il s'était fait voler 8500 voix. Il avait parfaitement les moyens de les rembourser.

[00:13:45]

Il ne s'est pas suicidé, il a été assassiné. Et le mobile, c'est le vol et la raison du vol s'étendraient. Voilà la vérité dans cette affaire, c'est la peine de mort que réclame.

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Je vous remercie. Le lendemain, c'est au tour de l'avocat de Bougara, maître Stéphanie Martin, de plaider Il n'y a pas de preuves dans ce dossier. Il y a tout un tas d'hypothèses selon lesquelles la mort de Jacques Rumen serait un accident.

[00:14:21]

Des experts sont venus vous le dire ici et que s'il y a eu vol après la mort, éventuellement, mais même si cela n'est pas démontré.

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Quoiqu'il en soit, ça ne mérite pas la peine de mort. SHERBROOKE Vara. Avez vous quelque chose à ajouter avant que le jury ne se retire pour délibérer? Oui, permettez moi de vous jurer ici. Je ne suis pas coupable de l'assassinat de Jacques Rumen. Les jurés se retirent. Et quand ils reviennent une heure et demie plus tard. A la question Mourras a t il tué Rumen? La réponse des jurés est oui. A la question aura t il volé sa victime?

[00:15:18]

La réponse des jurés est oui. A la question A t il prémédité son crime? La réponse des jurés est oui. A la question Y a t il un rapport entre le vol et l'assassinat? La réponse des jurés est oui. Et là, on se dit il est bon pour la guillotine, mais c'est un héros de guerre qu'il s'est jeter sous la mitraille pour aller chercher les blessés. Il est chevalier de la Légion d'honneur. Alors, à la dernière question.

[00:15:54]

A la question Bougrab bénéficie t'il des circonstances atténuantes? La réponse des jurés est oui. Il sauve sa tête. Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il va donc être envoyé dans le terrible bagne de Saint Laurent du Maroni, au coeur de la forêt amazonienne, en Guyane. Et là, une autre histoire commence. Une histoire hallucinante.

[00:16:28]

D'habitude, les gens qui partent au bagne, on ne sait pas ce qu'ils deviennent. Au mieux, on connaît la date de leur mort, et puis c'est tout. Mais là, c'est différent. On sait et on sait, grâce au récit que Bourras lui même en a fait. C'est une histoire exceptionnelle. En décembre 1927, Pierre Bruguera échoue, comme tous les bagnards, au pénitencier de Saint-Martin, sur l'île de Ré. Il écope du matricule 49 443 et il est tondu.

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À compter de maintenant, messieurs! Vous cessez d'appartenir au ministère de l'Intérieur? Pour dépendre directement du ministère des Colonies et un jour, il embarque sur le bateau prison La Martinière avec 800 autres bagnards enfermés par paquets de cent dans les cales du navire.

[00:17:25]

Le bateau quitte le petit port de la citadelle de Saint-Martin et dès les premières vagues, dans la cale des gobies de tous les côtés, et ça va être comme ça tous les jours jusqu'au bout, une seule heure de promenade par jour sur le pont du bateau, de temps en temps. Évidemment, les esprits s'échauffent, une bagarre éclate et ça castagne sec. Et les gardiens doivent intervenir avec ce qu'on appelle des gaffes, des sortes de lances, comme des lances à incendie.

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Sauf que ce n'est pas de l'eau que ça propulse, c'est de la vapeur, de la vapeur en provenance directe de la salle, des machines brûlant. Ça calme. Mais tout ça au bras ne va pas le subir très longtemps. Pense qu'avant le départ, un de ses anciens camarades de tranchées à graisser la patte d'un GAF bien placé. Alors un jour, le gars vient le chercher dans la cale du bateau. Vous n'avez qu'à dire que vous êtes malade.

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Dès que vous avez la dysenterie comme ça, je vous amèneraient à l'infirmerie. Il y va et il y restent dans des draps blancs jusqu'au bout du voyage. Et vous allez voir, ce n'est pas fini.

[00:18:42]

Le bateau longe maintenant les côtes de Guyane et il pénètre dans l'embouchure du fleuve Maroni. La Martinière à Costa, Saint-Laurent-du-Maroni. Fin du voyage. Les 800 bagnards sont débarqués. Ils sont faméliques. Des loques humaines, sauf boudera. Lui, ça va. Il a bien mangé. Il a dormi dans ses draps blancs. Mais en théorie, le régime de faveur, maintenant, c'est fini. Bonga Case, numéro 11. Il est enfermé dès sa descente de bateau avec 60 fagots.

[00:19:15]

Comme lui, c'est comme ça qu'on appelle à l'époque les forçats du bagne. Alors, il était bien question de travaux forcés dans le métro, les bagnards casse des cailloux. En vérité, à Saint-Laurent-du-Maroni, on est envoyé en forêt couper des arbres et souvent on y meurt de la malaria ou de la dysenterie. C'est cela la vérité. Les bagnards ont échappé à la guillotine. Alors, ils viennent mourir dans une forêt d'Amazonie.

[00:19:54]

Mais tout ça, le docteur Bruguera ne le connaîtra pas, car il est médecin. Le médecin chef de l'hôpital, le docteur Rousseaux, veut le voir tout de suite, tout de suite. Asseyez vous, mon cher confrère. Voyez vous, notre service de santé manque cruellement d'hommes capables. Nous avons par exemple besoin d'un médecin au service des maladies bactériennes. Mais moi, je n'ai pas les compétences requises. J'ai exercé la médecine générale et bien vous les acquerrait les compétences.

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Et rassurez vous, les maladies ici sont toutes les mêmes. C'est la diphtérie ou ces Tiger. On lui propose d'être bagnard médecin avec les avantages qui vont avec. Vous pourrez bien entendu déjeuner à l'hôpital et circuler librement sur le domaine. Malheureusement, il vous faudra être de retour à votre case à 6 heures pour l'appel. Mais si tout se passe bien, un jeu tâchera de vous faire obtenir une chambre individuelle. Ça ne se présente pas trop mal cette vie de bagnard.

[00:20:59]

Le jour même, le docteur Pierre Bruguera enfile sa blouse blanche et il découvre un système incroyable. S'il y a autant de malades à l'hôpital du bagne, c'est parce que, figurez vous, les bagnards se refilent les maladies entre eux volontairement pour échapper à l'enfer de la forêt. Par exemple, quand il y a quelqu'un qui a la tuberculose, bien tous les autres viennent se frotter à lui jusqu'à l'avoir à leur tour. C'est dire dans quel enfer vivent les bagnards de la forêt.

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Mais en vérité, Pierre Bougara prépare un grand projet. Il veut se faire la malle. Alors, il se met à étudier la carte détaillée de la Guyane. Il apprend l'espagnol. Il est le premier à vouloir s'enfuir. Chaque année, 20 pour des bagnards tentent l'aventure. La plupart sont capturés. Beaucoup se noient, d'autres se perdent à jamais dans la forêt. Et quand, par miracle, ils arrivent au Surinam ou en Guyane anglaise, on les arrête et on les rend aux Français.

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Ceux qui sont arrivés à passer au Venezuela ou au Brésil se comptent sur les doigts d'une main. Mais Bougherra était déterminé. Il a localisé à l'extérieur un ancien bagnard, un Toulonnais qui a purgé sa peine, mais qui est interdit de rentrer en métropole. Lui aussi veut partir. Alors, il est d'accord pour l'aider. Il va lui trouver un bateau. Un jour, le Toulonnais lui fait passer un message. C'est pour le tram toutes. Bruguera est au bagne depuis six mois à peine.

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Le rendez vous est fixé au 30 août 1928 dans une crique de l'embouchure du Maroni, Boudera part avec sept autres bagnards. Le Toulonnais a planqué un canot sous la mangrove qui borde le fleuve. Mais qu'en bout, grattez le bateau de la végétation. Mais c'est une ruine. Ton bateau vers les plages sont bourry. C'est pas ça qu'on voit passer les vagues. Le Toulonnais promet un autre bateau dans dix jours. Alors en attendant, il s'enfonce dans la forêt pour se planquer.

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Dix jours plus tard, le nouveau bateau est là 8 mètres de long, un mètre de large. En bon état et les voilà partis à 8 vers le Venezuela. Et très vite, c'est l'Atlantique, les vagues, les courants qui vous entraînent là où vous ne voulez pas aller. Et le soleil qui vous graye sur place. Au dixième jour, la barque essuie une tempête qui crée une voie d'eau. Il faut s'échouer, réparé et après, il tombe sur une série de tempêtes.

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Et au bout de deux jours, il s'échoue sur une plage où il tombe sur des pêcheurs. Un jour, Paula. Onesta, Amance, Wanner. C'est un insolent. Soro, mais Soro, c'est au Venezuela. Ils ont réussi. Ils ont réussi.

[00:24:24]

On leur donne à manger, ils reviennent, mais pas longtemps. Une escadrille déboule dans le village. Le Venezuela, à l'époque, est tenu d'une main de fer par le général dictateur Gomès. Les fuyards sont jetés dans un camion et transportés à la prison. Dira pas. Et voilà que déboule le maire, dit Rappa. Il paraît que vous êtes docteur. Il souffre atrocement du taux. C'est sûrement une hernie discale. C'est rien de grave, rassurez vous, vous avez de l'argile blanche.

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Demandez à votre hypothécaire. Et le maire guéri et dans la foulée, il fait savoir qu'un médecin français tient une consultation chez lui. Deux heures plus tard, c'est la queue devant sa maison. Mais cette célébrité va évidemment se retourner contre Bourras parce que la France finit par apprendre qu'il est au Venezuela. Elle réclame son extradition. Il est donc arrêté et jeté en prison.

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Mais là encore, miracle, le général qui commande la prison s'est blessé à la gorge et Bourras le recoud et en échange, le général le libère et il retourne, n'ira pas. Et le maire l'accueille à bras ouverts et il reprend ses consultations. Et là, il tombe amoureux de sa voisine. Ils se marient, tout ça. Trois ans après le meurtre du pauvre Jacques Rumen. Et ce n'est pas fini. L'année d'après, dans un village voisin, il fait face seul à une épidémie de peste.

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800 malades ont 15 jours. Il les fait isoler. Il fait vacciner les autres. Il fait incendier les habitations infectées. Et au bout d'une semaine, l'épidémie s'arrête. Le journal local titre El Doctor Pedro Bourla, gagne alors La Plague. Le docteur Bougara, vainqueur de la peste et du combat. On lui offre d'ouvrir une clinique sur l'île Margarita, la perle des Caraïbes. Pour Margarita et la belle villa avec la vue sur la baie qui va avec.

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Naissent des enfants, deux fillettes et le docteur Bougara coule des jours heureux. En 1948, le président français Vincent Auriol propose de le gracier une grâce. Mais ce serait reconnaître ma culpabilité. Ça, ça sera la réhabilitation ou rien.

[00:27:10]

Ça sera rien. Parce que Pierre Bourras meurt le 12 janvier 1962 sur son île d'une crise cardiaque, et vous trouverez aujourd'hui encore sur l'île de Margarita, une statue à son effigie. Hommage du village. Reconnaissants à la mémoire du docteur Pierre Bruguera, qui trouva sur cette terre un havre de paix et a su répondre à son hospitalité par les bienfaits de sa profession. On a juste oublié d'écrire qu'il a tué son copain de régiment, le brave Jacques Rumen, pour 8500 francs.

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L'histoire de cette histoire que nous allons débriefer dans un instant avec l'historien Michel Pillai. Vous avez écrit Monsieur Pierre, le temps des bagnes Editions Taillandier. Vous êtes un historien de la colonisation, notamment. Vous en connaissez d'autres, des histoires comme ça? Ou est ce que cette histoire est vraiment à part dans l'histoire du bagne?

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Non. C'est vrai que l'histoire du docteur Bruguera est assez exceptionnelle. Et puis, même à l'époque, on la considérait comme extraordinaire puisque il s'est souvent rencontré des journalistes, y compris l'un d'entre eux en 1932, qui est venu le voir dans son île de Margarita, qui porte en plus un nom de coquetel. Donc, c'était un endroit, comme vous le dites, fort justement paradisiaque. C'était exceptionnel de voir ce qui était exceptionnel aussi au pays. C'étaient des médecins condamnés appartenant à des familles bourgeoises, dont son cas en plus.

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Croix de guerre, Légion d'honneur, etc.

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C'était pas tout à fait habituel chez ceux qui arrivaient à Saint-Laurent-du-Maroni et des évasions réussies jusqu'au moment où il s'évade contre les évasions réussies, c'est à dire en venant ici et qui n'ont pas donné lieu à un renvoi ou à la mort dans la forêt sur les doigts d'une main.

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Alors là, j'apporterai une sortie. Oui, parce que quand je suis allé sur les archives, quand j'ai travaillé sur les chiffres des évadés de ces années justement, c'est à dire des évadés non réintégrés, ça ne veut pas dire que vous me dites qu'ils ont atteint un pays où ils ont pu se réinsérer. Mais par exemple, pour l'année 1928, qui est celle de la date de l'évasion de Bochra, ils sont 112 au total à être non réintégrés. On peut estimer que sur ce total, on a quand même plusieurs dizaines qui ont pu atteindre le Venezuela, la Colombie, voire, en prenant d'autres chemins, l'Amérique plus au sud.

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Ce qui est frappant, par exemple, c'est de consulter les rapports de nos ambassadeurs de l'époque dans à Caracas, par exemple, qui se plaignent au ministère des Affaires étrangères à Paris, du nombre DVD du bagne qui anime la pègre locale ou qui servent de d'interlocuteur, pourrait on dire à la police locale. Ce n'est pas si fréquent que ça, mais c'est important. Et c'est pour ça que la plupart des grands truands ou des véritables assassins qui se retrouvaient au bagne préféraient subir leurs peines de travaux forcés en Guyane qu'en maison centrale.

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Parce que en Guyane, vous aviez, aussi maigre soit elle, mais quand même des possibilités d'évasion qui n'existaient pas en maison centrale.

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Là, vous êtes précis aussi pour compléter un peu cette description du bagne. Pierre Bougnat. Ni bagnards, notamment. Ça, c'est une séquence qui ne peut pas oublier. Les bagnards sont tout d'Ity pour attraper des maladies et ne pas avoir à aller en fourrer du bois.

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Oui, c'est sans doute là aussi un peu plus compliqué. D'abord, les forçats qui sont dans les camps forestiers sont ceux qui ont des au bagne. La réputation d'être des incorrigibles, c'est pas forçats qui va systématiquement dans les camps forestiers. Et il est vrai qu'une partie d'entre eux, pour échapper à un sort absolument abominable. C'est tout à fait prouvé, y compris par les statistiques de mortalité dans les camps forestiers, cherche à avoir des maladies pour effectivement repartir sur l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni où là, ils peuvent être soignés, puis tenter de survivre.

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Vous laissez entendre qu'il y a un peu romancé son histoire?

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Oui, comme beaucoup de forçats, y compris là, je pense en même temps en écoutant l'émission vous ecoutant à Charrière, à Papillon, qui a annoncé plusieurs fois. Mais lui même a raconté en formulant beaucoup comment il avait rencontré Grah Saint-Laurent-du-Maroni qui ensuite à Caracas. C'est absolument normal parce que dans le cas de Bruguera, il va recevoir les journalistes dont on parlait, qui va un peu arranger son son, son rôle et son destin. Et en tout cas, il a une grande chance, en quelque sorte.

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C'est que, justement, le bagne à Saint-Laurent-du-Maroni et le docteur Rochehaut, par ailleurs célèbre pour avoir écrit beaucoup de choses sur le bagne, la situation épouvantable des bannières. Il aurait dû partir à l'île Royale, c'est à dire aux îles du Salut, les vedettes des cours d'assises, se retrouver en général à Royale. Mais comme on manque de médecins, évidemment peu nombreux parmi les condamnés à Saint-Laurent-du-Maroni, le docteur Rousseau va le prendre à ses côtés et il va faire partie de ce qu'on appelait au bagne.

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Parfois, les hommes de cinq mois, c'est à dire on avait remarqué en termes de statistiques, un certain nombre de forçats entre le moment où il arrivait, où il débarquait Saint-Laurent-du-Maroni et le moment où s'évader en général du rêve par la mer avec un canot comme Bouchra. Il y avait un laps de temps de. C'est à dire le temps d'avoir encore l'énergie de pouvoir partir parce qu'après, on est physiquement plus en état de se lancer dans l'aventure.

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Une partie d'entre eux, en tout cas, ne l'avait plus où attendait le moment, ce qu'on n'a pas fait au moment où il était libéré, vers le moment où ils avaient terminé leurs stands de travaux forcés. Mais dans le cas de Bouguereau, ce n'était pas le cas puisqu'ils étaient condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Condamnés à rester en Guyane jusqu'au reste de ses jours, certains attendaient quand même quelques années d'adaptation et d'avoir la possibilité d'être un peu plus libre que d'être enfermé dans les cases, la fameuse case numéro 11 où il est incarcéré au début.

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Un personnage dandine dans l'histoire de cette évasion qui m'a donné l'occasion de nous expliquer quelque chose. C'est l'outil le plus douloureux. Il a été condamné aux travaux forcés, puis il a été libéré. Mais ce qui ont été libéré du bagne n'avaient pas le droit de rentrer en métropole. Il est coincé.

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Oui, ça va pas à Cayenne puisque c'est sur tout le territoire du bagne. C'est surtout le Maroni. C'est la capitale du bagne, c'est Saint-Laurent-du-Maroni avec plusieurs milliers. Pourrait on dire que condamnés derrière ceux qui liait, y a les condamnés en cours de peine? Et puis, il y a ceux qui sont astreints à résidence jusqu'à la fin de leurs jours, certains condamnés pour rentrer un peu dans la loi qui gérait tout ça. Tout condamné à plus de 8 ans de travaux forcés devait rester une fois sa peine accomplie en Guyane, devait rester à vie en Guyane, c'est à dire il faisait ses huit ans de travaux forcés à telle ou telle tâche.

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Et puis ensuite, il ressortait du camp de la transportation de l'entreprise qui l'employait à Saint-Laurent. Il était libre, mais il devait rester dans la colonie et la plupart du temps, sans trouver du travail ou d'occupation. Et il se mettait à ce moment là un peu au service de ceux qui projetaient un projet d'évasion en achetant ou en façonnant un canot, en rassemblant la nourriture nécessaire. Il faut bien voir que quand Bougara s'évade avec ses compagnons, ils vont rester en mer 28 jours de cavale.

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Donc on la préparer, l'évasion, c'est à dire dans le canot. Vous avez quand même un minimum de nourriture et un minimum d'eau potable dans près d'un mois de navigation, donc. Les libérés bien préparés pour eux mêmes, souvent aussi et pour des compagnons de rencontre. Des évasions qui pouvaient réussir.

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Mais ça veut dire qu'il y avait un climat pas très particulier à Saint-Laurent-du-Maroni.

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Si vous dites que, en plus des Guyanais, il y avait là plusieurs milliers d'anciens bagnards, plusieurs milliers, oui, vous pourriez avoir autour de 15 cents à deux mille forçats, plus ceux qui étaient à l'intérieur du camp de Saint-Laurent-du-Maroni et ceux qui avaient éventuellement des petites concessions de terre, des concessions urbaines, des petits, des Michiko. Mais rien comme atmosphère.

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CCRC n'imagines. Ça fait un petit paquet de ce que décrit aussi Albert-Londres. Par exemple, quand ils arrivent à Saint-Laurent-du-Maroni, ils trouvent que c'est la ville plus propre de France. D'abord parce qu'il y a toujours une corvée de bagnards à l'extérieur qui enlève le moins d'herbe sauvage qui peut pousser. Puis tout Saint-Laurent-du-Maroni fonctionne par et pour le bagne. Les maçons sont des bannières, les peintres des cases. Des surveillants sondés sont des forçats. La petite usine électrique fonctionne avec eux aussi des bannières en cours de peine.

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Vous avez une petite ville où se mêlent les forçats en cours de peine. Les libérer, les les Amérindiens, les commerçants chinois, des Noirs descendants des évadés, des plantations, etc. Etc. Donc, il faut où il faut. On a tendance parfois à imaginer le bagne comme une sorte de camp de concentration isolé. Ce n'est pas du tout le cas. Vous avez certes le camp de la transportation on le soir. Les bannières sont enfermées, mais dans la journée, ils vont dans les différents travaux nécessitant la FIDH de dix ans ferme.

[00:36:40]

Ça va, ça vient. Il y a du sable là qui traîne.

[00:36:46]

Oui, c'est sûr qu'il y a des femmes venant du Surinam, la Guyane hollandaise voisine, qui sont qui sont là. Vous avez des où? Vous avez des cafés? Vous avez toute une vie, toute une vie nocturne pour les libérer. Normalement, les forçats en cours de peine, ils doivent rentrer le soir au camp avec le avec la pelle. Mais pour les libérer. Et vous avez le Saphia? Vous avez l'alcool, vous avez la prostitution. Tout ça est encore soumis à la loi, malgré tout.

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Enfin, les belles bagarres et les assassinats entre forçats libérés ou pas, ne manquent pas puisqu'il reste une trace de tout.

[00:37:29]

Aujourd'hui, le bagne existe physiquement.

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Oui, physiquement. Le camp de Saint-Laurent-du-Maroni, c'est C.ca plus les bâtiments d'entrées, la salle de la cuisine et la salle d'entrepôt Mettrie. Tous ces bâtiments et le mur qui. Tour existe, ainsi que l'hôpital. l'Hôpital dans lequel Bouchra a été médecin était l'un des plus beaux jours des hôpitaux des colonies. Parce que, comme vous le disiez fort justement aussi dans l'émission, le bagne est l'affaire du ministère des Colonies et pas de la Justice ou de l'Intérieur. Ce qui explique aussi pourquoi Bruguera, médecin militaire, rencontre là bas d'autres médecins militaires.

[00:38:14]

Le docteur Rousseau et les surveillants au bagne sont des militaires. Ce sont des surveillants militaires appartenant au ministère des Colonies. Donc, cet hôpital est construit, comme d'autres hôpitaux, dans les colonies françaises de l'époque et sont des bâtiments impressionnants ou bien bien aérés. Ils sont aujourd'hui assez qui sont classés quand on préserve la mémoire.

[00:38:38]

Si je vais boire un coup par la base, je peux tomber sur un descendant de deux manières de passer.

[00:38:44]

On en trouve alors, à la différence de la Nouvelle-Calédonie, où vous avez une revendication en quelque sorte, ou avoir un ancêtre Forsa et considéré peut être, comme en Australie, également, comme un titre de gloire, comme une ascendance qu'on ne récuse plus. En Guyane, c'est un peu plus compliqué. Ils ont beaucoup fait moins souche que l'on peut le faire en Nouvelle-Calédonie, mais vous pouvez vous donner quelques adresses, vous y aller et on pourra les partager.

[00:39:13]

Une Margarita, c'est agréable de discuter avec un homme de science.

[00:39:17]

Michel Pierre, historien, a écrit Le Tour d'Espagne aux Editions Taillandier.

[00:39:24]

C'est un dispositif policier remplaçant d'écoutes sur un policier.