Transcribe your podcast
[00:00:02]

La seconde, c'est Christophe Sandalettes. Comment ça marche? Un avocat? Comment choisir ses dossiers? Pourquoi accepte t il de défendre ce que l'opinion publique appelle des monstres? Dans un livre qui paraît chez Plon et qui s'appelle Soit je gagne, soit j'apprends, l'avocat Alain Jakubowicz raconte dans quelles circonstances et avec quel état d'âme il est devenu en 2017 l'avocat de Nordin Lelandais, l'assassin présumé de La Petite Milice, et du caporal Noyez. Réalisation signée Céline Bras.

[00:00:39]

Christophe Hondelatte. Tu ne devrais pas raconter ça là bas, pourquoi? Parce a des coups à prendre, quoi que tu dis, ça te sera reproché. Et puis on parle pas d'un dossier avant qu'il soit jugé. C'est pas ce que tu reproches à La Presse, mais je n'ai pas l'intention de parler du dossier.

[00:01:00]

Je veux parler du rôle de l'avocat. Je veux rétablir certaines vérités. Je veux expliquer, pas ta m'expliquez, expliquer. Et pourquoi pas?

[00:01:10]

Parce que les gens m'ont écrit des horreurs depuis que j'ai accepté de défendre le lendemain des messages du genre. Je vous souhaite le pire, vous et votre famille, ou va mourir en enfer avec lui, gros bâtard ou je vous souhaite de mourir d'un cancer généralisé et mêmes gens que ta mère. Comment est ce qu'on peut méconnaître à ce point le rôle de l'avocat?

[00:01:34]

Pour moi, cette histoire commence banalement par un coup de téléphone d'un après midi de septembre 2017 d'un homme que j'ai récemment fait acquitter devant la cour d'assises.

[00:01:45]

Ça va être bien. Vous avez entendu parler de la disparition de la petite Maïlys pendant un mariage? Bah voilà Schmeichel chez les parents de celui qui vient d'être arrêté pour ça. Je, j'ai pas. Je ne veux pas que sa mère. Et il me passe sa mère. Elle veut que je sois l'avocat de son fils. Je lui donne rendez vous à ce stade, je n'ai pris aucune décision et de toute façon, je ne peux pas prendre ce dossier d'abord sans avoir rencontré l'intéressé et surtout sans en avoir parlé ou associé du cabinet au cabinet de sensuellement un cabinet de droit des affaires.

[00:02:25]

Je ne peux pas accepter un dossier aussi sensible et médiatique sans tenir compte de l'impact que cela aura sur nos clients qui, pour la plupart, sont des chefs d'entreprise.

[00:02:37]

Et donc, j'organise une réunion interne et c'est ma fille associée dans le cabinet qui intervient la première, je te rappelle que tu as une petite fille qui a le même âge que Maïlys quand même, où ça fait mal.

[00:02:51]

Non, je n'ai pas oublié. Enfin, il faut quand même réfléchir à ce que nos clients peuvent penser de ton intervention dans une telle affaire, non? D'accord, mais je te rappelle qu'on est avocat. Et par ailleurs, le suspect clame son innocence. Cela reste à prouver.

[00:03:08]

Mais bon, puisque tout ce sont mes associés ont peur, mais ils me font confiance, ils me connaissent. Il subodore que j'ai déjà pris ma décision. Mais pourquoi est ce que j'ai choisi de défendre cet homme? Est ce que c'est parce que me remonte le démon qui travaillent tous les avocats, seul contre tous? Plus le crime est horrible, plus la tâche est difficile et plus difficile, plus elle est exaltante.

[00:03:44]

Je rencontre Nordin le pour la première fois le 15 septembre 2017 au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier. Pas au parloir. Avocat. Les détenus savent qu'il est là et c'est un monde qui a sa propre moralité. Voyez vous, vous êtes un escroc, trafiquant de drogue, braqueur, voire assassin. Vous êtes acceptée, sinon respectée. Mais si vous êtes pointeurs, comme ils disent, c'est que vous êtes accusés d'avoir commis un crime à caractère sexuel. Alors malheur à vous est donc normal.

[00:04:16]

Le lenders est déjà devenu leur tête de Turc. Pour sa sécurité, il ne peut plus croiser personne dans la prison. Résultat il va être mis au quartier d'isolement, la prison dont la prison, là où on place les récalcitrants.

[00:04:30]

En attendant maître, vous pourrez le voir dans une salle de quartier. Arrivants.

[00:04:43]

Je me suis préparé à cette rencontre. Je ne sais pas ce qu'il va me dire, ni même s'il va me parler, mais s'il me dit qu'il est pour quelque chose dans la disparition de ma liste, je l'exhorte de le dire au juge d'instruction pour qu'on la retrouve, pour qu'on mette un terme au calvaire des parents. En revanche, s'il me dit je refuse que vous en parlez aux magistrats, alors je serai prisonnier, car mon serment d'avocat m'impose le silence.

[00:05:10]

Ça me tente, ça. Je ne me sens pas capable de plaider l'acquittement d'un homme que je suis coupable. Le mieux serait qu'il me le dise pas hypocritement.

[00:05:22]

Faut que tu sois solide. Pour que tu sois solide, pour que tu sois professionnel. Quand la porte s'ouvre, je vois un homme massif qui ressemble aux photos parues dans la Presse.

[00:05:43]

L'air abruti en moi, la poignée de main est ferme et franche. Asseyez vous, je vous prie. Il a l'air accablé, les yeux tombant. Il me fait penser à Droopy. Je ne peux pas vous dire totalement ce qu'on s'est dit. Ça appartient à la confidentialité de l'échange entre un avocat et son client. C'est sacré, ça. Et puis, il y a le secret de l'instruction. Là, je marche sur le fil du rasoir. Bien.

[00:06:10]

Peut être que vous pouvez commencer par me parler de la nuit du drame, de tout ce qui vous est reproché, des éléments qui sont parus dans la Presse allégé et allégé. Je vous écoute, je ris, en fait, moi. Je suis totalement étranger à la disparition de Maïlys, vous croyez moi, mon rôle n'est pas de le croire ou de ne pas le croire. Je dois juste prendre acte de la ligne de défense qu'il me fixe. Il dit qu'il est innocent.

[00:06:40]

Bon. Et maintenant, est ce que cette ligne est tenable? Pour répondre, il faut que je lise le dossier et pour le lire, il faut que j'accepte d'être son avocat. Je pourrais toujours me retirer si le dossier est accablant. Enfin, je pourrais me retirer tant que le fait que je sois son avocat n'est pas encore publique. Pour l'instant, la presse n'est pas au courant. En revanche, dès que ce sera rendu public, si je me retire, ça sera interprété comme un aveu, un aveu qu'à mon avis, il est coupable.

[00:07:11]

Il faut que ça reste secret le plus longtemps possible, le temps que je lis le dossier. Le secret tient moins de 10 ans. Le 24 septembre, La Presse annonce que je suis le nouvel avocat de Normal. Le. Et moi, je choisis le silence. Je retourne le voir à la prison de Saint-Quentin-Fallavier dès le lendemain, le 25 septembre.

[00:07:41]

Bonjour maître, je vais vous emmener voir votre client. Bon, on l'a installé dans le quartier d'isolement. Vous acceptez de vous y rendre. C'est à dire qu'on pourrait le faire venir au parloir. Avocat, mais faudrait qu'on bloque la circulation dans l'établissement. On aimerait pouvoir s'embrasser.

[00:08:01]

D'accord, d'accord, ça ne me pose aucun problème. Mais je vous le dis tout de suite, je ne veux pas le voir dans sa cellule. La cellule, c'est trop intime. Bon moment. Bon, d'accord, on va vous le mettre dans une petite salle du quartier disciplinaire. Je ne veux pas le voir dans son intimité, mais je suis depuis qu'il a recouvert les murs de sa cellule d'images de moto qu'il a placé dans un coin. Une photo de son père, de sa mère, de son frère, de sa sœur et de son neveu et une autre photo de ses chiens.

[00:08:34]

Me voilà donc en route pour le quartier d'isolement et au passage, quelques mots de détenus que je connais, à savoir un avocat bien séparé pour la détention d'autres clients.

[00:08:51]

Il ne se passe pas très bien. Ses voisins de cellule l'insultent toute la nuit en poussant des hurlements. Mais vous ne pouvez pas faire quelque chose que vous voulez qu'on fasse pas grand chose à faire.

[00:09:10]

Bonjour Monsieur le Länders, comment ça va? Je n'ai pas beaucoup dormi à cause des hurlements des autres. A le surveillants qui ouvre la porte toutes les demi heures pour vérifier que je ne me suis pas suicidé. J'arrive pas à dormir. Je crois bien que c'est à cette occasion, cette deuxième visite, que je commence à le tutoyer. A ma grande surprise d'ailleurs, je n'ai pas le tutoiement facile. Je vous vois certains de mes associés depuis des décennies et d'ailleurs, je n'aime pas non plus que l'on me tutoie.

[00:09:43]

Mais concernant le lenders, ça me vient de manière naturelle, ni par sympathie ni par mépris. Je trouve simplement grotesque de le vouvoyer. Il est indispensable que je parvienne, malgré les difficultés, à nouer avec lui une relation de confiance mutuelle. Sans cela, le binôme avocat client ne peut pas fonctionner.

[00:10:14]

En nous plongeant dans le dossier avec mes collaborateurs, nous tombons tout de suite sur une irrégularité de procédure. Elle saute aux yeux, je vous explique. En matière criminelle, la loi fait obligation de filmer les interrogatoires de la personne gardée à vue. L'obligation et les quatre premières heures de l'audition de Nordin Le L'ondée n'ont pas été filmés et donc les PV d'interrogatoire sont nuls. Je suis avocat, je n'ai pas le choix. Je dois déposer une requête en nullité.

[00:10:47]

Ce que je fais le 30 octobre sans en parler à personne. Décision le 30 novembre. Et, hasard du calendrier, c'est ce jour là, le 30 novembre, que, pour la première fois depuis qu'il est en prison, Nordin Le Landais est convoqué par la juge d'instruction. Je suis donc en route pour le palais de justice avec ma collaboratrice. Il y a de nouveau une chaîne de télé annonce que le Lenders a été filmé par une caméra de surveillance à Pont de Bonvoisin.

[00:11:32]

A l'heure de la disparition de Maïlys, Ilija sait que sur les images, dans la voiture, on distingue une petite forme blanche qui pourrait être une petite fille. Ce n'est pas bon pour lui.

[00:11:49]

Et comme par hasard aujourd'hui, coïncidence sans doute, ou plus sûrement, quelqu'un proche de l'enquête a donné cette information à cette chaîne de télé en violation du secret de l'instruction, et la chaîne en fait ses choux gras. Je vous le dis, elle va même jusqu'à diffuser une reconstitution de l'image supposée montrer cette forme blanche. Pas la vraie image, une image inventée par eux.

[00:12:17]

Selon l'idée qu'ils se font des vraies images sans les avoir vus. Ma collaboratrice et moi, ça nous laisse sans voix. En arrivant au palais, j'apprends que la chambre de l'instruction a annulé les PV d'audition. C'est normal, c'est la loi et ensuite commence l'interrogatoire.

[00:12:41]

Il dure toute la journée. Secret d'instruction? Je ne peux rien vous dire à ce sujet.

[00:12:47]

En revanche, en sortant le soir, j'apprends que le procureur donne une conférence de presse diffusée en direct. Elle dure 22 minutes.

[00:12:58]

La disparition de Marie-Lys a été fixée à 2 heures 45 à 12h46 et 12 secondes. Monsieur Lelandais mettait son téléphone en mode avion. À deux heures 47, son véhicule est filmé par une caméra de vidéosurveillance du centre ville de Pont de Beauvoisin à l'avant du véhicule. Une silhouette frêle de petite taille, qui est vêtue d'une robe blanche se trouve sur le siège passager avant, à trois heures 24 et 29 secondes. Le véhicule est de nouveau filmé en sens inverse par cette caméra vidéo dans le sens du retour.

[00:13:47]

Le conducteur est alors seul dans la voiture. L'article 11 du Code de procédure pénale dit que le procureur peut rendre public certains éléments de la procédure Milas. Enfin, il fait une lecture subjective de l'affaire. C'est une atteinte à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. Le procureur dit que la disparition de l'enfant est survenue à deux heures 45 du matin. Mais il y a des témoignages qui disent je les ai vus dans le dossier. Qu'elle a été vu au mariage après deux heures 45.

[00:14:24]

Par ailleurs, les vidéos que nous nous avons vu ne montrent absolument pas dans la voiture une silhouette frêle vêtue d'une robe blanche. On les voit même pas un humain, encore moins une fillette, et pas non plus de robe blanche. La mise en condition du public et des futurs jurés a commencé du fait du procureur et à partir de là, les réseaux sociaux se déchaînent et des spécialistes se succèdent sur les plateaux pour parler d'un interrogatoire auquel ils n'ont pas assisté et d'une vidéo qu'ils n'ont pas vu.

[00:14:59]

Le tout agrémenté d'images reconstituées, sans jamais se demander si elles correspondent à la réalité. Le curé. Et pour moi, l'abyssin, le sentiment d'une impuissance. Mais est ce que pour autant, je dois parler? On me sollicite. Bien sûr, je choisis de réagir sur une seule chaîne, celle qui diffuse cette vidéo parce que j'y connais une journaliste et que je la respecte. Et bien sûr, en début d'interview, elle diffuse un extrait de la conférence de presse du procureur.

[00:15:35]

L'enfant enlevé 12h46 12h47 et les fans sur le mode avion et votre client reviendrait seul à 3 heures 24 mariages. Et oui. Ça, c'est l'interprétation qui a été donnée qui a été jeté en pâture aux Français. Il n'y a qu'à voir les titres le lendemain, les preuves accablantes. Nordin le Hollandais est coupable. Il ne reste plus finalement qu'à appuyer sur un bouton pour qu'il soit condamné. Ce n'est pas le dossier. Qu'est ce que vous avez? La différence, ce n'est pas le dossier.

[00:16:02]

Et je vous le dis les yeux dans les yeux. Je le dis à toutes les personnes qui nous entendent et qui nous écoutent, ce n'est pas le dossier.

[00:16:09]

Je dis aussi que des témoins ont vu la petite fille dans la salle à 3 heures du matin et haussent le ton. Et je marque mon indignation. Oui, je m'indigne du procédé qui consiste à reconstituer une image en laissant croire qu'elle est issue du dossier. Oui, je dis qu'il est impossible de voir dans cette silhouette un enfant en robe blanc.

[00:16:30]

C'était la réalité. On me l'a reproché. Et on va opposer la triste réalité qui apparaîtra dans quelques mois. Mais ce jour là, c'est ce que j'ai vu sur cette vidéo. La vraie.

[00:16:50]

Evidemment, je parle de tout ça avec Norden, le Länders, même si sa mère m'a prévenu vous savez, il parle pas beaucoup à un organe.

[00:17:05]

Et les médicaments qu'on lui donne en détention n'arrangent rien qu'il paci accablé, résigné, très loin de la terre brûlée que décrivent les médias, alors qu'un homme qui se dit innocent devrait se révolter, s'indigner. Et moi, je me demande qui il est et ce qu'il est. Le garçon respectueux qui n'a aucun problème avec les surveillants de la prison. Celui qui répond à la juge d'instruction par ou est madame ou non madame? Poliment. Ou alors, est ce le marginal inquiétant, le fêtard violent dont parle la presse?

[00:17:41]

Qui manipule qui?

[00:17:48]

Avec son accord, bien sûr que j'ai rompu le silence et que je suis allé à la télé, pas de problème comme il faut.

[00:17:58]

Alors qu'à ce moment là, il savait que c'était bien sa voiture, qu'on voyait sur la vidéo et que c'était bien Maïlys qui était sur le siège passager. Il aurait pu me le dire, n'y allez pas mettre. Le procureur a raison. Il m'a laissé aller à Canossa, comme on dit. Il m'a laissé aller m'humilier devant l'ennemi. Mais moi, j'étais son avocat et j'ai fait ce que je devais faire à ce moment là.

[00:18:31]

C'est également avec son accord qu'ensuite je retourne au silence, mais je crois que c'est mieux qu'on parle, pas de moi. C'est pour ma famille. Et oui, son père a été violemment pris à partie alors qu'il faisait ses courses au supermarché. Son frère ne trouve plus de travail à cause de son nom. Sa soeur a été menacée et sa mère, victime d'un accident, a dû se faire hospitaliser sous son nom de jeune fille. Je leur recommande d'ailleurs de ne plus parler aux médias, mais régulièrement, ils se font piéger.

[00:19:09]

En vérité, normal, le lenders m'apparaît comme une sorte de paumé, fruit de notre époque et de notre société qui ne s'intéresse qu'à ses chiens et à ses motos et à rien d'autre. Il a 34 ans et tout ce qu'il a fait a shout. Oui, ces chiens sont ses seuls compagnons. Il a tenté de vivre avec des femmes, mais ça n'a pas marché. Et son travail? Il a dû retourner chez papa, maman et ses relations sociales se résume à la recherche de partenaires sexuels sur les réseaux sociaux.

[00:19:43]

J'avoue que je suis effaré par le nombre de rencontres qu'il a collectionner comme ça en quelques clics, pour se retrouver dans une voiture avec une femme dont il connaît à peine le prénom, il aller à ses rendez vous comme d'autres vont à la pêche ou au foot. J'ai parlé de ça avec lui.

[00:20:01]

Normal, t'as connu le plaisir de ce qu'on appelle la séduction. J'ai vite compris que c'est un langage qui ne comprend pas d'inconnue. Je ne sais pas, moi. Le dialogue, le partage, la galanterie, l'attente, le désir, le respect, tout ça, pour lui, c'est un concept 25.

[00:20:34]

La journaliste qui m'a interrogé à la télévision m'a demandé pourquoi, du coup, je n'ai pas demandé la remise en liberté de mon client puisque, selon moi, la thèse de l'accusation ne tient pas. Et d'ailleurs, lui même, au début, m'a demandé si c'était possible. Maître, puisque innocent, vous croyez pas que c'est possible? Soit libéré? Non, non.

[00:20:57]

Honnêtement, je ne crois pas que ce soit envisageable à ce moment là. Il y avait trop d'indices contre lui demander. Sa mise en liberté était vouée à l'échec et inopportun. Mais là, la prise de parole du procureur change tout. Il dit que Maïlys a disparu à deux heures 45, mais au vu des témoignages, ça ne tient pas. Et puis, si Maïlys a été vu sur le lieu du mariage à 13h45, elle ne pouvait pas se retrouver dans la voiture de Nordin Le L'ondée, à 12h47.

[00:21:31]

Les accusations du procureur s'effondrent et d'un coup, tout le reste devient accessoire. Donc, nous nous attendons à une demande de mise en liberté en démontrant qu'il est possible que Maïlys ait disparu à 12h45. Sauf à imaginer que les témoins mentent, qu'ils se trompent, ce qui est improbable. Cela dit, je ne veux pas faire cette demande pendant les fêtes de Noël. Ça serait trop douloureux pour la famille de Maïlys. Alors j'attends début janvier et je dépose ma demande.

[00:22:05]

Et comme je m'y attendais, c'est reçu comme un sacrilège. Mais ma réponse, c'est le dossier, tout le dossier que le dossier.

[00:22:25]

L'audience est fixée au 8 février.

[00:22:28]

J'ai demandé que Nordin le l'ondée soit présent. Je veux que les magistrats et mon confrère de la partie civile le voient et je veux aussi que lui entende la parole de l'avocat général et de l'avocat des parents de Maïlys. L'audience est digne. Bien sûr, je ne m'attends pas à ce qu'on me donne raison, mais je veux prendre date. Je veux, comme j'aime bien, d'ayant remettre l'église au milieu du village, même si entre temps, il y a eu de nouveaux.

[00:23:02]

Le 18 décembre 2017, je reçois un appel de la gendarmerie.

[00:23:08]

Maître Jacques Beauvais. Oui, c'est moi. Moi, je vous rappelle que votre client normal, le Landais, vient d'être placé en garde à vue dans le cadre d'un dossier instruit à Grenoble et donc, il requiert votre présence pour la Chiflet.

[00:23:25]

Une autre. Mais de quoi vous prend tout de suite la route? Et je le découvre en écoutant France Info.

[00:23:32]

Normal Hollander, déjà mis en examen dans l'affaire de la disparition de la petite Maelys à Pont de Bonvoisin, dans l'Isère, vient d'être placé en garde à vue dans une deuxième affaire. Il est maintenant suspecté d'avoir tué un jeune militaire à caporale qui l'aurait pris en stop au mois d'avril dernier. J'arrive à la gendarmerie où je parviens à éviter la presse avant que son interrogatoire de garde à vue commence. Je me entretien avec N'ordonne le lendemain une rencontre glaciale. Il ne me semble pas du tout paniqué, mais seulement abattu.

[00:24:08]

Et moi, à ce stade, je n'ai pas eu accès au dossier et donc je découvre les faits qui lui sont reprochés. Au fur et à mesure des questions posées par le juge, le caporal disparu s'appelle Noyez.

[00:24:20]

Moi, je n'ai rien à voir avec ça. Monsieur, je vous assure rien du tout.

[00:24:25]

Àl'issue, il est présenté au juge d'instruction qui le met en examen pour assassinat. Ce qui veut dire d'abord que le juge pense que le caporal Noyez est décédé et que, par ailleurs, le l'ondée l'aurait tué avec préméditation. Quand je découvre le dossier, je me demande bien d'où il sort. Certes, son téléphone a borné au même endroit que celui du caporal, mais rien de plus. Et voilà comment je me trouve entraîné dans un second dossier. La presse, évidemment, s'en donne à cœur joie.

[00:25:02]

Et pour cause, on a changé de registre et ça permet de jouer à faire peur. La France a désormais un nouveau tueur en série et les commentateurs se succèdent à nouveau sur les plateaux pour discourir pendant des heures sur un dossier dont il ignore tout. Sur un homme qui ne connaissent pas non plus, mais qui présente, selon eux, toutes les caractéristiques du tueur en série. La question n'est plus de savoir s'il est coupable des deux crimes dont on l'accuse, mais de combien d'autres.

[00:25:34]

Il est l'auteur.

[00:25:35]

Parole de spécialiste. On finira par en trouver un troisième, car il faut trois crimes minimum pour être un serial killer.

[00:25:44]

Et moi, moi, je suis emporté par ce tsunami et je ne peux rien dire, rien faire parce qu'il n'y a rien à dire et rien à faire. Pour être honnête avec vous, à ce moment là, je songe à refuser ce deuxième dossier. Le premier, je l'ai accepté, mais celui là, il m'est imposé.

[00:26:05]

On en parle au cabinet, mais là, ce n'est pas cohérent du tout de rester l'avocat dans l'un dans l'autre.

[00:26:11]

D'accord, un avocat ne quitte pas le navire dans la tempête.

[00:26:24]

Dans l'affaire, Maïlys, ma collaboratrice, débarque dans mon bureau, livide. Alain Alain, on vient de recevoir de nouvelles pièces qui viennent d'être versées au dossier. C'est un rapport d'expertise scientifique. Ce rapport, je le lis. On a trouvé une minuscule tache de sang dans le coffre de Nordin Lelandais et ce sang est celui de Maïlys.

[00:26:55]

On se regarde avec ma collaboratrice en silence. Et là, des larmes montent aux yeux. Je me sens seul, terriblement seul, face à un obstacle que je me serais capable de surmonter. Ce n'est pas anormal. Le lenders que j'en veux, c'est moi. J'ai présumé de mes forces. J'ai commis le pire péché pour en invoquant l'orgueil. Je suis entré dans ce dossier pour faire triompher la vérité seul contre tous, et c'est la vérité qui triomphe de moi.

[00:27:31]

Et je me retrouve seul contre tous.

[00:27:35]

Le roi est nu. Échec et mat. À ce moment là, je n'ai qu'une envie tout envoyer balader. Mais je ne peux pas partir. Je ne dois pas partir. Je dois boire le calice jusqu'à la lie. Le lendemain matin, je vais à la maison d'arrêt avec en poche le rapport d'expertise qui me brûle les doigts et qui torture ma conscience. Ça doit se lire sur mon regard. Il comprend tout de suite que quelque chose de grave est arrivé.

[00:28:12]

Un long silence s'installe et moi, je ne sais pas trop quel ton employer la manière forte. Ça ne servira à rien. Je dois rester professionnel coûte que coûte. Bon. Voilà. J'ai dans les mains un rapport de la police scientifique.

[00:28:33]

On a trouvé une tache de sang dans ta voiture et ce serait celui de Maïlys.

[00:28:39]

Normal, il a les yeux humides, le teint blafard. Il me regarde sans me voir. Il a compris que la partie était terminée et qu'il avait perdu Elyes. Il prend son visage entre les mains et il pleure. Je pense que tu as compris la situation, Nordin. Est ce que tu sais où est le corps de Maïlys? Oui. Tu serais capable de le retrouver? Oui, je crois. Et là, je ne lui laisse pas le choix.

[00:29:17]

D'autres auraient sans doute proposé une stratégie différente, mais persister à nier est suicidaire. Quand je vais sortir normal, je vais appeler la juge d'instruction. Je vais lui dire qu'il faut qu'elle te réentendu de toute urgence. Et toi, tu devras reconnaître devant elle que tu es, tu es Maïlys et que tu acceptes de l'accompagner où tu la mise. On est d'accord Norden. Et pour aujourd'hui, c'en est assez. Le temps viendra où il devra donner des explications.

[00:29:57]

Mais là, il en est incapable. Et moi aussi. Arrivé sur le parking, je reste prostré un moment dans ma voiture.

[00:30:13]

Et puis je compose le numéro de la juge d'instruction. Mais elle est absente. Certains de ses collègues qui décrochent, dites.

[00:30:20]

J'ai pris connaissance des derniers éléments du dossier. J'ai rencontré mon client ce matin. Je sorte de la prison. Vous pouvez faire passer un message à la juge qui souhaitait être entendue dans les plus brefs délais.

[00:30:36]

Mais le problème, c'est qu'elle est en vacances. Elle vous convoquera dès son retour? Non, non, non.

[00:30:42]

Ça, ça ne peut pas attendre.

[00:30:46]

Bon, je vais tenter de la joindre, je vous rappelle.

[00:30:49]

Ils ont compris. Nous sommes convoqués demain.

[00:30:59]

Le 14 février, nous prenons avec ma collaboratrice la route de Grenoble en sachant que la journée sera longue et pénible. Quand on arrive au palais de justice, je demande à m'entretenir avec mon client.

[00:31:12]

On est d'accord.

[00:31:13]

Normal, on fait comme on a des oeillères. Tu reconnais que tu es, tu es Maïlys. Tu dis à la juge que t'es prêt à la conduire là où se trouve le corps.

[00:31:26]

On est d'accord. De quoi remettre. Et c'est ainsi que devant la juge en larmes, il reconnaît qu'il a tué Maïlys. Vous êtes d'accord pour nous conduire à l'endroit où vous avez abandonné le corps?

[00:31:41]

Oui, bien maître.

[00:31:45]

Nous allons donc organiser un transport de justice.

[00:31:49]

On partira de la gendarmerie de Bonvoisin où vous invite à vous rendre tout de suite et à partir de là, nous allons suivre le trajet parcouru par votre client le soir du drame, depuis la salle des fêtes où se déroulait le mariage, jusqu'à l'endroit où il a abandonné le corps de l'enfant.

[00:32:07]

Entendu. Sur place, les gendarmes ont pour mission d'éloigner les journalistes, mais en écoutant la radio, je m'aperçois vite qu'ils sont informés au fur et à mesure, sans doute par une personne proche du dossier. Et donc, une longue procession se lance. Précédé par des motards qui bloquent les carrefours Nordin Le Lenders et dans la première voiture, c'est lui qui montre la voie et il collabore. Il répond aux questions. Il explique par où il est passé, ce qu'il a fait ou il s'est arrêté.

[00:32:44]

On roule, on s'arrête, on repart. Et moi, je me dis. Et s'il menait tout le monde en patauds, pourvu qu'il trouve l'endroit, alors je lui parle, je l'encourage. Manifestement, il veut y arriver et à un moment, on se retrouve bloqué par la neige.

[00:33:04]

Bon, ce n'est pas praticable. Il faut faire venir un engin de déneigement. Ça va prendre un peu de temps. On attend.

[00:33:13]

L'engin finit par arriver et la progression reprend.

[00:33:19]

Je suis Chertok, selon Surjouant. Mais à quel endroit précis ça s'est passé en été et avec la neige, ça n'a plus rien à voir.

[00:33:40]

Il s'arrête un bon moment au bord d'une pente boisée. Il hésite. Il est tenu en laisse avec ses menottes par les gendarmes. Il fait dix mètres vers le haut, puis vers le bas. Puis encore vers le haut. Puis il descend la pente. Il bifurque vers la gauche. Il passe sous les arbres. Il s'arrête près d'un rocher. Il cherche. Il tourne la tête à droite, à gauche. Il se baisse. Il balaye le sol de la main et il se relève comme si, comme s'il sentait les lieux.

[00:34:10]

C'est long. Tu es sûr, Nordin? Tu en es sûr? Oui, je veux tellement qu'on découvre cet enfant tellement les gendarmes fouillent superficiellement. Rien.

[00:34:25]

Bon, compte tenu de l'état du sol et de leur avancée, on va suspendre les recherches pour ce soir.

[00:34:34]

Sur le chemin du retour, Nordin le Landais s'effondrant. Attention, je ne veux pas qu'on se méprenne sur mon propos, mais c'est simplement ce qui le fait pleurer. Chacun peut le voir et il n'y a pas besoin de l'interpréter. Moi, je rentre à pied, ça a été une journée éprouvante. J'ai marché à l'endroit où se trouvent les restes d'une petite fille de 9 ans qui a été tuée par l'homme que je défends. J'ai besoin d'être seule. J'ai besoin de respirer.

[00:35:14]

J'ai besoin de silence.

[00:35:16]

Arrivé à ma voiture, je tombe sur le procureur de la République àmettre. Je voulais vous prévenir. Je vais faire une conférence de presse. C'est normal qu'il s'exprime, mais moi, je ne le ferai pas. Je nordet ni le courage, ni la force. Et d'ailleurs, que dire?

[00:35:44]

Nous reprenons la route de Lyon et à la radio se déroule le procès en direct de Norden, le. Et moi, je me dis dans l'adversité et la détresse. La défense doit rester debout. L'homme que je suis est anéanti. Mais l'avocat n'en a pas le droit. Cette schizophrénie professionnelle m'habite depuis toujours et je crois que ce soir, elle est à son paroxysme. Nous écoutons en direct la conférence de presse du procureur.

[00:36:16]

Bon demi tour, on va à la mairie de Pont de Bonvoisin ou Rouge.

[00:36:20]

Finalement, je vais parler et c'est en arrivant que je la prends maître. On a retrouvé les restes du corps de la petite Maïlys.

[00:36:34]

L'endroit désigné par Nordbank Lelandais était donc exacte. Il a dit la vérité et ça me rassure autant que ça me terrifie.

[00:36:46]

Les journalistes sont là, mais moi, je ne sais pas quoi leur dire.

[00:36:50]

Alors je pas trop bon dans ces conditions, maître, vous resterez l'avocat de Länders? Oui, bien sûr.

[00:37:00]

C'est moi qui l'ai aidé à dire où se trouvait Maïlys s'il ne l'avait pas dit. Je crois que je serai parti, car ce dont on l'accuse me fait horreur. Mais je ne défends pas sa cause. Je défends un homme.

[00:37:18]

Comment vont réagir tous ceux qui croyaient à son innocence? Ses parents, son frère, sa soeur, sa mère et sa soeur ont beaucoup de difficulté à accepter la réalité. Mais pas question pour elle d'abandonner leur fils. C'est leur frère. Pour elle, c'est terrible, mais elles vont le voir à la maison d'arrêt. C'est le seul lien qui rattache normal le Landais à la vie. Le dernier soutien moral qui lui reste. En écoutant la radio vers 22 heures, Nordin Lelandais a été extrait de sa cellule il a quitté le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier pour être conduit vers un lieu indéterminé.

[00:38:03]

Ses parents m'appellent évidemment alors, mais on vient d'entendre à la radio. Mais comme personne ne m'a prévenu, je décide d'appeler le procureur sur son portable.

[00:38:20]

Ecoutez, je ne suis pas moi même. Ça me fait rire et je comprends qu'il est vexé de ne pas savoir.

[00:38:29]

Je comprends surtout que ses relations avec les juges d'instruction ne sont pas des plus cordiales. En vérité, Nordin Le, qui était dans un sale état à son retour à la prison, a été hospitalisé à l'UE, à HSA de l'hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon. C'est une prison dans l'hôpital. Les médias ont dit que c'était moi qui l'avait demandé. C'est faux. C'est l'équipe médicale de la prison qui l'a décidé et c'est donc là que je lui rend visite au début de la semaine suivante.

[00:39:00]

On se retrouve dans une salle vaste et claire. Il a l'air complètement drogué. Il est là, assis devant moi, droit, figé, l'air hagard. Il me fixe sans me voir. Il a les deux mains calées sous ses cuisses. Et dans ma tête, je revois les images du Vol au dessus d'un nid de coucou, le film de Milos Forman. Aucune discussion n'est possible aujourd'hui, alors je me lève et repartons.

[00:39:26]

Je me surprends à lui adresser une petite tape sur l'épaule. Je ne pense pas que je me serais souvenu de ce geste anodin, mais c'est lui qui me l'a rappelé à ma visite suivante.

[00:39:38]

Merci meutres! Bah, ça m'a fait du bien, vous savez, ceux ce geste, un instant d'humanité. Dieu que l'homme est complexe. Le lendemain, Nordin Le Lenders est à nouveau entendu par les juges d'instruction, mais il était pété. Il a la bouche pâteuse. Il est manifestement gavé de médicaments. Il n'est pas en état de répondre à la moindre question. Et puis, au cours des semaines suivantes, peut être grâce au suivi psychiatrique, il commence à parler.

[00:40:14]

Même évoquer les faits devient plus facile. Et s'épiler à ce moment là que l'enquête sur le meurtre du caporal Noyez avance enfin. Dans cette affaire, les gendarmes ont déjà retrouvé le corps, mais jusque là normal, le Landais a toujours nié l'avoir tué. Il a reconnu qu'il l'avait pris en stop, mais rien de plus. Et là, il est convoqué pour un nouvel interrogatoire. Et moi, en préparant l'entretien avec lui, je sent qu'il est prêt à reconnaître qu'il l'a tué.

[00:40:52]

Le lendemain, avant d'entrer dans le bureau du juge de Chambery, je vérifie qu'il n'a pas changé d'avis. Un homme pour changer d'avis? Je vais faire comme on a dit et il le fait et vous acceptez, monsieur le, de nous conduire là, vous avez abandonné son camp? Oui, j'accepte, dans la mesure où on a déjà retrouvé les ossements du caporal. Il s'agit juste de vérifier qu'il dit vrai. Un nombre impressionnant de voitures de gendarmerie est mobilisé, précédé de motards qui ouvrent la voie et suivie, bien sûr par une cohorte de journalistes.

[00:41:30]

Je refuse qu'on couvre la tête de Nord thaïlandais. Je ne sais pas pourquoi ces images évoquent pour moi le lynchage. La peine de mort, quoi qu'il faut. Un homme n'a pas à se cacher.

[00:41:42]

Il doit assumer et affronter les regards. Le trajet donné par le Lenders correspond à celui de son téléphone portable et à celui du caporal Noyez la nuit des faits. A un moment, il fait arrêter le convoi. Portland. Et il explique ce qui s'est passé, ce qu'il a fait ensuite et ensuite nous reprenons la route et il nous amène à un endroit où, au mois de décembre dernier, des promeneurs ont retrouvé les ossements du caporal Wala. Il a reconnu les faits et moi, je reste convaincu que c'est grâce au travail des psychologues et des psychiatres de l'hôpital du Vinatier.

[00:42:34]

Et pourtant, on décide que son hospitalisation n'est plus nécessaire. Je le regrette. On le prive d'un suivi médical dont il a grand besoin. Comme dans toutes les affaires criminelles, N'ordonne le Länders est soumis à une expertise psychiatrique et psychologique. Les psychiatres et psychologues doivent dire s'ils souffrent de pathologie. Si son discernement a été altéré ou aboli au moment des faits, j'avoue que la manière dont ces expertises se déroule a toujours été pour moi un mystère. Les experts doivent être sacrément doués pour arriver à diagnostiquer des pathologies et a asséné des vérités péremptoires après avoir passé pour certains quelques minutes et pour d'autres quelques heures avec l'intéressé.

[00:43:23]

Nordin Lelandais m'a dit que pour lui, ça a duré 20 minutes. Il dit qu'il n'a pas pu placer un mot en dehors des réponses aux questions. Ça me fait penser à l'expert psychologue de l'affaire d'Outreau qui avait dit Quand on paye des expertises au tarif d'une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage. Et puis, je me suis souvent demandé comment sont rédigés les rapports de ces experts quand ils sont deux ou trois experts. Comment font ils pour être toujours d'accord?

[00:43:51]

Un jour, l'un de ces psychiatres de renom m'a raconté que ça se finissait souvent comme ça. Bon, cette fois, tu me suivra la prochaine là. Genre renvoi d'ascenseur.

[00:44:10]

Je vais voir More le Lenders quelques jours après son retour à la prison de Saint-Quentin-Fallavier. Il a retrouvé le quartier d'isolement et les insultes. Je le trouve abattu, abruti par les médicaments et par les heures passées devant la télé. Ça va, Nordin, comment est ce que tu passes des journées?

[00:44:32]

Je regarde la télé et bien sûr, tu regardes les émissions qui te sont consacrées, n'est ce pas?

[00:44:37]

Bah ouais, tu devrais plutôt lire Nordin, t'as déjà lu des livres? J'en ai lu. 3. Lesquels? Bah d'abord, la véritable histoire du Bouddha. Je suis tombé dessus dans la chambre de ma soeur. Retour à terre, attiré par le bouddhisme et timers. Heureux. Et puis quoi encore? Charlie et la chocolaterie, on devait le lire à l'école, on joue bien. Un troisième livre, un livre sur l'affaire Patrick Dils.

[00:45:12]

Je l'ai trouvé à la bibliothèque de la prison. Il me demande régulièrement combien il risque. Quelle peine! Alors un jour, je lui dis Bah, tu vois un organe, tu sortiras quand t'auras mon âge à peu près. Alors ça veut dire qu'on ne serait pas là. Quand je sortirai une autre fois, je rentre du Sénégal. Obama a eu sacrément peur que votre avion tombe. Une autre fois encore, au lendemain d'une soirée télé où on avait beaucoup parlé de lui et de moi, je suis énervé, surtout pour vous mettre tout dit sur vous.

[00:45:56]

Chacun fera ce qu'il voudra de ça, mais quand on voit un homme pendant des mois et des années dans quelques mètres carrés, on se retrouve dans une relation humaine. C'est la différence qui existe entre ceux qui ont un avis définitif sur un homme qu'ils n'ont pas vus et un avocat qui passent des centaines d'heures avec lui, même si moi, j'ai toujours veillé à maintenir une distance.

[00:46:24]

Les juges attendent l'été pour procéder à la reconstitution de la mort de Maïlys pour qu'elle se déroule dans les mêmes conditions que le soir des faits. Ils sont là avec leur greffière, le procureur, les parents de Maïlys, leur avocat et des experts, et beaucoup de gendarmes, et aussi des figurants.

[00:46:45]

Bien, monsieur le Länders, est ce que vous acceptez de refaire les gestes, c'est à dire de jouer votre propre rôle? Ou est ce que vous voulez être représenté par ce qu'on appelle un plastrons, c'est à dire un figurant?

[00:46:58]

Je le convint de faire face. Il accepte. Dans la voiture, un mannequin de tissu est installé sur le siège passager et lui est au volant. Et la scène est filmée via le rendez vous.

[00:47:12]

Allez refaire les gestes que vous avez fait le soir du drame. Attention, top départ.

[00:47:19]

Et là, je suis à terre, bloquée, comme sans doute tous ceux qui sont là. Je n'imaginais pas qu'on puisse porter des coups d'une telle violence. Je suis tétanisée et je pense aux parents qui sont là à quelques mètres.

[00:47:36]

Je ne veux pas croiser leur regard. Mais qu'est ce que je fais là? Qu'est ce que je fais là? Je ne veux pas en dire plus. Et peut être d'ailleurs parce que j'en ai trop dit et j'accepte par avance tous les reproches qui me seront faits. Mon but n'est pas d'humaniser celui qu'on présente comme un monstre, et pas non plus de plaider avant l'heure. On m'a tellement demandé pourquoi j'avais accepté ce dossier. Pourquoi vous mettre pas vous mettre?

[00:48:12]

J'avais besoin de l'expliquer, de m'expliquer, de l'expliquer. Il ne s'agit pas de moi. Il s'agit de la fonction de l'avocat. J'en ai entendu des synopsis à ce sujet et des insultes. Et des gens qui disent Mais pourquoi diable l'avocat du procès Barbie, du procès Touvier et du procès Papon? Le défenseur des droits de l'homme est devenu l'avocat de Nortel. Le l'ondée. C'est à eux que je m'adresse pour leur expliquer que c'est le même avocat qui, après 40 ans de métier, a toujours la même passion, le même amour de la barre, la même combativité, la même foi en la justice.

[00:48:52]

N'a pas d'avocat des bonnes causes et d'avocats des mauvaises. Il n'y a pas non plus d'avocat des accusés et des avocats des victimes. A ceux qui veulent diviser, je dis toujours je suis avocat. Ma robe est la même, quelle que soit la cause ou l'homme que je défends. J'ai tiré cette histoire du livre d'Alain Jakubowicz chez Plon. Soit je gagne, soit j'apprends une histoire en deux épisodes. Le premier épisode est déjà disponible sur votre application de podcasts.

[00:49:30]

Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur un point. FR.