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Raconte Christophe Hondelatte. En 1895, à West Ham, dans le quartier des Docks à Londres, Robert Kunz a 13 ans et il dort avec sa mère Émilie, une belle femme un peu girons de 40 ans. Dormir avec sa mère à 13 ans, ça peut paraître étonnant et, pour tout dire, un peu malsain. Mais à cette époque, et dans ce quartier, c'était assez courant. Le manque de place, la promiscuité.

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Et pourtant, les causes ne sont pas miséreux. Le père est chef steward sur un bateau à vapeur transatlantique. Il est payé six livres par traversée, l'équivalent de 800 euros d'aujourd'hui. De quoi payer le loyer et nourrir la famille. Il est juste souvent absent. Et ce 8 juillet 1895, il est en mer, au milieu de l'Atlantique Nord. Alors, Robert, t'es un peu l'homme de la famille. Il a commencé à travailler à 13 ans dans un chantier naval.

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Plus intelligent, plus décidé que son frère Natty, qui a un an de moins. Cette nuit de juillet 1895, c'est la canicule. Il n'a pas plu sur Londres depuis plusieurs semaines. Roberte a acheté un couteau de marin, une dague, une lame de 11 centimètres recourbé avec un manche en laiton, et il l'a glissé sous son oreiller.

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À 4 heures du matin, il se lève. Il prend le poignard et d'un coup, il le plonge dans le buste d'Emilie, dans le buste de sa mère. Entre les deux seins et il atteint le cœur. Puis, il sort de la chambre. Il va voir son petit frère Natty et il lui dit de Secret Story. Ça y est. C'est fait. Ils l'emmènent Natty dans la chambre de sa mère quand il entre, Emilie râle encore. Roberte la poignarde à nouveau.

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Maintenant, elle ne bouge plus et il se retrouve à côté d'elle, ce qui, entre nous, peut paraître monstrueux. Il se couche près de sa mère, qu'il vient de tuer, et il s'endort. Mais ce gamin n'est pas un monstre et je vais vous le prouver. Le lendemain matin, le lundi à 6 heures, il fait déjà jour. Les deux garçons sont habillés. Ils sortent de chez eux, dans l'arrière cour. Ils croisent leur voisin, monsieur Roberton.

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Robert lui tend une parente, une livre. Est ce que vous pouvez payer la propriétaire? Tout à l'heure, il y aura personne à la maison. Aujourd'hui, on va voir un match de cricket. Votre mère vit avec vous? Non, elle est partie voir Tata à Liverpool. On a un oncle qui est mort en Afrique. Puis, les deux garçons vont prendre le tram, ils vont au Lord's, le stade de cricket du nord de Londres.

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En rentrant, ils viennent récupérer la monnaie et la quittance de loyer chez le voisin. Cette nuit là, ils ne vont pas à l'étage. Ils dorment tous les deux dans le salon. Le cadavre de leur mère est toujours dans le lit.

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Le mardi encore, cricket et le soir, théâtre. Le Théâtre Royal convient de construire dans le quartier et le soir venu, ils dorment encore dans le salon et le cadavre de leur mère est toujours là au. Le mercredi, ça fait trois jours que Natty sèche l'école, qui est pourtant obligatoire jusqu'à 12 ans. Roberte, lui, n'est pas allé travailler. Ils n'ont plus d'argent. Ils montent à l'étage pour récupérer de montres en or. Le cadavre de leur mère est là, en train de se décomposer et ils vont sur les docks.

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Pas facile de se représenter ce qu'était ce quartier industriel à l'époque le cœur économique de l'Empire britannique, des entrepôts, des chantiers navals, des usines de gaz, des papeteries, des fonderies. Ça dégage des fumées épaisses et des odeurs tenaces. Le quartier grouille d'ouvriers et de marins de toutes nationalités britanniques, irlandais, Malais, Indiens, Suédois, chinois, le tout dans un vacarme assourdissant. Les machines qui grondent, les trains qui passent, les coups de sirène, le fracas des chaînes et des treuils.

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Les garçons franchissent le portail gigantesque du Royal Victoria Dock. Ils viennent voir un ami de la famille. Ils ont besoin d'un adulte pour vendre les montres. Les prêteurs sur gages ne traitent pas avec les enfants. Cet homme s'appelle John Fox et il a 45 ans. Il est maigre, il est sale. Il est tatoué. Il a une tête de pirate, un peu clochard, un peu homme à tout faire. Il rendait service à la famille comme du bricolage, du jardinage.

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Il a servi sur les bateaux avec, comme son père. Il en a vu John Fox. Il raconte par exemple que quand il était sur l'Égypte, un vapeur qui transportait du bétail et du coton de New York vers Liverpool. Le feu a pris au milieu de l'Atlantique et que lui et les autres ont lutté des heures contre les flammes avant de s'entasser sur six canots de sauvetage qu'ils ont ramé pour s'éloigner des vaches qui sauter dans l'océan et menaçaient de renverser les canots.

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Par miracle, un navire de passage les a recueilli. Depuis, Fox ne navigue plus. Il dort sur les bateaux à quai. Il dort sur les docks. Il traîne. Robert lui explique que leur mère voudrait qu'il veille sur eux, qu'elle est parti à Liverpool, qu'elle le paiera à son retour et qu'elle voudrait qu'il mette ses montres en gage. John Fox, l'homme qui en a vu d'autres, gob leur histoire ou en tout cas, il mine.

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L'argent des montres. Il se dit peut être qu'il pourra lui aussi en profiter. D'ailleurs, le soir venu, il est avec les garçons dans le salon pour dormir. Le lendemain matin, Fox et les gamins arrivent à gager les deux montres. Et avec l'argent, les trois larrons s'installent dans une vie à base de parties de cartes, de matchs de cricket, de pêche dans l'embouchure de la Tamise et de virées dans les pubs. Une vie de cocagne.

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Pendant dix jours et pendant dix jours, le cadavre d'Émilie est toujours là haut, dans la chambre. Jusqu'à ce que, le 17 juillet au matin, le livreur de lait, le milk man, en faisant sa tournée, remarque une odeur épouvantable qui se dégage de la maison.

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Henrotin? On raconte. Le mail man, l'homme qui distribue le lait dans les rues de Londres, a senti une odeur de mort, alors il en a parlé aux voisins qui lui même a fait prévenir la tante des enfants. Et la voilà qui arrive. La tente, elle toque à la porte plusieurs fois. Les deux garçons sont en train de jouer aux cartes. Robert finit par lui ouvrir quand il voit sa tante Natty. Le plus jeune saute par la fenêtre et s'enfuit à travers les jardins.

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Où est votre mère? Elle est partie chez Mme Cooper? Non, je ne le crois pas. Est ce que je peux monter dans sa chambre? La tatie monte. Elle ouvre la porte. Elle distingue une forme sur le lit recouverte d'un drap. La puanteur est insupportable. Il y a tellement de mouches dans la pièce qu'on n'y voit rien. Et maintenant, il y a un agent de police. Le constable Englebert Toinette. Il porte un uniforme bleu marine et son équipement réglementaire, un casque, un bâton, un sifflet, un calepin et un crayon.

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Quand il soulève le drap, il voit le corps d'une femme qui grouillent d'asticots. Il y a deux plaies béantes dans la poitrine. La vermine a déjà dévoré les cuisses, les parties génitales, les yeux et le nez. Il note elle était en sous vêtements et non en chemise de nuit. Sur le sol, il y a un couteau et un gourdin sur le plancher.

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Le constable Wart se tourne vers Rebirth. Oui, monsieur, c'est moi qui ai fait ça. Mon frère a reçu une raclée pour avoir volé un peu de nourriture et maman m'a dit qu'elle m'en donnerait une à moi aussi. Alors Natty m'a dit qu'il voulait la surmenée, mais comme il ne pouvait pas le faire lui même, je m'en suis chargé. Son explication est désarmante. Les deux garçons et leur copain John Fox sont conduits au poste de police et le lendemain, le juge Magalhaes envoie les trois compères à la prison de Loher.

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L'instruction peut commencer. L'homme qui va diriger l'enquête, le coronaire, décide de s'installer au Liverpool Arms. C'est un pub du quartier et les témoins défilent donc dans le pub. Fox était il au courant? Natty était il complice ou juste influencé par son frère? Et enfin, qu'est ce qui peut bien pousser? Un enfant de 13 ans a poignardé sa mère. Fox est décrit comme un brave garçon un peu simplet. Quant au jeune Natty, il n'a pas assez de personnalité pour avoir manipulé son frère.

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La clé de tout, c'est donc Blomberg. Les témoins que le coroner reçoit au pub disent qu'il est intelligent, qu'il est volontaire, qu'il est bon en classe et qu'il est passionné de lecture. Ça ne nous fait pas un assassin et encore moins l'assassin de sa mère.

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Écoutez bien ce qui va suivre. A l'époque, La Presse a son explication. C'est la faute des livres, des livres qu'il lisait après le meurtre.

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Il y a même des journaux pour demander qu'on interdise ses livres. Le St. James Gazette, par exemple, écrit Les frères Coons, avec leur intelligence scientifiquement développée aux frais du contribuable, ont été amenés à considérer le meurtre comme une blague par l'étude assidue de la pire sorte de fiction sanguinaire. Au final, tous les trois sont renvoyés devant le tribunal Rebirth pour homicide volontaire, Natty pour complicité et Foxe pour non dénonciation. À l'époque en Angleterre, ont jugé les enfants de 7 à 14 ans comme des adultes, pourvu qu'ils soient capables de distinguer le bien du mal.

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Pour le meurtre de sa mère, Roberte risque la pendaison. Le procès se tient en septembre 1895 dans les locaux de l'homme Beyeler. Le tribunal criminel. Il est présidé par le juge Kennedy, qui est un latiniste très attaché à la tradition et qui, chaque matin avant de siéger, crée Houdret et a rangé sa perruque. Il y a un monde, un gouffre, un océan entre cet homme un peu précieux et perruquier et le trio Rebirth Natty John Fox.

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Cette semaine là, au tribunal criminel, il n'y a pas que l'affaire Cont. Le programme est chargé. Une rixe mortelle autour d'une femme infidèle, le viol d'un enfant, le meurtre d'un poissonnier par son employée, un soldat qui a tué une prostituée, un avocat qui faisait chanter un pasteur homosexuel et une domestique de 13 ans qui avait mis le feu à la maison de sa patronne. Tout ça a expédié en trois jours. Autant vous dire qu'on ne va pas faire dans la dentelle.

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Dès l'ouverture du procès, les charges contre Natty, le petit frère, sont abandonnées. Il passe du banc des accusés à celui des témoins. Ensuite, c'est Fox qui est mis hors de cause. Trop simpler acquitté. Roberte se retrouve donc seule dans le box. A 13 ans. Par débattre de la préméditation et il semble que l'achat du couteau suffise à la prouver. Ça, c'est réglé, ce qui n'est pas réglé. C'est la question de sa personnalité.

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Est ce qu'il est normal? Ou est ce qu'il est fou? A l'époque, on disait déments. Et sur ce thème, Robert va recevoir un soutien de taille, celui de son père, qui est rentré pour le procès. Il dit que Robert est particulier, mais que c'est un brave garçon. Il dit aussi que selon les médecins, son cerveau est anormalement développé et que c'est à cause d'un accouchement difficile qu'il porte encore les marques des forceps sur la tête et que depuis, il souffre de maux de tête et de sautes d'humeur.

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Bref, il dit que son fils est atteint d'une maladie mentale, qu'il est dément, qu'il est fou, qu'il n'est pas responsable et qui plus est, dit il. Il a hérité de sa mère un tempérament aimant, excite, table. En gros, le père dit Mon fils, c'est fou parce que sa mère, ma femme, l'était aussi. Le médecin de la prison en remet une couche. Robert a une manie homicide. Son cerveau les comprimés dans sa boîte crânienne.

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Il a des pulsions irrésistibles, irrésistibles. En clair, il n'est pas responsable. Reste à savoir ce que le jury va faire de tout ça. Je vous rappelle le contexte. On est à la fin du dix neuvième siècle à Londres. Le jury le déclare coupable, mais dément au moment des faits. Rebirth échappe donc à la pendaison et à la prison. Le juge Kennedy prononce sa sentence. Le dénommé Bluebird Kloos sera détenu à l'asile de Brott Moor jusqu'à ce que soit connu le bon vouloir de Sa Majesté, le bon vouloir de Sa Majesté.

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Roberte sera donc enfermée dans un asile jusqu'à ce que la reine Victoria décide de le laisser sortir ou pas.

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Européens ont de l'attrait compte. Roberte est donc conduit à Berthe Moore Bob Moore se trouve à une soixantaine de kilomètres de Londres. C'est un château entouré de fermes où sont internés cinq cents hommes qui ont été déclarés déments. Roberte Coons, qui n'a que 13 ans, va donc se retrouver au milieu de ces hommes qui sont en général beaucoup plus vieux et en vérité, beaucoup plus fous. Et a priori, pour le gamin un peu fantasque qu'il est, ça risque d'être un enfer, un enfer.

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Eh bien non, ce passage à de Moore, loin de le briser, va lui offrir un nouveau départ.

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Et le psychiatre qui examine Rebirth est très, très embêté. Il pense que Roberts n'a rien d'un démon qui n'a rien à faire là. Il pense même que ce procès a été bâclé, qu'on n'a pas cherché les vraies raisons de ce meurtre, que la mère battait ses filles violemment et régulièrement, qu'elle avait menacé Natty avec un couteau, qu'elle terrorisait ses enfants et que Roberte, forcément, se sentait responsable de la sécurité de son petit frère et que le père était absent.

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Qu'il était donc l'homme de la maison, qu'il y avait aussi sans doute des rapports incestueux avec sa mère. Car non, non, il n'est pas normal qu'il dorme avec sa mère à 13 ans. Et d'ailleurs, les policiers ont bien noté qu'elle était en sous vêtements et porte en chemise de nuit. Quand on l'a retrouvé en sous vêtements dans le même lit qu'un adolescent pubère. Bref, le psychiatre pense que Roberte était tout simplement incapable de gérer toutes ces émotions contradictoires, qu'il était partagé entre la peur de sa mère et l'attirance pour sa mère, qu'il était obnubilé par la nécessité de protéger son petit frère et que c'est pour cela qu'il s'était inventé un monde entre nous.

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Ce psychiatre est absolument incroyable. On est à la fin du 19ème siècle et la psychiatrie est encore balbutiante et lui dit des choses d'une modernité hallucinante, très en décalage avec la justice expéditive de l'époque. En tout cas, ce diagnostic va avoir une sacrée conséquence sur la vie de Roberte.

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Incroyable endroit que cet asile à cette époque. Au début, Robert travaille au jardin potager, puis dans un atelier de confection où il apprend le métier de tailleur. Il fait aussi beaucoup de sport, et notamment du cricket. Et surtout, la grande affaire depuis qu'il est à l'asile, c'est la musique. Il apprend le corner qui est une sorte de trompette, et le violon, et il participe aussi à la chorale, à la fanfare et à l'orchestre Bareil.

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Au bout de quinze années d'internement, le psychiatre estime qu'il est raisonnable, tranquille et stabilisé et qu'il peut être libéré. Et c'est le roi George 5 qui tranche. Il le libère et il l'envoie à l'Armée du salut, qui va lui offrir encore une chance. Et voilà comment Roberte se retrouve dans une colonie agricole de l'Armée du salut à Adli, à la campagne, non loin de l'embouchure de la Tamise. Il faut quand même expliquer ce qu'est l'Armée du salut à cette époque.

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À la fin du 19ème siècle, en Angleterre, c'est un mouvement chrétien créé quelques décennies plus tôt, en 1865, chrétiens et ouvriers, tournée vers le monde ouvrier avec un projet que son fondateur résume comme ça. Une forte proportion des péchés humains est liée à un environnement misérable. Il faut donc arriver à une régénération de l'individu et de sa condition. Et cette régénération est censée se faire par le travail, la vie à la campagne et la prière. Et Roberte s'intègre parfaitement.

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Dès son arrivée, il est nourris et logés en échange de son travail. Il est tailleur et très vite, il touche un petit salaire parce qu'il travaille bien, parce qu'il va à la messe, parce qu'il se comporte bien. J'en profite pour rappeler l'incroyable chemin parcouru par ce garçon. Ne jamais oublier qu'à l'âge de 13 ans, il a tué froidement sa mère de deux coups de couteau. Et c'est là que va intervenir un évènement qui va complètement bouleverser le reste de sa vie.

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Son père meurt. Et du coup, Robert touche un petit héritage et avec cet argent, il s'achète un billet pour une nouvelle vie aux antipodes. Il s'achète un billet pour l'Australie et l'Armée du salut le laisse partir et en janvier 1914, il prend le bateau pour Sydney. J'insiste évidemment sur la date. On est à quelques mois du déclenchement de la Première Guerre mondiale, ce qui fait que quand il arrive à Sydney, c'est le moment où l'Australie qui est indépendante de l'Angleterre depuis 13 ans, l'Australie décide de s'engager dans la guerre aux côtés de l'Empire britannique et rebirth.

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Très peu de temps après son arrivée, il s'engage lui aussi. Il est jeune, il est vigoureux. Il en a vu des vertes et des pas mûres. Et à 32 ans, il embarque sur l'Ulysse, un navire australien qui part à la guerre.

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Il est d'abord cantonné en Egypte et là, il est brancardier et aussi un peu musicien. Il est formé par un médecin du bataillon qui lui apprend à faire des bandages, à confectionner des écharpes, des attelles et à administrer de la morphine aux blessés. Mais ça ne dure pas longtemps, car maintenant, il s'agit d'aller faire la guerre, la vraie. En avril 1915, il grimpe à bord d'un cargo crasseux. Direction la Turquie en vue de la bataille des Dardanelles.

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Il est débarqué à bord d'une chaloupe, dans une baie qui est bordée de collines rocailleuse. En face, il y a les Turcs. L'objectif est de prendre les collines et lui, son travail. C'est à chaque fois que quelqu'un crie brancardiers et brancardiers de se porter au secours, de donner les premiers soins et d'évacuer les blessés. Le tout sous un déluge d'obus et de balles de mitrailleuses.

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Et le soir, Roberte creuse des tombes pour enterrer les morts pour les Australiens, ça se passe mal. Ils sont assiégés. Ils ont des problèmes de ravitaillement. Il fait une chaleur terrible. Tous les soldats souffrent de dysenterie. C'est l'enfer. Et dans ces allers retours entre la colline et la plage, Roberte sera blessée trois fois par des éclats d'obus. Et une fois par une balle. Et puis, il y aura aussi une hépatite. Et au mois de décembre, ils étaient évacués vers l'Egypte, où il va se retaper avant de repartir au front.

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Il sera maintenant débarqué à Marseille en avril 1916. Il se battra dans la Somme, où 28.000 Australiens vont être tués, mais pas lui. On dirait qu'il y a une étoile qui veut que ce garçon qui avait mal débuté dans la vie, qui aurait dû être pendu à l'âge de 13 ans, s'en sorte. Et à la fin de la guerre, il aurait pu rester en Europe. Il était anglais, mais non. Il veut poursuivre son rêve australien et il reprend un bateau pour Sydney, où il arrive le jour de Noël 1918 en héros.

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Vous vous rendez compte, il a tué sa mère avec une froideur qu'on ne peut pas oublier. Souvenez vous qu'il a dormi dans le même lit que sa mère, qu'il venait de poignarder.

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Et là, il est top héros de la traquant sur Europe1. Roberte arrive donc à Sydney le 25 décembre 1918. Il a maintenant 37 ans. C'est un miraculé. Il aurait dû être pendu pour avoir assassiné sa mère. Il aurait dû s'enfermer dans la folie dans l'hôpital psychiatrique où il a passé 17 ans. Il aurait dû mourir à la guerre, comme sont morts la plupart de ses camarades. Et non, il est là. Il a survécu et on sent chez lui une envie de se poser, enfin de se retirer des fureurs du monde.

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Alors, il choisit le nord de l'Australie, le bout loin de la civilisation.

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Il s'achète une petite maison, un petit petits-champs et 8 vaches. Et voilà, il va vendre son lait. Il va cultiver son potager et c'est tout. Il parle peu à ses voisins. On ne le voit au village que quand il va faire quelques courses et notamment acheter son tabac. Le dimanche, il va au Temple, presqu'une vie d'ermite. Il ne participe à aucune commémoration ou activité d'ancien combattant. Il n'a pas de femme et il n'en cherche pas.

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C'est un solitaire qui s'est retiré du monde. Sauf qu'il va se passer quelque chose dans ce goût. Pourtant, il ne se passe pas grand chose qui va l'obliger à sortir de sa retraite. Son voisin, un certain Harold, gémissent, qui lui aussi a eu une vie agitée, qui a fait de la prison et qui est alcoolique, est un type qui terrorise toute sa famille, et notamment son beau fils. Le fils de sa femme, un gamin de 11 ans, Hraoui.

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Et un jour, le petit Hraoui va prendre une rouste monumentale à coups de cravache, au point qu'il ira trouver refuge au poste de police. On est au milieu des années 30 et Roberte décide de s'occuper de ce gamin qui est rejeté par sa famille et qui est donc abandonné. Et ce qui va le sortir de sa solitude puisqu'il va l'accueillir chez lui. Ravi l'aide à s'occuper de la ferme. Mais pas question d'en faire son petit esclave. Il l'inscrit à l'école et le soir, il lui fait faire ses devoirs.

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On a vraiment l'impression que Roberte, à ce moment là, est dans la rédemption. Lui, le petit assassin monstrueux à qui on a donné sa chance. Il veut rendre. Il veut rendre tout ce qu'on lui a donné. Il veut donner à son tour une chance à quelqu'un d'autre. Et comme toujours, quand on donne, on reçoit grâce à lui, avec lequel maintenant, il a monté une petite activité de maraîcher. Des légumes qu'ils vont vendre en ville, en carriole à cheval, grâce à Hraoui.

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Ils se rendent, socialisent. Il est moins sauvage. Il se remet même à faire de la musique, de la trompette avec les anciens de son régiment. Alors qu'il avait coupé les ponts avec tout son passé l'Angleterre, l'armée, les anciens combattants, il reprend contact avec ses camarades de guerre et un jour, il va même à Sydney pour participer à des commémorations. Et puis, ce qui devait arriver arriva. Harry est grand, il a 18 ans, il s'enrôle dans l'armée et Robert se retrouve seul.

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On est en 1939. Si vous voyez ce que je veux dire. Et d'après vous, qu'est ce qu'il va faire? Eh bien, il va s'engager. Il va mentir sur son âge parce qu'il a quand même 59 ans. Et le voilà dans un bataillon de défense du littoral de l'armée australienne qui est censé défendre le pays en cas d'attaque japonaise. Il va y rester jusqu'en 1942, date à laquelle il est rendu à la vie civile pour des problèmes de santé.

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A partir de 1942, Robert Coons ne quitte plus son village du bush australien et son potager. Il échange quelques lettres avec son petit frère Natty, qui a lui aussi émigré en Australie. Mais ils ne se sont jamais revus. On ne sait pas ce qu'est devenu John Fox, son complice, au moment de l'assassinat de la mère de Roberte. Il est probablement mort sur les docks de Londres. Robert fait une crise cardiaque en 1949. On fait prévenir Harry, qui se précipite à son chevet, mais qui arrive trop tard.

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Robert est mort et comme il n'y a pas grand chose dans l'héritage, Charlie n'a pas les moyens de lui payer une pierre tombale. Alors, on pourrait dire Bah voilà la fin d'une vie incroyable, mais qui va s'en souvenir? Qui se souviendra que Roberte Coons a existé? Qui pourra dire qu'une vie n'est jamais jouée d'avance? Qu'il y a une deuxième, voire une troisième, voire une quatrième chance? Lui qui doit beaucoup à Rebirth va entretenir la mémoire de Robert Coons, d'abord dans sa famille.

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Il va raconter à ses enfants et à ses petits enfants le destin incroyable de son père adoptif, dont il ne savait pas grand chose d'ailleurs. Et surtout pas le début de l'histoire. Le crime, le meurtre sauvage. On pense que Roberte ne lui a jamais raconté toute l'histoire. Et en 1996, il y a vingt ans, Harry a fini par donner à Robert Kunz la pierre tombale qu'il méritait. En le voyant en larmes au cimetière, sa fille lui a dit C'est bien ce que tu as fait, M.

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Il lui a répondu C'est qu'il s'est si bien occupé de moi.

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Et donc, si vous allez en Australie, vous la trouverez dans le cimetière de Caught Harbour, sur la côte ouest est inscrit dessus son nom? Les différents bataillons dans lequel il a servi et la date de son décès. Et cette phrase à jamais dans le souvenir de Howie Milleville et de sa famille. Il n'y a ni lieu ni date de naissance et il n'est fait mention d'aucun autre événement. Et on ne remerciera jamais assez la journaliste qui se lorsquelles d'avoir fouillé les archives pour exhumer et raconter cette histoire dans un livre qui vient de paraître et qui se lit comme un roman et que je vous invite vraiment à lire.

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Ça s'appelle Un singulier garçon, aux éditions Christian Bourgois, car il s'est aperçu que s'il y a aujourd'hui des descendants de Muneville, en Australie, aucun n'était au courant des débuts dans la vie du bienfaiteur de leur famille, dans le métier que je fais. Les rédemption sont rares et celles là méritent le détour.

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