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Raconte Christophe Hondelatte. Une histoire stupéfiante aujourd'hui, qui est arrivée à un garçon qui avait 12 ans à l'époque, qui en a 16 aujourd'hui, qui s'appelle Yannick Cren et qui est assis en face de moi. Bonjour Yannick. Cette histoire, Yannick, tu la raconte dans un livre paru chez Flammarion. Onze mois d'enfer. Je vais essayer d'en dire un minimum pour ne pas dévoiler la fin de l'histoire. Un jour, tu as 12 ans, donc, et tu commences à avoir mal aux muscles.

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Et puis surviennent des maux de tête. Et puis, petit à petit, tu ne peux plus marcher, tu souffre énormément. Et les médecins auxquels s'adressent tes parents pensent que tu saud Matthys, c'est à dire que tu n'as pas vraiment mal, que tu as un problème, disons le, psychiatrique. Et il y a même un moment où on veut interner en hôpital psychiatrique. Et le médecin qui va te sauvé in-extremis est assis en face de moi. Bonjour professeur Perrone.

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Bonjour, vous dirigez le département des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de Garches et seul vous avez trouvé de quoi souffre Yannick? Disons que c'est une maladie dont on parle beaucoup en ce moment, qui fait l'objet d'un débat assez vif. Voici cette histoire hallucinante que je vais raconter en conservant cette rage que tu as eu, Yanai, contre la médecine et contre les médecins qui ne l'ont pas entendu. C'est une histoire que j'ai écrite avec Claude Mandil, réalisation de Céline Lebrun.

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Christophe Hondelatte. Deux ou trois choses que je veux vous dire avant de commencer le décor d'abord, on est dans le Pas de Calais, dans une famille normale papa, artisan, maman, mère au foyer, trois enfants. Celui qui nous intéresse, c'est l'aîné, Yannick. Il a 12 ans et deux petites sœurs. Un détail que je vous donne tout de suite qu'on s'en débarrasse. Dans cette famille, le père et le fils ont le même prénom. Il s'appelle Yannick.

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Tous les deux. Pourquoi est ce que je vous raconte ça? Parce que ce sera un argument, figurez vous, pour dire qu'ils sont dingos. Un argument pour ne pas les croire, pour les faire passer pour des fous. Vous allez voir. Ce qui est arrivé à ces gens là est assez terrible.

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Ça commence comme ça en octobre 2013, Yannick participe au cross de son collège À vos marques, prêts, partez.

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Ce n'est pas un grand sportif, c'est plutôt le genre intello, mais il aime bien nager. Mais là, qu'est ce qui se passe? Il a mal aux muscles. Ses jambes pèsent une tonne. Mais qu'est ce qui se passe? Il finit bon dernier. Normalement, il est meilleur que ça. Et d'ailleurs, ses copains s'inquiètent ce arrive bioniques de tout blanc.

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Tu veux qu'on amène à l'infirmerie? Moi, je ne fais pas. Ça allait passer. Ça va aller, je crois.

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Il n'y a pas que ça. Depuis quelques jours, il a des vertiges et aussi des problèmes de mémoire, de concentration. A 12 ans, ce n'est pas normal. Quand il rentre, les parents font venir le médecin de famille. État grippal? Bon, donc, on attend. Sauf que les jours suivants, Yannick se mettait à avoir mal partout. C'est comme des Pican qu'on enfonce partout. Il a des maux de tête terribles. Il perd le goût, l'appétit.

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Il a très mal aux yeux. Ce n'est pas la grippe. Alors, qu'est ce que c'est? Retour chez le médecin de famille qui a demandé une prise de sang en urgence? Bien au vu des résultats, je crains que ce soit très sérieux. Nous avons tous les signes d'une leucémie. En tout cas, il faut l'hospitaliser tout de suite au cas Yannick. On l'hospitaliser, donc, et là, finalement, on a refait les prises de sang.

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C'est pas une leucémie, ça arrive avec le médecin de campagne qui se trompe. Mais qu'est ce que c'est? Alors si ça n'est pas une leucémie? Et là, le médecin se met à leur poser tout un tas de questions bizarres. Vous faites quel métier, monsieur? Artisan, pourquoi et vous, madame, j'élève mes trois enfants. Et vous avez le même prénom? Père et fils, Yannick, je vous l'avais dit, retenez de cette séquence que les parents de Yannick n'ont pas aimé la manière dont ce médecin leur parler, ce ton inquisiteur.

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Et surtout, ils n'ont pas compris quel rapport ça avec toutes ces questions, avec les douleurs de Yannick. Quoi qu'il en soit, on l'hospitaliser, on lui colle de la morphine. Il a un peu moins mal.

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Le lendemain matin, la visite Yannig voit débarquer le chef de service et une cohorte d'internes. Le professeur lui fait des tests de réflexes et lui pose deux ou trois questions. Et hop, tout le monde s'en va. Tout le monde, sauf une femme un peu pète sec, une neuropédiatre. Cheveux blancs coupés courts au carré, elle observe Yannick en silence. Et puis lui pose des questions. Et là, Yannick. Du haut de ses 12 ans, sans qu'elle ne le croit pas, elle ne croit pas qu'il a vraiment mal.

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Elle croit qu'il invente. Et d'ailleurs, alors qu'il a de plus en plus mal, qu'il ne tient plus debout, on lui envoie une psychologue. Je vous l'ai dit, il ne le croit pas.

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Alors Yannick, raconte moi un peu comment ça se passe à la maison avec des parents. Au collège, t'as des copains! Yannick apprendra plus tard qu'ils ont aussi appelé son collège pour savoir s'il était perturbé. Il ne le croit pas. Il pense qu'il somatisation que ses Psychiatric, ça peut arriver. Mais là, ils ont tort.

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Et au bout de cinq jours, il le renvoie chez lui. Il ne marche plus. Il ne se lève même plus du lit. Il souffre le martyre et il le renvoie à la maison. Je vais vous prescrire des séances de kiné et dans quinze jours, vous serez sur pied. C'est la neuropédiatre qui dit ça. Sauf que chez le kiné, c'est une torture. Le kiné jette l'éponge au bout de deux séances. Je suis pas un tortionnaire, Yannick.

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Faut trouver l'origine de tes douleurs, mais moi, là, je ne peux rien faire.

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Retour aux urgences. Deuxième hospitalisation dans le même service de cette neuropédiatre qui ne le croit pas et qui lui prescrit un antidépresseur puissant 10 gouttes dans un verre d'eau. Yannick se retrouve complètement abruti. Double les doses. Parents qui s'inquiètent de cette manière d'aborder le problème. Elle dit On est médecin.

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Faites nous confiance, on s'en occupe. Maintenant, elle veut envoyer Yannick dans un centre de rééducation. Les parents s'étonnent. Elle est sûre de son coup. Dans deux mois tout au plus, l'affaire sera réglée.

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Fin décembre, Yannick revient chez lui passer les fêtes de Noël. Enfin, les Fêtes, si l'on peut dire. Il passe la soirée prostré dans son fauteuil roulant. Ils souffrent en silence. Son père le prend dans les bras pour le porter jusqu'à son lit une fois couché. Pour la première fois de sa vie, Yannick. Mon Dieu! Fait que le centre de rééducation m'apporte la guérison. Faites mon Dieu qu'on retrouve notre vie d'avant. En janvier 2014, le voilà donc au centre de rééducation où la torture recommence.

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Il ne peut pas faire les exercices. Il a mal Yannig. La comédie, ça commence à bien faire.

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Mais ils ont dû se rendre compte que ça ne servait à rien puisque du jour au lendemain, sans aucune explication, il le renvoie. Il ne peut même plus se lever. Il ne tient même plus assis dans le fauteuil roulant. Retour à l'hôpital où on ne lui fait pas plus d'examens, en revanche. Et ça, c'est absolument incroyable. On lui donne de la morphine. Étrange si on ne croit pas qu'il a raison d'avoir mal.

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Février 2014. Les parents n'en peuvent plus. Leur fils est une patate chaude qu'on se repasse. Tout le monde a l'air de s'en fichent. Ils vont prendre un deuxième avis. A Paris, dans un hôpital réputé. Sauf que quand il arrive à Paris, son dossier médical a suivi. C'est la tante de Yannick, qui est infirmière, qu'il l'accompagne. Vous savez quoi? Ils ne peuvent pas le garder. Ils n'ont pas de place en interne. Dit à la Tati que son neveu est fou, qu'il est TalkTalk.

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Et elle commence elle même à douter. Elle qui soutient les parents depuis le début. La puissance des médecins. Retour dans le Pas de Calais. Je t'aime, mon fils ne va pas se laisser faire, on baissera pas les bras. On va y arriver, Yanai, crois moi. Et retour chez la neuropsychiatre à l'hôpital où Yannick passe ses journées au lit. Au point d'avoir des débuts descadres. Vous le croyez? Et personne ne le voit. Les infirmières passent à côté des escarres sur un gamin de 12 ans qui, du coup, veut qu'on le laisse dans son lit.

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Le fauteuil le fait tellement souffrir. Allez Yannick, ça fait du bien d'être en fauteuil. Allez, redresse toi, pourquoi tu te pange? Et un jour, la neuropsychiatre annonce. J'ai téléphoné à un hôpital psychiatrique proche d'ici. Tu vas être transféré dans peu de temps. Je vais en informer tes parents. Elle veut aller au bout de sa logique, elle veut le faire interner. 12 ans. Mais du côté des parents, c'est non à ça, non?

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Ils ne signeront pas. Hors de question.

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La plaisanterie a assez duré, docteur. Je vais prendre un avocat pour protéger Yannick. Vous savez, monsieur Crenn, un avocat, ça coûte cher. Je travaillerais la nuit s'il le faut. Ce que ne savent pas encore les parents de Yannick, c'est qu'un autre combat commence contre la mort.

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Yannick est dans un sale état. En six mois, il a perdu 12 kilos. Il est maintenant totalement paralysé des jambes. Son corps est couvert de plaques rouges. Il a des escarres aux fesses et au talon. Et à chaque fois qu'on le bouge, il hurle de douleur. Et donc, ils se mettent à la recherche d'un nouvel établissement. Ils pensent en avoir trouvé un à Lyon, mais le rendez vous est annulé au dernier moment. Idem pour un établissement dans le Pas de Calais.

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Ils se déplacent pour rien. Et quand ils demandent des explications. Qu'est ce qu'on leur dit? Vous comprenez, c'est délicat. Or, on ne peut pas mettre notre collègue en porte à faux. Manière de dire que la neuropédiatre qui suit Yannick depuis le début a toujours la main et vous allez voir jusqu'à quel point, un jour, deux gendarmes sont à la porte. Bonjour Madame, vous savez sans doute pourquoi on est là. La neuropédiatre a fait un signalement, figurez vous, pour mauvais traitement.

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Elle veut qu'on leur retire la garde de Yannick. Incroyable. Comme si, en plus, ils avaient besoin de ça. Les gendarmes pose quelques questions. On peut voir votre fille, madame, et là, ils vont dans la chambre de Yannick et ils voient sa maigreur, sa pâleur. Il leur raconte ce qu'il vit depuis 6 mois et surtout, il leur dit. Mes parents s'occupent très bien de moi. Heureusement qu'ils sont là quand ils redescendent. Ils sont un peu gênés, on est désolés, on va faire notre rapport, c'est la procédure, mais ne vous inquiétez pas, Mme.

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Et le procureur de la République se range à leur avis. Non seulement il ne leur retire pas la garde de Yannick, mais il décide qu'il n'ira pas en hôpital psychiatrique. Ouf! En juin 2014, Yannick ne pèse plus que 29 kilos et maintenant, il risque de perdre un rein. L'urologue qu'il consulte est furax. Comment ça? Il a passé quatre mois à l'hôpital et les médecins n'ont pas vu ça. C'est complètement fou. On marche sur la tête.

[00:14:38]

C'est fou, mais c'est vrai. Finalement, Yannick est admis dans une clinique privée dans le Nord, mais vous allez voir. Rien ne change vraiment la nuit quand, ivre de douleur, Yannick actionne sa pompe à morphine qui s'entendirent.

[00:14:59]

Ben, arrête de prendre de la morphine quand t'as pas mal. Il est accro, lui. Ou encore il va s'asseoir pour manger. Pourquoi met sur le côté mets toi bien? Mais non, t'as pas mal, c'est dans ta tête. Et une fois de plus, il échoue en pédopsychiatrie au milieu des anorexiques et des suicidaires au passage, comme souvent dans ce genre de service. On lui supprime son téléphone et on lui interdit les visites et il a un premier entretien surréaliste avec le pédopsychiatre.

[00:15:33]

Une fois de plus, j'ai l'air de taper sur les médecins, mais quand vous connaîtrez la fin de cette histoire, alors vous comprendrez. Dis moi, Yanic, ton tee shirt rouge, tu l'aimes! Oui. Il est rouge, rouge, comme le sang et le sang. C'est la mort, donc j'en déduis que tu aimes la mort.

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Il ne répond pas. Ce médecin lui fait peur et je rappelle une fois de plus qu'il a 12 ans, 12 ans. Alors pourquoi l'aide soignante se comporte si mal avec lui? Le matin, elle le jette dans un fauteuil. Yannick a tellement mal qu'il en a les larmes aux yeux. Manon a pas mal fait des efforts. Jamais un mot gentil, jamais. Un soir, une infirmière refuse de le changer. Yannick reste dans sa mère toute la nuit.

[00:16:33]

Le matin, l'aide soignante s'énerve Putain, il fait chier tu 12 ans.

[00:16:41]

Mon lit est un cercueil dans lequel je me engouffrent petit à petit, mais de plus en plus chaque jour. Ça fait huit mois que Yannick souffre. Il est en train de sombrer. Il va craquer.

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Ses parents ont trouvé un nouveau centre de rééducation et Yannick a rendez vous avec l'un des médecins du centre. Et il lui parle de l'un de ses nombreux symptômes. J'ai des rougeurs autour du nombril. C'est comme un cercle. Un intéressant. Il t'arrive d'aller te promener en forêt. Ah oui, j'adore ça! Tu te souviens avoir été piqué par une tique? Je ne sais pas, mais je me souviens en avoir enlevé à mon chien. Le père qui est à côté est un peu surpris.

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Pourquoi ces questions, docteur? Et bien parce que les symptômes de Yannick me font penser à la maladie de Lyme, c'est une maladie qui est transmise par les tiques. Pour être honnête, le père se souvient qu'à un moment, on a fait passer un test à Yannic le test Elisa, censé détecter la maladie de Lyme. Mais il était négatif, ce qui arrive souvent. Le test n'est pas fiable. Quoi qu'il en soit, il n'a rien à faire dans ce centre de rééducation.

[00:18:18]

Et donc, retour à la clinique. Retour aux pédopsychiatres. Yannick était épuisé. Il est vidé à sa mère qui vient le voir aider maman, je n'y arrive plus, maman. Je ne supporte plus mon état. Je vais me laisser mourir, maman. Et voyant les larmes de sa mère. Pardon, maman? Sur Internet, la mère découvre l'existence de l'association Lyme sans frontières et en août 2014, elle décide de lui envoyer par la poste tout le dossier médical de Yannick, un professeur spécialiste des maladies infectieuses et tropicales.

[00:19:09]

Christian Perrone, de l'hôpital de Garches, examine le dossier et sa réponse tombe. Elle est absolument catégorique, sans aucun doute. Yannick a la maladie de Lyme et là, tout va très vite. Début septembre, Yannick est transféré à Garches, près de Paris. Le premier jour, on lui fait une ponction lombaire et on le met tout de suite sous antibiotiques. Une dose de cheval.

[00:19:37]

Et à partir de là, petit à petit, jour après jour, semaine après semaine, les douleurs disparaissent en quinze jours. Yannick arrête la morphine. Il retrouve le goût, puis l'appétit a le premier Bergdorf frites. Et puis, il reprend du poids du muscle. Ses orteils, immobiles depuis dix mois, recommence à bouger. La vie revient.

[00:20:09]

Ensuite, Yannick doit réapprendre à marcher comme un petit enfant et un jour de novembre 2014, il se hisse sur ses jambes. Il fait ses premiers pas. Il a mal la tête, lui tourne, mais il est debout. Et en janvier 2015, Yannick rentre à la maison définitivement. Aujourd'hui, il n'a plus de traitements lourds. Il doit encore réapprendre à courir, rééduquer ses genoux et ses hanches. Le risque de rechute existe. Et vous savez quelle est la nouvelle vocation de Yannick?

[00:20:46]

Il envisage de devenir médecin pour soigner d'ITIL avec humanité. C'est la dernière phrase de son livre. Je souhaite être un médecin bienveillant et devenir l'un des moteurs d'une nouvelle génération de soignants, car la médecine est un art humain qui ne cesse d'évoluer.

[00:21:06]

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