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Jusqu'à Sandalettes, je vous raconte une enquête sur un assassinat commis en décembre 2012 à Val d'Izé, en Ille et Vilaine. L'assassinat d'Aurélie Beaugendre une heure après, on pense avoir arrêté le coupable, mais il faudra beaucoup plus de temps que ça pour le confondre. Une affaire que je débriefé tout à l'heure avec l'avocat rennais William Pinho. J'ai écrit cette histoire avec Thomas Audouard. Réalisation Céline Brace.

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Christophe Hondelatte. La première scène de cette histoire est Téré, bouleversante. On est à Val d'Izé, en Ille et Vilaine, un matin de décembre 2012, quelques jours avant Noël, chez Aurélie Beaugendre, 29 ans, fraîchement séparée de son mari, qui vit seule avec ses trois enfants de 4, 8 et 10 ans. Il est 8 heures passées. Les gosses sont dans leur lit normalement à cette heure là. Leur mère aurait dû venir les réveiller comme elle le fait tous les matins, mais elle ne vient pas.

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Alors, depuis leur plumard, les gamins l'appellent. Nemat. Un mort. Et comme elle ne leur répond pas, ils finissent par descendre tout seul au rez de chaussée et dans l'arrière cuisine, il tombe sur elle, couchée sur le sol, la tête dans une mare de sang. Les gamins enfilent alors leurs bottes, ils enjambent le corps de leur mère et ils se précipitent chez la voisine pour la prévenir, et la voisine baisse les yeux. Ils ont été obligés de marcher dans le sang de leur mère.

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Ils en ont plein les bottes. La voisine, immédiatement, va sur place. Elle appelle les pompiers, mais ça ne sert pas à grand chose. Aurélie Beaugendre est morte. C'est trop tard.

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Les gendarmes arrivent, les premières constatations sont assez aisées. Elle a été tuée d'une balle dans la tête, une seule qui a fait un énorme trou au niveau de l'œil droit et a vu ce qu'elle a dans la main. Une cigarette à peine allumée, elle a été tuée alors qu'elle venait de l'allumer à l'intérieur et un briquet.

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Là dessus, la maire de Relies, Marie-Christine Débarques, c'est la grand mère des petits. C'est un cauchemar. Ses trois petits enfants viennent de perdre leur mère à quatre jours de Noël et elle d'entré dès le début, dès que les gendarmes lui disent Votre fille a été assassinée. Elle a sa petite idée. Et là, leur livre tel quel. Brut de décoffrage.

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Moi, je sais qu'il a tué. Sébastien, c'est son ex-mari. Kluck a pu faire ça. Qu'est ce qui vous fait penser ça à madame? Avec sa cigarette à la main, Nesma. C'est la preuve que celui qui l'a tué connaissait ses habitudes. On relit tous les matins quand elle se levait vers 6 heures, elle allait fumer sa cigarette sur le pas de la porte de son arrière cuisine tous les matins, pendant que son café coulait comme un rituel.

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Celui qui a tué s'avisa. Sébastien Warnex le savait, bien sûr. Oui, enfin, Sébastien Bastien ou un autre, quelqu'un qui est en tout cas connaissait ses habitudes. Il n'avait pas d'ennemis. Aurélie. Avec un seul ennemi. Son mari Sébastien. Et là, vous vous dites histoires sans intérêt puisqu'on connaît le meurtrier dès le début. Qu'est ce qui lui prend en glatt? Il est tombé sur la tête. Y a plus d'histoires intéressantes à raconter.

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Méfiez vous des évidences.

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En attendant, explorons donc la piste de l'ex dix ans de mariage. Douze ans de. Au total, Aurélie et Sébastien se sont rencontrés quand elle avait 17 ans et lui, 24. Un coup de foudre dans un bar et un premier enfant qui vient assez vite et dans la foulée, deux autres.

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Et à partir de quand? Est ce que ça s'est dégradé? Mme. Quand il est tombé en arrêt maladie. Mais il avait des problèmes de dos quand il était mécanicien et qui ne pouvait plus travailler quoi? Il s'est retrouvé en arrêt maladie de longue durée. Complètement perdu les pédales, il est devenu accro aux jeux vidéo. Il s'est mis à vivre la nuit, à dormir le jour. Je ne sais plus du tout attention aux règles et aux enfants.

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C'était un cauchemar, je vous jure. Rendez vous compte à la fin. Il manger même plus avec sa femme et ses enfants. Les collègues d'Aurélie racontent qu'à cette époque là, ils l'ont vu plusieurs fois arriver en pleurs au travail. Elle bossait dans une déchetterie. Jusqu'à ce qu'elle décide de quitter Sébastien et elle a fini par demander le divorce. En juillet 2012, c'est à dire six mois avant d'être tué.

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D'après ce qu'on sait, la séparation n'a pas été simple non plus. Il a voulu récupérer la garde des enfants. Du coup, il est entré en guerre avec elle. C'était horrible. Il se sentait tout le temps menacé. Un jour, elle est allée chercher les gamins à l'école. Ils étaient là. Il l'a suivie jusqu'à chez elle. Et quand il est arrivé chez elle et lui disait Tu vas crever, tu vas crever. Il a ramassé des pierres et lui a jeté des pierres dessus.

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Paraît donc, la mère d'Aurélie n'a pas tort. Sébastien est à juste titre le suspect numéro 1 de ce meurtre. Son mobile serait de récupérer la garde des enfants. Il n'a pas trouvé meilleur moyen que de buter leur mère misérable. Le gendarme décide d'aller l'interpeller tout de suite chez lui dans les heures qui suivent la découverte du meurtre d'Aurélie. Quand il arrive vers 11 heures, il n'est pas là, alors il l'attend. Il arrive une demi heure plus tard, plutôt serein, détendu.

[00:07:11]

La première tâche des gendarmes est de lui annoncer la mort de sa femme. Ils sont en instance de divorce, mais à l'état civil, ils sont toujours mariés. Ce sera l'occasion d'observer sa réaction. Beaugendre. Nous venons vous voir parce que. Il est arrivé quelque chose de grave. Votre femme? Nous l'avons retrouvée morte et là, il devient blême. Il s'effondre. Il doit se raccrocher à un muret pour ne pas tomber et juste après, il dit aux gendarmes à mi voix C'est pas moi, tonon ça qu'on ne lui a rien demandé.

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On ne l'accuse de rien et il dit tout de suite C'est pas moi. Avant de l'emmener, les gendarmes commencent par une perquisition. Il fouille d'abord sa voiture et dans le coffre, il tombe sur une arme, un pistolet de calibre 9 mm et des munitions. L'arme du crime? Ensuite, les gendarmes fouillent sa maison et ils tombent sur une drôle de lettre adressée à Aurélie, mais qu'il n'a pas posté. A présent, je te déteste qu'on réalise surtout à ma vengeance, toi que j'ai aimé et qui m'a trahi.

[00:08:33]

Saisissant. C'est lui donc, entre larmes, la lettre et les accusations de sa belle mère. Il n'y a plus beaucoup de doutes, Beaugendre. Vous pouvez me tendre vos mains, s'il vous plaît. Voilà d'abord la droite. Merci. Pendant des mois, la main gauche maintenant. Voilà, les gendarmes font des prélèvements sur ces deux mains. Ils cherchent des résidus de poudre. Quelqu'un qui a tiré quelques heures plus tôt, même s'il s'est lavé les mains, a toujours des résidus sur les mains et les avant bras et les manches de ses vêtements.

[00:09:06]

Résultats positifs.

[00:09:13]

Il écrit Il est midi et cette enquête a été bouclée en trois heures. Mais vous me connaissez, c'est mon truc. Les enquêtes bouclées en trois heures, ça mérite d'être raconté. Une enquête aussi facile? Patience. Pour l'instant, le monsieur est placé en garde à vue. Et si là ou alors je vous présente mes plus plates excuses? Sébastien Beaugendre et t'emmener dans les bureaux de la section de recherches de Rennes. Beaugendre, votre femme a été tuée par balle et.

[00:09:53]

On trouve justement un pistolet 9 mm dans votre voiture, vous avez une explication? Oui, j'en ai moins. Moi, j'ai été victime de plusieurs tentatives de cambriolage. Le dernier remonte au week end dernier. Ce n'est pas la première fois. Alors j'ai décidé de me procurer un pistolet, mais c'est un pistolet d'alarme. De toute façon, c'est pas une arme. Ça ressemble à une vraie arme, mais c'est pas une vraie arme. Je l'ai acheté ce matin à Rennes, dans une armurerie.

[00:10:24]

Ça, ça ne va pas être difficile à vérifier. Beaugendre. Expliquez nous alors pourquoi on trouve des traces de poudre sur vos mains. Qui est le signe incontestable que vous avez tiré avec une arme dans les heures qui précèdent la mort de votre femme? Je vous écoute. Ce matin, je suis allé acheter mon pistolet, puis je suis allé essayer sur un parking. C'est pour ça que j'ai des traces de poudre sur mes mains et il dit sur quel parking et les gendarmes vont voir et à l'endroit où il dit qu'il a tiré.

[00:11:00]

Il trouve effectivement une douille de 9 mm percutée et ils vont aussi voir l'armurier de Rennes qui confirme qu'il lui a vendu le pistolet après le meurtre. Vous voyez, je ne suis pas devenu neuneu. C'est une affaire beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.

[00:11:28]

Et puis, une voisine vient le dédouaner à son tour. Sébastien Beaugendre. Il n'a pas pu faire ça. C'est un super père attentionné. Il n'aurait pas vu ça à ses gosses. Tenez pas plus tard que dimanche dernier, mais mes gamins sont allés jouer avec le chien chez lui et il leur a fait fabriquer des madeleines au citron. Non, je le vois pas du tout tuer sa femme.

[00:12:03]

D'après les résultats de l'autopsie, Aurélie Beaugendre est morte entre cinq heures et demie et sept heures et demie du matin. Où étiez vous, monsieur Beaugendre à cette heure là? J'étais chez moi. Quelqu'un peut en attester. Nous. Et donc, au final, la juge d'instruction fait le bilan. Il y a cette lettre Je te déteste qu'on réalise sur toi ma vengeance, qu'il n'a pas d'alibi non plus à l'heure du crime. Bien sûr, il y a ce pistolet d'alarme qui n'est pas l'arme du crime, mais il a pu l'acheter à dessein après le meurtre.

[00:12:48]

Pour brouiller les pistes. Et donc, à l'issue de sa garde à vue, Sébastien Beaugendre est mis en examen pour meurtre et écroué à la prison de Rennes, où il entame immédiatement une grève de la faim. Il dit qu'il est innocent. Des psychiatres l'examine.

[00:13:04]

Il détecte immédiatement chez lui un risque élevé de suicide. Il est alors interné en psychiatrie. Mais à tous, il répète Je suis innocent. Je vais pas tuer ma femme. Deux mois plus tard, un employé du tribunal de Rennes trouve une enveloppe posée sur un banc avec écrit dessus à remettre à la juge d'instruction qui instruit le dossier. Beaugendre n'employait la porte tout de suite à la juge qu'il loue. La lettre est signée d'une certaine Madame G. Je vous aller.

[00:13:42]

C'est moi qui ai tué Mme Beaugendre, Aurélie, le 20 décembre 2012, je me suis présentée à son domicile à 6 heures 10. Elle a ouvert la porte de la maison avec une cigarette à la main et j'ai tiré d'une distance d'un mètre cinquante environ. A priori, on peut se dire c'est un délire. Mais ce corbeau donne des détails sur le meurtre qui ne sont pas parus dans La Presse. Le fait qu'Aurélie fumer une cigarette, par exemple, quand elle a été tuée, ça n'est pas public.

[00:14:12]

Et puis l'horreur, ça colle avec les constatations du légiste. Et puis, la distance de tir, un mètre cinquante, ça colle aussi. C'est très troublant, très troublant. Et c'est encore plus troublant quand les gendarmes interrogent le fils aîné d'Aurélie, 10 ans, ce matin là. Quand j'étais encore dans mon lit, j'ai entendu une femme crier en bas. Crié Tu vas crever! Il était queleur je me souviens, j'ai regardé mon réveil, il était 6 heures.

[00:14:45]

Et après, j'ai entendu ma maman crier Tu ne sais pas où aller voir? Et après, je me suis endormi. Les gendarmes se mettent alors avec précaution sur la piste d'une femme meurtrière. Ils cherchent une femme qui avait des comptes à régler avec Aurélie. Et ils commencent par interroger sa mère Marie-Christine, toujours très bavarde.

[00:15:16]

Je ne vais pas trop vous dire, mais. Je sais que depuis sa séparation avec Sébastien, Aurélie avait rencontré NO3, mais enfin un collègue de travail, je crois qu'il est venu dîner chez elle un soir. Elle m'a dit qu'elle l'avait trouvé très gentil. Autrement dit, on découvre qu'Aurélie avait un amant. Ce que confirme d'ailleurs l'examen de son téléphone portable. Il s'appelait beaucoup s'envoyer des SMS de gens, c'est juste pour te dire que je t'aime et que tu me manques bijoux.

[00:15:49]

Or, cet amant est marié. Est ce que ça n'est pas sa femme? La meurtrière? La vengeance d'une femme bafouée? Cette femme est convoquée à la gendarmerie. Est ce que vous connaissiez Aurélie Beaugendre, madame? Moi, je la connaissais pas, mais mon mari m'a indiqué qu'il avait une collègue qui était décédée. J'ai appris son existence le jour de son décès. Quoi? Est ce que vous pensez que votre mari a pu avoir avec elle une relation extra conjugale?

[00:16:21]

Vous savez, il y en a déjà eu. Il m'a trompé quand j'étais enceinte de ma fille. Mais là, non, je ne pense pas qu'il ait pu me tromper une autre fois.

[00:16:38]

On vérifie la localisation de son téléphone portable le matin du crime. Cette dame était chez elle a priori, donc elle n'est pas madame. Mais cette Mme G. Existe t elle vraiment? Elle se manifeste à nouveau, en tout cas. Deux mois après sa première lettre, elle adresse un nouveau courrier, mais cette fois, pas à la juge, mais à la mère d'Aurélie. C'est moi qui ai tué Aurélie. Je vous écris, car le jeudi, habituellement, les enfants auraient du être chez leur père.

[00:17:08]

Depuis, je ne cesse de faire des cauchemars. Je vous écris en espérant que cela soulagera ma conscience. Madame G.

[00:17:25]

Les gendarmes de la section de recherches de Rennes renvoient les deux enveloppes au labo prière de chercher des traces ADN.

[00:17:35]

La section de recherches Jécoute en a identifié un ADN dans l'une des enveloppes. Ah d'accord! Vous avez une identité? Ouais, ouais, on a pas fait l'ADN au fichier. C'est Sébastien Beaujean. C'est donc lui qui, depuis le fond de sa prison, a ses deux lettres pour se dédouaner. Et c'est confirmé par une expertise en écriture, c'est bien lui. Il est donc entendu à nouveau. Je vous assure que je ne suis pas l'auteur de cette lettre.

[00:18:16]

Enfin, monsieur, on retrouve votre ADN dessus sur l'enveloppe et c'est votre écriture. Oui, mais je ne ferai pas les mêmes fautes d'orthographe. Moi, le coco a l'air d'être un sacré manipulateur et c'est pas fini. Sept mois plus tard, il écrit à sa gentille voisine Vous savez, celle qui avait dit dans son témoignage que c'était un père remarquable. Les madeleines au citron souvenaient. La voisine est tellement choquée par cette lettre qu'elle la transmettent immédiatement aux gendarmes.

[00:18:48]

Peux tu me fournir un alibi pour le jeudi 20 décembre? Dire que ce matin là, tu étais avec moins de cinq heures et demie à 6 heures et demie et qu'on avait une relation cachée. La voisine est choquée parce qu'elle est mariée. Elle ne peut pas faire croire qu'elle entretenait une relation avec lui. D'autant que cette lettre, pour crédibiliser son témoignage, il lui propose de donner des détails croustillants, genre on faisait l'amour dans le salon tout habillé, en lui demandant de les apprendre par cœur et de détruire le courrier.

[00:19:19]

Mais maintenant qu'elle a donné cette lettre aux gendarmes, il est cuit. Il est vraiment cuit. Ce type est complètement dingue et c'est un sacré pervers. La juge d'instruction ordonne alors une nouvelle perquisition à son domicile et dans le garage, les gendarmes tombent sur un petit atelier de bricolage qui leur avait échappé la première fois.

[00:19:53]

Sur l'établi, il y a tout pour transformer des balles de pistolet d'alarme en Rampal qui tuent tout pour vider une balle d'alarme de son contenu, c'est à dire de sa pauvre, et la remplir avec des billes de roulements à billes en acier. Bref, tout pour faire une vraie balle de 9mm avec une fausse balle. Il a fabriqué lui même l'arme du crime. Et oui, les mécaniciens, n'oubliez pas. Et d'ailleurs, en fouillant sur son ordinateur, les gendarmes s'aperçoivent que le zozo allé sur tout un tas de sites qui expliquent comment fabriquer une arme à feu artisanale.

[00:20:31]

Quand je pense que j'ai cru qu'il était innocent. Ainsi donc, armé de son pistolet fait maison, Sébastien Beaugendre serait parti de chez lui le 20 décembre, à cinq heures et demie du matin. Il connaissait les habitudes de sa femme. Il a attendu à la porte de l'arrière cuisine et quand, à 6 heures du matin, il est sorti fumer sa clope et il a visé l'oeil. Parce que sans doute savait il que sa balle artisanale n'était pas aussi efficace, aussi puissante qu'une balle classique.

[00:21:10]

Il n'était pas certain qu'elle traverse le crâne, alors il l'aviser l'œil à bout portant. Et ensuite, il est sans doute allé planquer son arme et en acheter une autre dans cette armurerie de Reims. Et avec qui il est allé tirer sur ce parking. Pour justifier la présence de poudre sur ses mains. C'est bien pensé, ça aurait pu marcher, mais ça n'a pas marché.

[00:21:39]

Sébastien Beaugendre est donc renvoyé devant la cour d'assises de Rennes pour assassinat. C'est à dire meurtre avec préméditation. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Mais il continue de nier absolument totalement. Le procès s'ouvre le 21 novembre 2016, mais le box est vide. Sébastien Beaugendre est absent. Il refuse de comparaître et ce n'est pas la première fois. Il y a déjà eu une tentative de le juger quelques semaines plus tôt. Il a fait une tentative de suicide.

[00:22:18]

Le procès a été ajourné. Cette fois, il l'a dit à son avocat. Je ne veux pas que mes enfants me voient menottés dans le box. De toute façon, je suis innocent. C'est assez rare comme situation et ce n'est pas un cadeau pour ses avocats. Ils vont devoir le défendre en son absence. Le fils aîné de Sébastien et Aurélie Beaugendre, qui avait dix ans au moment du meurtre, est appelé à la barre. C'est lui, je vous rappelle, qui avait dit au tout début que vers 6 heures du matin, il avait entendu une femme crier Tu vas crever.

[00:23:01]

C'est une femme que vous avez entendu, Jeunehomme? C'est un homme. C'est plus. C'est plus bien. C'était la pièce maîtresse de la défense. Elle s'effondre et tous les autres témoignages contre l'accusé absent.

[00:23:27]

On apprend beaucoup de choses sur Sébastien Beaujean à ce procès. Il a perdu son père à l'âge de 13 ans. Ça n'a pas été facile et ce que raconte son entourage, c'est qu'à partir de la mort de son père, il est devenu un tyran. Il s'est mis à jouer le rôle du père absent. Il a voulu dominer la fratrie et sa mère. Il s'est mis à agir en despote et dès qu'il a rencontré Aurélie, il a surinvesti la relation.

[00:23:53]

Il voulait tout contrôler. C'est un portrait qui ne le sert pas, d'autant qu'il n'est pas là pour répondre. Et quand Aurélie demande le divorce, il devient incontrôlable, fou. Mais un jour, je l'ai vu débarquer avec une tronçonneuse dans la cuisine. Marigots les sauver les meubles. D'autres témoins racontent qu'il s'est mis à poser des puces dans la voiture d'Aurélie pour surveiller ses allées et venues et aussi à pratiquer des incantations de magie et de sorcellerie dans l'espoir qu'elle revienne.

[00:24:25]

Et le déclic, c'est quand il a découvert qu'elle fréquentait un autre homme. Un soir, Aurélie l'aurait trouvé en train de bricoler sous le capot de sa voiture. Elle a découvert le lendemain qu'il avait dévissé quatre boulons du moteur.

[00:24:50]

Après cinq jours d'audience, le verdict tombe. Sébastien Beaugendre est reconnu coupable il est condamné à 25 ans de réclusion criminelle. Il fait appel. Il est donc rejugé devant la cour d'assises de Saint-Brieuc en juin 2018. Et cette fois, il est là dans le box. Et il maintient jusqu'au bout qu'il est innocent et il écope à nouveau de 25 ans de réclusion criminelle. Voilà pour le débriefe de cette histoire je suis maintenant avec maître William Pinaud du barreau de Rennes.

[00:25:29]

Vous étiez maître dans ce dossier. L'avocat de la maman d'Aurélie et de sa soeur? Peut être pour commencer un commentaire sur cette peine de 25 ans de réclusion criminelle pour assassinat? Il ne s'en sort pas si mal. Il encourt la perpétuité. Il n'y a pas là, au fond, la prise en compte de circonstances atténuantes qui tiennent à son histoire personnelle, à ce père mort lorsqu'il était très jeune.

[00:25:56]

Alors, vous avez raison, il encourait en réalité, si j'ose dire, doublement perpétuité. C'était un assassinat. Et à ce titre là, il pouvait être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Mais c'était tout simplement un meurtre sur une femme par son conjoint. Et à ce titre là encore, il encourait la perpétuité. C'est d'ailleurs en réalité sous cette qualification, parce qu'elle était finalement plus simple à appréhender, qu'il était jugé par la cour d'assises pour répondre à la question.

[00:26:20]

Je crois que oui, sa personnalité a été largement prise en compte. Mais comme toujours, on le souhaite en tout cas devant les cours d'assises. L'histoire complexe de cet homme, on y reviendra peut être. La personnalité abandonnée qui a fait qu'il a considéré comme absolument insupportable que sa femme, qui a été pris en compte et a sans doute pesé dans ce verdict qu'on peut considérer comme relativement clément.

[00:26:42]

Oui, c'est un homme qui est abandonné en feu à plusieurs reprises. Son père meurt quand son père meurt. Si j'ai bien compris, sa mère démissionne complètement de son rôle de mère.

[00:26:50]

C'est exactement ça. C'était un double abandon symbolique dans l'enfance et l'abandon du père, bien involontaire puisque celui ci meurt accidentellement, épuisé, et l'abandon dans la réalité de cette maman qui s'effondre, qui ne remplit plus son rôle de mère. Et paradoxalement, dans ce vide qui est celui de ses enfants, il n'y a plus ni figure paternelle ni figure maternelle. Il prend une place parentale sur ce garçon et il la prend de manière totalement biaisée et sur un mode tyrannique que vous décrivez tout à l'heure.

[00:27:18]

Vous, riantes, la maman d'Aurélie et sa sœur ont pu comprendre ça, accepter ça.

[00:27:25]

Alors vous savez, je crois que les cours d'assises ne sont jamais là pour prononcer des peines qui répare les douleurs et les peines sont souvent pas à la hauteur de ce que ressentent de souffrance ceux qui ont perdu un proche dans des circonstances affreuses. C'est en tout cas ce que j'explique jamais à mes clients, mes clients, lorsque je les accompagne sur le banc des parties civiles. Et je crois qu'à partir du moment où elle n'avait pas forcément beaucoup d'attentes sur cette réponse judiciaire, sur cette peine prononcée, elles n'ont été ni agréablement ni désagréablement surpris par ce verdict.

[00:27:55]

Ça m'intéresse bien, ça.

[00:27:56]

Ça veut dire que systématiquement, quand vous êtes avocat de parties civiles, vous faites un peu de pédagogie judiciaire auprès de vos clients en leur disant ne vous attendez pas forcément à perpète. Ils ne sont pas là, en gros, pour soigner votre chagrin.

[00:28:09]

Cela me paraît absolument essentiel que l'avocat de la partie civile fasse cela pour ses clients pour qu'ils soient préparés à la réalité de la décision judiciaire qui sera rendue. Qui, encore une fois, n'est pas là pour. Œil pour œil, dent pour dent. Selon une loi du talion qui ne fait pas partie de nos principes juridiques. Et réparer la souffrance est là pour sanctionner un comportement infractionnel grave, pour mettre à l'abri la société de tels comportements, pour punir, pour réparer d'une façon symbolique, mais pas pour réparer la souffrance en.

[00:28:38]

C'est en tout cas de leur expliquer cela. Vous ne faites pas que de la partie civile, je le pressant comme ça. Leur en défense aussi, les avocats qui font qu'ils ne font que de la partie civile, qui ne sont pas à l'aise avec la défense. Et vous, on entend que vous êtes aussi parfois en défense. Le premier procès, quand même. C'est un moment étonnant. Il n'est donc pas dans le box des accusés. Il reste au centre de détention, à la maison d'arrêt où il est incarcéré.

[00:29:03]

Pourquoi est ce que le président ne le fait pas venir de force? C'est ce qu'on fait en général.

[00:29:07]

Alors pour commencer, c'est proprement une situation sidérante que tous les avocats et magistrats du parquet et du siège présents à cette audience rencontrent là. Une première, car l'accusé se comporte mal pendant les débats d'une cour d'assises sur plusieurs jours et qu'il soit pendant quelques heures, une demi journée, évacué par le président à titre de mesure de police de l'audience et qui lui reviennent après avoir présenté ses excuses. Et on reprend le cours de l'audience. Tout ça, on l'a connu, mais refusé catégoriquement et totalement de sortir de sa cellule pour s'expliquer.

[00:29:37]

C'est véritablement une première pour beaucoup d'entre nous. Je crois que le président ne fait pas le choix de la comparution forcée parce que il y a tout de même des épisodes de fragilité qui ont donné lieu à des passages à l'acte chez Sébastien Maugendre tout au long de la procédure. Tentatives de suicide incessants, voilà des tentatives, en tout cas des alertes qui ont inquiété sur sa santé puisque au moment de l'instruction, à la faveur d'un interrogatoire projeté, il va effectivement ingérer les médicaments en quantité modérée.

[00:30:07]

Mais on a le processus, évidemment, de contrôle de la situation. Est ce qu'il est a véritablement danger? Est en état de comparaître. En général, il y a un report. C'est ce qui n'était passé à l'instruction. Et puis, ça était passé de la même façon lors d'une première fixation de l'affaire, en décembre 2015. Où une nouvelle fois. De médicaments et expertises médicales qui dira que pour quelques jours en tout cas, il est hors d'état de comparaître et il faudra de nouveau reporter le procès.

[00:30:32]

Je crois que le président, plutôt que de se retrouver confronté à un nouveau report qui serait lié à un geste auto agressif de Sébastien Beaugendre, bien fait le choix de faire passer l'audience hors sa présence pour un premier jugement, puisque peut être c'est ce qui se passera après un premier verdict qui ne satisfera pas bien, il choisira de faire appel et de comparaître cette fois.

[00:30:53]

Pourquoi est ce qu'un autre maître ne reconnaît pas qu'il est l'assassin de sa femme?

[00:30:58]

Est ce que ses avocats, que vous avez senti ça l'ont amené à avouer ou pas à mes confrères ont fait, je crois, tout leur possible pour ouvrir une porte de vérité et permettre à Sébastien Beaugendre d'avouer ce meurtre, cet assassinat qui paraissait indiscutable à quiconque avait regardé le dossier de près. Pourquoi est ce qu'il ne s'est pas ouvert à cette vérité là? D'abord parce que, je crois, c'est une personnalité extrêmement rigide qui fragilité d'abandon, dont on a parlé d'abandon infantile, qui sont les siennes, ont été protégées.

[00:31:32]

La souffrance qu'il peut ressentir on est protégé par une carapace comme Sadriste est très forte chez cet homme qui s'est construit comme cela. Et que donc, chez Sébastien Beaugendre, quand il y a à la vie une position changée, de changer d'avis et changer de position est presque substantiellement impossible. Ça, c'est la première explication psychologique. C'est ce que diront d'ailleurs certains experts de lui. Et puis, la seconde raison, c'est l'enjeu d'image par rapport aux enfants. Il ne faut pas oublier que Sébastien Beaugendre dira à ses enfants, mais y compris les yeux dans les yeux de ceux ci à la cour d'assises d'appel, lorsqu'il comparaîtra, il les regardera.

[00:32:12]

Il les appellera par leur prénom. Il leur dira Papa n'a pas tué maman et il veut. Sébastien Maugendre conservait cette image d'innocence aux yeux de ses enfants et je me demande si ces absences précédentes ou dans le processus judiciaire n'étaient pas destiné qu'à permettre ce moment symbolique où il viendrait à la cour d'assises d'appel. Pouvoir dire à ses enfants Je n'ai pas tué votre mère. Je reste. Je reste innocent. C'est vraiment un enjeu d'image à l'égard de ses enfants.

[00:32:39]

En tout cas, c'est une des raisons de mon point de vue qui l'a rigidifie dans cette position de dénégation.

[00:32:43]

Vous êtes en train de me dire que des enfants avec moi 14, 12 ou 11 ans dans ces zones là sont ceux là. On peut assister au procès de leur père ayant tué leur mère du début à la fin. Absolument. Oui, ça fait du bien, ça dans la famille, alors ça a été travaillé, réfléchi et choisi avec des équipes éducatives et d'intervenants psychologues, travailleurs sociaux qui accompagnent les enfants depuis les premiers instants de cette tragédie remontant à 2012.

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La question de savoir s'il devait ne pas être là a été a été débriefé et il a été choisi qu'il puisse être là où ça a été travaillé en disant cela a été travaillé et bien évidemment, ils ont été protégés des moments d'évocation, des détails les plus terribles de cette affaire. Tout ce qui pouvait concerner la médecine légale, la balistique, etc. Les enfants ont été constamment encadrés. D'ailleurs, l'un de mes confrères, Saviola, du barreau de Rennes, était à leurs côtés spécifiquement pour porter leur parole, très en contact avec les travailleurs sociaux et les psychologues qui accompagnaient ces enfants.

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Tandis que j'étais moi, l'avocat de la soeur de la victime, qui est aussi celle qui les a recueilli depuis le décès de leur mère. Les élèves, eux, y pensent quoi? Ils pensent que leur père a tué leur mère.

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Je me garderai bien de traduire cette pensée que je ne connais pas et qu'ils ont conservé dans leur intime. J'étais en plus à leurs conseils. Je ne sais pas. Ils ont pu exprimer. On me dit qu'au moment du verdict, ils sont allés embrasser leur père. Oui, bien sûr. Bien sûr, avant même le verdict, pendant le temps du délibéré, ils ont manifesté le souhait. Mais leur père, évidemment, manifestait tout autant de pouvoir aller lui parler, de pouvoir l'embrasser, lui tenir les mains.

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Ça aussi, ça a été discuté, ça a été accompagné. Vous comprenez bien que les enfants qui n'ont plus qu'un parent parce que l'autre leur a été retiré. Dans les circonstances que l'on sait, il a été assassiné. Ils se raccrochent à cette équipe parents, quand bien même il est le bourreau. Il est celui qui a tué leur mère. C'est un réflexe naturel. On sait même que les enfants, terriblement abusés sexuellement par des pères souvent, ont continué à leur conserver de l'affection et à dire qu'ils ont encore et à vouloir continuer à entretenir des liens avec eux.

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C'est très complexe, évidemment, c'est complexe et passionnant.

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Une dernière question pour vous? Qu'est ce qui vous semble que c'est? Monsieur Beaugendre est intelligent. Parce que dans ce film, il y a une scène qui est à garder pour un téléfilm policier. Et enfin, cette idée d'aller acheter à postériori un pistolet d'alarme après le meurtre dans une armurerie. Essayez sur un parking pour justifier la présence de poudre sur ses mains. C'est presque du génie.

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Incontestablement, il a une intelligence pratique, pragmatique, adaptative, qui fonctionne très bien. Cette intelligence pratique, pragmatique, il l'a mis au service d'un projet, d'une résolution ferme. Je tuerais celle qui ne peut pas abandonner parce qu'elle est mon objet. Elle est mon objet de réassurance et je ne supporterait pas qu'elle s'en aille si elle doit s'en aller, paraitra pour tout le monde. Et dans cette obsession qui n'a cessé de croître de jour en jour dans les semaines qui précédaient la mise à exécution?

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Eh bien, effectivement, il a su mettre mettre en oeuvre cette intelligence et mettre à bien son projet, le construire de manière intelligente en concevant les moyens qu'il pensait être utiles pour se dédouaner ensuite. C'est finalement ce qui va laccusée à la lettre de Mme G. C'est de la maladresse aussi. C'est aussi ce qui fera les traces ADN qui confirmeront les soupçons contre lui. Bref, pour répondre à votre question, c'est un garçon qui a été intelligent, élaboré dans la construction du meurtre qu'il a commis.

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C'est dommage qu'il m'ait reconnu aucun des faits parce qu'il n'a pas pu évidemment s'expliquer là dessus. Peut être qu'il a blessé une ou deux de ces scènes dans des séries policières.

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C'est possible. Que le petit écran ait été une, souhaitait une source d'inspiration importante pour lui est possible. J'ai adoré parler avec vous. Maître avec avocat. Plaisir partagé au barreau de Rennes.

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Des centaines d'histoires disponibles sur nos plateformes d'écoute. Et certains ottintoise Issers.