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Raconte Christophe Hondelatte. Je vais vous raconter aujourd'hui un miracle, un vrai, une histoire absolument unique, l'histoire d'une petite Franco comorienne de 13 ans qui s'appelle Bahia et qui, un matin de juin 2009, prend l'avion pour les Comores et se retrouve le soir même. Seule survivante du crash de son avion, elle a passé dix heures accrochée à un bout de fuselage dans l'océan Indien et on l'a retrouvé. Une histoire que j'ai écrite avec Oki. Réalisation d'une embrasent.

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Christophe Hondelatte. Cette histoire, au début, c'est l'histoire toute simple d'une petite Comorienne de France, Bahia Bahia Bakari, qui, en juin 2009, s'apprête à découvrir ses racines. Le pays d'où viennent ses parents? Les Comores. Elle a 13 ans. Elle est née en France. Elle habite une cité HLM de Corbeil-Essonnes, en région parisienne. Elle n'est jamais allée sur la terre de ses ancêtres. Jamais trop cher. Mais cette année, ses parents ont cassé la tirelire.

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Et ce matin, elle embarque à Paris avec sa maman. Elle laisse derrière elle son père et ses trois petits frères. C'est la première fois et ce soir, elle et sa maman seront tous les deux à Moroni, la capitale des Comores. Ce soir, Bahia va rencontrer pour la première fois ses grands parents, ses oncles, tantes, ses cousins et cousines. Toute cette famille qu'elle a vu tant de fois en photo et en vidéo, mais qu'elle ne connaît pas.

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Quelle journée! Quel voyage!

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Ça commence à 4 heures du matin dans le HLM de Corbeil-Essonnes quand l'oncle Youssouf sonne à l'interphone. Vous êtes poète? Allez, on y va. Vous êtes en bas. l'Oncle Yousouf les accompagnait à Roissy. Mère et fille avec sa Ford Fiesta. Et c'est le début d'une longue journée, car il n'y a pas de vols directs entre Paris et les Comores et la maman a pris les billets les moins chers. Elles voyageront Sery et Maya Airways, une compagnie du Yémen, et donc elles feront d'abord Paris, Sanaa, la capitale du Yémen, avec une escale à Marseille.

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Ça, c'est incontournable. Il y a beaucoup de Comoriens à Marseille. Elles ne changeront d'avion pour faire Sanha Moroni, sur l'île de la Grande Comore. Pendant les deux premiers vols Paris, Marseille et Marseille, Sanna Bahía a les yeux grands ouverts. Elle prend l'avion pour la première fois. Elle ne veut pas louper une miette. Mais quand elle embarque à Sanaa, au Yémen, pour le dernier vol en direction des Comores, franchement, elle en a marre.

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14 heures qu'elle a quitté Paris. Il est plus d'une heure du matin. Il lui tarde d'arriver. D'autant que ce dernier avion, un Airbus A310 pourtant beaucoup moins confortable que les deux précédents. Les sièges sont tous serrés. Il y a des mouches dans la cabine et ce sont les toilettes du premier au dernier rang. L'avion décolle. Le vol se passe normalement et ça y est, on approche. Ha ha! Ha! Ha, ha, ha ha!

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Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Il est une heure 55 du matin et par le hublot, Bahía voit les premières lumières de lit de ses ancêtres. Elle est tout émue. C'est de là qu'elle vient. Et là, d'un coup, une première secousse, puis une deuxième plus forte. Les moteurs qui se mettent à rugir. Une troisième secousse encore plus fort. Bien, les hôtesses. Assise à l'avant de l'avion, terrorisée.

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Et là, une secousse encore plus forte que les autres, qui envoie valdinguer Bhagat sur le hublot. Et sa mère qui lui crie Tu colle pas ou blanc qui va tout casser. Mais la suite est un immense fracas. l'Airbus A310 de la Yéménite Airways vient de s'écraser en mer. Je suis en pleine mer, seul, accroché à une bouée. Mes vêtements sont lourds, mes chaussures pèsent une tonne. Elle me tire vers le fond. Les mouvements que je fais pour rester à la surface me font mal à l'épaule et à la hanche.

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Mes jambes me brûlent, agite les bras. Je bats des mains pour garder ma tête hors de l'eau, pour continuer à respirer, à vivre. Il fait nuit noire. Une nuit, donc, sans lui, mais j'aperçois quatre débris blancs qui flottent pas loin de moi. Je parviens à nager vers le plus grand, dont la surface a l'air suffisamment importante pour que je puisse m'asseoir dessus. Je n'ai jamais été à l'aise dans l'eau. Je sais nager, j'ai appris.

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Mais déjà, quand on allait à la piscine avec l'école, je n'étais pas rassuré. A ce moment là, Bahía ne pense pas une seconde que l'avion s'est écrasé. Elle pense qu'elle est tombée de l'avion. Elle n'a absolument pas conscience que tous les autres sont là, autour d'elle, quelque part, morts ou peut être vivants. Elle pense que sa mère est restée là haut. Elle lui avait dit de ne pas se coller au hublot. Elle n'a pas obéi.

[00:06:03]

Elle est tombée de l'avion.

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Seul.

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Et pourtant, il y a ces débris autour d'elle, il y a ce morceau de fuselage sur lequel elle est couchée. Il y a cette odeur d'essence aussi épouvantable qui lui brûle la gorge. Tous ces signes que l'avion s'est écrasé. Mais elle ne réalise pas. Là, elle a tellement vite tourné. Elle se sent comme tirée vers le sommet. Elle résiste. Elle ne doit pas dormir. Les vagues sont trop fortes. Si elle dort, elle ne tiendra pas une minute sur son radeau de fortune.

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Alors, pour se tenir en vie, elle pense à Badiane, sa petite sœur Abbad Roux et Badaoui, ses petits frères. Et puis, elle finit par s'assouplit autant que la disparition de cet Airbus A330 de la compagnie Yemenia cette nuit. Un avion qui s'est donc écrasé entre le Yémen et les Comores avec 147 personnes à bord. Il s'agit d'un Airbus qui avait décollé de Roissy hier matin, avant de faire une escale au Yémen.

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Hors Bahia émerge à nouveau. Un coin du ciel s'est éclairci. Elle veut bouger les jambes en dessous de sa taille. Elles ne sont plus rien. Est ce qu'un requin lui a mangé les gens? Elle se retourne. Une douleur lui déchire le dos. Et maintenant, avec le jour, elle voit bien qu'elle est couchée sur un morceau d'avion, un hublot au milieu. Mais à ce moment là, quand le soleil se lève sur l'océan Indien, elle pense toujours qu'elle est tombée de l'avion, que l'avion a dû arriver à Moroni, que sa maman a alerté les secours, qu'ils vont venir la chercher.

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Au même moment, Kassim, le papa de Baya, qui était éboueur à Corbeil-Essonnes, s'est levé comme tous les jours à trois heures et demie du matin. Il va quitter l'appartement.

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Le téléphone sonne. Maganga. Tu vas allumer la télé. Non, non, je pars au travail, est ce que tu as des nouvelles K-Films? Non, mais logiquement, elle doit être arrivée avec Bayal. Tu verras qu'ainsi m'allume la télé, il zappe de chaîne en chaîne et il aperçoit un bandeau rouge en bas de l'écran.

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Un avion de la Yéménite Airways a disparu.

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Des écrans de contrôle expliquaient aussi peu de temps après l'accident. C'est difficile, mais on voit bien que d'une part, il y a des conditions météo difficiles, avec en particulier beaucoup de vent, des rafales à 69, c'est à dire environ 100 km heure.

[00:08:55]

Ensuite, Kassim, le papa de Bahia, est tétanisé. Il appelle en tremblant un cousin aux Comores.

[00:09:02]

On n'a pas de nouvelles. On est à l'aéroport, on attend, on a vu les lumières de l'avion passer là où dans le ciel, mais jusque là, il n'est pas arrivé Qassim. On ne rien. A Moroni, la rumeur que l'avion s'est écrasé commence à courir vers 2 heures du matin, malgré la nuit. Elle se répand comme une traînée de poudre. Des milliers de Comoriens vont vers l'aéroport en voiture, en vélo ou en mobylette à pied.

[00:09:40]

Ils viennent aider si besoin. Un avion de reconnaissance décolle et à une vingtaine de kilomètres au nord ouest de la Grande Comore, ils repèrent une nappe de débris blancs et des corps qui flottent sur la mer. Le crash est confirmé officiellement à cette heure trente trois heures de Moroni. Il y avait 153 personnes à bord, personnel de bord compris, dont 66 Français. Les Comores sont beaux. C'est donc l'ambassadeur de France qui prend les choses en main. On est tout près de Mayotte et pas si loin de la Réunion.

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Il a demandé par radio à tous les bateaux français qui naviguent dans le coin de se rendre sur la zone le plus vite possible, sachant que la météo est mauvaise et que sur les lieux du crash, les vagues atteignent 5 mètres. Pendant ce temps là, accroché à son but, Carlingues qui lui sert de radeau Bayard. Terriblement froid et soit Fosters, elle a très mal à l'épaule. Très mal au dos. Très mal à l'oeil gauche qu'elle n'arrive pas à ouvrir.

[00:11:05]

Et soudain, elle aperçoit, comme posé sur l'horizon, les montagnes de la Grande Comore. Elle reconnaît le grand volcan tout au milieu. Elle l'a vue tant de fois en photo et elle se dit. Le courant va me pousser vers la plage. Je vais survivre. Je vais retrouver maman. Mais les heures passent et la terre est toujours là, loin, trop loin, et il n'y a pas de courant qui l'attire vers la plage. Elle va mourir là, si près de la terre, si près de sa terre.

[00:11:42]

Et une fois de plus, elle s'endort.

[00:11:52]

A Moroni, le major Alain Maddy, de la brigade du Port, se dit Il faut trouver un bateau le plus vite possible. Il faut aller sur place. On sait jamais. Il peut peut être y avoir des survivants. Vu l'état de la mer, il vaudrait mieux que ce soit un gros bateau. Et sur le port est amarré. Un cargo de la compagnie CIMA, comme il réveille l'équipage. Ils sont d'accord et donc ils prennent la mer.

[00:12:15]

Le bateau quitte le port de Moroni à 3 heures du matin et au lever du jour. Les marins s'aperçoivent qu'ils ne sont pas seuls. Partout autour, il y a des dizaines de petits bateaux qui, comme, se dirigent vers la zone du crash. Mais la mer démontée, la plupart doivent faire demi tour. Le cargo continue seul en direction de la position GPS qui a été transmise par l'avion qui a repéré les débris. À 11 heures et demie du matin, les marins du cargo voient des bagages qui flottent et des rangées de sièges et un bout de la dérive.

[00:12:49]

Ça y est. Ils sont sur zone. Et maintenant, il faut ouvrir l'oeil. Le cargo navigue maintenant au milieu des débris et des cadavres. Et soudain, là bas, au loin, un marin croit apercevoir une forme Gabas. On dira encore. Un corps posé sur un morceau de la carlingue, ballotté par les vagues. Ils se mettent à crier. Bon. Et c'est incroyable. Le corps se met à bouger, une tête se soulève. C'est une jeune fille.

[00:13:49]

Elle répond par un cri, un cri de joie et de détresse mélangés. Le bateau s'approche autant qu'il peut, mais il est ballotté par les vagues. Alors, ni une ni deux, l'un des marins qui s'appelle Liboux Nasser Lémaniques Materazzi, retenez son nom. C'était un héros se déshabille. Il va quand même pas plonger. C'est trop dangereux. Il plonge. Sa tête disparaît dans l'écume. Elle réapparaît. Il nage de toutes ses forces en direction de la rescapée.

[00:14:16]

L'équipage lui lance une boue et au bout d'une corde, Cibona l'attrape. Il est maintenant à un mètre de la petite rescapée. Il lui agrippe enfin le bras. Ne bouge pas, laisse moi faire! On va tramaient à l'autre bout, les marins se mettent à tirer sur la corde et la rescaper est tissée sur le pont du cargo. Mais pendant la manœuvre, Cibona a lâché la bouée. Il s'éloigne. Il est emporté par le courant. Le commandant remet les gaz.

[00:14:44]

Il s'approche de Bouna. Il lui lance une nouvelle bouée et finalement, le héros est récupéré à bout de force. Comment tu t'appelles Bahia Bakari? Et de quel village es tu? De New Mazzara, Baie-Mahault. Bahia est née à Corbeil-Essonnes, en région parisienne, mais elle vient de donner spontanément le nom du village de ses parents aux Comores. Le commandant prévient le port de Moroni.

[00:15:17]

Et la nouvelle fait tout de suite le tour du monde. Avec et il y aurait un survivant à l'accident de l'Airbus A310 qui s'est abîmé en mer la nuit dernière au large des Comores. Et vous, Sébastien Krebs, si vous venez de joindre l'un des trois bateaux qui effectuent en ce moment les recherches dans la zone du crash? Oui, le Cima com qui patrouille depuis 3 heures ce matin. À son bord, le sergent de gendarmerie Saïd Abdi Laï. Il raconte avoir repéré assez tôt les premiers débris, puis des corps et une survivante, âgée, selon lui de 14 ans.

[00:15:55]

A Lille, on a trouvé la jeune fille qui a Katorza et la Comorienne. Elle s'appelle Baccharis Bahia. Et dans quel état de santé? Elle est, cette jeune fille? Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Elle est en bonne santé. C'est ça que vous ne dites pas? Il parle des députés. On avait donné au chat les commentaires à la question. On a mal là le village.

[00:16:27]

On va lui amener à l'hôpital l'urgent.

[00:16:39]

À Corbeil-Essonnes, Qassim, le père de Bahia, apprend la nouvelle par un ami gendarme qui l'appelle de Moroni. Ta fille, elle s'appelle Comment? Elle s'appelle Bahia Bakari. Elle Alors, c'était quoi Cassine Tafilalet vivante? Un marin sur un bateau de commerce l'a trouvé dans l'eau. Il l'a ramené à Moroni. Méthode est sûre tu n'as jamais vu ma fille. Si je n'étais pas sûr, je ne le dirai pas. Et là, dans les 14 ans, elle a dit aux marins qui l'ont repêché qu'elle s'appelait Bahia Bakari et elle a donné le nom de ton village.

[00:17:22]

Ça peut être qu'elle.

[00:17:29]

Le cargo de la Sima, comme met 9 heures dans une mer démontée pour arriver au port de Moroni, où l'attend une foule qui veut voir la miraculée, Bahia, a été évacuée sur une civière vers une ambulance qui l'amène à l'hôpital de Moroni. Sur le bateau, elle a demandé plusieurs fois des nouvelles de sa maman. On lui a dit. Ne t'inquiète pas bien, ne t'inquiète pas. A son arrivée à l'hôpital, Bahia, épuisé, s'endort et quand elle se réveille, elle n'est pas au milieu de l'océan.

[00:18:14]

Elle est dans un lit d'hôpital et elle a mal partout. La première phrase prononcée Je veux voir ma mère.

[00:18:22]

Le médecin chef rentre dans la chambre. Il est accompagné d'une dame. Bonjour Bahia. Je suis psychologue. Tous Bahía! Il est normal que les survivants d'une catastrophe et un suivi psychologique, tôt ou tard, tu peux te sentir coupable d'être l'unique survivante d'un crash aérien.

[00:18:57]

L'unique survivante. Mais de quel crash parle Ten Maya ne comprend toujours pas. Elle est toujours accrochée à son scénario et. Elle est tombée de l'avion. Oui, ma mère. Pourquoi Mamert elle pas avec nous? Je ne crois pas qu'on ait retrouvé ta mère. On a retrouvé que tout va bien. Que la seule survivante de cet accident d'avion. Bahía a écrit dans son livre que ce choc fut bien plus violent que tout ce qu'elle a vécu jusque là.

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Plus violent que les heures de détresse passées en mer, sa maman est morte. Elle est la seule survivante de tous ces gens qui étaient dans l'avion avec elle. En France, les radios et les télés parlent en boucle de la miraculée de légumière Wais Qassim.

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Son père vient de l'avoir au téléphone et m'a dit Papa, j'ai vu la vie en tomber dans l'eau. On se trouvait dans le noir. J'entends des gens me parler et je ne vois personne. Et du coup, je ne savais pas. J'ai gardé aux alentours. Il y avait. Je me suis accroché jusqu'à l'arrivée des secours. Pour l'instant, je ne crois pas qu'il l'imagier ce qui vient de se passer. Le téléphone envoyé à la voix qui tremble.

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Il parle tranquillement, mais avec un associé caché parce qu'il ne voit pas vraiment comment il s'accroche trop à ce moment là. Je ne sais pas si ça va. Je sais pas. Physiquement et moralement. J'espère y aller au plus vite. Bahia est rapatriée à Paris par un Falcon ministériel français. A l'arrivée, elle est transportée à l'hôpital Trousseau, où elle est admise dans l'unité des grands brûlés parce qu'elle a des brûlures un peu partout. Plus une clavicule cassée et une plaie à l'oeil gauche.

[00:21:20]

Quelques jours plus tard, ô surprise pour Bahia, le président Sarkozy débarque dans sa chambre pour un jour Bahia. Tu sais, ma petite Beya, je viens d'avoir Carla au téléphone. Elle est très émue par ce qui t'arrive. Franchement, elle voudrait vraiment se rencontrer. Tu viendra à l'Elysée avec ta famille. Aujourd'hui, Bahia attend toujours son invitation à l'Elysée. Des centaines d'histoires disponibles sur vos plates formes d'écoute et sur Europe1.fr.