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Christophe Hondelatte Je vous raconte L'affaire Farewell au début des années 80.

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Un agent des services secrets soviétiques, Vladimir Vetrov, alias Sarouel, décide de livrer aux Français des milliers de documents secrets du KGB. Un épisode incroyable de la guerre froide. Et ce qui rend cette histoire unique, ce sont les ressorts de Farewell. Il ne travaille pas son pays pour des raisons politiques. Il le fait pour des raisons intimes. Une histoire que je tire de l'excellent documentaire de Michel Fing pour France 5, Farewell, l'espion qui aimait la France, une production de Tony Comiti.

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La réalisation est signée Céline le brave.

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Christophe Hondelatte. Je vous emmène dans les années 80 au coeur de ce qu'on a appelé la guerre froide froide parce qu'elle ne sait pas jouer avec des fusils, des bombes, des chars. Elle s'est jouer avec des espions KGB côté soviétique, CIA à côté américain et l'un des enjeux de cette guerre était technologique. Les Américains avaient beaucoup d'avance et les Soviétiques beaucoup de retard. Et donc, l'une des premières missions des agents du KGB était de piller les entreprises américaines.

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On ne l'a pas su à l'époque, mais c'était une guerre très déséquilibrée. La CIA américaine déployait un peu moins de vingt mille espions dans le monde. Les Soviétiques du KGB étaient sept cent mille vingt cinq fois plus. Et à ce petit jeu, l'Oncle Sam a bien failli se faire plumer. Et si ça ne s'est pas fait? Peut être bien que la France y est pour quelque chose. Un matin de novembre 1981, à Paris, le commissaire Raymond arrdt de la DST, c'est à dire du contre espionnage français, est dans son bureau et comme tous les jours, il ouvre son courrier et il s'aperçoit que par deux canaux différents, un agent du KGB soviétique a tenté d'entrer en contact avec la DST.

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Il s'appelle Vladimir Rétro et il propose de livrer des informations sensibles à la France. C'était énorme pour un espion français. C'est mieux que Noël, parce que ceux Vetrov. Le commissaire sait très bien qu'il est au KGB. Il travaille pour la direction comme technologie. C'est un service d'espionnage soviétique qui collecte tous les secrets technologiques volés dans le monde entier. C'est Noël. Je vous dis. Pour prouver sa bonne foi, Vetrov envoie un premier lot de documents dans une chemise sur laquelle il est écrit, s'écriait en secret.

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À peine arrivé, le commissaire n'arrete, fonce chez le patron en retrait, monsieur le directeur. Vous avez sur le bureau des documents qui proviennent directement du KGB. Vous plaisantez? Raymond? Je ne me le permettrai pas, monsieur le directeur. C'est considérable. La source? Si vous le permettez, je la garderai pour moi, monsieur le directeur. Vous avez raison moyennement courant, mieux c'est bien, nous n'avons qu'à lui donner un nom de code à votre informateur, un nom de codants en anglais pour brouiller les pistes.

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Appelons le Farewell, ça veut dire adieu en anglais, ça vous va? Vous exploiter ces documents? La chemise atterrit sur le bureau de l'adjoint du commissaire N'arrete Jacky, demain. Elle contient une pile de feuilles de papier écrites en cyrillique.

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Oui, debain l'appareil. Vous pouvez m'envoyer un interprète en langue russe, svp, c'est urgent. Dites lui qu'il est possible qu'on y passe la nuit. Merci. L'officier interprète arrive et il installe une lampe de chevet. Ce n'est pas de la haute technologie et il commence à épingler sur la Bajaur les feuilles de papier en russe qu'il a tirée de la chemise. Je fais ça pour y voir mieux. C'est plus lisible comme ça, vous comprenez? Alors bon, au premier coup d'oeil, je dirais une liste de courses.

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C'est la liste des cibles des espions du KGB, tous les secrets qui doivent payer. C'est classé par pays ancien. Donc il y a la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada. Et puis évidemment, sans surprise, surtout les Etats-Unis. Alors je vais vous traduire, mais en gros, sa cible l'aviation de combat. Les ordinateurs militaires. Tom Nagas Ça, c'est des sous marins nucléaires. Et puis les machines qui servent à les fabriquer, etc.

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Toutes choses que les Soviets n'auront pas besoin d'inventer. S'ils arrivent à les voler, si ce type se vetrov se Pharo, elle est capable de faire passer la liste de ce qui a déjà été volé.

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C'est de pas. C'est du jamais vu. C'est tellement énorme qu'il faut en parler tout de suite au président de la République et donc à François Mitterrand qui vient d'être élu. Il chialé? Le patron de la DST appelle le nouveau ministre de l'Intérieur, Gaston Deferre. Le ministre. Chalet de la DST à l'appareil. Dites moi, il faudrait que je vois le président rapidement. Chaque soir, on verra après la garden party. Le président Mitterrand reçoit Chalais dans son bureau de l'Elysée et Chalet lui remet le dossier qu'il lui a préparé.

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Mitterrand le lit. Eh bien, vous continuez, bien entendu. Et vous n'en parlez à personne, vous me des compte directement. Il faut en parler aux Américains, monsieur le président? Oui, bien entendu. Je vais voir Iguane à Ottawa. Je vais m'en parlerait personnellement. Ronald Reagan, lui aussi, vient d'arriver au pouvoir aux États-Unis et je vous le dis, en matière de diplomatie, c'est unique. Il n'y connaît rien. Il s'en remet à ses conseillers.

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En revanche, il est antisoviétiques. Pourquoi? Il n'en sait rien. C'est viscéral. Et ce socialiste là, Mitterrand, allié avec les communistes, avec lequel il a rendez vous à Ottawa, ce n'est pas sa tasse non plus. Mitterrand pose le dossier Farewell sur la table. Monsieur le président. J'ai quelque chose d'important à vous dire. Nous avons un atout à Moscou. Il nous envoie régulièrement des informations de première main. Certaines de ces informations. Monsieur le président, concerne les Etats-Unis d'Amérique.

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Quelqu'un de haut placé au KGB nous aide, monsieur le président. D'après son conseiller, Ronald Reagan n'a pas vraiment saisi toutes les implications de cette histoire. Il y avait du Trump dans Reagan, mais ça lui a plu que ce Mitterrand soit aussi amical. Il s'était fait une fausse idée de lui.

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Et maintenant, la partie, à mon avis, la plus intéressante de cette histoire. Les motivations de ce Vladimír rétro, pourquoi s'apprête t il à trahir son pays? C'est un officier du KGB. Pourquoi est ce qu'il fait ça? Vous allez voir. C'est une belle leçon sur le fonctionnement de l'être humain.

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Vladimir Ippolito 23 Vetrov a une formation d'ingénieur, il est recruté comme espion par le KGB au début des années 60. A sa sortie de l'école d'officiers de renseignement et pour son premier poste à l'étranger, on l'envoie en France, à Paris, sous la couverture d'un employé du commerce extérieur. Donc, il débarque à Paris avec femme et enfants. Et d'après vous, est ce qu'il a aimé? Bien sûr qu'il a aimé qu'il a adoré l'appartement dans le 16ème arrondissement.

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Les sorties, les restaurants. Paris, quoi. Et donc, quand il est nommé au Canada en 1970? Eh bien, il est malheureux. Et au Canada, ça se passe mal. Il se met à picoler. Il a des accidents de voiture et surtout, il se fait approcher par les services secrets canadiens. Il ne leur a pas dit oui, mais c'était déjà trop. Retour à Moscou. Au placard. Sa carrière est fichue. Il se retrouve dans une sous division d'analyse.

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La fameuse direction t il demande une promotion refusée. Il a le blues. Il plonge dans la dépression. Ça n'est plus le même homme. C'est ça, le petit moteur de. Se venger et offrir tout ça à un pays qu'il aime. Par dessus tout, la France, c'est pas la politique. Le moteur de cette histoire, c'est un homme, juste un homme à poil. Et cet homme maintenant Farewell, eh bien, il faut s'organiser pour récupérer les documents qu'il peut transmettre sans se faire repérer par le KGB.

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Et là, il faut que je vous explique la DST. Normalement, c'est un service de contre espionnage qui travaille en France et qui n'a pas d'agent à l'étranger comme le SDEC, l'ancêtre de l'ADG. Mais c'est une opération secrète en ligne directe avec le président de la République et donc le commissaire n'arrete doit se débrouiller pour trouver quelqu'un. Il connaît quelqu'un sur place à Moscou, l'attaché militaire adjoint Patrick Kron. Il a un passeport diplomatique. Si ça tourne vinaigre, on pourra les exfiltrer.

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Patrick Clairance est l'homme clé de l'histoire. Il n'a parlé qu'une fois dans le documentaire Farewell, l'espion qui aimait la France. C'est le chef d'état major des armées qui lui a confié cette mission. On va vous demander une mission, il faut reprendre contact avec un gars du KGB.

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Il n'avait pas de quoi vous faire prendre? Non. Pourquoi risquer la prison? Le coup à la tête? Non, non, non.

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Parce que mon passeport diplomatique. Je te lautobus, lautobus, tu me faisais. Vous auriez pu vous faire écraser dans votre poche.

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Le commissaire n'arrete de la DST, lui explique la suite. Bon, ce qu'on vous demande, Ferran. C'est d'être le plus naturel possible. Comme si vous alliez voir un copain et vous devez prendre conscience qu'en livrant ses documents, lui prend un risque considérable. Donc, il faut l'aimer quoi? Vous devenez ami avec lui? OK.

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Patrick Ferrant dit que ça n'a pas été difficile, ça l'autre est plutôt sympa. Il est chaleureux, il est aimable, il est rigolard. Les premiers rendez vous avec les profs ont lieu après son travail dans un parc près du Musée Borodine. Sa femme travaille là. Il vient la chercher tous les jours. Et donc, lui et Ferrand se voient sur un banc juste avant qu'elle ne sorte comme de vieux copains. Et Farewell lui confie à chaque fois un dossier constitué de documents originaux.

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En vérité, que Ferrand doit ramener à l'ambassade pour les photocopier et lui rendre. Le lendemain et plus tard, il se voit dans la voiture de Vetrov, une Lada, les trophées, tout simplement heureux de parler français. Il vaudrait mieux parler de Balzac, tiens, mais Patrick Ferrand n'est pas pointu sur le sujet. Dommage. Est ce qu'on le paie pour ça? Non. Si quelques roubles par ci par là et quelques bouteilles de gin et de scotch.

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Mais rien de plus qu'il ne fait pas ça pour l'argent ni pour la politique, mais pour se venger de l'humiliation qu'il a subie. Et il fait ça pour la France parce qu'il l'aime, c'est tout.

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Le rythme des livraisons s'accélère. Pharo, elle, fait passer de plus en plus de dossiers 3.000 pages en moins d'un an. Patrick Ferrand n'arrive plus à suivre. Et comme les rendez vous se multiplient, ça devient très dangereux et ce sont les Américains qui trouvent la solution. Un appareil photo tout petit, quelques centimètres carrés, genre inox, un appareil qui tient dans la main et qui permet de photographier les documents sans sortir les originaux.

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Et Ferrand, pour récupérer les pellicules, les microfilms, décide de mettre à contribution sa propre femme. Elle va au marché au rayon des légumes, mais les trophées là, qui palpent des courgettes et lui fait passer un petit paquet et une salade par dessus. Et voilà. Alors, qu'est ce qu'il y a d'intéressant dans ces documents soviétiques? Eh bien d'abord, les noms des 400 agents du KGB qui opèrent aux États-Unis sous couverture. C'est incroyable. Et le nom de leurs sources, de leurs agents doubles, c'est très précieux, tout ça.

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Et puis, dans ces documents, il y a aussi des choses incroyables les plans d'avions, les plans de sous marins nucléaires, les plans de centrales atomiques volés aux Occidentaux. Les Américains et les Français, au passage, se rendent compte que le KGB est très efficace, beaucoup plus que ce qu'ils n'imaginaient.

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Alors comment réagir à ça? Évidemment, pas question pour les Américains d'expulser des espions de Moscou. Il ne faut pas griller Farewell et là, à la Maison-Blanche, un scientifique qui s'appelle Gus Vaïsse a une idée de génie. Moi, je me dis et si, au lieu de les empêcher de récupérer nos documents? Vont les aider un. Laissez moi terminer! On leur livre des plans, mais on les fausse, on change les codes des machines, par exemple.

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Un centimètre, un millimètre. Un millier de millimètres, peut importe un kilo.

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Du coup, ça ne marchera pas. Le président Reagan est d'accord et une cellule secrète au Pentagone, composée d'une demi douzaine d'ingénieurs qui se mettent à fabriquer de faux plans avec de fausses cotes des missiles, par exemple, ou des machines outils qui servent à les fabriquer. S'ils appliquent les plans, ça ne marchera pas à l'autre bout. Bien sûr, Vladimir Vetrov, alias Sarouel, n'est pas au courant, mais sa carrière d'agent double va tourner court, comme elle a commencé, en vérité pour des raisons personnelles intimes.

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Le 26 janvier 1982, Patrick Ferrand a rendez vous avec Vetrov sur la place Rouge, au centre de Moscou. Quand il arrive près de lui, il voit tout de suite que l'autre est bourré comme un coin. L'alcool, c'est foutu. Patrick tue, foutu, foutu. Il ne lui dit pas pourquoi Ferrand sort une bouteille de gin de sa poche. Allez, Volodia boit, aller boire, boit, ça va te faire oublier. Et le rendez vous suivant?

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Métro n'est pas là. Et il n'est pas là non plus au rendez vous de rattrapage et sa femme fait savoir que c'est fini, il ne veut plus ou il ne peut plus transmettre de documents.

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Alors, qu'est ce qui s'est passé? Il s'est fait repérer. Il a des états d'âme? Pas du tout. Les petits moteurs de Vetrov sont décidément intimes. Il a une maîtresse, Lioudmila, qui travaille avec lui à la direction T. D'après un journaliste russe qui a mené l'enquête sabar d'entre eux, Vetrov ne veut pas quitter sa femme. Est ce qu'elle a deviné qu'il a trahi le KGB? C'est possible. Toujours est il qu'un soir, après le travail, Vetrov propose à Ludmila de la ramener chez elle sur le trajet.

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Il achète du shampoing Skien du champagne et lui offre à boire. Et là, d'un coup. Il l'assomme avec la bouteille et il attrape dans la boîte à gants une pique en métal et il se met à la frapper. BAM, bam, bam! Et là, un homme toque à la vitre. Qu'est ce qui se passe? Vetrov ouvre la portière. Il a sa pique à la main et il poignarde l'homme. Et il tue.

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Lioudmila a réussi à s'enfuir. Elle ne dit pas aux policiers qu'elle a des soupçons sur lui, mais Vetrov est naturellement arrêté et jeté en prison. Et comme il appartient au KGB, il est interrogé par un de ses collègues qui, comme ça, au pif, sans que quelque chose ne tourne pas rond, qui a un problème pour le meurtre. Prof est condamné à 20 ans de prison. Il est envoyé dans un goulag de Sibérie. Mais le KGB ne le lâche pas.

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Il le surveille 24 24.

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En avril 1983, Paris décide d'expulser de France quarante sept Soviétiques, dont certains ont été balancés par Vetrov. Quant à 8000 kilomètres de là, au fond de son goulag, Vetrov l'apprends. Il dit à voix haute en Egidio Mongrenier, un agent du goulag, a tout entendu et il transmet immédiatement l'information à son supérieur. Et voilà sans doute comment Vetrov s'est fait pincer, à moins qu'il se soit fait balancer par une taupe américaine. On ne saura jamais.

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Le 1er janvier 1984, pour la nouvelle année, Retrofit envoie une dernière carte de vœux à sa femme. Cette l'Anas et à son fils Mladić. Je vous souhaite une bonne santé. Du succès du travail et que l'année 1984 vous apporte à tous un tout petit peu de bonheur.

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L'année d'après, Être est convoqué au parquet militaire à Moscou. On l'a fait asseoir dans une petite pièce étroite et on lui annonce, en vertu du jugement Mme. Votre mari a été fusillé. Et on lui remet un acte de décès daté du 23 janvier 1985 et à la rubrique Causes de la mort, un trait souhaite l'Anas rentre chez elle et elle s'effondrant Marc. Il ne fait aucun doute que cet épisode de la Guerre froide a joué un rôle déterminant dans la suite des évènements, car il a définitivement fragilisé le KGB qui ne s'en remettra jamais.

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Six ans plus tard, en août 1991, lafoule vient déboulonner devant la Loubianka le siège du KGB, la statue de son fondateur Jezzine SQI. Et six mois après, l'Union soviétique n'est plus. Et sans doute que Farewell n'y est pas pour rien.

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Dans cette histoire et dans ce monde où on veut croire que les choses changent par la politique, par l'idéologie, par les idées, c'est un homme seul, pour des raisons intimes, qui a fait bouger les lignes. Juste parce qu'on l'avait blessé, juste parce qu'on l'avait humilié, juste parce qu'il aimait la France.

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Alors, est il pensable de décorer un jour Vladimir Ippolito II tu Vetrov de la Légion d'honneur à titre posthume dans sa datcha près de Moscou? Sa femme Svetlana en rêve encore. Mais Poutine, sans doute, n'apprécieraient pas. Alors? Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur Europe1.fr.