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Raconte Christophe Hondelatte. Un petit bout d'histoire contemporaine. Aujourd'hui, comme il m'arrive de le faire régulièrement, l'histoire d'un président de la République jeune et moderne qui donne un grand coup de frais dans la vie politique. Emmanuel Macron? Non. Valéry Giscard d'Estaing, qui remporte l'élection présidentielle de 1974 alors que tout le monde le donné perdant en imposant un style très différent de ses prédécesseurs, qui rigidifie l'exercice du pouvoir, qui ringardise les vieux croûtons de l'UDSR, qui conduit lui même sa voiture, qui porte le costume de jour de son intronisation et pas la queue de pie.

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Voilà l'histoire de l'élection de Valéry Giscard d'Estaing. La réalisation est signée Céline n'embrasse. Christophe Hondelatte. On a été juste avec Giscard. Je ne vous parle pas de ce qu'il a fait ou de ce qu'il n'a pas fait ou de ce qu'il aurait dû faire. Ça, c'est de la politique. Je vous parle du bonhomme de couteraient qu'il a apporté à la politique française quelque part. Giscard, c'est un enfant de 68. Il a voulu changer les codes, il a voulu des rigidifier, il a senti son époque.

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Alors oui, il parlait avec une patate chaude dans la bouche. Oui, il l'a gardé d'un bout à l'autre. C'était aristos, fruit de son éducation. Et oui, la mise en scène de son départ, son nom Revoir était totalement ridicule. Mais au début de l'histoire, avant de prendre en pleine poire le choc pétrolier de 74. Giscard, c'était le Macron des années 70. C'est ça que je voulais vous raconter. Alors, à partir de quand est ce qu'il pense le matin en se rasant, et pas que depuis qu'il a réalisé que le président Pompidou, dont il est le ministre des Finances, n'en a plus pour très longtemps.

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En mai 1973, il est allé en Islande avec lui, en voyage officiel. Il a bien vu dans quel état était le président et après, ça n'a fait qu'empirer. Déplacement après déplacement, conseil des ministres après conseil des ministres, le président était à chaque fois plus bouffi à cause des corticoïdes, maladie de Valles, d'un Strome, une forme rare de leucémie. Au dernier conseil des ministres, le 27 mars, Pompidou, pour la première fois, a parlé de sa maladie.

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Il faut que je vous parle d'un sujet que je n'ai jamais abordé.

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Je passe par des moments très difficiles. J'ai besoin de repos. Tout cela finira bien, enfin. On verra. Et à la fin du conseil des ministres, pour ne pas perdre la face, Pompidou leur a dit. Messieurs, je vous demande aujourd'hui de ne pas attendre que je sois levé et de bien vouloir partir. Les premiers. Quatre jours plus tard, Giscard d'Estaing est en week end dans son chalet de Courchevel, l'un de ses proches le prévient.

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Il faut que vous sachiez que l'état du président est en train de se dégrader considérablement. Il est en train de mourir. Monsieur le ministre, je voulais vous le faire savoir. Giscard est tenté de rentrer à Paris tout de suite. Et puis il dit ne pas se précipiter s'il se précipite, ça va alimenter la rumeur. Il a prévu de rentrer demain. Il rentrera demain.

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Le lendemain, il est à son bureau au ministère des Finances qui, à l'époque, est aux Tuileries et il fait venir quelques proches. Je vais vous donner quelques noms. Ce sont comme des madeleine de Proust des années 70 Michel Poniatowski, Michel d'Ornano, Jean-Pierre Soisson, Roger Chinaud, Jacques Dominati. Ils sont là, autour de lui. Il lui reste combien de temps?

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Disons que c'est une question d'heures.

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C'est sûr. Et comme s'il se méfiait des micros dans son propre bureau, Giscard les entraîne dans ses appartements.

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Bon, messieurs, il va y avoir une élection anticipée. Je voulais vous annoncer que je serai candidat.

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Qu'en pensent les autres? En face de moi, ils sont sceptiques. C'est le moins qu'on puisse dire. Quelles sont les chances de Giscard face à Chaban-Delmas de l'UDF? Le parti gaulliste? Elles sont nulles, absolument nulles. Depuis 1958, la France est gaulliste. Il y a eu de Gaulle, Pompidou, c'est le tour de Chaban-Delmas. Sans oublier qu'en 69, Giscard a appelé à voter non au référendum sur la rénovation du Sénat et la création des régions.

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Il a planté de Gaulle, qui a perdu le référendum et qui a dû démissionner. Les gaullistes ne lui ont pas pardonné. Alors, rassembler la droite? Giscard, vous plaisantez? Il va se ramasser. Le soir même, les Français sont en train de regarder les dossiers de l'écran à la télé. Interrompant ce film, le président de la République est mort. Un communiqué du secrétariat général de la présidence de la République vient de signaler que M. Georges Pompidou était décédé à 21 heures ce soir.

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Ce communiqué est signé du professeur Vigna Lou, le médecin de M. Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing.

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A 48 ans. Dans la classe politique des années 70, il passe pour un jeune homme. Il lui reste cinq semaines avant le premier tour.

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On enterre le président Pompidou le 6 avril au matin à Notre-Dame et l'après midi même, alors qu'à l'assemblée on est en train de prononcer l'éloge funèbre du président Chaban-Delmas, annonce sa candidature par une dépêche de l'AFP qui tombe à 16 heures 9. Dans la foulée, Giscard lui envoie un petit tacle bien senti aussi longtemps que ne sera pas achevé l'hommage public national et international rendu à la mémoire de Pompidou. Je m'abstiendrai de tout commentaire.

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Le lendemain, Giscard s'envole pour Chamalières, dans le Massif central, et c'est pendant le vol qu'il rédige le texte de sa candidature. Seul le soir, il dort chez lui, à Chanas. Et le lendemain matin, 8 avril, il prend le volant de sa Renault 6, direction Chamalières. C'est St-Gilles depuis sept ans. C'est dans sa mairie qu'il fait son annonce. Les mains bien croisées devant lui.

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Il y a moins d'une semaine disparaissait le président Georges Pompidou. J'ai pensé, je pense encore, que ceux qui s'inspirent de sa mémoire devaient s'associer au deuil du peuple français avant de se préoccuper de sa succession. Je m'adresse à vous aujourd'hui ici dans cette mairie de la province d'Auvergne, pour vous dire que je suis candidat à la présidence.

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Pour la suite, rien n'est prévu. Il n'y a pas d'équipe, il n'y a pas de programme rires, mais c'est une élection anticipée, alors la règle est la même pour tous. Il faut improviser. C'est dans l'avion du retour que le Reporterre Raymond Depardon convint Giscard de se laisser filmer pendant toute sa campagne autour d'une coupe de champagne, avec un argument très séduisant. Je crois qu'il faut faire un film de votre campagne. Vous savez, je pense au film qui a été réalisé pendant la campagne du président Kennedy aux Etats-Unis.

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C'est ça qu'il faut faire. La seule évocation du nom de Kennedy suffit à convaincre Giscard, Kennedy, Kennedy. C'est son modèle. Il l'a rencontré en 1962 et il dira plus tard C'est le plus beau souvenir de ma vie. C'est son modèle.

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Né le 8 avril, le premier tour a lieu dans moins d'un mois, le jour même. François Mitterrand sort lui aussi du bois. Il sera le candidat de la gauche de toute la gauche, y compris les communistes et les radicaux avec lesquels il a signé un programme commun. Mitterrand a été onze fois ministre et trois fois secrétaire d'Etat sous la quatrième. Il était déjà candidat en 1965. Il a de l'expérience. Ça peut être son tour.

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Le lendemain, le 9 avril, le premier ministre sortant Pierre Messmer lance un ballon d'essai.

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Il en serait bien lui aussi.

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Mais devant la situation créée par plusieurs candidatures de la majorité de Georges Pompidou en raison des risques d'une telle division fait courir à la France, je suis résolu à me présenter au suffrage des Français. Si ces candidats se retirent, je le leur demande.

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Et là, Giscard la joue. Fin stratège, il annonce qu'il se retire. Si Chaban-Delmas, ça en fait autant. Et comme Chaban n'a aucune intention de se retirer, Messmer est obligé de remballer sa candidature. Le jeu s'éclaircit dans le prochain chapitre. Entrée en scène d'un certain Jacques Chirac, le jeune ministre de l'Intérieur. C'est bien connu, quand on veut grandir, il faut tuer le père.

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Et c'est là qu'entre en piste un jeune loup du gaullisme, un certain Jacques Chirac, ministre de l'Intérieur du gouvernement sortant. Chirac piaffe d'impatience et il n'est pas dans le cercle des vieux barbons qui entourent Chaban. Si Chaban gagne la présidentielle, il n'a pas grand chose à attendre. Les vieux croûtons du gaullisme ne lui feront pas une place au soleil. En revanche, en revanche, il connaît bien Giscard. Il a été son secrétaire d'Etat au ministère de L'économie et des Finances pendant deux ans.

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Ils se sont vus juste avant la déclaration de candidature. Ils ont noué un pacte. Chirac va lui apporter une partie des gens de l'UDF. Le 13 avril, Chirac publie ce qu'on a appelé l'appel des 43, quatre ministres et 39 parlementaires de la majorité sortante qui appellent non pas directement à voter pour Giscard. Non, c'est plus fourbe que ça. Il appelle à une seule candidature à droite et dans les faits, ça revient à plomber Chaban-Delmas.

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À part ça, je vous l'ai dit, il n'y a pas de programme, il n'y a pas de plan. Giscard décide d'en faire un atout. Il en profite pour rompre avec les campagnes précédentes où tout donner, l'impression d'être préparé, calculé, n'avait rien de naturel. L'installation de son quartier général de campagne au 41, rue de la Bienfaisance, dans le 8ème, est une première illustration du style Giscard. Il met sa fille Valériane et sa femme Anémone au turbin.

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On les voit à la télé en train d'aménager des locaux. Sa communication, d'ailleurs, va beaucoup jouer sur sa famille un dimanche d'avril. Un photographe de Paris-Match le prend en photo avec sa fille Jacinta dans les jardins des Tuileries. On ne voit pas le visage de la jeune fille. Elle regarde son père. C'est tout.

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Je pense qu'on devrait utiliser cette photo pour une affiche. Ça va toucher les familles et les jeunes. Ça ne peut être que bénéfique, non? Il obtient ce qu'il veut. La photo est flanquée d'un slogan La paix et la sécurité. Il y aura une deuxième affiche plus classique, genre photomaton, barrée du slogan Un vrai président. Mais c'est la première affiche qui va marquer les esprits. Et puis, pour ce meeting, Giscard fait un choix audacieux. Il choisit comme mime un chant révolutionnaire qui avait déjà fait la joie de Robespierre.

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Le chant du départ pour un chant superbe, tachant révolutionnaire, était le chant que je chantais comme la première armée entre le chant et réginal capotage qui est le bon qu'est la victoire.

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En chantant Ouvrez la barrière de. Longtemps Vauvy. La base? d'Edel, l'avant centre droit et. Giscard a compris quelque chose la France est dirigée depuis 10 954 par les gaullistes. Mai 68 est passé par là. Les Français veulent du changement, mais pas un bouleversement. Alors, il se choisit un slogan le changement, mais sans risque. Le changement sans faire peur.

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Giscard annonce bien deux ou trois mesures illégales l'Isra, l'avortement. Et il portera la majorité de 21 à 18 ou 19 ans. Mais pour le reste, pour l'économie, ce sera la continuité. Ça rassure, mais c'est le style qui va faire la différence. Dans ses déplacements, VGQ casse les codes De Gaulle et Pompidou était inaccessible. Lui, au contraire, joue sur la proximité. Alors, avant et après les meetings, il écarte les conseillers et il se laisse embarquer par la foule.

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Il signe des autographes et parfois, il conduit lui même sa voiture. Ça r6 une voiture sans chichi et c'est comme ça qu'il prend l'avantage sur Chaban, qui passe pour le candidat de la vieille garde. Du coup, il attire les vedettes Johnny Hallyday, par exemple, vient un jour à son quartier général parisien avec Danièle Gilbert et Chantal Goya pour offrir du muguet à Anémone et un tee shirt Editer barré du slogan de Giscard à la barre. Brigitte Bardot s'affiche avec le soir du premier tour.

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Giscard est de retour à Chamalières, là où tout a commencé.

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Quatre secondes, trois secondes, deux secondes. Il est 20. Giscard l'emporte pour la seconde place, devant Jacques Chaban-Delmas le classement 1er, François Mitterrand 1er, François Mitterrand 43,5 2ème, Valéry Giscard d'Estaing 32,5.

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Chaban est sorti avec 13 pour cent des voix seulement. Mais pas d'explosion de joie chez les giscardiens. Au soir du premier tour, Mitterrand est devant. Et bien devant.

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Il peut gagner avec près de 44 pour cent des suffrages exprimés. Dès le premier tour de scrutin, j'en suis exactement au point où se sont trouvés avant moi le général de Gaulle en 1965 et monsieur Pompidou en 1969.

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Ils furent, comme on le sait, élu au deuxième tour. Les conditions du succès sont d'ores et déjà réunies.

[00:16:16]

Le lendemain du premier tour, Giscard retrouve son carré de fidèles dans son bureau du ministère des Finances et la caméra de Depardon enregistre un débat stratégique passionnant.

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Cette élection qui est pratiquement gagnée si on ne fait rien, mieux, si on fait quelque chose qu'on peut la perdre. Lorsqu'on prend des positions, des des gens se déplacent sur la route. Une technique de ce choix de a faire de beaux discours, à laisser le courant passer aux Huskies peu rassurants et autres provided le par le bien. Première solution faire campagne. Assez de généralités généreuses et, au fond, aurait été une erreur mortelle, celle de l'échec de la campagne aux couleurs de l'UDF.

[00:17:07]

Pour la première fois, un débat va être organisé à la télé entre les deux tours. Giscard face à Mitterrand pour Valéry Giscard d'Estaing. Vous l'avez compris, c'est risqué. C'est très risqué.

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Le débat a lieu le 10 mai 1974 au studio 100 de la Maison de la radio, dans un décor marron as arbitré par Jacqueline Baudrier et Alain Duhamel par tirage au sort. Giscard a obtenu le droit de commencer, Mitterrand conclura. Ce débat est marqué par une audace de Giscard.

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D'abord, je vais vous dire quelque chose. Je trouve toujours choquant et blessant de s'arroger le monopole du cœur. Vous n'avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du coeur, vous ne l'avez. J'ai un cœur comme le vôtre qui bat à sa cadence et qui est le mien. Vous n'avez pas le monopole du cœur et ne parlez pas aux Français de cette façon si blessante pour les autres.

[00:18:07]

Par cette formule, Giscard marquait un point. Et dans la foulée, il pousse son avantage.

[00:18:18]

Le gouvernement proposera à l'Assemblée nationale le droit de vote devant. Français un gouvernement composé d'hommes, de femmes et en majorité Nyembo Pour conduire avec le changement et pour préparer la France des années 1980 à la veille du deuxième tour.

[00:18:47]

Giscard, Mitterrand sont au coude à coude dans les sondages. Le 17 mai dernier, meeting de Giscard à la porte de Versailles devant 100 000 personnes. Et c'est Charles Aznavour qui entonne l'hymne de la campagne.

[00:19:24]

Le 19 mai, en fin d'après midi, Giscard attend les résultats. Seul dans son bureau du ministère des Finances au Louvre, la scène est immortalisée par la caméra de Depardon. Giscard a sorti un fauteuil sur le balcon de son bureau. Il a une petite radio sur les genoux. Il écoute Europa. La télévision est allumée. Le chien est là, couché. Un tourne disque joue du malheur.

[00:19:52]

On annonce une participation record de 87. C'est Jacques Chirac qui lui annonce par un coup de fil les premières estimations qui le donnent gagnant. Giscard s'installe devant la télé. Il s'agace du fait que Michel d'Ornano soit sur le plateau. Il lui avait demandé de ne pas y aller.

[00:20:10]

Et puis il est 20heures, ont obtenu messieurs Valéry Giscard d'Estaing, 13 millions, 165.000 suffrages, soit 50 virgule 71 pour cent. Monsieur François Mitterrand, 12 millions, 700 91.000, soit 49 2,28 pour cent. Les estimations sont trop serrés, on ne peut pas encore se réjouir sur le plateau, d'Ornano enfile les perles et Giscard le trouve assommant et pénible. Alors, il change de chaîne et pendant quelques instants, il regarde un film. Et puis, il s'en va.

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Il est toujours tout seul au volant de sa voiture, une 504. Il rejoint son quartier général. A l'arrivée, les gens passent leurs mains par la portière pour le toucher, pour le féliciter. Il n'a aucune protection. La portière que finalement il n'arrive pas à ouvrir. Alors, il sort par le côté droit.

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Valérie Giscard d'Estaing est investie le 27 mai. Il arrive à l'Elysée à pied, en costume de ville, et ça, c'est une première. Tous ses prédécesseurs portaient la jaquette à queue de pie.

[00:21:46]

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