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Christophe Hondelatte Je vous raconte l'histoire de l'une des héroïnes du début du mouvement des Gilets jaunes et Ingrid Levavasseur, qui a pris ses distances. Aujourd'hui, c'est une histoire parmi d'autres, mais vous verrez très emblématique et que je tire de son livre qui paraît chez Flammarion. Rester digne. Pourquoi je me bats? Elle sera là tout à l'heure pour le débriefe. Je l'ai écrite avec Simon Veil. Réalisation Céline Brace. Christophe Hondelatte. Ce que je veux vous raconter, c'est comment ex-enfant battue, ex-compagnes humiliée, ex-employée malmenée.

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J'ai appris à ouvrir les yeux, à relever la tête. C'est l'histoire d'une métamorphose.

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Je suis né à Évreux, en Normandie, en 1987. Ma mère travaille à l'usine. Mon père est électricien. Enfin, je crois. Dit je crois, parce que il passe plus de temps à boire qu'à travailler. Mon père, il est grand, charpenté et roux comme moi, avec les mêmes yeux bleus. J'ai un souvenir fort qui me reste. Mon père vient de frapper pour la énième fois ma grande soeur de 11 ans. Ma mère hurle pour qu'il arrête.

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Et là, il lance à travers la pièce une soupière, une grosse soupière. Ma mère prend mon frère dans ses bras, ma petite soeur par la main et ma grande soeur prend la mienne. On traverse le jardin, on court dans la rue et on atterrit chez des voisins et on passe une partie de la nuit chez eux, sous les lits à se planquer. Il ne sait pas qu'on est là et après, des amis prennent le relais. On se cache dans leur grenier ou à la cave, derrière des sacs de pommes de terre et quelques semaines plus tard, on est recueilli dans un foyer pour femmes battues.

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Un lieu merveilleux. L'impression d'être protégée. Et au chaud. Maman trouve un travail de femme de ménage, on aménage dans un petit appartement une table, quatre chaises et des matelas. Mon père est interdit de visite, mais il vient de temps en temps. Tambouriner à la porte. Et là, on met les meubles derrière la porte pour la bloquer. J'ai 7 ans et ma mère nous annonce rencontrer un monsieur.

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Je voudrais vous le présenter. On monte dans notre vieille voiture bleue.

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Je te préviens, maman, si je l'aime pas, je le jette par la fenêtre. Je ne l'aime pas immédiatement. D'abord, je le trouve moche. Petit brun, il lui manque des dents, il met du Pinto dans ses cheveux et en plus, il n'a pas le permis de conduire. Un paumé qui finit par emménager avec nous, comme ma mère fait des ménages dans les bureaux. Elle n'est là ni le soir ni le matin, et donc il commence à faire sa loi.

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On n'a pas le droit d'aller dans le salon. Vous n'avez qu'à rester dans vos chambres et le matin, il faut attendre qu'il ait fini son café et sa clope pour pouvoir sortir de notre lit et venir manger. Et après l'école, pas question de traîner 5 minutes de retard. Et la télé, c'est pour lui qu'il a mis en place un système pour qu'on ne puisse pas l'allumer dans son dos. Notre univers se rétrécit à notre chambre qu'on étouffe. Et si on franchit le seuil unisson?

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Tant qu'à donner à manger aux chiens pour nous punir, il nous fait mettre à genoux sur un manche à balai.

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Je le dis à ma mère, il est courant maman et il nous maltraite. Elle refuse de le voir. Elle dit Baras, sans lui, on n'aurait pas mangé. Et d'être mal traité supposa être enfermé dans un placard, c'est avoir des brûlures de cigarettes sur le corps. Et là, je me dis s'il n'est pas là, on pourra plus manger et ce sera de ma faute. J'accompagnais ma mère au Secours catholique. Vous avez combien d'enfants? 4.

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Alors je vous donne une douzaine d'oeuf et puis deux bouteilles de lait. J'ai honte. J'ai la trouille que les voisins et les copines de l'école nous voient.

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Aux yeux de mon beau père, je suis la pire de toute façon, celle là, elle finira avec un bouillonnent et une tribu de gamins. C'est une bonne à rien. Mais j'ai quand même une amie, Hélène, chez elle, il y a du Nutella et de l'amour. J'en ai longtemps voulu à ma mère. Elle a fait ce qu'elle a pu. Sa vie n'a pas été facile. Elle ne savait pas ce qu'était la tendresse. Elle n'en avait jamais reçu.

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A la fin de la troisième, on nous donne une feuille verte en nous demandant de choisir notre orientation pour l'année prochaine. Et moi, j'ai un rêve. Je veux devenir sage femme et donc je coche la case. Seconde générale j'aime l'école. Le soir, je pose la feuille de papier sur la grosse table en chêne de la salle à manger. Mon beau père m'appelle Momo. Tu crois pas qu'on va payer les études?

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Tu fais comme ta soeur et il faut pas loin, tu vas tu choisir un métier là bas? Je regarde la liste DCSP coiffeurs, bouchers, vendeurs, serveurs, serveur. C'est bien. Les horaires sont décalés. Je vais Rémo à mon beau père et puis je vais pouvoir préparer mon départ.

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J'ai un petit copain, Christophe. Je l'ai rencontré au camping de Dives sur Mer, où on a une caravane. Il est désamianté. J'ai 16 ans. Il en a sept de plus. J'existe enfin aux yeux de quelqu'un. Ça dirait qu'on aille au ski en vacances, mon beau père m'interdit d'y aller. Moi, je pars quand même, mais quand je rentre, il est ivre, il m'insulte, je lui réponds et la bas, il me cogne.

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Il me prend plus d'un coup de boule sur la baie vitrée. Ma mère le fiche dehors, mais il revient. Et donc, à 16 ans et demi, je m'en vais et je m'installe avec Christophe. On habite un petit F2 à Rouen. On est heureux. C'est mon héros, Christophe. C'est mon sauveur.

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Je tombe enceinte et arrive emas une explosion d'amour. Ma revanche n'est plus quand elle a 2 ans. On se marie. Et puis il se met à m'insulter.

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Un gros tas de merde, vas tu t'es regardé, t'as vu comme des grosses et il boit trop. Mais moi, c'est comment un couple heureux? Je n'ai pas de modèle, je n'ai pas de repère, alors on rafistole notre couple et on déménage en Bretagne à la campagne. J'adore ma campagne, mon jardin potager, le chien, le chat, les poules. Et puis, je travaille d'abord sur les marchés avec Marie, une camelote qui vend des râpe à légumes.

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Les patates, il n'y a rien de plus simple à pas palpent. Et voilà les frites et les carottes, c'est pareil, Marita. C'est l'une des rencontres les plus importantes de ma vie. Je lui raconte mon histoire pour la première fois. Un peu Didou. Il faut que tu renoue avec ta mère, mais lui, ce que tu ressent. Elle a raison, mais il faut du temps pour pardonner. Christophe Dès que je suis grosse, c'est vrai 95 kilos et même à un moment, je monte à 120 kilos.

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Ni Christophe ni moi n'avons jamais été éduqués à bien manger. On va au fast food tous les soirs. Les légumes sont en conserve, des féculents à tous les repas, de la mayonnaise, du ketchup dans nos placards a du Nutella, des biscuits apéritifs. On boit des sirops sucrés. Jamais d'eau. Mes cuisses frottent quand je marche. Ça fait mal. Je monte des marches, transpire, ça coule dans le dos. Je suis tellement grosse qu'un jour, je ne m'aperçois pas que je suis enceinte de quatre mois.

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Maelle Bon, je suis quand même heureuse.

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Je vais voir un médecin spécialisé en nutrition. J'adore ces rendez vous et entre chaque séance. Maigrit. Je perd 25 kilos et là, je me mets à courir la première, voire 200 mètres. Je crache mes poumons et tous les jours, j'augmente la distance 300 mètres, 400 mètres qu'aujourd'hui 500 mètres.

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Et en un an, je perd 50 kilos et je me laisse pousser les cheveux. Et là, je vois le regard des hommes changer. Je sais.

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En 2011, j'entreprends une formation de pompier volontaire contre l'avis de Christophe. Un jour, je vais donner un coup de main à ma future caserne. Il passe la soirée à m'insulter par SMS. Tu ne pourras pas rentrer. J'ai mis les clés sur la porte et je rentre et la porte est effectivement bloquée.

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Alors je tambourine, t'es qu'une salope! Et là, il me plaque contre le placard et ils se mettent à me serrer le cou.

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Pava. Ma fille de 6 ans nous voit du haut de l'escalier et après il s'excuse, mais c'est trop tard et je me retrouve seule avec deux enfants, un chien, un chat, des poules, mais libre, libre. Je ne me laisserai plus jamais maltraiter. Vous entendez plus jamais. J'ai renoué avec ma mère. Elle est venue quelques jours à la maison. Elle prend plaisir à s'occuper de mes enfants. C'est nouveau, ça. Elle est capable de leur donner de la tendresse.

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Moi qui n'en ai jamais eu. Du coup, je retourne en Normandie.

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La Mission locale, une femme m'interroge sur mes rêves professionnels. J'aurais voulu être sage femme, ara. Et infirmières. Vous ne voudriez pas être infirmière? Bah, c'est que j'ai pas le bac. A commencer par aide soignante et trois ans après, vous passez le concours. Je sors de ce rendez vous avec les yeux qui brillent. Cette femme vient de m'ouvrir un avenir.

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D'autant que je viens de réussir mes tests pour être sapeur pompier volontaire. Me voilà donc dans une caserne où les hommes testent, bien sûr.

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Le premier jour, on part sur une tentative de suicide, un homme qui s'est tiré une balle dans la tempe, on arrive.

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Le chef m'a dit Toi, Ingrid, tu te mets à la tête et tu ventilent. Le type a le visage explosé, j'oppose le ballon sur son nez et sur sa bouche ventilent jusqu'à l'arrivée du SMUR.

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Je passe deux concours dans deux écoles d'aides soignants, j'obtiens 19 à l'oral dans les 2 et les 14 et 15 à l'écrit. Mon premier stage en EPAD, faut que je me souviens de ma première toilette. Une vieille dame l'a déshabillé doucement. Lui mettre une serviette. Respecter sa pudeur. Commencer par les bras et les mains. Et puis remonter tout doucement pour ne pas la poret. Et, à la fin, lui mettre le parfum qu'elle aime si elle en a un.

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Je ne me suis pas trompée. J'aime cet univers. J'aime ce métier.

[00:13:10]

Après mon école, on me propose un contrat d'hospitalisation à domicile, soigner les gens chez eux, mais on oublie de me prévenir que 80 pour cent des patients sont en soins palliatifs, c'est à dire en fin de vie. Mais j'apprends, j'apprends à les voir partir, j'apprends à me blinder. Les vacances de Noël arrivent et je suis donc en vacances. Ma chef m'appelle. Ingrid Bonjour Ingrid, j'ai un problème. Mon collègue est malade. Vous accepteriez de la remplacer?

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Oui, d'accord, mais vous voulez compter en heures supplémentaires parce que du coup, j'ai mes deux gosses à faire garder Gyver deux fois douze heures et une fois six heures. Et la semaine d'après, je vois qu'elle n'a pas compté mes heures supplémentaires. J'ai fait ce que je pouvais, mais ce n'est pas possible. Je suis en colère et je ravale ma colère. C'est de pire en pire. A un moment, je décide d'aller voir un syndicat pour la première fois de ma vie.

[00:14:23]

Je rentre dans le bureau, je me mets à pleurer. Je suis incapable de retourner travailler. Mon médecin me met en arrêt. Je demande à rencontrer des cadres avec un représentant syndical. On décide de ma fekter à une maison de retraite. C'est ça ou la démission? Pas dans l'État où je suis une maison de retraite. Moi qui aime l'hospitalisation à domicile, on me vire en vérité parce que je me suis plainte.

[00:14:55]

Je pleure tous les jours une descente aux enfers, un burn out. Les syndicats demandent à mes collègues d'écrire des lettres de témoignages en ma faveur. Elles ont peur. Elles sont contractuelles comme moi. Elles espèrent une embauche. Elles n'osent pas. Pour m'affecte finalement à une unité fermée pour malades d'Alzheimer. Je la connais cette unité. Elle est à dimension humaine. On peut y travailler dignement, donc j'accepte et je reprends pied. Je les adore. Ces vieilles personnes qui n'ont plus leur tête depuis la fin du contrat arrivent.

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Je n'ai aucun problème avec vous. Une ride. Votre travail est impeccable, mais j'ai reçu l'ordre de ne pas vous prolonger. J'ai été jetée comme une malpropre. Je ne veux plus travailler dans le secteur de la santé et donc je repars comme ouvrière chez Schneider. Un travail routinier, sans émotion, mais à horaires fixes et qui me laisse l'esprit libre. Le soir, quand je rentre chez moi. Et puis assez vite, je me dis Je vais pas faire ça toute ma vie.

[00:16:08]

Retour dans une clinique en chirurgie. J'adore cette expérience, mais c'est effroyablement mal payé 1250 euros net par mois et on se retrouve à 2 au lieu de 4.

[00:16:24]

Pourquoi est ce que je continue à vouloir exercer un métier altruiste, humain, avec du sens puisque la société ne le reconnait pas? Le casse du moi? Moi qui suis dynamique, passionnée, bosseuse, mon frigo est vide. Il faut que je le dise au président de la République. Je vais lui écrire un message, je trouve son compte Instagram. Je poste mon message Monsieur le président, je ne fume pas, je ne bois pas, j'achète mes vêtements chez Promod en solde, j'ai trois paires de chaussures, dont une paire de baskets pour courir.

[00:16:59]

Je ne vais pas chez le coiffeur, je mange des pâtes, quasiment jamais de viande. Je n'ai pas d'abonnement Netflix et mon portable est un vieux Samsung plié en quatre fois sur Cdiscount. Le père de mes enfants a refait sa vie. Il gagne entre 2.000 et 4.000 euros par mois et il me verse une pension alimentaire de 100 euros par mois. Et je n'ai jamais reçu de réponse.

[00:17:25]

Plusieurs hommes m'ont proposé d'habiter avec eux depuis ma séparation avec Christophe. Ça serait une solution de facilité. Je n'accepte qu'une fois de prendre ce risque parce que j'y crois, un homme que je fréquente depuis trois ans. Je quitte mon appartement pour emménager dans sa maison. Il est commercial, plus aisé. Il me fait découvrir les bons restos, les voyages, les sous vêtements. Mais il a du mal avec mes enfants. Il les trouve trop bruyants. Et puis, au bout d'un an, je découvre qu'il me trompe, je partirais.

[00:17:58]

Je partirai à la fin du mois. Non, non, tu pars tout de suite. Tu pars ce soir, t'as trois heures pour faire. Tes cartons barraient. On va squatter le salon de ma mère avec les enfants. Et puis je trouve un pavillon HLM, je me reconstruit un petit cocon. J'ai compris la leçon ne pas dépendre de qui que ce soit. Mais avec ce nouveau loyer 690 euros par mois, je n'ai pas assez. Alors les jours où je travaille pas.

[00:18:27]

Je vais garder une grand mère atteinte d'Alzheimer. À tour de rôle, avec une copine infirmière, je vais dormir chez elle. J'arrive à 9 heures et demi après avoir couché les enfants. Elle me réveille cinq ou six fois dans la nuit chez soi et je repars le matin à 7 heures pour travailler pour 50 euros la nuit. Ça m'aide bien, mais c'est épuisant et je n'ai plus de vie privée. Je ne suis plus là pour mes enfants. Ça n'est pas tenable.

[00:18:56]

Un jour, je vois une annonce collée sur une ambulance cherche ambulanciers. Je les rencontre assez mieux payés quatre soignantes. Et puis on travaille pas le week end et on peut faire des heures supplémentaires. Il me propose même de financer ma formation. En novembre 2018, je suis en stage de formation et sur les réseaux sociaux, je vois monter la protestation contre la hausse des taxes sur le carburant routier. Eric Drouais appelle à bloquer les ronds points et les péages dans toute la France.

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Le 17 novembre, autour de moi, tout le monde en parle. Je sent un élan dingue.

[00:19:49]

J'ai vu qu'il y a un rassemblement près de chez moi au péage de Bouville. Je vais y aller et je customise mon gilet jaune et j'écris dessus. Ras le bol. L'aide soignante payée 1250 euros net par mois pendant que les actionnaires s'en foutent plein les poches. Macron le roi est avec les nobles. Pendant que le peuple crève la gueule, ouverte, gauloise, réfractaire et fier. Et je donne rendez vous sur place à ma mère. Je crois alors que je vais y passer une simple journée.

[00:20:24]

Il est 8 heures du matin, le 17 novembre 2018, je prends mon gilet jaune, une grosse écharpe, des gants. Il fait très froid et dans la voiture, en route pour le rassemblement, je me dis Et si je me retrouvais toute seule? Quand j'arrive, ils sont déjà une centaine sur place et il y a plein de gens que je connais. Le temps de dire bonjour, on est deux fois plus nombreux.

[00:20:52]

On se met en route pour le péage. On prend à pied la bretelle d'autoroute. Je me retourne, je vois une marée jaune derrière moi. Ils sont beaux dans la fraternité.

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Tous ces gens sont venus sans se concerter pour dire stop, stop à la vie chère. Stop au travail! Qui ne paye pas assez.

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Des émissaires vont négocier avec le personnel de l'autoroute pour faire ouvrir les barrières et les gens continuent d'affluer, qui ont tous les mêmes problèmes de fin de mois que moi et qui ressentent le même ras le bol. C'est comme si on avait d'un coup enlevé les masques. Ma mère a apporté des sandwichs et d'autres, des croissants, des gâteaux. Le capot de la glacière sert de plateau pour les cafés. C'est généreux, c'est chaleureux. Mais depuis quand n'a t on pas vu un tel partage, une telle solidarité?

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Les gens disent on y retourne demain et le lendemain, j'y retourne. Et le lundi et le mardi, il se passe quelque chose. Je ne peux pas lâcher. Quelque chose se tisse. Les médias se demandent si on n'est pas manipulés. Mais moi, je vois bien que je me suis entouré de personnes qui me ressemblent. Certains ont voté à droite, d'autres ont voté à gauche. Moi, j'ai voté Macron à la dernière élection, mais ce n'est pas le sujet.

[00:22:25]

Le jeudi, il y a moins de monde, mais il y a une caméra. Le journaliste interroge un gars je l'entendais avoir juste une vieille chaudière Macron à Caravan. Ça nous fera du fric, mais quel abruti, quelle image ça va donner de nous! Et là, le journaliste s'approche de moi. Bonjour, je peux vous poser quelques questions. Alors ma grande émission d'émission, ça va pas servir à grand chose CIPA qui va mettre à sa place et j'enchaîne sur ma situation.

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Et là, il me demande si je vais manifester à Paris pour l'acte 2 samedi. Je ne sais pas encore qui prend mon numéro.

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Il me propose de se retrouver sur place et il me rappelle le lendemain.

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Bon, on a fait le montage de la séquence vidéo. Mon producteur m'a demandé si vous seriez intéressé à venir sur le plateau dimanche soir. C'est quelle l'émission fait parler. Cette rencontre va faire basculer mon rôle dans le mouvement des gilets jaunes et ma vie. Voilà Ingrid Levavasseur. J'ai arrêté mon histoire là, mais votre livre va bien au delà et raconte la suite. Il y a eu cette politique. Ensuite, il y a eu celle ci et à partir de ce moment là, vous devenez une vedette et vous n'y êtes pas, évidemment du tout préparé, s'allumant pas.

[00:23:57]

C'est vrai que ça a été tellement soudain et inattendu. Je n'aurais jamais pensé un jour que cela puisse m'arriver et être possible. En tout cas, cet enchaînement assez positif, finalement, ça aurait pu être une ou deux fois. Mais non, ça s'est enchaîné. C'était assez impressionnant. Je suppose comme ça que vous en aviez envie de ça, d'être dans la lumière. Envie?

[00:24:22]

Je n'ai jamais été une adepte des fan club, ni même j'ai jamais eu pour ambition de prendre la lumière. En tout cas, j'ai toujours regardé ça de loin. Vraiment envie. Ce serait pas le mot exact. En tout cas, j'ai eu de la chance parce que c'est une chance de prendre la lumière. Il y a eu des événements positifs, d'autres un peu moins, mais j'estime que ce que j'ai fait, je l'ai fait avec mon cœur et mes tripes.

[00:24:46]

Si c'était à refaire, je referais exactement la même chose et en tout cas, je continuerai de me battre pour tous ceux et toutes celles qui sont passées par là puisque je ne suis pas la seule. Et si j'ai décidé de l'écrire, c'est d'ailleurs pour que ça serve de leçon et que ça puisse servir à d'autres femmes et d'autres personnes, ce qui va consacrer la rupture avec le mouvement.

[00:25:07]

C'est ce jour où vous acceptez de rencontrer Marlène Schiappa et à partir de là, on vous traite de traître. Fallait pas comme pour vous avoir lu, pour avoir lu votre livre. J'ai compris que bien que vous soyez en colère, vous êtes aussi une femme assez modérée, en vérité. Et vous n'aimez pas le point de rupture. Vous préférez le dialogue? Oui, tout à fait.

[00:25:27]

Je pense homme comme tout soignant. En tout cas, quand on est dans le médical ou d'un paramédical, on cherche toujours la communication à savoir comment l'autre va savoir, comment il se sent, ce qu'il ressent. Et j'ai jamais rompu la communication, même quand je n'étais pas d'accord. D'ailleurs, même je le raconte, cette histoire avec mes cadres, mes cadres sup, je n'étais pas d'accord avec elle. Mais finalement, ce que je voulais, c'était la communication.

[00:25:49]

Alors oui, effectivement, il y a une rupture parce que j'ai été trop dans la communication, mais je le regrette pas. Encore une fois, c'est comme ça et je ne vais pas lever le poing et le rabattre. Juste pour faire plaisir à d'autres qui ont envie que je sois plus violente.

[00:26:04]

Parce que si vous aviez été quelqu'un de carré dans la rupture, vous n'auriez peut être jamais revu votre mère. Ce n'est pas ce que vous êtes une femme de communication, de contact et de pardon et de demi mesure, donc, que vous acceptez de revoir votre mère?

[00:26:21]

Oui, en fait, c'est la même fille, toujours dans cet esprit là de communication, d'échange. Je n'aime pas la rupture et de toute évidence, je ne suis pas rancunière. Donc ça sert aussi. Ça ne sert à rien, en tout cas, d'être rancunier. La vie est bien trop courte et je pense qu'il y a tellement de belles choses à vivre avec les personnes qui nous entourent. Il vaut mieux en tout cas éviter d'être fâché trop longtemps ou pas.

[00:26:44]

Être d'accord.

[00:26:44]

Longtemps. Alors après vous, vous avez fait une connerie. Vous avez voulu vous présenter aux élections européennes. Vous le reconnaissez vous même? C'était une erreur. On ne va pas s'attarder là dessus. Il est où le gilet jaune?

[00:26:54]

Et il est bien rangé dans un endroit à la maison. Je l'ai gardé, je l'ai conservé. Pour moi, il est symbolique, ce gilet jaune. Je suis issu de ce mouvement et je le serai toujours. Et d'ailleurs, on le voit comme tel. C'est comme ça. Il fait partie de ma vie, mais je ne l'ai pas remis dans ma voiture.

[00:27:12]

Vous serez candidate aux élections municipales à Louviers. Donc, vous continuez la politique? Oui, tout à fait, je trouve. Je pense qu'on a beaucoup à faire dans le récit de votre enfance. Hingrie Il y a quelque chose, évidemment, qu'on peut avoir beaucoup de mal à comprendre qui est en fait quelque chose qui commence chez votre mère et que vous poursuivez. C'est que votre père est violent et elle reprend un mec violent et vous même votre premier amour?

[00:27:33]

C'est un mec qui finit par vous plaquer contre le mur. Comment est ce que vous expliquez cette incapacité à s'extraire de ce cercle vicieux?

[00:27:41]

Je pense que tout est question d'éducation. Je le dis assez souvent d'ailleurs, quand on éduque un enfant, d'une certaine manière, il reproduit ou pas. Mais moi, j'ai toujours connu mes parents comme ça. Et pour moi, la violence, les mots, les mots blessants faisant partie du quotidien? Tout à fait. Après tout, c'était la normalité.

[00:28:01]

Mais alors, qu'est ce qui fait qu'à un moment vous dites c'est fini et ça ne sera plus jamais comme ça? Elle vous vient d'où, cette force que votre mère n'a pas eu?

[00:28:11]

Mais justement, en fait, quand j'ai vu ma fille dans ce fameux escalier qui était à pleurer, je me suis dit Mais quelle image je vais donner de la femme à mon enfant? Est ce que c'est exactement ce que j'ai envie de reproduire? Est ce que c'est le même schéma? Est ce qu'elle va continuer à vous vavasseur? Et je voulais absolument pas ça.

[00:28:28]

Et d'ailleurs, depuis ce moment même un peu avant, ça avait commencé où je me rebellée un petit peu, mais je ne voulais absolument pas que ma fille soit soumise elle aussi à son tour. Et c'était. Pour moi, de donner une éducation à mes enfants différente de celle que j'avais reçue, si votre beau père avait accepté que vous alliez en seconde générale pour devenir sage femme. L'histoire aurait été toute différente. Il n'y aurait pas eu Christophe, il n'y aurait pas eu l'hospitalisation à domicile.

[00:28:55]

Il n'y aurait pas eu les gilets jaunes, mais je pense, mais avec des si on coupe du bois, elle aurait été différente. Mais en fait, moi, je ne regrette rien de tout ce qui m'est arrivé finalement, puisque c'est ma vie. C'est peut être mon destin. C'est comme ça et c'est ce qui fait aussi la personne que je suis aujourd'hui. J'ai encore envie d'évoluer, de progresser et de m'améliorer pour apporter davantage. Donc, ça fait partie de moi.

[00:29:21]

C'est à dire que la jeune femme que j'ai en face de moi, honnêtement, à vous écouter, vous entende parler, manier la langue, on se dit tiens, elle a dû avoir son bac, peut être même un BTS ou une licence, c'est à dire que c'est comme si vous aviez repris le cours interrompu de votre vie.

[00:29:39]

Mais en fait, j'ai expliqué tout simplement je me souviens de ma sortie de troisième, le CF. Déjà, on me disait mais réintègre une voie générale. T'as pas ta place ici? J'ai toujours refusé parce que je voulais vraiment vivre ma vie et fuir le devoir de leur foyer. Tout à fait. Et puis, je faisais encore énormément de fautes d'orthographe. Voilà les conjugaisons. C'était assez terrible. Et puis, je me suis mise à lire, lire, lire et encore lire.

[00:30:05]

Et ça m'a beaucoup apporté. En fait, je cherche toujours à m'améliorer au quotidien. Quand je bute sur quelque chose, je cherche à rectifier le tir et à faire en sorte de ne plus refaire la même erreur. Et je fais ça pour tout ce qui est, tout ce qui concerne ma vie et mon quotidien. Donc c'est normal. J'espère encore apprendre beaucoup.

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Votre obésité, c'est pareil, c'est à dire que évidemment, on doit vous le dire tout le temps. Quand on vous voit là, on ne peut pas vous imaginer à 120 kilos et vous dites on mangeait mal. Mais je pense que ce qui rendait grosse, c'était plus ce qui se passait dans votre tête que ce que vous mangez. Vrai ou faux? Effectivement.

[00:30:39]

D'ailleurs, je le dis, les rendez vous avec ce médecin spécialisé en nutrition de ces rendez vous me font du bien alors qu'on parle même pas d'alimentation. Finalement, elle me donne juste un équilibrage alimentaire dès le débat et c'est plutôt de la psychologie de dire qu'elle m'aide à aller mieux. C'est le meilleur. Vraiment. C'est une sorte de thérapie et je pense qu'effectivement, j'ai peut être englouti tous mes problèmes qui m'ont fait finalement grossir. Et le jour où j'ai dit stop!

[00:31:05]

Finalement, je me suis senti beaucoup mieux. J'ai. J'ai beaucoup perdu et ainsi va la vie. Mais vraiment, c'est quelque chose. On ne peut pas forcément l'imaginer, mais effectivement, je les ai vraiment fait. Ça a été un poids conséquent et je suis très heureuse de les avoir sur les épaules.

[00:31:22]

Elle vous sort de la dépression, en quelque sorte.

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Je ne sais pas si, puisque vous vouliez, ça doit être terrible de ne pas avoir cette vie dont vous vouliez et que vous étiez capable d'avoir intellectuellement, scolairement.

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Je ne sais pas si c'était une dépression. Je toujours une joie de vivre permanente. J'ai toujours eu beaucoup le sourire, l'empathie. J'ai toujours été très dynamique. Après, je me suis effectivement toujours dit c'est pas normal, je peux, mais je peux mieux faire. Je peux aller plus loin, je peux. Ce n'est pas normal, cette vie. C'est pas ce pourquoi je suis faite et j'ai toujours été de l'avant de manière à ce que cette vie que je ne mérite pas.

[00:31:57]

Mais à la limite. Beaucoup de femmes ne méritent pas ce que je veux encore vraiment. Je voudrais que ça serve à d'autres. Je pense qu'on peut faire en sorte d'être heureux et en tout cas, je pense mon être donné les moyens et j'espère que ça donnera une impulsion à d'autres pour que elle même se prenne en main et dise Stop, je veux, je veux que ça serve et je veux avancer aussi. Je veux que ma vie soit beaucoup plus jolie.

[00:32:18]

Il faut qu'on parle de ce moment. Vous entrez dans la vie professionnelle ou vous devenez aide soignante? Ingrid est là. Il y a un truc qu'on voit le l'hiatus tout de suite. C'est à dire que votre élan à vous, il est totalement altruiste ou foncé. C'est avec le petit bagage scolaire que vous avez à. C'est le seul métier que vous pouvez faire. Vous sentez qu'il sera à la hauteur de vos ambitions et assez paradoxalement, c'est un monde dans lequel on vous méprise, on vous exploite.

[00:32:43]

Le décalage est monstrueux et le décalage est monstrueux. Mais encore une fois, je voyais l'après ça dire que je mettais le pied dans cet univers très difficile. Je savais que ça allait être compliqué, mais c'était pour progresser. Je visais en fait cette fameuse école d'infirmières et j'aurais pu aller beaucoup plus loin en continuant. Mais effectivement, encore aujourd'hui, je trouve que c'est monstrueux et j'ai envie de continuer de me battre, ne serait ce que pour les conditions de travail dans ce milieu.

[00:33:12]

Voilà, c'est vraiment un univers où on se donne à l'autre, où on donne énormément de sa personne, de son temps, de son énergie. Et on n'a aucun retour, ne serait ce que pécunier, pour pouvoir vivre dignement. Le burn out est extrêmement rapide et j'ai été frappé par ça. C'est que vous entrez dans le métier. On a l'impression que dans quelques jours, le burn out se joue là. Là, pour le coup, vous craquez.

[00:33:33]

Pourquoi ça va si vite? Je pense que c'est un univers assez difficile. D'ailleurs, en contact, un ami qui vient juste d'être infirmier et avec qui j'en ai parlé, c'est toujours compliqué. Il y a toujours une difficulté et il faut toujours se remettre en question en permanence. Bon, trois ans d'aide soignante en soins palliatifs où on accompagne les patients en fin de vie chez eux avec leur famille. Je pense que c'est assez épuisant psychologiquement. Et quand, en plus, la hiérarchie s'en mêle et ajoute des difficultés au quotidien, je pense que le burn out n'est finalement pas une normalité dans ce service.

[00:34:09]

Mais en tout cas, ce sont. Il y a eu beaucoup de cas avérés de burn out et je pense que j'en fais partie. J'en suis heureusement sorti. Il y en a d'autres qui ont perdu plus de plumes que moi.

[00:34:19]

Et voilà, encore une fois, j'ai une pensée pour toutes mes collègues de service que j'adore et que j'aurai toujours le sentiment que je sais que, du coup, les hommes sont passés à la même moulinette que vos employeurs, c'est à dire que vous n'avez pas l'intention de vous laisser au fond. On sent chez vous un désir d'indépendance à tous les niveaux. Tout à fait. Je ne peux pas, je ne peux pas le nier.

[00:34:38]

Si j'étais infirmière, vous seriez, vous seriez libéral?

[00:34:41]

Oui, je pense que j'aurais peut être été. En tout cas, on n'y est pas puisqu'il faut un service, peut être? Je ne sais pas. Après, il y a, il y a aussi un cursus qui peut dériver vers sage femme. Peut être que j'aurais été jusque là ou ou urgentiste. J'aurais été infirmière urgentiste, peut être, mais je ne sais pas. De toute façon, ne sait pas de quoi l'avenir est fait. Mais oui, j'ai un désir de très forte indépendance à tout le monde.

[00:35:04]

C'est pareil avec les mecs, c'est pareil. Je ne me laisse pas marcher. Tout fonctionne. En tout cas, je ne me laisserai plus jamais toucher dessus, que ce soit dans l'univers du travail comme à la maison. Et j'entends bien que mes enfants se débrouillent de la même manière.

[00:35:18]

Votre physique n'en parle pas beaucoup de ça, mais en ce moment, cette rencontre avec ce journaliste en faites moi, je sais que c'est mon métier de journaliste, alors je sais comment, comment progresse le type. Il est là, il voit que vous êtes jolie, il voit que vous prenez l'Albien et voilà que vous allez bien passer à la télé, que vous n'êtes pas bête et que vous répondez bien aux questions. Vous êtes consciente de ça? C'est ça qui fait que c'est vous qui allez à ces politiques.

[00:35:44]

Et puis Alexis. Et ainsi de suite. Il y aurait eu plus jolie que vous à côté. Peut être, ça aurait été une autre. C'est ça qui rend votre histoire qui est assez moche.

[00:35:52]

En fait, je ne peux pas vous contredire parce que je n'arrête pas de dire que si on était revenu cinq ans en arrière ou un peu plus parce que c'était 8 ans en arrière, si on était revenu 8 ans en arrière, que j'avais 120 kilos, cheveux courts et mes 50 kilos plus, on m'aurait certainement pas envoyé.

[00:36:11]

Interrogé sur place, j'aurais fait, mais je pense que ça compte énormément. On est quand même dans l'air du temps où le physique joue énormément, que ce soit sur les réseaux sociaux et compagnie.

[00:36:21]

Donc voilà. Si, si, j'avais, je dis toujours que si j'avais été obèse encore, je n'aurais pas fait ce parcours là, c'est sûr. Vingt ans, oui, voilà. Il faut être honnête, y'a même mieux que ça. C'est à dire si ce jour là, ce journaliste n'était ce journaliste là, il n'était pas venu sur ce rond point. Et ne vous avez pas vu, vous? Alors on ne parlerait pas de vous aujourd'hui. C'est à dire que là, il y a quelque chose qui ne dépend pas de votre volonté et qui tient tout au hasard d'un pur hasard.

[00:36:50]

Et encore une fois, je parle de destin, mais je fonctionne beaucoup comme ça. Je me dis que peut être, il y a quelque chose de tracé. J'en sais rien, mais mon chemin a croisé celui de Maxime. Et je le prends. Et je suis très heureuse et je suis vraiment satisfaite de cette journée. Oui, c'est Maxime Darquier et je suis très satisfaite d'avoir un CDI. Oui, c'est vrai, c'est un plus.

[00:37:13]

Parmi vous, je parle de Marie, je parle de Claudia, je parle, mais je parle aussi de Maxime parce que finalement, c'est énorme tout ce qui se passe dans ma vie et les magnifiques rencontre que j'ai pu faire et qui font que je suis là aujourd'hui.

[00:37:24]

J'ai adoré raconter votre histoire. C'est grâce à vous. Je vais un peu mieux compris ce qui avait amené des gens à s'installer sur les ronds points au mois de novembre dernier. Lisez ce livre d'Ingrid Levavasseur, Restez digne, aux éditions Flammarion. Merci beaucoup. Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur Europe1.fr.