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Christophe Hondelatte J'exprime aujourd'hui une vieille affaire qui, si vous n'êtes pas tout jeune, vous dira sans doute quelque chose. L'affaire St-Aubin, ça vous parle? C'est une histoire qui date des années 60. 1964 un accident de voiture qui n'était peut être pas un accident. Pendant trente cinq ans, la justice française a voulu dissimuler la présence dans cet accident d'un camion militaire. Pourquoi?

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Pour écrire cette histoire, je me suis appuyé sur le livre de Denis Langlois, L'affaire St-Aubin, aux Éditions de la Différence. Il sera là tout à l'heure pour le débriefe. Simon Veil m'a aidé à écrire ce récit. La réalisation est de Céline Brave.

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Christophe Hondelatte. Cette histoire commence par une scène mythique des années 60, le 4 juillet 1964 à Dijon. La famille St-Aubin part en vacances. Les parents Jean et André, qui sont bijoutiers à Dijon, baissent le rideau de leur boutique de la place Grangier. Et c'est parti! Cette folle, la grande canaille, a droit à cette. Que l'on soit 2, 3, 4 5 6 ou 7 7 euros qui fera 7. Direction Fréjus, le domaine du pas de la Lèguent, où les St-Aubin ont acheté deux parcelles pour installer leurs caravanes.

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C'est un camping de luxe avec piscine, tennis, restaurant et même cinéma. Tout ça les attend au bout de la route. Mais les parents St-Aubin ne partent pas seuls dans leur voiture. Leurs crises, leur grises qui tirent la caravane. Il y a Philippe, 14 ans, leur petit dernier. Et puis derrière, dans sa Volvo 122 Sport, il y a leur fils aîné Jean-Claude, 22 ans. Sa voiture est immatriculée en Suisse. Normal, en ce moment, il fait un stage d'agent commercial à Genève et à côté de lui, sur le siège passager.

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Il y a Dominique, une gamine de 16 ans. C'est la fille d'un pâtissier confiseur de Dijon. Elle va rejoindre sa soeur au domaine du pain de la Lègue. Jean-Claude, lui, cette longue route vers le sud, ça ne l'effraie pas. Il est pilote de rallye. Et puis encore derrière, au volant d'une Opel, il y a l'autre fils de Saint-Thomas, François, 21 ans, qui fait des études de joaillerie à Genève lui aussi. Vous remarquerez au passage qu'il porte à trois voitures alors qu'on se serrant un peu, il aurait pu tenir dans une seule voiture.

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Mais ce sont les années 60. Les gamins ont voulu prendre chacun leur bagnole et peu importe s'il y a trois voitures, ils vont cramer au moins 40 litres aux 100 km.

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OK, Boomer en route pour la Grande Bleue, Dijon, Lyon, Vienne, Valence avec des arrêts pour faire le plein et d'autres pour manger. Ils ont prévu de rouler toute la nuit et à cette heure là, ils croient encore qu'il roule vers le bonheur. Au petit matin, à 80 kilomètres environ de Fréjus, alors qu'il se met à pleuvoir, le fils aîné Jean-Claude, qui roule en tête du convoi familial, s'arrête sur le bas côté. Son frère François, qui est juste derrière, s'arrête à sa hauteur et a un problème Jean-Claude.

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Non, non, non, tout va bien, a continué José. Les parents St-Aubin et leur fils François arrivent donc les premiers au domaine vers 7 heures et demie du matin.

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Ils installent la caravane basée à La Roche. Voilà encore stop, c'est bon!

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Et André, la mère, se met à préparer la table du petit déjeuner vers 9 heures. Arrive le gardien du domaine dans sa deux chevaux. Il soulève sa vitre. Il est décomposé. Votre fils? Il a eu un accident pas très loin d'ici. La voiture est entrée dans un arbre. Ils sont morts. Ils sont morts tous les deux.

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Jean-Claude Jean-Claude est mort et la petite du pâtissier Dominique aussi, le père et son fils François filent illico à la gendarmerie de Fréjus et deux le domaine.

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Vous avez une idée de la cause de l'accident? Oui, il était fatigué. Votre fils? Oui, on a roulé une bonne partie de la nuit, mais on a fait plusieurs pauses et la dernière, c'était une vingtaine de kilomètres après, après Aix en Provence. Jean-Claude s'est arrêté ensuite pour se reposer. Il nous a dit Gallée. C'est la dernière fois que je l'ai vu. Et ensuite, ils vont le voir à l'hôpital qui est juste en face.

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Le fils soutenant le père Jean-Claude est là, sur un lit. On pourrait croire qu'il dort. Pas de blessure apparente, juste un pansement à la tempe droite. Et à côté, il y a la petite Dominique, le visage beaucoup plus marqué. Elle a une plaie béante au crâne et de multiples fractures. Forcément, elle était du côté de l'Impact. Les obsèques de Jean-Claude St-Aubin et de la jeune Dominique Kaieda ont lieu trois jours plus tard à Dijon.

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Voilà, c'est un accident. C'est la faute à pas de chance. Sauf que François, le frère, n'y croit pas une minute. En fait, c'est pas possible. Jean-Claude conduisait trop bien, je dis que quelque chose l'a gêné. Un chien, je ne sais pas. Un piéton ou une voiture, c'est impossible qu'il ait quitté la route. Comme ça, il faut voir absolument le rapport des gendarmes.

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Huit jours plus tard, les St-Aubin se procurent le fameux rapport d'accident de la gendarmerie auprès du tribunal. Et ils vont le lire tout de suite au café voisin. L'accident s'est produit vers 7 heures sur la route nationale 7, au lieu dit Les Esclaves communes de Puget sur Argences, entre Le Muy et Fréjus. Au kilomètre 93, le conducteur circulait à vive allure en direction de Fréjus. Il a perdu le contrôle en franchissant un Dodane, suivi d'un virage 80 mètres avant l'accident.

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Il est venu se jeter sur le flanc, côté droit, contre un platane bordant la chaussée à gauche, dans le sens de la marche. Et ensuite, toute la famille va sur place. Normal, ils veulent voir où Jean-Claude a trouvé la mort et donc ils vont au pied du platane. Et c'est le père qui, le premier, remarque que quelque chose ne colle pas. Mais enfin, le virage, le virage. Il est à plus de 80 mètres de platane.

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Alors, une mesure. Plusieurs fois le virage qui suit, ce Dodane est à près de deux cents mètres du platane. Et encore, virages, virage. C'est une légère courbe. Ce qui est bizarre, c'est qu'il n'y a pas de trace de freinage. Et ça? Le frère François le remarque. En fait, c'est pas possible aussi. S'il avait dérapé, il aurait percuté l'arbre de face ou je ne sais pas avec le flanc gauche. Mais là, il fait un tête à queue et il se retrouve pratiquement dans le sens contraire de la marche.

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Il s'est passé quelque chose. La voiture a heurté un obstacle.

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D'après le rapport, il y a un témoin de l'accident, un certain Jean-Pierre Goursat Laz, qui allait au travail en mobylette. Il raconte qu'il s'est fait doubler 100 mètres avant le virage par une voiture immatriculée en Suisse, qui roulait très vite au moins 90 km heure au lieu des 50 km heure autorisés. Et qu'après, il a vu la voiture qui sauter, qui zigzaguer et qui s'est mise en travers avant de s'écraser contre le platane. Ce Jean-Pierre St-Aubin vont le voir.

[00:08:59]

Il m'a doublé. Une centaine de mètres avant le virage. Et quand moi même je suis sortie du virage. C'est là que j'ai vu la voiture écrasée contre l'art. En quoi donc il n'a pas vu l'accident? Il est arrivé après. Mais pourquoi diable les gendarmes lui font ils dire ce qu'il n'a pas?

[00:09:20]

En attendant, c'est un accident et donc dix jours plus tard, puisque c'est un accident. Le procureur classe le dossier sans suite. Et là, les St-Aubin vont voir leur avocat. C'est extrêmement simple. Nous n'avons qu'à porter plainte contre X pour homicide involontaire. Voilà, tout ça va les obliger à ouvrir une enquête.

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La plainte est déposée le 4 août 1964 à Trat Guignen et une juge d'instruction, la juge Monique Mably, et désignée pour mener l'enquête. Dans les jours qui suivent, miracle, les gendarmes trouvent quatre autres témoins de l'accident. D'abord, un fermier, Paul Honora, qui habite en contrebas de la nationale. Il a entendu un sifflement de pneus. Il a vu derrière les arbustes une voiture raser le bord droit avant de retraverser la route en oblique. Et ensuite, il a entendu un choc terrible.

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Et puis, il y a Daniel Garcia, chef magasinier à Puget. Lui a un jardin à une cinquantaine de mètres de la route et il a entendu comme deux coups de frein et un gros bruit métallique. C'est lui qui a appelé les gendarmes. Et puis, il y a un certain Grégorio Valéro, un pépiniériste espagnol qui habite à 200 mètres du lieu de l'accident. Lui, il a entendu un bruit violent et enfin, le dernier témoin est un commerçant de Graz qui s'appelle Morgaine et qui roulait sur la Nationale 7 dans sa Citroën quand il s'est fait doubler par la Volvo 12 km environ avant le lieu de l'accident.

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Je peux vous dire Kéroul est vide et j'ai vu le conducteur commettre de graves, faute de conduite, passer de justesse entre deux files de voitures. Et d'ailleurs, j'ai dit aux gens qui étaient avec moi dans la voiture à cette vitesse là, je crois qu'ils ne vont pas finir leurs vacances.

[00:11:10]

Pour Jean-Claude St-Aubin, la victime, c'est accablant. Il faisait le fan jour sur la Nationale 7 Granato. Pas surprenant non plus pour un pilote de rallyes et la juge va rendre un non-lieu. Et puis, c'est tout. Et je dois vous dire que les parents de la petite Dominique, les pâtissiers de Dijon, sont très en colère. Jean-Claude est responsable de la mort de leur fille. Et ça, pour les St-Aubin. Les bijoutiers, c'est la ligne rouge.

[00:11:36]

Non, leur fils n'est pas un chauffard et ils vont le prouver.

[00:11:46]

Quelques jours plus tard, les St-Aubin s'arrêtent pour prendre de l'essence à la station des Arènes, juste à l'entrée de Fréjus. Et la jeune femme qui leur sert l'essence qui s'appelle Fernande, remarque qu'André St-Aubin est tout en noir. Excusez moi, vous êtes bien la mère du garçon qui s'est tué, cela, oui. Eh bien, figurez vous que la semaine dernière, j'ai assisté à un accrochage devant ma station essence. J'ai juste un peu de tôle froissée et j'ai dit devant un de mes clients, qui était militaire celui là.

[00:12:20]

Il a eu plus de chance que le Suisse qui s'est écrasé contre l'arbre. Et là, le militaire. Il a tout de suite réagi. Il m'a dit Ah non! Pour le Suisse, ça s'est pas passé comme ça. En fait, ce n'était pas sa faute. Il a juste voulu éviter une voiture qui doublait camions militaires. Voilà ce qu'il m'a dit.

[00:12:41]

Les St-Aubin sont estomaqués et encore plus estomaqués quand, une semaine plus tard, la même pompiste, la même Fernande, leur apporte des précisions.

[00:12:53]

Celui qui m'a dit ça, c'est un adjudant. Il habite Puget sur Argens et lui était de cette histoire de harkis. Un Algérien qui a assisté à l'accident, lui et il lui a raconté que la voiture de votre fils avait été gêné par une une 203 et un camion militaire. Et ce harkie, Mme? Il y a moyen de le retrouver. L'adjudant m'a dit qu'il ne savait pas où il habitait, mais qu'il savait où il travaillait dans une usine pas loin des Escape et qu'il logés dans des baraquements près de chez lui.

[00:13:25]

Mais d'après ce qu'il m'a dit ce soir, il est reparti. Les St-Aubin filaient tout droit chez leur avocat, lequel prévient la juge M'appelez!

[00:13:46]

Mais la juge Mably est en vacances et c'est le juge Mino qui la remplace. Harkie, mais où voulez vous que je trouve harkie? Il y en a des dizaines de milliers de harkis dans la région. Mais l'avocat des Saint-Thomas lui rétorque que des camions militaires, il y en a moins. Oui. Certes. Ecoutez, je vais voir ce que je peux faire. Finalement, les gendarmes retrouve la trace du véhicule militaire qui est passé aux esclaves. Le dimanche 5 juillet, vers 7 heures du matin, c'est une camionnette Renault bâché numéro 4 168, tirée 075.

[00:14:24]

Elle appartient au camp Desserrent, qui est cantonné à +J'ai soir Argences. Les gendarmes interrogent le conducteur, le soldat de première classe Tony, qui est originaire du Niger et qui était avec le caporal chef sanglant qui, lui, est originaire de Haute-Volta. Il dit qu'il est passé sur les lieux de l'accident à 7h10. Et comme il y avait déjà des gens qui porter secours aux victimes, il ne s'est pas arrêté. Et au retour non plus, je ne me suis pas arrêté.

[00:14:51]

Forcément, les gendarmes étaient déjà là. Déjà là, à 7h10, sur le rapport des gendarmes eux mêmes, il est écrit qu'ils sont arrivés sur place à heure 40, il pilote le première classe donnée, il pilote et d'ailleurs il a dû gambergé parce que le 14 septembre, lui et son copain caporal chef changent leur témoignage. En fait, je suis passé sur les lieux de l'accident vers 7h25 25 et j'ai vu une voiture cantonna, mais je me suis pas arrêtée parce que il n'y avait plus personne sur les lieux.

[00:15:27]

Et le copain répète la même histoire. Mot pour mot, il monte. Le carnet de bord du camion, indique qu'ils sont rentrés au camp à 7 heures 20 et on vérifie à cette heure 25. Il y avait encore des gens sur place. Pourquoi Mantoux t il quand elle rentre de vacances? Tout ça, en tout cas, n'a pas l'air de beaucoup intéressé. La juge bêler web?

[00:15:52]

Ecoutez, je verrai. Et les mois passent et puis finalement, la juge se résout à entendre les deux militaires africains hors dommages. Le bataillon africain a été dissous et ils sont rentrés dans leur pays. C'est ballot, mais il y avait trois autres militaires à l'arrière de camions en vue. Les archives du bataillon ont été détruites. On ne peut pas retrouver leur trace. Bon bah, impossible d'aller plus loin. Le 12 mai 1965, la juge Marelli signe une ordonnance de non-lieu.

[00:16:32]

Il n'y a plus d'enquête. C'est fini. Mais les St-Aubin ne lâchent pas l'affaire. L'été suivant, ils reviennent en vacances sur leur terrain du pin de la Lègue et la mère St-Aubin retourne voir la pompiste, laquelle, ça tombe bien, a revu son adjudant. J'ai son dossier, il s'appelle Roger Henry et il m'a donné le nom du harkie. Je l'ai noté sur un bout de papier. Attendez! Il s'appelle Homo Hamaide, moi qui a travaillé à la Šabac, Ugine, Le parpaings des esclaves.

[00:17:14]

Et maintenant, il est au Bousquet d'Orb, dans l'Hérault. Vous devriez aller le voir et dites bien moi que vous venez de la part de l'adjudant Henry. Ils vont le voir tout de suite, la trentaine. Grand, mince, sec, en tenue de peintre, le béret sur la tête. Mon Dieu m'a donne ton fusillier, bon, rien, il pouvait pas passer. C'est le camion militaire qui l'a envoyé dans l'arbre et il y avait aussi une 203.

[00:17:42]

C'est gravé dans ma tête Touzin.

[00:17:44]

Je n'oublierai jamais tout ça et il accepte de témoigner devant un huissier de justice. Rendez vous pris l'après midi même à 15 heures chez Maître Nevado, à Lodève. Moi, j'allais travailler à la Šabac. Et j'ai vu une camionnette militaire qui a heurté la voiture et la voiture, elle est allée dans là et il a vu une 203 noire passer juste après sans s'arrêter.

[00:18:11]

C'était aux voitures qu'avait la peinture blanche et rouge près de la plaque. Blanc, rouge et bleu, comme les voitures de l'armée.

[00:18:21]

Le gars signe son témoignage sans hésiter et l'automne passe.

[00:18:31]

Et le 9 décembre 1965, le procureur Paolis de Draguignan ordonne une nouvelle enquête pour vérifier la présence sur place de Moelle qui a, le jour de l'accident, ce qu'il a vu, peu importe. On l'interroge même pas. On interroge surtout des témoins qui disent qu'ils ne l'ont pas vu sur place. Et comme par ailleurs, soyons honnêtes sur les registres de son usine La Šabac, il est écrit qu'il travaillait ce matin là nos 5 heures du matin jusqu'à midi.

[00:18:59]

Il n'a pas pu voir l'accident et donc le procureur en conclut qu'il a menti et clôt son enquête.

[00:19:12]

C'est troublant Sara L'otite dit qu'il a assisté à un accident aura cette heure là. Il travaillait alors les St-Aubin vont à l'usine. Il demande à voir le registre de pointage du personnel. Bien sûr, si ça peut vous rendre au service. Je vais vous le montrer. Tenez. De toute façon, les gendarmes sont déjà venus pour la même chose. Les St-Aubin ouvrent le registre et à la date du 5 juillet 1964, ils remarquent que le registre a été trafiqué, grossièrement trafiqué.

[00:19:45]

Les heures d'arrivée et de départ de l'ouvrier ALCA sont surchargés. Alors les St-Aubin pour venir? Un huissier de justice qui, avec l'accord du patron, constatent la bidouille. Ça me paraît très clair. Les chiffres ont été surchargés le le 5, il y a un autre chiffre et pour le 7, c'est la même chose. Et là, le directeur de l'usine se penche sur le registre. Fait, c'est incroyable, mais qui ça? À un blessé?

[00:20:14]

Absurde parce que le chêne Juliers, c'est un image et y a écrit qu'il embauchait à cinq heures. Mais le dimanche, l'usine des nouveaux canaux veur. Et donc, Mouhammed moins Ghia n'est pas un menteur. Deux ans après l'accident, en juillet 1966, harcelé par les St-Aubin, le ministère de la Justice demande au procureur de relancer l'enquête et un mois plus tard, les gendarmes entendent Mohammed Mohamed, qui a le harkis, qu'il leur a redit ce qu'il a déjà dit.

[00:20:51]

Un an plus tôt, à l'huissier de justice, le camion militaire qui se déporte vers la gauche au moment où Jean-Claude Ledouble et la 203 noire qui suivait le camion et qui ne s'arrête pas. Mais dites moi, monsieur Alcuin, pourquoi est ce que vous même ou vous, vous ne vous êtes pas arrêté? J'étais déjà en retard pour me rendre au travail et j'ai eu peur. J'ai pas réfléchi. Le procureur en conclut qu'il n'est pas crédible et il classe définitivement cette affaire.

[00:21:24]

Le 18 novembre 1966, le père St-Aubin est tenté de dire Bon, bon, lâchons l'affaire. Mais la mère, la mère, ne lâchera jamais.

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Un jour, un détective pousse la porte de la bijouterie. Il s'appelle Bouvet, c'est un ancien militaire et une de ses clientes lui a parlé de l'affaire St-Aubin. Il vient simplement proposer ses services. Pour mille cinq cents francs, ça vaut. Mille cinq cents francs, d'accord! Mais au bout de six mois, il n'a pas avancé d'un poil. Vous comprenez, c'est une affaire très embrouillée, quoi? Il y a trop de gens qui sont en cause.

[00:22:10]

Par contre, pour les notes de frais, les voyages et les coups de fil à l'étranger, ça vara les. St-Aubin décide de le virer. Vous avez tort. Vous avez tort. Je suis l'homme de la situation. J'ai travaillé dans les services secrets en Algérie contre l'Ouest, et moi je les connais bien, ces histoires de barbouzes. De barbouze, à partir de là, le mot barbouze se met à trottait dans la tête des St-Aubin. Alors, qu'est ce que c'est qu'un barbouze en France en 1964?

[00:22:45]

Eh bien, c'est quelqu'un qui fait la basse besogne du Colisée, une sorte de service secret parallèle chargé notamment de liquider les ennemis de l'indépendance de l'Algérie. Les membres du lot a s. Est ce que ce jour là, des barbouzes ne se sont pas tout simplement tromper de cible? Est ce qu'ils n'ont pas pris Jean-Claude St-Aubin pour un membre de l'Ouest à cause de sa voiture immatriculée en Suisse?

[00:23:13]

Car il se trouve que six semaines après l'accident, le 15 août 64, un commando de l'OAS est justement venu de Suisse, a tenté de tuer le général de Gaulle au mont Faron.

[00:23:26]

Ils ont placé une bombe dans une jarre qui, heureusement, n'a pas explosé. Est ce que des barbouzes n'étaient pas sur la trace de ce commando? Est ce qu'ils n'ont pas liquidé Jean-Claude par erreur à cause de sa voiture immatriculée en Suisse? Je sais, c'est une hypothèse un peu tirée par les cheveux, mais c'est une hypothèse et cette hypothèse, les St-Aubin décide de la rendre publique lors d'une conférence de presse en septembre 69 et cinq jours plus tard, ils reçoivent une lettre d'un certain Jacques Bordier.

[00:24:05]

C'est un ancien membre de l'Ouest. Il habite en Allemagne. Il leur donne rendez vous dans un café de Munich. Et voilà ce qu'il leur chuchote. Celui qu'ils ont confondu avec autrice. J'en suis presque sûr. C'est le responsable de l'Ouest en Suisse. Méningo. Il vit actuellement à Genève sous une fausse identité. Continuez, messieurs dames, continuez, vous êtes sur la bonne piste. Et à partir de là, André St-Aubin, la bonne bourgeoise dijonnaise, n'a plus qu'une idée entrer en contact avec l'eau pour en savoir plus.

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Et elle rencontre le capitaine Pierre Sergent, ancien chef d'état major de Lowes en France, condamné à mort, réfugié en Suisse avec toutes les polices françaises à ses trousses et finalement amnistié en juillet 1968.

[00:25:00]

Ecoutez Madame! Il y a quelqu'un qui peut vous renseigner. C'est un ancien avocat du barreau d'Alger. Il habite maintenant à Genève. Il s'appelle méningo méningo, mais c'est le nom qu'on leur a déjà donné un matin d'octobre 1976. Les St-Aubin, accompagnés du capitaine Sergent, débarquent à Genève dans le bureau de méningo. La soixantaine, forte, corpulence volubile, sergent lui racontent leur histoire et la méningo se lève d'un bond. Mais bien sûr que c'était moi qui était visé enfin à l'époque.

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J'ai lu l'histoire de l'accident de votre fils dans un journal suisse. J'ai dit à ma femme Bourdieu Bourdieu, c'est moi qui était dans le collimateur. Et l'aspergeant lui demande. Et pourquoi a pensé ça? Je devais me rendre clandestinement sur la Côte d'Azur à cette date là. J'avais, comme le fils de ces messieurs dames, une Volvo immatriculée en Suisse, à Genève, avec avec un numéro qui était très proche du chien. Depuis, il a changé de voiture, mais sa Volvo était immatriculée Jéhu 108 551 et celle de Jean-Claude G.

[00:26:15]

105 546. Il y a quatre chiffres en commun et c'était le même modèle une Volvo 122, sport bicolore avec tout de même des différences de couleur. Celle de Jean-Claude était noire et blanche, celle de méningo, rouge et blanc. Mais peu importe, les St-Aubin sont maintenant convaincus que leur fils a été assassiné par méprise par des barbouzes. Le couple St-Aubin va mettre des années à obtenir justice. Il faut attendre l'arrivée de la gauche au pouvoir en 81 et la nomination de Robert Badinter comme garde des Sceaux pour que la justice accepte de réouvrir le dossier.

[00:27:06]

Mais quel dossier? Quand le conseiller technique de Badinter réclame le dossier, il a disparu, figurez vous. Il a été perdu en 1972, alors il y a eu une copie du dossier, mais elle a disparu elle aussi. Envolée. C'est ballot. Qu'importe, Robert Badinter redemande la réouverture de l'enquête. Il désigne trois hauts magistrats. Il reconstitue le dossier et en 1985, il rend un rapport qui reconnaît la présence d'un camion militaire qui aurait malencontreusement provoqué l'accident.

[00:27:45]

Rien de plus simple. Il ne retient pas l'hypothèse, assez fumeuse, reconnaissons le, d'un commando de barbouzes qui aurait confondu Jean-Claude avec un chef de l'Ouest. Mais tout de même. Quelle victoire pour les St-Aubin! Non, il n'était pas fou. Oui, il y avait bien un camion militaire. Oui, amen. Moi qui a dit la vérité. Et le rapport va plus loin qu'il critique la justice de l'époque.

[00:28:11]

Il n'est pas facile de comprendre pourquoi de nombreux magistrats n'ont pas éprouvé la nécessité d'ordonner une expertise, une reconstitution ou au moins une confrontation entre Mohamed El Khayat et les autres témoins. Comment ont ils pu juger sans connaître les lieux et sans vérifier la version qui a? Donc, les St-Aubin sont des victimes dans ce dossier et s'ils sont victimes, alors on doit les indemniser. En septembre 1990, le ministère de la Justice reconnaît la responsabilité de l'Etat français dans le mauvais fonctionnement de la justice et il leur verse 500 000 francs et longtemps en se couchant le soir.

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André St-Aubin dira avec cet argent. Ce qu'on n'a pas voulu acheter mon silence, je peux vous dire que nous ne capito iront vers, mais quoiqu'il arrive depuis 20 ans, nous n'avons fait que crier. Vraiment, cette vérité, quoi qu'il arrive, nous, capiteuse, renfermaient.

[00:29:36]

La voix d'André St-Aubin, enregistrée en 1988, Jevais d'exister. Cette histoire avec celui qui a écrit ce livre, L'affaire St-Aubin, paru aux Éditions La Différence, Denis Langlois, elle est toujours vivante.

[00:29:50]

André St-Aubin Non. Elle est décédée en 2003. Elle s'est battue. Mon mari est décédé peu avant 94, mais elle s'est battue jusqu'au bout, jusqu'au bout. Ça a été quelque chose d'intense. Il n'y aurait pas eu d'affaire Châteaubernard. Mme Tobin. Elle a lutté d'une façon déterminée, mais vous avez très bien lu qu'elle appartenait à la bonne société, dit elle. Elle s'était opposée à des institutions comme la gendarmerie, l'armée et la justice. Elle est devenue une contestatrice et elle a fait appel, comme vous l'avez dit à la gauche lorsque François Mitterrand est devenu président de la République.

[00:30:36]

Est ce que ces enfants ont repris le flambeau? Est ce qu'il y a quelqu'un, encore aujourd'hui, qui souhaite la vérité? Oui. Alors quand j'ai présenté mon livre à Dijon, j'ai organisé avec François Saltos une conférence de presse et il a indiqué qu'il était tout à fait déterminé à continuer à rechercher la vérité et éventuellement la justice. Donc, on peut dire que l'affaire n'est pas encore terminée, bien qu'il soit difficile de trouver, un demi siècle après, de nouveaux éléments.

[00:31:10]

Et s'il y a des archives quelque part, qui, lorsque le délai sera passé, qui est de 70 ans, je crois, permettront de connaître la vérité ou pas?

[00:31:17]

A votre avis, c'est possible. Mais le problème, c'est que le secret défense n'a pas été levé pour l'instant. C'est une procédure difficile à mettre en route. Je ne sais pas du tout ce qui est tapera. On parle de 50 ans, 60 ans et il y a des documents qui restent toujours secrets. Si vous voulez faire en en publiant mon livre, c'est qu'il y aura des révélations qui seront faites. C'est une sorte de bouteille jeté à la mer à la fin de leur vie.

[00:31:49]

Peut être des gens qui savent décideront de libérer leur conscience. Voilà, c'est un peu l'espoir. Mais aujourd'hui, il est difficile d'espérer quand même des révélations qui déboucherait sur une sur la vérité.

[00:32:07]

Alors, ce rapport de 1985 qui mettait un terme judiciaire à cette affaire? Je suppose que vous l'avez lu en entier, au delà du passage que j'ai cité, qui reconnaît que les magistrats de l'époque n'ont pas fait leur travail, tout simplement.

[00:32:23]

Est ce qu'il me dit pourquoi ils n'ont pas fait leur travail alors, contrairement à ce que vous dites, la vérité officielle, la version officielle, c'est celle d'un accident malheureusement banal. Le rapport de M. Jacquemain, lui qui établit qu'il s'agit d'un accident provoqué involontairement par un camion militaire, n'est qu'une sorte de rapport intérieur. Si vous voulez qui n'a pas valeur de décision judiciaire, oui, ce n'est pas la vérité judiciaire. Non, pas du tout. La vérité?

[00:32:56]

La version officielle. Si vous voulez, celle qui s'impose, c'est l'accident, malheureusement banal. Un conducteur qui roule un peu trop vite sur une route mouillée et qui percute un platane n'en sera pas à ce qu'il dit.

[00:33:12]

Pourquoi? Pourquoi? Est ce que des magistrats n'ont pas fait leur travail dans ces années là?

[00:33:16]

Bien sûr, il est extrêmement sévère pour les magistrats parce que il indiquent effectivement, le dossier aurait dû être rouvert à plusieurs reprises puisque les St-Aubin apporter des éléments nouveaux. Donc, il y a eu une sorte d'obstruction de la part de la justice, mais il ne peut pas, si vous laissez pas les pouvoirs de l'inspecteur Acclaim, d'annuler les décisions qui ont été prises, alors moi je dirai qu'il y a quand même trois hypothèses, dont la troisième, c'est, vous l'avez dit, si l'accident provoqué volontairement la méprise.

[00:33:52]

L'erreur sur la personne par les services secrets est là. C'est la version de Mme St-Aubin. On se trouve dans le domaine de la raison d'État. Voilà.

[00:34:01]

Si vous lestrois des hypothèses, restons sur sur l'hypothèse d'un accident. Au fond, que, tout simplement, l'armée n'aurait pas voulu reconnaître par une sorte de tradition. l'Armée, dit on, est d'une grande muette. Et lorsqu'elle commence à mentir elle même jusqu'au bout, elle ne peut jamais faire marche arrière. Au fond, c'est ça qui dit le rapport. Il dit Bon bah oui, il y avait un camion. Voilà, on l'a pas dit à l'époque, mais il n'y a rien de plus.

[00:34:25]

Oui, mais ce qui semble quand même étonnant, c'est tous les obstacles qui ont été dressés devant M. Tobin. Vous l'avez dit, des faux témoignages, des. Disparue à l'hôpital, à la caserne. Des documents falsifiés, un dossier à un moment donné qui disparaît, des témoins qui ne sont pas entendus et plus généralement, le refus de rouvrir le dossier a fait beaucoup pour un simple accident, bien sûr, ayant provoqué la mort de deux personnes. Une imprudence, plus un délit de fuite, mais pas tellement identifié.

[00:35:03]

Oui, pendant un demi siècle, si vous voulez l'armée couvrir ce genre de choses.

[00:35:08]

Moi, évidemment, j'entends qu'un gendarme sur ordre a pu mentir et fermer les yeux. J'entends qu'un procureur de la République, dans les années 60, sur ordre, ait pu clore une enquête parce qu'on le lui demandait. Je suis un peu plus surpris de l'attitude de la juge d'instruction Mably parce que les juges d'instruction, y compris dans les années 60, sont censés être indépendants. Mais ce n'était pas le cas en 64.

[00:35:32]

Même à cette époque là, les magistrats, normalement, étaient indépendants. Mais il y a quelque chose qui n'a pas marché. Il y a eu certainement des pressions venues de différentes directions. Pour moi, c'est difficile de comprendre ce qui s'est passé. Alors bien sûr, j'ai tendance à considérer que la version de l'accident provoqué involontairement par un camion militaire correspond à la vérité. Mais comme je vous l'ai dit, je suis troublé par tous les obstacles qui ont été dressés devant M.

[00:36:04]

Et Mme Châteaubernard.

[00:36:05]

Alors, qu'est ce qu'il peut, par exemple, nous convaincre, vous convaincre, nous convaincre que ce sont des barbouzes qui ont voulu liquider un cadre de l'Ouest qui, à cause d'une histoire de marques de voitures au fond, se sont trompés? Qu'est ce qui peut nous convaincre que c'est ça la vérité?

[00:36:21]

Non, il n'y a rien véritablement qui peut convaincre qu'il y a quelque chose d'extrêmement flou, de secret. Bien évidemment, organiser un attentat dans ces conditions, c'est tout à fait aléatoire. Comment supposer que la voiture va se gare percuter l'un des trois gardes de l'un des trois platanes qui se trouvent à cet endroit? Il peut y avoir des témoins. Ce père de deux soldats africains qui vont dans quelques jours repartir en Afrique tout passé est très curieux. Mais pourquoi?

[00:36:56]

Effectivement, tous ces obstacles. C'est quand même quelque chose d'exceptionnel, cette affaire Saint-Gobain. Vous l'avez vu, il y a eu une sorte de marathon judiciaire, dit procédure menée par Mme Même. C'est une décision de justice. Une centaine de magistrats qui se sont successivement penchés sur ce dossier. Donc, on se trouve en face de quelque chose d'exceptionnel et dans l'exceptionnel. Effectivement, l accident provoqué volontairement peut se glisser.

[00:37:29]

En tout cas, c'est dans cette version qu'on comprend le mieux que l'Etat n'ait jamais voulu qu'on sache. Au fond, sait s'il y a complot, que l'on comprend le combat de l'Etat pour que cette affaire ne sorte pas tout à fait tout à fait.

[00:37:43]

Ce qui est très suspect et qui a amené Mme Taubira. Et puis, un certain nombre de gens qui se sont penchés sur l'affaire a penser que effectivement, c'était peut être une affaire couverte par la raison d'État. Je vous remercie beaucoup Denis Langlois.

[00:38:01]

Je rappelle le titre de votre livre publié aux Éditions de La Différence. L'affaire St-Aubin. Et si quelqu'un qui nous écoute et est capable d'apporter un témoignage supplémentaire dans ce dossier, bien entendu, on est preneur via les réseaux sociaux. Ça serait intéressant puisque tant de temps c'est passé plus de plus de 45 ans dans 50/50 dans cette affaire. Peut être que les langues peuvent se délier.

[00:38:26]

Des centaines d'histoires disponibles. Les remplaçants écoutent. Et surtout attertois Issers.