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Salissez Rocaboy Eric Eric Raquil, Bonne-Nouvelle, grâce à Citröen, continue de mettre des claques camée faloir, il craque, car ce mois ci, pour toute prestation, Citröen continue à offrir des cartes cadeaux pouvant aller jusqu'à 360 euros. J'ai encore gagné 100 euros pour l'achat de pneumatiques Michelin. C'est fantastique. Et celui qui dit le contraire? TAC tac. Bref, heureux que ma voiture et mon pouvoir d'achat soient dans une forme olympique. Je dis à nouveau Merci Citroën!

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Les services Citroën vous simplifient la vie non cumulables, réservée aux particuliers, valable jusqu'au 31 octobre. Le réseau participant sur Citroën préfère. La seconde jusqu'à Sandalettes, il est considéré comme le plus grand danseur classique du XXe siècle. Je vais vous raconter aujourd'hui une bonne partie presque la moitié de la vie de Rudolf Noureïev, de sa naissance dans un train, le Transsibérien en 1938 jusqu'à son passage à l'Ouest lors d'une tournée à Paris en 1961. L'histoire d'un gamin très pauvre qui a connu la faim, vraiment, qui nourrissait depuis l'âge de 7 ans le rêve de devenir danseur étoile, qui a commencé à apprendre la danse classique à 17 ans et qui est devenu soliste à 20 ans.

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C'est un destin, je vous le jure. Absolument incroyable. Et je vais faire ce récit en m'appuyant à Cent pour cent sur son autobiographie écrite à l'âge de 24 ans, que la maison d'édition Arto a eu la bonne idée de traduire enfin en français en 2016 et de rééditer sous la forme d'un livre de poche qui paraît dans la collection Poche d'Artaud. Et pour le débriefe, je serai avec celle qui a traduit cette autobiographie de Noureïev pour Arto. Bonjour Ariane Dollfuss Barjo.

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Vous êtes journaliste spécialisé dans la danse. Vous avez vous même écrit une biographie de Noureïev en 2007 chez Flammarion et vous avez donc traduit cette autobiographie de Noureïev qu'on nous a gardée secrète en langue française pendant tant d'années. J'ai écrit cette histoire avec Simon Veil. Réalisation Céline Lebrun.

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Christophe Hondelatte. Il faut d'abord que je commence par vous dire où je suis né, car ça n'est pas courant. Je suis né dans un train. Figurez vous, le 17 mars 1938, ma mère allait rejoindre mon père à Vladivostok, où il était militaire par le Transsibérien, et j'ai pointé le bout de mon nez au moment où le train frôlait le lac Baïkal, à la hauteur d'Irkoutsk. À l'arrivée, mon père était bien content. Enfin un garçon!

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Jusque là, il n'y avait que des filles dans la famille. Trois filles être nées dans un train. J'ai toujours pensé que c'était un signe. Je suis né en route. Je suis né entre deux. Je suis né apatride. J'étais fait pour être cosmopolite.

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En 1941, j'ai 3 ans quand la guerre éclate, mon père est mobilisé et ma mère se retrouve seule à Moscou avec quatre enfants sur les bras.

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Seuls, pauvres et communistes, mes parents ont adhéré au Parti communiste dès le début. Mettez vous à leur place. Ils étaient. Il travaillait aux champs. La famine menaçait la révolution. C'était un miracle pour eux, un espoir d'envoyer leurs enfants à l'école, par exemple. Mes parents étaient des communistes inconditionnelles.

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La guerre éclate donc, et assez vite, une bombe tombe sur notre maison. On est évacué et on nous envoie en page Khiri, à mi chemin entre Leningrad et la Sibérie, dans les montagnes de l'Oural. C'est de là que vient notre famille. Les Noureïev ne sont pas russes. En vérité, nous sommes des Tatars et en Bachkirie, on nous installe dans un petit village, dans une minuscule isbas avec trois autres familles et on se retrouve. Ma mère, mes trois sœurs et moi dans une seule pièce.

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On doit en plus partager avec un couple de vieux paysans russes d'au moins 80 ans et autour des murs de neige, un monde glacial et rien à manger. Des patates et rien que des patates que ma mère fait cuire sur un petit réchaud. Tellement petit qu'il lui faut des heures pour faire bouillir de l'eau. L'année d'après, on déménage dans la grande ville Oufa, chez mon oncle, le frère de mon père. Et là, c'est pire. On se retrouve à trois familles dans 9 mètres carrés 10 personnes dans cette pièce minuscule.

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C'est long, les six mois d'hiver, sans soleil, sans lumière. Enfermés dans cette pièce unique et sans rien à manger, ou presque apparent. Maman vend le peu d'objets qu'on a, les vêtements de mon père, sa ceinture, ses bretelles, ses bottes pour manger. Un soir, ma mère part chercher un peu de nourriture dans la famille, à 30 kilomètres de là, à pied, bien sûr, dans le noir. Exténués, frigorifiés, elle marche dans la neige.

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Et soudain, elle aperçoit dans le noir comme des lucioles, des petites lueurs jaunes qui s'approchent des loups. Une meute de loups affamés qu'ils encerclent. Elle les voit s'approcher pas à pas. Que faire? Elle attrape sa couverture dans laquelle elle s'est enroulé pour se protéger du froid et elle y met le feu. Et miraculeusement, voyant les flammes, les loups s'enfuient à travers bois. Voilà ce que je voulais vous raconter sur ma petite enfance. J'ai grandi dans un monde d'apocalypse la faim, la peur de la mort.

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Il me faudra beaucoup, beaucoup de temps pour me remettre de cette impression d'horreur. Une seule chose m'a sauvé du noir dans ces années là la radio. Nous l'avions achetée à Moscou. Elle nous a suivis dans notre petit village de Bachkirie. Je m'asseyais près du poste pendant des heures et j'écoutais de la musique n'importe laquelle.

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Et c'est comme ça que je m'évader un peu de cette pièce de neuf mètres carrés, de ses dix occupants et de ma solitude. La musique, c'était mon ami. C'était ma seule amie. Je ne pouvais pas savoir que ses émotions allaient donner naissance à la grande passion de ma vie. La danse. Je me souviens de mon premier jour à l'école, je peux vous le dire. À 6 ans, je n'ai rien. Vous entendez rien à me mettre sur le dos.

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Je n'ai même pas de chaussures. Ma mère doit me porter sur son taux et le premier jour, elle n'a rien d'autre à me donner que le manteau de ma soeur Lydia, un manteau de fille avec des ailes dessinées dans le dos. J'arrive à l'école, les autres se fichent de moi.

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On a un clochard dans la case, on a clochard dans la classe. C'est la première fois de ma vie que je vois d'autres enfants et ils me rejettent. Ça va me laisser une angoisse. L'angoisse d'être tyranniser. Je n'ai rien à me mettre à la maison, on a rien à manger un jour, je m'évanouir à l'école de FAH, je tombe dans les pommes. Je n'ai rien mangé depuis le petit déjeuner.

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La famille. En revanche, j'aime tout de suite l'école tout de suite et je deviens assez vite le meilleur élève de la classe. Et un jour, à l'école, je dois avoir 7 ans. La maîtresse m'apprend à danser sur de la musique folklorique.

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Oh, ça me plait tout de suite. Je rentre à la maison, maman, maman, regarde et je chante et je danse tout l'après midi et au fil du temps, les gens qui passent à la maison disent à ma mère il a du talent. Tu devrais l'envoyer à l'école du Ballet de Leningrad et à chaque fois, ma mère haussent les épaules. Leningrad, pourquoi pas la Lune? Qui va payer?

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Et en attendant, notre petit groupe de danse folklorique gagne sa petite réputation. Et maintenant, on nous envoie dans les hôpitaux pour distraire les soldats de retour du front.

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Léningrad, Leningrad. Mon destin est tracé, je veux aller à Leningrad, je veux apprendre la danse. Et pour le Nouvel-An de mes Céto, je me souviendrai toute ma vie de ce jour là, ma mère achète une place pour un spectacle de ballet à l'Opéra national d'Oufa, la capitale de notre république de Bachkirie. Une place avec l'intention de faire entrer toute la famille. On est là, devant le théâtre, devant la porte. La foule grossit de minute en minute et on pousse les portes.

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Et elle s'effondre et on rentre tous. C'est beau les lumières douces, le cristal des chandeliers, les vitraux colorés, le velours, l'or. Jamais vu ça, jamais. C'est un rêve. C'est un envoûtement. Ce jour là, je connais l'émotion la plus forte de toute ma vie. Je me sent appelé à Belet comme un prêtre. Je veux être comme je veux être comme ses danseurs qui défient la loi de l'équilibre et de la gravité. Maintenant, je sais comment je veux vivre, mais je ne sais pas comment faire.

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Alors, j'attends un miracle et en attendant, je poursuis ma vie à Oufa. Le groupe folklorique, nos répétitions, nos petits spectacles et la seule. Vous entendez la seule avec laquelle je partage ça? C'est ma sœur Rosa. Un jour, Rosa rapporte à la maison des costumes de ballet. Or, les étals sur mon lit, les karaez pendant des heures. Je les lis. Je l'ai. Respire. J'ai 8 ans et je suis possédé. Je suis consumée par mon unique passion.

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Et en attendant, je voudrais apprendre le piano. Je le dis à mon père. Mais vous le dit, le piano, c'est très difficile. Tu ferais mieux d'apprendre l'accordéon, c'est bien plus utile pour se rendre populaire dans les Fêtes. Et donc, je ne prendrai pas le piano, mais je peux m'asseoir devant et jouer quelques airs sans. Bien sûr, comme tous les petits Soviétiques, je rentre chez les pionniers des sortes de scouts, mais communiste et vers l'âge de 11 ans, grâce aux pionniers, je rencontre à Oufa une très vieille dame, Mme Staub, qui n'est pas professeur de danse classique, mais presque très musicienne, très cultivée et qui a dansé autrefois dans le corps de ballet de Diaghilev à Monte-Carlo.

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C'est la rencontre qui va changer ma vie. On m'amène devant elle. On me demande de danser. Des pas de danse folklorique, bien sûr, mais très technique.

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Petit. J'enseigne la danse aux enfants depuis plus de 50 ans. C'est la première fois que je peux dire avec une certitude absolue.

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Tu as un don, tu as le devoir vis à vis de toi même d'apprendre maintenant la danse classique. Il te faut rejoindre les élèves du théâtre Mariinski. Et elle propose pour commencer de me donner des leçons. Deux fois par semaine et c'est elle qui m'apprend les 5 positions. Pliaient. Bateman. Les. Bateman. Au bout d'un an, elle pense qu'elle n'a plus rien à m'apprendre et elle me confie à l'une de ses amies, Héléna Nightwish, une ancienne soliste du ballet Kirov de Léningrad.

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Et là, j'entends dire qu'il va y avoir une audition pour sélectionner les meilleurs jeunes danseurs de Bachkirie et les envoyer à Léningrad.

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J'ai été pris, mais mon père n'a pas voulu ni a dit hier Vianney Rachou. En vérité, ce n'est pas qu'il ne voulait pas. Il n'avait tout simplement pas les 200 roubles pour acheter un billet de train. Oufa, Léningrad.

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Mon père veut que je sois militaire comme lui. Ou au pire, médecin ou ingénieur. Il ne supporte pas d'avoir à la maison une ballerine comme idée, un efféminés. Il ne veut plus que je danse à la maison. 400. Je me sens. Désespéraient. J'ai tout frisé, je suis obligé de me cacher pour danser et à l'école, ça ne va plus du tout. Extrait de mon bulletin scolaire. Noureïev travaille de moins en moins. Son comportement est épouvantable.

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Il saute comme une grenouille. C'est à peu près tout ce qu'il sait faire. Il danse même dans les cages d'escalier. Mon tête et je finis par être embauchés comme figurants à l'opéra d'Oufa 10 roubles par soirée. Je dois traverser la scène habillé en mendiant ou en soldat romain, rien de plus.

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Mais au bout, il y a une tournée dans toute la Bachkirie. Et puis, un peu plus tard, vers les 15 ans, ma République veut monter un spectacle à Moscou, un spectacle d'arts bachkirs et je suis sélectionné. J'arrive à Moscou le jour même, on fait trois répétitions. La tac, je me fais une entorse au Ortelli, la cage venait de s'entrouvrir, de se refaire.

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Une semaine plus tard, une amie Moquin une audition chez un danseur du Bolchoï? Très bien.

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Si tu passe l'audition pour entrer au Bolchoï, je pense que tu seras admis directement en 8e année. Sauf qu'au Bolchoï, il n'y a pas d'internat qu'il faut habiter en ville. Il faut avoir de l'argent. Alors qu'à Léningrad, il y a un internat. Alors c'est décidé, je m'achète un billet pour Léningrad.

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A peine arrivé, je fonce vers l'école du Ballet de Léningrad. J'entre dans le hall. Je croise un homme.

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Bonjour! Je voudrais parler au camarade Tchekov. Le directeur Je suis Jakov. Tu. Je suis Rudolf Noureïev. Je suis un artiste de l'opéra d'Oufa. Je voudrais étudier ici, revenez dans une semaine. Je. Il y a une audition. Une semaine plus tard, je me retrouve pour une audition face à la plus grande professeur de l'époque. Chaque homme, soit vous deviendrez un danseur très brillant, soit vous serez en ratais complet et je dirais plus sûrement que vous serez raté.

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Ça veut dire que je vais devoir travailler comme un fou, mais c'est normal. Je n'ai suivi aucune formation classique. N'empêche qu'à 17 ans, en août 1955, j'entre à l'école du Ballet de Leningrad avec une bourse en internat dans un dortoir de vingt huit à onze heures de travail par jour, de 8 à 10 soir là, de 10 à midi littérature. Puis deux heures de ballet classique, puis deux heures d'histoire, de la danse et de la musique.

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Et puis encore deux heures de danse, le dîner et le soir, la possibilité d'assister aux répétitions des danseurs du ballet. Le directeur du ballet, Shen Gove, a absolument tenu à m'avoir dans sa classe et dès le début, il n'a cherché qu'à m'humilier. Tu es ce qu'on appelle à bolas Ryad Province. Il a raison sur un point j'ai du mal à m'intégrer dans cette école conservatrice. J'ai du mal avec la discipline et l'échelle gov finit par me confier à un autre professeur, Alexandre Pouchkine.

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Il faut que je vous lise le petit mot qui accompagne mon transfert. Je t'envoie un idiot obstinées, un sale gosse un peu simplet qui ne connait rien au ballet. Je te laisse en juger par toi. Même s'il continue dans cette voie, nous n'aurons pas d'autre alternative que de le mettre à la porte. Avec cette recommandation, il a fallu peu de temps pour que Pouchkine s'intéresse à moi et les autres. Les 8 autres élèves de la CLASSE ne m'épargner pas.

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Regard toi, Noureïev. N'as pas de formation, t'as pas de technique, ils ont raison. Je ne sais rien et à la fin de l'année, je ne suis pas sélectionné pour l'examen final, mais en cachette, je prépare un pas de deux. Et un soir, je supplie Pouchkine de me regarder. Billiers bien. Tu vas pouvoir participer à l'examen, Rudi? Je suis enfin intégré et après, ça va à la vitesse d'un Spoutnik, comme ils disent, Bush me regarde avec des yeux neufs.

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Je commence à danser des rôles principaux dans Le lac des cygnes, dans Le casse noisette, dans Giselle. Je participe au concours de Moscou et à la fin, on vient me dire Tu nous a éblouis, Rudolf, et dans la foulée, on me propose deux places de soliste, l'une à Moscou, l'autre à Leningrad. Comment choisir? Je réfléchis un peu et je choisis Leningrad, le ballet Kirov, qui est moins rigide, qui est plus sophistiqué, qui est moins contrôlé que le Ballet de Moscou.

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Vous rendez compte? J'ai 20 ans et je suis devenu soliste. Après trois ans de formation seulement. Après, ne croyez pas que je deviens un privilégié. Je vis dans un appartement communautaire à 8, dans une pièce avec les Makino et les chauffeurs du théâtre sur des lits superposés.

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Et là, la tuile. La veille du spectacle, je me blesse déchirure du ligament de la jambe droite. La catastrophe absolue, c'est la fin. Je n'ai plus qu'à mourir. On me déclare inapte à la danse pour deux ans. Bien Pouchkine, mon grand professeur, me prend chez lui et sa femme me dorlote et en trois semaines, je suis sur pied. Un miracle. Et juste après, je suis sélectionné pour un festival à Vienne, en Autriche.

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J'ai bien failli ne pas y aller. Je me suis pris la tête avec l'un des professeurs devant tout le monde.

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Si la danse classique devient moribonde en JO, c'est à cause de gens comme vous. Pas? Vous voulez nous faire danser dans un style vieux de 40 ans? Les gens ne viennent pas nous voir pour la technique. Enfin, ils viennent nous voir pour notre émotion.

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Je sais, je ne suis pas assez collectif, je suis individualiste et d'ailleurs, je n'adhère pas aux Komsomol, les jeunesses communistes. Je ne participe pas aux activités de groupe. Je n'ai pas d'amis. J'entends ce qu'on dit de moi dans mon dos. On me calomnie, mais je vais danser à Vienne et bientôt, j'irai danser à Paris.

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Oui. Depuis mon retour de Vienne, on me suit, les policiers me suivent dans la rue et je commets une grosse faute au regard des autorités. Un jour, des Américains viennent danser chez nous à Leningrad, et je vais dîner avec eux au restaurant. Fallait pas. Exil à Berlin ouest et je me retrouve à danser dans des cafés et des théâtres vétustes devant des gens à moitié saoul. Et quand je rentre, on me laisse trois mois sans danser.

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Trois mois et après, on m'envoie dans le nord de la Russie, quasiment au pôle Nord. J'y vais, mais le lendemain, je rentre de moi même.

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Insubordination. Vous devez obéir, nourrir. Vous n'êtes plus autorisé à quitter le territoire, vous direz plus danser à l'étranger.

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Alors, je ne pourrai pas aller en France, le ballet Kirov doit aller à Paris au printemps prochain. Je n'ai aucune chance. Sauf que le Ballet Kirov a sélectionné pour ce spectacle à l'Opéra de Paris un danseur étoile de 50 ans. Les Français ne veulent pas d'envieux et c'est comme ça que, finalement, je suis choisi pour Paris. L'avion décolle le 11 mai 1961 et j'arrive donc à Paris. Moi, le mouton noir du ballet Kirov, Montmartre, Montparnasse, les quais de Seine, le Louvre.

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J'y passe des heures. J'adore. Il y a Paris. Quelque chose d'Electric dans l'air.

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On met quelques jours à me faire danser Le Bayadère de Minkus. Et là dessus, je tombe amoureux de Clara, une belle brune. Les garde chiourme du ballet Kirov n'apprécient pas.

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Nous te demandons de cesser de voir cette vie, sinon nous allons devoir te punir. Noureïev On me réprimande comme un enfant. Ils n'attendent qu'une chose que je commets une faute pour me renvoyer à Moscou. Et désormais, un sbire du ballet me suit pas à pas.

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Après un mois passé à Paris, nous devons nous envoler tout à l'heure pour Londres pour quinze jours.

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Je monte dans le bus pour l'aéroport du Bourget. Dans le bus, le directeur du ballet nous distribue nos billets d'avion. Et puis, arrivé au Bourget, il me le reprend. Et là, je comprends.

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Quand le directeur du ballet vient me voir au pas de l'aéroport Rougui, nous venons de recevoir un télégramme de Moscou. Tu dois danser demain au Kremlin. Tu n'irai pas à Londres. Tu vas prendre tout de suite un Tupolev pour Moscou. Il décolle dans deux heures.

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Ma tête se vide qu'il me ramène à Moscou. Je ne serai jamais danseur étoile, je ne pourrai plus jamais sortir de mon pays. Je demande alors l'autorisation d'aller dire au revoir aux autres. Ils se mettent tous à pleurer, même ceux qui m'aiment pas. Et là, au loin, je vois arriver Clara Clara. J'ai pris ma décision. Je la vois qui va alerter deux policiers français, un danseur russe. Là bas, il veut rester en France.

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Là dessus, les autres s'envole pour Londres. Clara réapparaît avec les deux policiers français et je me jette dans leurs bras. Je veux rester ici, je veux rester ici. D'accord, d'accord, mais alors voilà la règle. Nous allons vous placer dans cette pièce seule pendant cinq minutes. Vous réfléchissez dans cette pièce, il y a deux portes. Si vous voulez rentrer en Russie, vous ouvrez cette porte là. Elle donne sur la salle d'embarquement si vous voulez rester en France et formuler une demande d'asile.

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Vous ouvrez cette porte si elle donne directement sur notre bureau. Là dessus arrive un secrétaire de l'ambassade soviétique. Noureïev est un citoyen soviétique. Vous devez me le remettre. Nous sommes en France, monsieur Mochi n'ont rien fait placer sous notre protection, mais vous l'avez arrêté, c'est illégal.

[00:28:08]

J'entre dans cette pièce, je pense à mes proches, à mon professeur Pouchkine, qui est comme un père pour moi. Au ballet Kirov, que je considère comme le plus grand palais du monde. J'hésite. Qu'est ce que je vais trouver ici, en Europe? Et puis, je me lève et je vais ouvrir la porte qui donne sur le bureau des policiers. Je reste en France et je commence ma nouvelle vie nu, nu comme au premier jour de ma naissance.

[00:28:45]

Voilà donc pour ce récit tiré des mémoires des confessions de l'autobiographie de Noureïev, qui est publié à nouveau par les éditions Arthon Collection Poche, deux ans après sa traduction. Je suis avec celle qui a traduit cette autobiographie de Noureïev, qui est par ailleurs une journaliste spécialisée en danse classique, Ariane Dollfuss. J'ai tenu absolument à raconter l'enfance de Noureïev parce qu'il est important de savoir d'où il vient. C'est peut être la clé de toute son histoire. Noureïev, je l'ai racontée.

[00:29:19]

Ariane a connu la misère la plus extrême, la faim, la privation et les loups. Tout de même, qui manque de dévorer ça? Sa maman? Moi, je me dis que c'est peut être de là que vient à la fois son individualisme et cette volonté incroyable qui lui a permis d'arriver là où il est arrivé, non?

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Ah oui, mais je trouve que ce récit est très touchant. Enfin même. Personnellement, je connais évidemment ce texte, mais je trouve qu'on voit bien à quel point nourrir avaient soif, soif de vivre, soif de vivre sa passion, soif d'apprendre. Et on a soif que si on n'a pas eu d'eau. Et lui a vécu ça, ce manque permanent. Il a un souvenir atroce de son enfance et on voit bien que c'est dans la nudité qu'il va vouloir devenir quelqu'un.

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On sent qu'il s'est construit contre son père, mais absolument. Et il arrondit probablement pour l'autobiographie un peu les ongles. Est ce qu'il a revu son père?

[00:30:19]

D'ailleurs, il n'a jamais revu son père. Il le détestait. Il le détestait. D'ailleurs, la biographie que j'ai écrite avant de traduire ce texte, j'avais voulu qu'il soit sous titré L'insoumis parce que il était insoumis à tout, insoumis de caractère, mais aussi. Il a toujours refusé de se soumettre à son père. Il y a une histoire, d'ailleurs, qu'on pourrait ajouter à votre récit. C'est que son père le battait régulièrement lorsque il apprenait qu'il était allé à son cours de danse.

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Et Noureïev mentait alors avec une raison vraiment bien trouvé en disant qu'il allait faire les courses. Et à l'époque, il n'y avait rien dans les magasins. Il y avait des queues. Donc le temps de trouver à manger dans un magasin. Mais il avait le temps d'aller prendre un cours de danse.

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Mais qu'est ce qui suscite chez son père ce refus absolu? Qu'il aille au bout de sa vocation. Il est efféminé. Il n'est pas l'homme tel que le père.

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Je pense que, à la limite, on peut comprendre cet homme qui n'a qu'un fils. Il avait trois filles. Alors les filles, on les regarde pas trop, mais il a un fils et il veut que son fils s'élève, socialement parlant. Et puis est une profession rassurante pour lui.

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Alors, tout petit, il a quand même tout petit, un caractère à part. Il le dit lui même à l'école, il n'a pas d'amis. Sa seule confidente, c'est sa sœur. Absolument.

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Et je pense que ce caractère là, qui n'est absolument pas fait pour cohabiter avec le réalisme soviétique, le communisme, l'aïoli dans le collectif, ça ne marche pas.

[00:31:56]

Avec lui vient cet individualisme.

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Je pense que c'est sa nature profonde et je pense aussi, vous l'avez bien dit. Cette promiscuité absolue qu'il avait dans son enfance, vivre à distance 9 mètres carrés. Je pense qu'après, on ne supporte plus l'autre. Et puis après, il y a son caractère qui a été un défaut au départ, mais une formidable qualité pour foncer.

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Alors, il a, il le dit assez vite dès son enfance, a un ressentiment à l'égard du régime communiste. Mais en vérité, il est aussi un produit de ce régime. C'est à dire que si le communisme soviétique n'avait pas été ce qu'il a été, s'il n'avait pas entretenu des opéras et des orchestres dans les provinces les plus reculées, la Bachkirie et la dernière province d'Union soviétique. Et pourtant, il y a un opéra et c'est grâce à cet opéra qu'il met un pied dans son rêve.

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Exactement. Et il disait toujours qu'il était redevable à l'Union soviétique de lui avoir permis d'étudier avec des bourses et de pouvoir devenir danseur alors que il n'en avait pas les moyens au départ.

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Alors, il va chez les pionniers, mais il refuse les Komsomolsk, c'est à dire non adolescent. Le côté allait faire des jeux, des camps, du scoutisme au communisme et komsomol. Voilà.

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Et puis surtout, mentir. Il y a un truc que Noureïev ne sait pas faire. Il ne sait pas mentir, il dit la vérité, alors des vérités qui ne sont pas toujours bonnes, bonnes à dire. Mais quand on est comme ça, c'est bon. On doit dire oui en permanence à la pensée. La pensée centralisée est lui aussi pense non. Il va dire non.

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Voilà, c'est ça ce qui est très moderne. D'une certaine manière, son entrée au ballet Kirov de Léningrad est très intéressante parce qu'il y a une ambivalence de ses professeurs dès le début. Il l'aime, il le déteste presque dès les premières minutes.

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Absolument, parce que je pense. D'abord, on pouvait douter effectivement de ses. Il avait 17 ans, mais surtout, on pouvait l'aimer parce qu'il était extrêmement travailleur. Il restait enfermé tout seul dans un studio jusqu'à 23 heures s'il le fallait, en virant tout le monde. Alors voilà Lambert d'ambivalence. Elle est là, c'est qu'il était odieux parce qu'il ne pensait qu'à sa seule réussite. Ce n'était pas par carriérisme, c'était par volonté de perfection.

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Par l'ourdou Pouchiline. Qui donc? Son maître, dont il le dit dans son autobiographie, qu'il est comme son deuxième père. On sent bien, en vérité, que c'est son premier père. C'est le seul qui reconnaît une paternité lui aussi. Au départ, il est ambigu. Il le prend, ce Noureïev. Chalco lui dit C'est un 10Go, tu verras, il n'y a rien à en tirer. Mais en même temps, il voit bien qu'il a du talent et il se dit que peut être, ça pourra le faire reluire en lui même.

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Non, mais je crois qu'en fait, il ne le regarde pas. Pas parce qu'il ne l'intéresse pas, mais au contraire. Justement parce qu'il comprend que c'est en affichant un pseudo désintérêt pour lui que Noureïev va faire encore mieux pour le séduire.

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Là, en fait, c'était un séducteur, donc il le laisse le séduire. Voilà exactement.

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D'ailleurs, comment Pouchkine a t il vécu son passage à l'Ouest? Puisqu'on parle très mal, très, très mal, Youri pense à lui aujourd'hui.

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Résolument, il le dit, il pense, il pense à ses parents. Il pense à sa copine Tamara, avec qui il prenait beaucoup de photos et qui sont très bien. Et puis, il pense à son professeur.

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Vous venez de parler de Tamara? J'en ai pas parlé dans mon récit. Ça, c'est son amour à Léningrad.

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Et puis, quand on ne sait pas si c'est méthyl ou non, ça elle même, elle n'en parle pas.

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Quand elle dit la vérité dont il avait été homosexuel en contrôle, dit sa biographie, il n'en dit pas un mot, pas un mot.

[00:35:36]

Mais il faut croire qu'il aime les femmes. Est sûr qu'il ce qu'il faisait.

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Il y en a une dont il parle, Mimeault, qui est une danseuse cubaine avec qui il a effectivement eu une histoire d'amour alors qu'il ne s'est pas concrétisé parce qu'elle ne voulait surtout pas elle. Elle n'avait qu'une seule paire, c'était avoir un enfant. Elle m'a raconté tout tournée ce soir là. A l'époque, c'était absolument impossible. Dans les années 50, et ils ont eu une histoire d'amour platonique, platonique, extraordinaire, extraordinaire.

[00:36:09]

Et elle était géniale si elle était. Et elle était différente. Elle était cubaine, elle était drôle, elle était. Et quand elle est repartie à Cuba, il l'a suivi en train jusqu'à Moscou. Il a raté des répétitions pour la suivre et lui déclarer sa flamme et lui dire qu'il voulait l'épouser. Et elle n'avait aucune envie.

[00:36:28]

Il aimait les femmes, pas de chair, mais elle les aimait.

[00:36:32]

Oui, mais je n'étais pas lajus. Je crois qu'il a eu des affaires, des love affair.

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Concernant son passage à l'Ouest, évidemment, le ballet savait qu'il était risqué d'envoyer un esprit aussi indépendant en Europe en 1961. Mais finalement, il était incontournable.

[00:36:50]

Il était incontournable parce que c'est une Française qui est allée. Il n'en parle pas à Noureïev parce qu'il y a beaucoup d'ellipses dans cette autobiographie. Il y a des noms qu'il ne cite pas afin de les protéger. Cette autobiographie en 65, 62, 62.

[00:37:06]

Très vite après un oui. Un an après sa défection. Ça, c'était un coup d'édition extraordinaire. À l'époque, c'est une Française qui était chargée de la tournée à Paris, qui a découvert absolument par hasard, n'ont rien fait. Elle voit que Don Quichotte, qui se joue le soir même, il dit Tiens, j'aimerais bien voir Don Quichotte. Et le directeur du ballet lui dit non, non. Trop totalement poussiéreux. Ça n'a aucun intérêt. Elle y va quand même.

[00:37:28]

Et elle découvre Noureïev.

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Et elle dit Je veux Noureïev, votre danseur étoile de 50 ans. Vous le gardez? C'est lui, le danseur étoile de 50 ans, c'était le directeur de la compagnie. En plus, c'est ça qui est incroyable. Et le directeur de la compagnie qui détestait Noureïev, comprend vite. Et ça, c'est assez malin. Ça comprend vite l'intérêt qu'il a de faire venir la future superstar qui contribue au succès de la tournée.

[00:37:52]

Donc, il fait défection à Paris. Ce qui est étonnant, c'est qu'il ne devient pas français. Il devient donc non. Qu'est ce qui se passe là?

[00:37:58]

Alors j'ai appris il y a peu de temps par un de ses proches amis, qu'il avait toujours rêvé d'être Français. Mais la France ne lui a pas proposé, car la France a peur de l'Union soviétique, la France. De Gaulle n'en veut pas. Exactement.

[00:38:12]

Ne veut pas avoir de problème avec Khrouchtchev et avec le régime soviétique. Et la France le délaisse. Pendant cinq, six ans, il est persona non grata à l'Opéra de Paris. Il ne danse pas à Paris et c'est l'Angleterre qui comprend tout de suite l'intérêt. Eux s'en fichent royalement de déplaire à Moscou et le Royal Ballet de Londres l'invite. Et c'est là où il va.

[00:38:33]

C'est là qu'il va exploser absolument. C'est là qu'il va devenir une star mondiale et d'avoir pu le devenir chez nous, en France.

[00:38:40]

Il aurait pu le devenir chez nous, alors on s'est rattrapé bien des années plus tard, dans trois. Lang qui le fait venir, c'est Jack Lang qui a eu cette idée géniale de proposer un. Mitterrand élu président de la République. Il lui propose de faire venir Noureïev à la direction du Ballet de l'Opéra de Paris.

[00:38:58]

On s'est un peu rattrapé, coic, rattrapé. Mais est ce qu'il a été un bon directeur de l'Opéra de Paris? Il y a débat là dessus. Est ce qu'on est un bon directeur quand on est à ce point individualiste, égocentrique, centré sur soi même?

[00:39:14]

Alors ça a été très dur. Mais finalement, c'est ce caractère là qu'il a su insuffler à ses danseurs. Il fallait juste adhérer à la méthode. La méthode était peu courtoise et parlait très mal aux danseurs. Il pouvait être violent physiquement. Ça, tous les danseurs le disent et le racontent facilement. Ils étaient odieux. Mais la danse n'est pas un monde de bisounours, comme on dit aujourd'hui. C'est un monde très dur où on n'hésite pas à utiliser un vocabulaire qui n'est pas forcément châtié.

[00:39:43]

Et ceux qui ont admis ça? Ceux qui ont adhéré à cette exigence absolue qu'ils avaient vis à vis de lui même. Eh bien, ils sont tous devenus de très, très grands danseurs.

[00:39:53]

Il est mort en France du sida. Disons les choses en 1993, il est enterré en France, au très joli cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois qu'il faut absolument visiter.

[00:40:03]

Il est mort le 6 janvier 1993.

[00:40:05]

Mais ceux qui auront sur sa tombe seront surpris sur un point dont je n'ai pas parlé jusqu'à maintenant. Il n'était pas orthodoxe, il était musulman et donc il n'y a pas de croix sur sa tombe.

[00:40:14]

Tout à fait. Mais il y a un magnifique tapis volant sur sa tombe, sur sa tombe. Un tapis de mosaïques colorées qui est tout à fait extraordinaire. Et à son image.

[00:40:24]

Merci Ariane Dollfuss d'avoir d'abord contribué enfin, des décennies plus tard, à la traduction de cette autobiographie de Noureïev qui est absolument passionnante. Merci d'être venus compléter mon récit dans cette émission. Merci à vous.

[00:40:39]

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