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Hawtin 14 heures, 15 heures, on raconte. Bonjour a tous, je vais vous raconter aujourd'hui une belle histoire d'aventure, une histoire de voile. L'histoire du tour du monde à l'envers, en solitaire et sans escale du navigateur Jean-Luc Van den Eynde qui est là et que je salue au passage. Il sera là tout à l'heure pour le débriefe. Cette histoire, je l'ai écrite en m'appuyant sur votre livre Jean Luc, parue en 2004 chez Michel Lafon. l'Océan face à face.

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C'est le récit d'une rage de vaincre absolument extraordinaire. Puisque vous réalisez ce tour du monde et vous battez le record qui va avec et dont vous êtes d'ailleurs toujours à ce jour le détenteur. Vous vous y êtes repris à quatre fois et ce défi a occupé sept longues années de votre vie. Et je compte sur vous tout à l'heure pour nous donner les clés de cet entêtement. Voici donc le tour du monde à l'envers de Jean-Luc Vander Nêne. Réalisation Céline Lebrun.

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Il faut d'abord que je vous raconte comment ça lui est monté au cerveau à Jean-Luc Lenders, d'Inde. Cette idée de fou de faire le tour du monde à l'envers. L'idée commence à germer en 10 993. À 48 ans, il vient de boucler son deuxième Vendée Globe et il reçoit une lettre d'un Australien. Le type veut lui acheter son bateau et il lui explique pourquoi il veut battre le record du Tour du monde à l'envers, qui est détenu depuis 22 ans par un Anglais, Chaï Bliss, qui a établi le record à 292 un jour.

[00:01:42]

Le type pense qu'avec le bateau de Vendée Neid, il peut faire mieux. C'est tout bêtement ça qui lui a mis cette idée dans la tête. Que quelqu'un veuille lui acheter son bateau et il s'est dit c'est lui peut le faire avec mon bateau. Alors moi aussi, je peux le faire. Alors, de quoi parle t on? Qu'est ce qu'il y a de si terrible à faire?

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Le tour du monde dans l'autre sens? La quasi totalité des navigateurs qui font le tour du monde le font toujours dans le même sens d'ouest en est. Quand ils partent de France, par exemple, ils descendent l'Atlantique et en bas, ils tournent à gauche, à la pointe de l'Afrique du Sud, le cap de Bonne-Espérance et après l'océan Indien et le Pacifique. C'est le parcours du Vendée Globe ou celui du Trophée Jules-Verne.

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Mais là, l'idée, c'est de descendre de l'Atlantique et de piquer à droite par le cap Horn, la pointe de l'Argentine et d'entrer directement dans le Pacifique. Mais vous vous doutez qu'il y a une raison pour laquelle les gens ne passe jamais par là dans ce sens là, il y a les vents. Quand vous allez d'est en ouest, vous vous retrouvez avec les vents d'ouest en pleine gueule contre vous et c'est peu dire que ça complique la tâche.

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Donc, notre ami vendéen Ned range cette idée dans un coin de sa tête. Il le fera un jour, il le fera, mais en attendant, il a d'autres engagements et notamment le beau challenge 1994. C'est un tour du monde en solitaire, mais par étapes. En 1995, il rempile nouveau BOC Challenge. Et c'est pendant cette course que Jean Luc ressorte de sa tête l'idée de son tour du monde à l'envers.

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A ce moment là, il est entre les 40e Rugissants et les 50e hurlants, tout au sud du globe, au large de l'Antarctique, et là soufflent des vents qui sont les plus violents de la planète, des vents d'ouest très puissants. Et il se dit Et si j'allais contre ces vents, est ce que c'est réalisable? Est ce que c'est jouable? Bien sûr que ça l'est puisque ça a déjà été réalisé. Et d'ailleurs, le record a été battu.

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Un Britannique vient de boucler son tour à l'envers en 161 jours, 131 jours de moins que le précédent. Il y a de l'émulation dans l'air.

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Jean-Luc remet le projet dans une case. Et les années passent. Et en 1997, il dit top départ. Et pour commencer, il lui faut un bateau neuf spécialement taillé pour le défi. Il trouve un architecte pour dessiner, un chantier pour le construire et assez facilement des partenaires pour le financer. Ça excite les gens, cette histoire. Et puis après? Après, il y a des galères. Et à un moment donné, Dennett se dit pis pour le nouveau bateau.

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J'en ai un qui a fait ses preuves. On voulait me l'acheter, je l'améliore et basta. Et bien sûr, le repas aux couleurs de son nouveau partenaire, Alger Mousse, et il le convint avant de se lancer dans son tour du monde de fou de le laisser s'engager dans la Route du Rhum. Une petite traversée de l'Atlantique, de Saint-Malo à la Guadeloupe? Rien du tout. C'est qu'il a une petite idée derrière la tête. Il va tester son bateau en course en raccourcissant le mât de trois mètres, en lui faisant perdre au passage 30 kilos.

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C'est ça son idée rendre le bateau plus rapide et plus léger. Et là, il se retrouve en tête de la Route du Rhum. Une bonne partie de la course et il finit deuxième, donc. Donc il est prêt. Et pour bien le stimuler. Jean-Luc apprend qu'un autre Français va se lancer dans le même défi, mais un peu plus tard, Philippe Monnet a prévu de partir en janvier 2000.

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Et donc, Jean-Luc se lance dans les préparatifs, le réglage du bateau, la programmation des instruments, les visites médicales, la paperasse, les assurances, la banque, la nourriture, la pharmacie et les indispensables miroirs. Il en embarque deux. Et là, vous vous dites? Mais à quoi ça peut servir? Un miroir pour un vieux loup de mer? Pour se recoiffer? Pour ça, il y a les mains. C'est pour se soigner qu'il a besoin de deux miroirs dans le Vendée Globe.

[00:06:58]

Il a pris un tube à l'arrière du crâne. Il n'avait qu'un seul miroir et il n'a pas pu voir. Ça plaît. Comment voulez vous regarder la plaie et éventuellement vous recoudre vous même avec un seul miroir? Il en faut donc deux. Et après, ça gamberge sur la route à suivre. D'après ce qui se dit, Philippe Monnet, qui partira après lui, a prévu de descendre le plus au sud possible pour raccourcir sa route, bien sûr.

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Plus on s'approche du pôle, plus la terre se rétrécit. Sauf que, revers de la médaille, il y a les icebergs. Les radars peuvent en repérer quelques uns, mais pas tous. Et si ça cogne, c'est fichu. Donc, lui, il ne descendra pas si bas. Et le 7 octobre 1999, il se lance au début, tout va bien dans la descente de l'Atlantique. Il prend de l'avance sur le record. Et puis, un jour, il est au large de l'Argentine, au niveau des fameuses îles Malouines.

[00:08:08]

Il est dans la cabine. Il sent un choc violent, mais il n'a pas d'explication. Le bateau a l'air de se tenir. Alors, il continue et il s'engage dans le cap Horn. Et ça passe. Et il se retrouve dans le Pacifique. Et là, à un moment donné, il regarde sa coque. Au nom de Dieu. La coque est déchirée. C'était ça le choc. Sans doute une baleine et les vagues du cap Horn n'ont pas arrangé les choses.

[00:08:45]

Il ne peut plus continuer. Il doit abandonner. Et en attendant, il faut qu'il rallie Valparaiso, au Chili, en espérant que le trou ne va pas s'agrandir. Il fait un pansement avec une voile qui coince sous la coque et il rejoint Valparaiso.

[00:09:07]

Et là, il serait bien tenté de rentrer, de réparer et de repartir. Sauf qu'il y a un problème. Le bateau, il l'a vendu, il a signé juste avant le départ et l'acheteur le veut pour le prochain Vendée Globe. Jean-Luc n'a pas le temps de réparer et de se relancer dans son tour du monde. Et donc, il lui faut un nouveau bateau. Sauf que quand il rentre en France, c'est la douche froide. Adji Mousse a changé de patron et le nouveau boss n'est pas branché voile.

[00:09:38]

Bye bye Djimou! Donc, plus de bateaux et plus de sponsors. Bon, il y a un peu d'argent puisqu'il vient de vendre son bateau un million d'euros. Il lui faudrait 6 millions pour le bateau qu'il veut. Il lance quand même le chantier avec ses économies. Et là, il a une idée il veut une coque en aluminium. Est ce que ça n'intéresserait pas Péchiney? Le géant mondial de l'aluminium, il leur écrit et un jour, il reçoit un coup de fil.

[00:10:12]

Oui, allô, je suis Vandenhove. Oui, c'est moi. Bonjour, je suis de la direction de Pechiney. Je vous appelle pour vous dire que nous avons bien reçu votre courrier et que nous sommes partant pour vous aider. On peut donner une enveloppe de près de 3 millions à voir pour les modalités et une bonne nouvelle n'arrivant pas seule.

[00:10:33]

Quelques minutes après, il reçoit une autre proposition de sponsoring. Un patron d'une grosse boîte qui élève et transforme du poisson. Michel Adrien, il est partant. Et du coup, il est un peu déçu de s'être fait doubler par Péchiney. Ils vont se battre. Si ça continue. Et finalement, il est décidé que pour sa deuxième tentative, Jean-Luc aura deux sponsors. Le bateau s'appellera Adrien comme le poissonnier, et la voile sera aux couleurs de Péchiney. Et maintenant, il n'y a plus qu'à le finir, ce bateau.

[00:11:05]

Et là, on bute sur un os la quille. Elle était censée faire 3 mm d'épaisseur et le fabricant n'a mis qu'un millimètre et demi leur Appien. Et hop, on en prend pour deux mois de plus. Le bateau est mis à l'eau en juillet 2001. Le deuxième départ est prévu pour octobre. Deux ans après la première tentative.

[00:11:36]

Et entre temps, le défi s'est corsé. Philippe Monnet, finalement, a réussi son tour à l'envers et il a ramené le record à 151 jours 19 heures, 54 minutes et 36 secondes. C'est donc le nouveau record à battre. Et ça commence mal. Dans sa descente de l'Atlantique, Jean-Luc commence par perdre du temps. Après, il se rattrape un peu. Il se fait quelques frayeurs en perdant une voile et le voilà à l'entrée du cap Horn. Mais là encore, la mer est agitée, mais ça passe.

[00:12:10]

Et il est en avance maintenant sur le record.

[00:12:13]

Mais la nouvelle tuile Huta plus tard, plus tard, il y a de l'eau dans la voilerie, le compartiment où sont rangées les voiles. Il y a de l'eau. Au début, il ne comprend pas. Le bateau est tout neuf. Il est en aluminium étanche. Il n'a rien hurter. En tout cas, il n'a rien senti. Alors, qu'est ce qui se passe? C'est la quille, en fait. Le puits de qui? Une fissure qui s'ouvre et qui se referme.

[00:12:38]

La quille bouge. Elle peut casser à tout moment. Et là, il y a plus de course. Y a plus de bateaux. C'est la bérézina et c'est rageant. C'est à se les bouffer. Mais il n'y a pas d'autre solution. Il faut abandonner. Il faut rentrer, il faut réparer et il faut repartir. Il ne lâchera pas le morceau.

[00:13:07]

Et le 22 décembre 2001, Jean-Luc Vander Neid et son bateau blessés sont de retour aux Sables d'Olonne et le bel Adrien file au chantier pour réparation. Et là, je peux vous dire qu'on met le paquet sur la quille et le bateau est prêt. En juin 2002, mais comme les deux fois précédentes, Jean-Luc décide d'attendre l'automne pour partir. Les conditions météo sont optimales en automne et le dimanche 3 novembre 2002. Top départ pour sa troisième tentative. Ça s'appelle Avoir du niaque.

[00:13:41]

Et le 7 décembre, Jean-Luc et son Adrien passent le cap Horn et ils entrent dans le Pacifique, accueillis par une belle dépression. Des vagues énormes, mais le bateau s'en tire sans problème majeur. Le soir de Noël, il déballe les cadeaux qu'il avait emporté et le 1er janvier, il a quatorze jours d'avance sur le record champagne. Et puis, nous voilà au sud de l'Australie. Et là, il reçoit un appel de son monsieur météo.

[00:14:22]

Dans les heures qui viennent, Jean-Luc, tu vas rencontrer une très grosse dépression. Grandiose. Bon courage.

[00:14:29]

Et c'est peu dire que c'est grandiose. En effet, Jean-Luc a réduit la grand voile au minimum. Les creux sont titanesques. Adrien monte, pointe vers le ciel et boum. Il replonge en faisant un gros plat et la Vendéenne ouvre grand les oreilles. Il écoute son bateau, il guette le bruit suspect. Pour l'instant, ça va. Et puis, il y a un moment, une vague énorme, soulève Adrien. Et le bateau retombe et craque. Un craquement sinistre.

[00:14:58]

Il s'est passé quelque chose, quelque chose a cassé. Alors, il enfile son ciré et il sort dans le vent et la pluie glacée. Et il aperçoit son mât. Le Mans n'est plus droit. L'un des cordages qu'il retient a cassé et là, il faut aller très vite. Dans ce cas là, il faut démâté tout de suite parce que sinon, il va tomber tout seul et en tombant, il va fracasser le bateau. Alors il commence par avaler la grand voile.

[00:15:24]

Et là, le mât 500 kilos et 29 mètres de haut s'écroule sur le côté gauche. Bordel, bordel, bordel!

[00:15:39]

Mettez vous à sa place. Il est tout seul dans la tempête au milieu du Pacifique, avec son maquis pendouille. Il y a de quoi balancer tous les jurons du capitaine Haddock. Et maintenant, il faut s'en débarrasser avant qu'il ne vienne trancher le bateau en deux. Alors, Jean-Luc attrape une scie et il se met à signer les haubans qui retiennent ce fichu mât d'une seule main. Il a besoin de l'autre pour se tenir et la scie casse et il faut changer la lame.

[00:16:07]

Et elle casse encore. Et il n'a que huit lames. Et puis, ouf! Il arrive à couper tous les haubans et le mat. Adrien disparaît dans les profondeurs du Pacifique. Le jour se lève. Jean-Luc est trempé. Il est rincé. Il est épuisé et il n'a plus de mains. Son bateau n'est plus manœuvrable et une fois de plus, c'est fini. Il doit abandonner pour la troisième fois et il lui faut une journée entière pour installer un agrément de fortune.

[00:16:45]

Un tube de 10 mètres pour remplacer le mât et mettre le cap sur la terre la plus proche, qui est très loin. La Tasmanie, au sud de l'Australie, avec un seul projet en tête un projet de borique. Rentrer aux Sables d'Olonne, réparer et repartir. Il appelle ses sponsors. Il leur dit qu'il ne lâchera pas. Mais en attendant, il est à Hobart, en Tasmanie, et il va y passer un bout de temps. Au début, il tente de faire rapatrier son bateau vers la France par cargo.

[00:17:21]

Et puis finalement, il décide d'installer un nouveau mât et de rentrer à la voile. Jean-Luc Luc Vanden Eynde est de retour aux Sables d'Olonne le 20 mai 2003. Rendez vous compte. Ça fait quatre ans qu'il consacre toute son énergie à ce défi. Quatre ans et ça n'est pas fini puisqu'il a décidé de repartir à l'automne prochain pour une quatrième tentative. Et là, il cherche des raisons de positiver. La première fois, c'est la coque qui a lâché.

[00:17:50]

La deuxième fois, la quille. La troisième fois, le mât. C'est bon et il a fait le tour de tous les emmerdements. Qui pouvait lui arriver. Dans son livre, il écrit Dans ce brelan d'avarie grave, je pense avoir payé mon tribut à sa seigneurie. L'aventure maritime.

[00:18:15]

Et le 7 novembre 2003, à 12 heures 22, Jean Luc Vanden Aide se lance depuis Les Sables d'Olonne dans sa quatrième tentative. C'est parti au quatorzième jour, il passe l'équateur et bonne surprise un matin et il trouve cinq beaux calamars sur le pont. Un peu plus, et il aurait sauté directement dans la poêle. Et comme toujours, Jean-Luc dort par tranches d'une heure et demie, deux heures maximum. Et quand il n'a rien à faire, il lit.

[00:18:44]

Et cette fois là, ce sera Jack London et Paolo Coelho.

[00:19:00]

Début décembre, son monsieur météo lui annonce une bonne nouvelle, a priori avec le passage du cap Horn. Tu vas passer sans problème à.

[00:19:14]

C'est le dixième de sa carrière, alors il se dit prudences. Ne nous réjouissons pas trop tôt, mais le routeur météo avait raison. Il passe le cap sans encombre et il se retrouve dans le Pacifique. Et là, ça se corse. Comme d'habitude, les dépressions s'enchaînent, les vents sont à décorner les cocue. Et plus que d'habitude, Jean-Luc ne lâche pas des yeux la base de son mât. Mais pour l'instant, ça tient. Ils fêtent Noël avec du foie gras de canard à l'orange, à camembert en conserve et une Amandine de chocolat et un St-Julien 97 le matin du 25 décembre.

[00:19:59]

Il a dix jours d'avance sur le record. Il repasse à l'endroit où il a démâté l'année d'avant. Il enquille une grosse tempête, des vents glaciales qui viennent de l'Antarctique et il atteint le cap de Bonne-Espérance, à la pointe de l'Afrique du Sud. Et là, ça sent bon. Il ne lui reste que l'Atlantique à remonter et il a vingt six jours d'avance sur le record. Ça mérite un petit repas, non? Foie gras, champagne, confit de canard.

[00:20:28]

l'Équateur pour la quinzième fois de sa carrière. Et puis le poteau noir, toujours instable et tourmenté. Il approche et un jour, il aperçoit au loin les feux de Ouessant. Ces temps qu'il se bat comme un chien pour ça, pour voir de loin les feux de Ouessant. Signe que cette fois là, la quatrième, il y est arrivé. Il a gagné. Mieux, il a enfoncé le record. Il a réalisé le tour du monde à l'envers et contre les vents en 122 jours, 14 heures, 3 minutes et 49 secondes.

[00:21:05]

A ce jour, personne n'a jamais fait mieux que lui. On raconte Je vous ai raconté aujourd'hui l'incroyable histoire du tour du monde à l'envers, en solitaire contre les vents du navigateur Jean-Luc Van den Heede, qui s'y est repris à quatre fois, qui y a consacré sept longues années de sa vie avant de parvenir à établir un nouveau record en cent vingt deux jours, record non battu à ce jour. Et bien sûr, Jean-Luc Vander Neid, puisque vous avez eu la gentillesse d'être là pour débriefer cette histoire.

[00:21:40]

J'ai des questions à vous poser et notamment sur ce moteur, le moteur de cet entêtement. Est ce qu'on peut appeler ça la gagne? C'est peut être l'histoire d'un malentendu entre les navigateurs à cheveux mal coiffés qui ont l'air finalement toujours de gens très désintéressés vis à vis de la gagne et de la vérité des choses. Vous avez la gagne?

[00:22:04]

Oui, bien sûr que quand je me suis lancé dans le Vendée Globe, quand je me suis lancé dans le BOC, j'ai toujours essayé de gagner. Je suis arrivé sur le podium quatre fois et j'avais un espoir de gagner. Quand je me lance dans une compétition, c'est parce que j'ai un espoir de gagner. Là, je voulais battre ce record.

[00:22:26]

Je savais pour moi que c'était la fin de carrière, ce qui n'était pas tout à fait exact et tout à fait, puisqu'il reste un gros coup à jouer et donc que je n'allais pas terminer sur un échec.

[00:22:40]

C'était hors de question que je finisse sur un échec, ne serait ce que vis à vis de moi même, vis à vis de mes sponsors. J'ai vu des gens qui m'avaient fait confiance et je savais que j'avais un bateau qui me permettrait d'aller au bout. Il fallait simplement que ça tienne et il fallait simplement avoir une grosse envie pour faire ça.

[00:22:56]

Il faut avoir de grosses envies, de grosse envie, mais pas forcément des envie de gagner. J'ai raconté il y a un mois le Golden Globe de Moitessier, qui était sans doute en position de gagner. En tout cas d'arrivée, puisqu'un seul concurrent est arrivé de cette course de 1968, lui passe pas la ligne d'arrivée et poursuit son tour du monde. Il en fait presque un deuxième dans la foulée. Comme si la mer était plus forte que la gagne.

[00:23:18]

Parce que lui, c'était différent. C'était un philosophe. Et lui, il a rejeté un peu la civilisation. Il a rejeté un petit peu, justement, la partie course de Golden Globe de 1968. Vous assumez tout ça? Moi, j'assume. Je m'inscris!

[00:23:34]

Une course pour arriver au bout, c'est pour essayer de la terminer. C'est pour essayer de franchir la ligne d'arrivée. Ce n'est pas. Je ne suis pas un rêveur et philosophe. Je m'inscris! Il y a un truc que je vais essayer d'aller au bout.

[00:23:49]

Quelle est la part là dedans de la nécessité de satisfaire le sponsor, notamment dans ses quatre tentatives? Alors, le premier sponsor, il s'en va entre la première et la deuxième tentative?

[00:23:59]

Oui, mais je l'ai encore fait. Il est venu puisque l'année dernière et les trois années qui ont précédé mon prochain challenge, j'avais un bateau de régate qui s'appelle GMO et j'ai régater sous ses couleurs pendant trois ans.

[00:24:15]

Donc, est ce qu'à un moment donné, il y a ça aussi? C'est à dire? Si j'ai un sponsor, le type m'a fait confiance. Je ne peux pas lâcher, évidemment.

[00:24:21]

Évidemment, il y a ça parce que quand on a mis son doigt dans l'engrenage du sponsoring, on se sent péteux de ne pas finir, de pas arriver au bout, de pas obtenir ce qu'on est allé chercher. Et évidemment, le sponsor est déçu.

[00:24:36]

Donc, on se sent chez eux ou on a peur qu'ils ne soient plus là. Non, on n'a pas peur qu'il soit question. Voilà, c'est une question d'honneur et c'est une question plus. Moi, j'ai toujours essayé de satisfaire au maximum les gens qui m'ont fait confiance.

[00:24:50]

Le sponsoring, ça vous a jamais fait suer? On n'a pas cette impression.

[00:24:54]

Ça me fait suer dans le sens qu'il faut réussir à trouver un partenaire. C'est long, ce n'est pas facile et c'était plus facile avant qu'aujourd'hui. Non, c'est pareil, c'est pareil. Aujourd'hui, c'est exactement pareil. Là, pour mon prochain défi, j'ai trouvé la boîte mutent qui me suit. Et puis Armor-Lux, voilà la dernière fois, j'avais en réalité je n'avais pas que Péchiney et Michel Adrien. J'avais une vingtaine de sponsors derrière moi.

[00:25:22]

Oui, comme un type qui part faire le 4L Trophy Coca Cola. Il y a des sponsors qui mettent beaucoup d'argent. Il y en a qui n'ont pas beaucoup de moyens, qui ne mettent pas beaucoup. Alors évidemment, on parle beaucoup plus de ceux qui ont mis plus.

[00:25:33]

On ne se rend pas compte. Mais parallèlement, vous devez être un chef d'entreprise?

[00:25:38]

Exactement. On est obligé de faire une société. Moi, j'ai en ce moment un salarié qui doit manger tous les jours et donc qui doit être payé. Et je m'attache à ce que les gens qui travaillent avec moi soient heureux, c'est à dire que ce sont des choses très pragmatiques.

[00:25:55]

Mais pendant les sept années de ce défi du tour du monde à l'envers, par exemple, vous vous payez, vous touchez un salaire tous les mois.

[00:26:02]

Oui, c'est sur le compte de cette société, exactement de l'argent, des sponsors. Exactement dans laquelle vous mettez aussi votre propre argent. Ben oui, moi, j'ai mis tout mon argent là dedans puisque.

[00:26:12]

Avait mis moi, j'avais mis un million de francs 1 million galerie de la vente. Voilà exactement. C'était des Francs à l'époque aux sommes que vous avez évoqué tout à l'heure et donc fallait.

[00:26:28]

Moi, j'avais mis tout l'argent que j'avais dans cette histoire et c'est comme ça d'ailleurs que Michel derière a commencé avec moi et qu'il a mis la même somme que moi dans le capital de la société.

[00:26:39]

Et ça vous oblige à aller voir après, à leur rendre visite, à faire de la com avec eux, à aller dans leur congrès.

[00:26:47]

Il y a évidemment quelques petites obligations, mais c'est normal.

[00:26:50]

C'est tout à fait normal que on rende ce qu'ils ont donné. C'est tout à fait normal.

[00:26:58]

Alors là, ça s'est super bien passé et nous avons toujours d'excellents rapports. J'ai encore vu Michel, Adrien et René, son fils. Il y a très peu de temps et on regarde ensemble une amitié. Aujourd'hui, je traîne avec James d'ailleurs, cette histoire de course contre les vents. J'ai usé d'un peu de pédagogie pour expliquer ce qu'était l'idée d'aller de l'Est à l'Ouest et le défi technique que ça représentait. Mais je n'ai pas trouvé les mots pour expliquer techniquement comment on fait pour remonter face à un vent tire des bords.

[00:27:33]

Voilà exactement. On tire des bords, c'est à dire quand on fait des zigzags, on ne peut pas faire la ligne droite. C'est pas possible parce qu'on ne veut pas remonter contre le vent avec un voilier. Donc, on part à droite, on part à gauche, on repart à droite, on part à gauche et ça augmente la distance considérablement. C'est ça.

[00:27:48]

Alors d'abord, on va beaucoup moins vite parce qu'évidemment, on est contre les vagues et contre le vent. Donc, au lieu de planer avec les vagues comme une planche de surf, on se bute contre les vagues. Donc forcément, ça va beaucoup moins vite. Et en plus, on ne fait pas la route, ce qui explique l'énorme différence entre le record à l'envers et le record dans le bon sens. Le record dans le bon sens. C'est combien aujourd'hui?

[00:28:08]

Aujourd'hui, les bateaux du Vendée Globe. Je parle pas des grands multicoques, mais les bateaux du Vendée Globe.

[00:28:14]

Ils mettent moins de 80 jours alors que vous mettez 121 jours au Mali pour le faire. C'est plus violent pour le bateau?

[00:28:21]

Ben oui, il faut que le bateau, chaque fois qu'il retombe dans une vague, il subit des chocs répétés. Et c'est ça qui est urgent encore.

[00:28:28]

C'est plus répétant pour le marin, plus fatigant pour le marin.

[00:28:31]

C'est aussi moins agréable et c'est moins jouissif. C'est à dire que ce qui se passe, c'est que quand on plane sur une vague, quand on part au planning, le bateau part à des vitesses qui sont assez amusantes. C'est la même adrénaline que je le disais sur une planche de surf, c'est à dire que le bateau se met à débouler. Et puis, on voit le Speedo qui monte 16 17 nœuds et c'est excitant. Et la vague suivante, on se dit Tiens, je vais essayer de dépasser ce que je viens de faire.

[00:28:58]

Il y a une espèce d'adrénaline, alors que là, c'est monotone. Il faut remonter. Chaque vague redescendent une par une et c'est lancinant. C'est monotone et ce n'est pas très festif. C'est pour ça qu'il y a très peu de gens qui ont tenté ce record.

[00:29:12]

Un petit point de détail, cette histoire de miroir qui a pu surprendre les gens. Vous partirez en course autrefois avec un miroir. C'était pourquoi? Pour vous raser?

[00:29:21]

Oui. C'était au cas où il en avait. Ben oui, parce que j'ai eu ce problème dans le Vendée Globe, où Tongon espèces de tube qui tient le spi. Là, il y a un tambon qui m'a cognée l'arrière de la tête et donc ça m'a éclaté un peu la peau derrière. Et évidemment, je le voyais. Je sentais le sang qui coulait. Je sentais que ça se coaguler, mais je ne savais pas du tout si c'était grave, pas grave, etc.

[00:29:49]

Je ne pouvais pas voir parce Cazeaux. Vous avez du fil pour vous recoudre? Ah oui, bien sûr.

[00:29:54]

D'ailleurs, là encore, pour le prochain événement que je vais faire, on a récemment eu tout un cours complet. Comme les concurrents du Vendée Globe pour savoir où est savoir, on doit être en autonomie, en autonomie totale. Donc, il faut être capable de réparer son bateau, mais aussi de se réparer soi même. S'il arrive quelque chose. Si on est malade. Si on se blesse.

[00:30:17]

Si on est donc dans ce Vendée Globe, là où vous êtes avec votre blessure derrière la tête et vous, vous auriez été incapable de toucher quoi, ma blessure? D'où la nécessité de dormir. Moi, je le suis par Cojer.

[00:30:30]

Bertrand de Broc. Le cercle de Brock, c'est recousu dans un Vendée Globe? Absolument. Avant de parler de votre prochain défi? Juste un mot sur la petite liberté que j'ai prise dans ce récit de vous faire jour. A deux occasions, je vous fais jouer. La première fois, c'est quand le MCA et la deuxième fois quand la quille et fédés passent que moi, dans mon esprit à moi, au moment où ça arrive, truc comme ça, il faut évacuer.

[00:30:57]

Et forcément, il faut sortir toute une bordée de jurons. Est ce que vous jouerez quand ça va mal?

[00:31:02]

Pas vraiment. Des fois, je m'engueule quand je fais une bêtise. Oui, mais vous parlez? Oui, ça m'arrive de m'engueuler. Mais par contre, je ne furent pas contre les éléments et contre. Le bateau, là, il faut réagir, il faut. On est dans l'action, donc il faut être froid. Il faut, il faut être prof de math. Les problèmes ont une solution. Quelle est la solution? Je vais la trouver. Vous avez été prof de math.

[00:31:25]

Combien de temps? 17 ans? 17 ans, donc ça n'est pas rien. Votre base et votre base rationnelle, est ce qu'il existe des moments de désespoir? Vous n'en parlez pas de saint? Non, non, non.

[00:31:40]

Je suis assez optimiste, je suis assez optimiste et j'ai toujours tendance à considérer les choses de façon positive plutôt que de façon négative, et c'est peut être pour ça que ça aide à rester jeune.

[00:31:55]

Or, justement, la question de la jeunesse. Vous vous lancez? L'idée germe, vous avez 48 ans, vous réalisez ce tour du monde incroyable à l'âge de 60 ans et vous allez repartir l'été prochain, le 1er juillet, dans une course absolument inénarrable qui s'appelle le Golden Globe. Chaque Golden Globe Challenge, qui est l'ancêtre du Vendée Globe Challenge, qui est la première course, le tour du monde en solitaire, réalisé en 1968. C'est une course que j'ai raconté à travers l'expérience qu'en a faite Bernard Moitessier, qui n'a pas franchi la ligne de départ et d'arrivée à la ligne d'arrivée, qui était reparti pour un deuxième tour du monde dans la folie.

[00:32:31]

J'ai raconté ça, non? Dans la foulée, j'ai raconté ça dans la folie. D'ailleurs, il y a un mois, vous aurez soixante treize ans quand vous engageraient cette course. Est ce que ça veut dire que le savoir et la technique peuvent compenser le physique?

[00:32:48]

Je pense que le bateau, c'est d'abord une question de morale et c'est une question d'être bien dans sa tête. Moi, je suis bien en mer. J'aime bien la vie à bord du bateau. J'aime bien soigner ce bateau pour que pour arriver sur la ligne d'arrivée, pour essayer. J'aime bien le moment de la préparation. Ce qu'on fait en ce moment avec mon préparateur.

[00:33:14]

J'aime bien naviguer vers la préparation. Ça veut dire que ça fait deux ans. Ça fait deux ans que je prépare Matmut.

[00:33:21]

Pour moi, c'est le nom du passé.

[00:33:24]

Le nom du bateau, c'est le nom de mon partenaire, qui est un bateau d'époque du genre de l'époque.

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Et les bateaux à qui longue sont les bateaux de série? Parce que tout le monde a le même.

[00:33:33]

Alors, on n'a pas tous exactement le même bateau comparable de la même série. Mais il y a des bateaux comparables qui sont 20 bateaux en tout, qui fait le même genre. Tout le monde a le même genre de bateau et donc il n'y a pas un favori plus qu'un autre parce que les bateaux vont à peu près tous à la même vitesse.

[00:33:54]

Mais la préparation, là, c'est quoi? Et bien physique. Alors? Il y a deux types de préparation. Il y a la préparation du bateau et la préparation physique, évidemment. A mon grand âge, on essaye de se maintenir et on essaye de rester en forme. Mais je pense que c'est d'abord dans la tête. On le voit bien d'ailleurs, puisque il y a des femmes navigatrice qui arrivent tout à fait aussi bien que nous.

[00:34:16]

Et pas question de force et de ce, ce n'est pas une question de muscles et beaucoup une question de tête et beaucoup une question d'optimisme, de moral et d'être bien en mer et de faire ça par choix et non pas par obligation.

[00:34:33]

Vous aurez un petit avantage dans ce Golden Globe. Anniversaire. Cinquante ans après le premier Golden Globe, c'est qu'il s'agira de naviguer à l'ancienne et qu'à l'ancienne, vous avez fait.

[00:34:43]

Oui, j'ai fait sans GPS. Évidemment, le GPS est une invention qui date des années 90. Moi, j'ai déjà traversé l'Atlantique dans la mini transat et autres sextant au sextant. Et donc, pour trouver sa position, on n'a pas une cartographie sur un ordinateur puisque l'on n'a pas le droit à un ordinateur.

[00:35:02]

On a, on va en dehors de la sécurité, qui est un élément principal dans la course où, évidemment, on a toutes les balises qu'il faut, tout ce qu'il faut pour appeler le PC course et une radio pour appeler seulement les courses, mais seulement Iridium. Oui, absolument seulement le PC course. En dehors de ça, on a les mêmes équipements que en 1968, donc on n'a pas de cartographie électronique, on n'a pas de pilote, on a un conservateur d'allure qui marche avec le vent.

[00:35:30]

On n'a pas de kevlar, de carbone, de trucs comme ça. Tout ça, c'est absolument interdit. Les deux seules choses qui sont libres dans cette course, c'est la nourriture et les vêtements. Parce qu'évidemment, on ne peut pas retrouver la nourriture de 1968, ni les vêtements non plus de 1968.

[00:35:47]

Donc, à ce niveau là, on est mieux servi que vous partirez sans appréhension. J'ai toujours une appréhension, une appréhension de casser, déjà, de ne pas pouvoir terminer. C'est pour cela que je prépare le bateau avec énormément d'attention et je soigne tous les petits détails.

[00:36:07]

Et puis, quand on part comme ça pour 8 mois, puisque la course va durer 8 mois, 250 jours, vous, rien oublié?

[00:36:17]

Rien. Il y a toujours une certaine anxiété, mais c'est aussi ça qu'on va chercher. C'est quand on fait ça. C'est parce qu'on aime l'aventure, c'est l'aventure. Ça veut dire qu'on ne sait pas comment ça va se terminer. Si on savait déjà comment ça allait se terminer, ce serait pas drôle. Là, on est 20 à partir. Peut être, on arrivera à 10. Jusqu'au Vendée Globe, il y a à peu près 50 des gens qui arrivent, peut être en sera un peu plus nombreux, peut être un peu moins nombreux.

[00:36:42]

J'espère déjà être dans ces dix là, encore et toujours gagner. Évidemment, le rêve, c'est de la gagner, évidemment.

[00:36:50]

Évidemment, la cerise sur le gâteau, c'est que j'amène ma tenue à la première place. Mais si je suis deuxième, je ne ferai pas une maladie. Si je suis troisième, ça ira très bien. Depuis 2004. En dehors des régates, etc. Il vous arrive de naviguer pour le plaisir. Bien sûr, il y a des marins qui naviguent plus anonymes, mais moi, je navigue pour mon plaisir.

[00:37:09]

On le fait avec Odile. On a loué un bateau en Grèce il n'y a pas très longtemps. Je suis allé aux Antilles avec des potes pour aller me promener. Bien sûr que je navigue et on navigue. On a fait toute une série de régates. J'en parlais tout à l'heure. Avec quelle joueuse? Je navigue pour mon plaisir. Je navigue parce que ça me plaît. Et si ça ne me plaisait pas, je ne ferais pas ça dans ma vie.

[00:37:34]

J'ai toujours fait ce qui me plaisait.

[00:37:37]

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