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La fréquence jusqu'à sandalettes. J'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup l'histoire d'aujourd'hui. Vraiment? C'est l'histoire de Marc Simoncini que vous ne connaissez peut être pas, mais vous connaissez forcément le site internet qu'il a inventé Meetic. Bonjour Marc Simoncini. Bonsoir, j'ai écrit votre histoire en me basant sur le livre que vous publiez chez Grasset, votre autobiographie, Une vie choisie. Ce que j'ai adoré dans votre histoire, c'est qu'elle raconte à la fois un parcours singulier, le vôtre et aussi un bout de l'histoire de notre planète.

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L'histoire d'Internet qui commence pour vous avec le Minitel. Et j'avoue que replonger dans les années Minitel a été un délice. C'était un peu comme une madeleine de Proust ou. Parce qu'on a l'impression que c'est de l'histoire ancienne. En vérité, non. C'était il y a trente ans seulement. Et Internet? Votre découverte personnelle d'Internet date de vingt ans à peine vingt ans. Voici votre histoire. Je l'ai écrite avec Quentin Mouchel. Réalisation Céline.

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Christophe Hondelatte. Pour raconter l'histoire de Mark. Par où commencer? Peut être par ce jour où il a eu de la chance, beaucoup de chance, c'est à dire le jour où il a eu son bac au repêchage à 19 ans, après avoir redoublé deux fois sa quatrième et sa première. Vous allez voir, c'est une histoire étonnante. L'un des plus grands patrons des années 2000 a eu son bac sur un coup de chance. La scène se passe dans la salle de classe d'un lycée de Dijon, un après midi de juin 1982.

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Ce jour là, Mark passe l'épreuve de rattrapage de mathématiques et le prof qui l'interroge au tableau a bien dû voir qu'il n'était pas dans son assiette. Et pour cause, il a la gueule de bois. Il a passé la nuit dernière à faire la bringue avec ceux qui l'ont eu. Le bac du premier coup. Imprudent, très imprudent. Marc est debout face au tableau noir. Il a la craie à la main et il doit résoudre une équation. Bon, on ne va pas y passer la nuit.

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Ah oui, alors 2x plus 5 moins 6 de moins X. Ouais, allez y, allez y! Donc je crois qu'il faut mettre au même dénominateur.

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Ouais, mais encore? Et là, silence. Bon, il vous faut quelle note pour avoir le bac? M'a dit je crois. Et là, le prof lui colle un 10 et il se tire en courant. Pourquoi une telle mansuétude? Marc le comprend quand, quelques minutes plus tard, il le croise dehors, sur le trottoir.

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Oui, jeune homme, France-Angleterre commence dans un quart d'heure. Je ne pouvais pas rater ça. Marc vient d'avoir son bac à 19 ans sur un coup de chance. Alors, maintenant qu'il a son bac, qu'est ce qu'il va faire? Il n'en a pas la moindre idée des études pas sur chacun de mes bulletins scolaires, souligne mon inadaptation chronique à l'enseignement. Ma tête est ronde, sans nuage, pleine de poèmes et de textes à pleurer. Et tout le monde s'est acharné à essayer d'y faire entrer des carrés de méchants triangles rectangles et leurs chapelets de sinus, de cosinus et de tangentes.

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Il n'a pas de projet, mais son père, qui lui a la tête bien carrée et qui est ingénieur aux télécoms, décide qu'il doit travailler. Mais où?

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Dans le BTP, les travaux publics debout six heures et demie et la journée au fond d'une tranchée à connecter des tuyaux hydrauliques. Ça dure deux mois. Ensuite, Marc devient manutentionnaire dans un dépôt à préparer des commandes à la dure pour redire sur la porte des toilettes, il y a une pancarte qui indique le temps qu'on doit passer dedans. Réflexions de Marc Quand le Code du travail réglemente la constipation, c'est que la fin du monde est proche.

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Ensuite, il part aux Etats-Unis, dans le Connecticut, faire le bûcheron et il revient quelques mois plus tard, toujours sans aucun projet d'avenir. Et un jour, ils se mettent à éplucher par ordre alphabétique une liste d'écoles privées. J'ai comme gestion, j'ai jamais su contrer H comme hôtellerie. Ah non, non, pas pour moi, I comme informatique. Au début des années 80, il ne sait pas vraiment ce que ça veut dire, mais il trouve que ça sonne bien.

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Informatique et donc, à la rentrée suivante, il s'inscrit à ICI l'École supérieure d'informatique de Montreuil, en banlieue parisienne, pour devenir programmateur. Et la programmation? Assez vite, ça lui plaît. Le samedi, il se met à courir les magasins, à tester le Z, W 81, le Spectrum ou le Commodore 64. Je passe mes soirées à programmer un dictionnaire de rimes qui me pont tout seul, des poèmes colorés pour le jour où je croiserait une fille que je pourrais aimer.

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Les mois passent et deux ans plus tard, Marc se retrouve en stage dans une entreprise de télématique, Énergie Vidéotex, à Boulogne-Billancourt. Une boîte qui crée des programmes pour le Minitel ne rigole pas. C'est ce qui va faire sa fortune. Le 36 15.

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Chez Énergie Vidéotex, où il fait son stage, où règne une ambiance de start up, ils sont 15 à usiner sur des ordinateurs clope au bec, à concevoir des programmes pour le Minitel. Pas de hiérarchie, on ne compte pas ses heures et on tire à coups de pizza et de vodka au poivre. Tout ce que Marc adore à la fin de son stage, il reste. Il ne sait pas de quoi est fait l'avenir, mais il a trouvé sa voie.

[00:06:25]

Ça, c'est sûr.

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En ce moment, avec les autres, ils planchent sur un projet de jeu d'échecs sur Minitel et ils butent sur un problème. Ils n'arrivent pas à empêcher les joueurs de tricher et ils trouvent une parade qui va faire leur célébrité. Ils créent ce qu'on appellerait aujourd'hui un Chahed, une messagerie instantanée qui permet de s'envoyer des messages entre joueurs. Genre T'as triché ou Je t'ai vu dans la foulée. Le jeu rencontre un succès incroyable et du coup, France Télécom leur demande d'organiser une démonstration pour British Telecom.

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Venez avec moi assister à cette rencontre parce qu'elle va être déterminante. L'un des Anglais teste le jeu, il déplace un pion d'échec et il attend le patron de la boîte. Edmond lui dit. Vous allez voir, c'est très sympathique, un petit message, ça, ça rend les choses très convivial et en plus, ça permet de progresser. OK, l'Anglais attend toujours qu'à l'autre bout du Minitel, son adversaire bouge son pion. Rien ne se passe et donc il lui envoie un petit message C'est à vous, j'attends.

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Et là, il demande le français, dit Vous allez voir, il va vous répondre, qui réfléchit à sa défense? Peut être une défense indienne ou alors une ouverture espagnole? Et là tombe la réponse de l'adversaire. Michel, très bien monté, cherche une jument libérée pour chevauchée sauvage et éclat de rire général. Et là, tout le monde comprend le succès de ce jeu d'échecs. Ce n'est pas le joueur, c'est sa messagerie. C'est une invention dont il ne mesure pas d'ailleurs tout de suite le potentiel commercial.

[00:08:14]

Enfin, c'est quand même rentrer dans la tête de Marc, laisser lui mouliner tout ça. Et dans quelques années, il en fera quelque chose. Il en fera le Minitel rose. Mais n'allons pas trop vite. En attendant, à force d'observer son patron, Marc se sent pousser des ailes d'entrepreneur. Pourquoi enrichir les autres avec son talent? Il semble que le Minitel, c'est l'avenir. Dans pas longtemps, il en est sur toutes les radios, tous les journaux, toutes les télés.

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Tout le monde va vouloir son 36 15, donc il va monter sa boîte. Un jour de 1985, hasard de la vie, Mark a 22 ans et il a rendez vous pour un tennis avec un copain, mais le copain est malade et il envoie à sa place son père. Et après le match, tous les deux, ils vont boire un verre. Tu fais quoi exactement dans la vie? En fait, je monte ma boîte. Ouais. Dans quel domaine?

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Dans la télématique. En réalité, pour le moment, il ne montre rien du tout. Il bluffe un peu, mais il embraye.

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Je pense que beaucoup de gens vont vouloir lancer ou éditer des services Minitel. La Presse, par exemple. Si elle ne s'adapte pas, elle va perdre une grande partie de son business. Ça partira on line. Les petites annonces, la météo et pourquoi pas les news elle même. Alors, je crois que si on se spécialise dans le développement sur mesure des serveurs Minitel, les clients vont débouler. Ouais. Le père du copain roule des yeux ronds. Je n'ai rien compris à votre truc.

[00:09:58]

Ça a l'air super, j'investis avec toi, c'est dur. Pourquoi a t il dit? Oui. Pourquoi ce post était il malade ce jour là? Je ne sais pas s'il avait plu. Ça aurait été quoi, mon destin? Ils sont dingues. C'est Carrefour que la vie glisse sous nos pas. Et voilà donc Mark, PDG de sa première boite, la CTB Communication télématique de Bourgogne. Je vous rassure, c'est le père de son copain devenu actionnaire qui a insisté pour qu'il y ait Bourgogne dans le nom.

[00:10:38]

Et un jour, dans une poubelle, Marc tombe sur un numéro du bien public. Le journal de Bourgogne qui lance un appel d'offres pour la création d'un serveur Minitel Ouareau. Il s'achète un Macintosh 128 kilooctets. Mort de rire! Et pendant les trois jours et les trois nuits qui suivent, il écrit sa proposition des schémas techniques, des fonctionnalités, des synchronisation en ttj grecs asynchrones. Il en jette quoi? Il doit remettre son enveloppe à minuit dernier délai.

[00:11:13]

Il saute dans sa Renault 5 TS en ruine à Paris et il fonce vers Dijon.

[00:11:18]

Il arrive juste après minuit et il serinent le veilleur de nuit du bien public pour qu'il accepte de signer. Qu'il est minuit et à la fin, il remporte son premier marché. Et pour cause, il était le seul à participer à cet appel d'offres.

[00:11:51]

Sauf que le propriétaire du bien public, le baron Thénard, est un peu méfiant. Il réclame de visiter les locaux de la CTB ou la. Ils ne sont que deux salariés. Lui et Luc, un copain qui n'est pas du tout dans l'informatique, mais dans la gestion. Ils vont passer pour des branquignols et Marc appelle tous ses potes à la rescousse.

[00:12:12]

Tous ceux qui ont un ordinateur. Salut, j'ai un truc à te demander. Tu pourrais pas venir à ma boite demain après midi avec ton ordinateur à tu l'instal. J'ai la visite d'un gros client. J'ai besoin qu'il y ait de l'activité, tu vois? Le baron arrive avec ses sbires. Ils sont faciles à duper. Ils n'y connaissent rien et pendant toute la visite, Luc sort régulièrement pour aller dans une cabine téléphonique à côté et il appelle la CTB pour faire croire qu'il croule sous les clients, ce qui permet à Marc de jouer les patrons débordés.

[00:12:52]

Mais à la fin de la visite, la commande est confirmée. Un million de francs.

[00:13:04]

Mais il y a un souci, ou plutôt deux. D'ailleurs, Marc n'a pas un ordinateur assez puissant pour se lancer dans la création de cette page Minitel pour le bien public. Il tente de s'en faire offrir un gratos par Motorola, mais ça ne passe pas. Et donc, il est obligé de faire un crédit. Deuxième souci il n'est pas un bon programmateur. Pas assez, en tout cas, pour se lancer dans ce marché tout seul.

[00:13:28]

Alors, il appelle le directeur de l'Université d'informatique de Dijon. Bonjour monsieur! Voilà, je dirige une société de télématique, la CTB, et je cherche un programmateur. Vous auriez parmi vos étudiants un gars qui sache programmer sous Unix.

[00:13:43]

Les succès. C'est à dire je ne vais pas vous mentir, mes étudiants ne sont pas au niveau. En revanche, mon fils pourrait très certainement faire l'affaire. Le fils s'appelle François. Il a dix huit ans, mais c'est un petit génie de l'informatique. Malheureusement, il tombe malade.

[00:14:05]

Il n'est pas clair, il est cloué au lit. Et la marque se dit Bah, c'est! Mais dix jours plus tard, coup de fil du gamin arménien. Comment ça, Gary? Non, j'ai terminé ce que tu m'avais demandé gestionnaire de fenêtres.

[00:14:27]

Quand je vous disais que Marc Simoncini avait de la chance, il a trouvé sa perle rare et le jeune François devient son directeur technique. Le 36 15 bien public est créé, suivi par d'autres et tous tous veulent côté leur messagerie rose, celle du bien public s'appelle Bigoudis, dont la montre une jeune fille embrassant d'un regard lubrique une grappe de raisin. Et la CTB compte maintenant une dizaine de salariés dans une grande villa à Chevigny-Saint-Sauveur. Pour le moment, Marc ne se dégage pas un salaire mirifique, même pas ce qu'il gagnait dans son premier job de programmateur.

[00:15:11]

Mais il est heureux. Il peut passer des jours et des jours enfermé dans sa boîte. Son record, c'est 40 jours sans mettre un pied dehors. Et puis, un jour de 1989, patatras! Un gros client suisse ne peut pas payer l'addition. Un million de francs suisses, c'est la banqueroute. Dépôt de bilan. La CTB est liquidée.

[00:15:34]

Marc n'a plus rien. Plus de job, plus de locaux, plus d'employés. Il est de retour à Paris. Il lui reste vingt mille francs. Et avec ça, il crée une nouvelle société, Option innovation. Et il a une idée pour utiliser un militaire, il faut qu'il soit branché. Il faut qu'il soit connecté à la ligne de téléphone et ça coûte cher. Alors, pourquoi ne pas créer un petit boîtier électronique branché sur le Minitel et qui comprendrait un processeur et de la mémoire?

[00:16:04]

Et qui transformerait donc le Minitel en un petit ordinateur qui fonctionnerait hors connexion? Ce boîtier, il l'appelle Le Moustey. C'est le jeune François qui le développe et Marc qui le commercialise. Et ça marche. Il ne fait pas fortune, mais ça marche. À côté de ça, il reprend une activité d'hébergeur sur Minitel et il se trouve par exemple à héberger l'un des plus gros serveurs français 36 15 quai.

[00:16:35]

Mais en 1997.

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Nouveau coup dur à la suite d'un cafouillage. L'un de ses clients lui intente un procès et après négociation, il est obligé de lui céder sa boîte Options Innovation pour 1 franc. Et il s'engage à ne plus développer de messagerie sur Minitel, ni d'ailleurs sur Internet, qui est encore balbutiant au moment de signer mardi. Dis donc! On pourrait pas enlever Internet du champ de la non-concurrence. Et là, le type se marre. Ouais, ouais, de toute façon, Internet, ça ne rapportera jamais rien.

[00:17:12]

Un visionnaire, ce monsieur et un coup de génie de la part de Marc. Mais en attendant, il est sur la paille. Il avait oublié, mais il y a quelques temps, il avait déposé une annonce sur un site Minitel. Il cherchait des investisseurs, un certain Thierry Lappelle.

[00:17:30]

Bonjour, voila, je cherche à investir dans des projets sur Internet. Vous avez des projets sur Internet? Mais oui, oui, oui, bien sûr. Bien sûr, vous vous tombez bien. Je travaille justement sur un projet Internet. Laissez moi encore 10 jours que je peaufine et je vous le présente. Il ment, il ment comme un arracheur de dents qui n'a aucune idée, en vérité aucun projet, il ne connait rien à Internet. Mais il va s'y mettre en.

[00:18:08]

En 1997, je vous le rappelle. Internet est balbutiant et Marc Simoncini, tenez vous bien, n'a jamais surfer sur un site Internet. Mais il ne sait pas ce que c'est. Il a dix jours pour pondre un projet. Alors, il s'écoule jour et nuit et il découvre le réseau Mosaïque et le codage HTML. Et il a l'intuition que ce truc Internet va changer le monde mieux que ça, que la publicité va finir par gagner. Cet Internet.

[00:18:46]

Alors voilà son idée il va créer un site d'hébergement qui va héberger d'autres sites, de plus en plus de sites à qui il fournira de la publicité. Il propose ça à Thierry, son investisseur. L'autre met un million de francs sur la table et il crée une société à 50 50. Option. Et voilà comment le site iFrance voit le jour. Les débuts de notre couple professionnel avec Thierry sont lunaires. Ils se pointent au bureau, raide dans son costume sombre et chaussé de pompes à glands, au milieu des T-shirts usés et des d'Égine troués des gars du Web.

[00:19:29]

Je vais devoir me le coltiner jusqu'à la fin de l'aventure et je commence à trouver le temps un tantinet longuet pour développer son site. Marc a besoin d'embaucher. Et en 1997, les gars compétents dans le domaine du Net, ça ne court pas les rues. Un jour, par exemple, il teste un commercial. Le type est hyper concentré, il ne lâche pas son écran des yeux et ça dure des heures.

[00:19:54]

Tout va bien. C'est à dire je ne peux pas bouger au cas où animez Larrieu. Faudrait pas que je loupe. Le type pense que s'il n'est pas là pour intercepter les emails, c'est fichu que Limeuil va s'envoler. Voilà ce qu'est Internet en 1997. Terra incognita.

[00:20:16]

Mais dès 1998, iFrance est dans le top 15 des sites les plus visités en termes de revenus. Pour le moment, c'est pas folichon, mais les financiers ont compris le potentiel. Et en 2000, deux ans plus tard, Vivendi rachète iFrance pour, tenez vous bien, 182 millions d'euros. C'est la fameuse bulle Internet du début des années 2000. Marc Simoncini reste dans la boîte, le temps de passer les rênes. Il a 38 ans et, en théorie, il est suffisamment riche pour se mettre à la retraite.

[00:20:52]

Sont relevés bancaires personnels affiche 45 millions d'euros. Marc est riche, mais il vérifie que cet argent ne fait pas le bonheur. En quittant iFrance, il fait une dépression, une vraie, une grise, une glauque, celle qui vous coupe l'envie de se lever le matin et que même les sourires ne parviennent plus à masquer aux inconnus. Il n'a plus de projets. Un jour, il lit un article dans le journal à son sujet. Un article qui se termine comme ça.

[00:21:29]

Simoncini recréera peut être une nouvelle entreprise, mais elle ne vaudra sans doute jamais 182 millions d'euros.

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C'est sa femme qui lui dit Qu'est ce qui empêche d'en créer une autre?

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Elle vaudra peut être rien. Peut être 140. Pourquoi pas 500? Mais on s'en fiche. Elle te rendra heureux.

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Et se met à chercher une idée. Et voilà à quoi il arrive. Autour de lui, ça divorce à tout bout de champ. Ses trois meilleurs amis sont célibataires, mais ils sont trop vieux pour sortir en boîte de nuit. Alors la voilà son idée. Il va créer une boîte de nuit virtuelle et dont l'entrée sera chère. Parce que si c'est cher, ça veut dire que le service est de qualité. Et en avril 2001, c'est le lancement de Meetic.

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Les années passent et Mitic devient incontournable avec des aléas à deux ou trois fois par semaine. Les gendarmes se pointent au bureau pour des histoires de vols de cartes de crédit parce que six fois sur dix, monsieur va sur Mitic dans le dos de madame. Et quand elle voit, écrit Meetic sur le relevé bancaire, il dit qu'on lui a volé sa carte. En septembre 2005, Meetic entre en Bourse. La suite, c'est la conquête de l'Europe. Meetic devient le plus gros site de rencontres d'Europe.

[00:22:50]

J'ai choisi un beau matin une route compliquée, un métier pour lequel je n'avais ni compétences ni formation. Ce chemin m'a permis de vivre des aventures incroyables. Il m'a donné la chance de vivre une vie choisie et il m'a enfin peut être mener à moi même.

[00:23:11]

Voilà pour votre histoire.

[00:23:12]

Marc Simoncini a résumé, j'en conviens, un résumé, mais bien résumé.

[00:23:17]

Merci. Vous avez 56 ans, alors je me suis demandé pourquoi vous avez eu envie, à 56 ans, de raconter votre propre histoire. Est ce que c'est de la fierté?

[00:23:28]

Oh ben, pas du tout. En fait, j'avais un ami éditeur chez Grasset qui me disait toujours Il faut que tu raconte l'histoire de Meetic et je disais pourquoi pas? Parce que c'est reste un bel exemple d'entreprise en France, qui a réussi à devenir numéro un mondial exacto comme numéro un mondial. Et puis moi, mon moment, mon karma, c'est d'aider les jeunes et de les inciter à créer des entreprises en France. Donc, j'avais cette idée de raconter Meetic, mais comme éthique.

[00:23:51]

Et puis, il a été très fort parce qu'il m'a dit Tu sais, tu racontes Meetic, mais ça serait bien de savoir ce que tu as fait avant parce que sinon, tu cerne pas ce que tu vas faire après. Et puis, il faut que tu mettre plus de personnes. Et puis voilà, de fil en aiguille, mais je vais vous raconter la vérité. De fil en aiguille, je me suis trouvé une espèce de biographique complètement ridicule qui va intéresser vous qui avait écrite alors la première fois, ça a été écrit par un journaliste.

[00:24:10]

Et puis quand? Luc Le Vaillant, qui avait fait un truc génial.

[00:24:13]

Mais ce n'était pas moi. Et j'ai dit que je ne voulais pas que ce livre sorte. J'y ai joué, réécrira. J'ai pris trois ans de plus. Et puis, quand il a été terminé très récemment, j'ai dit à Grasset Ecoute, tu sais quoi? Je ne vais pas le sortir parce que je ne le vois pas sur un plateau en train de parler de ma vie. Je ne peux pas faire ça. Je pressentais sans aller voir.

[00:24:29]

Le truc qui est drôle, c'est que je dis écoute, je veux bien le faire, à une condition que tu ramènes tous les bouquins qui ont été distribués et tu mets un bandeau Les dessous de Mitic. Parce que si je vais sur un plateau parler de Mitic, ça me va.

[00:24:39]

Mais si je vais sur un plateau parler de ma vie, c'est très difficile.

[00:24:42]

l'Arabe n'est les livres et on a rajouté ce bandeau ridicule Les dessous de Bétique. Et là, j'ai déjà tenu ma promesse et je suis venu parler de ça, notamment parce que je donne tout ça à une association.

[00:24:51]

Je pressentais ça. Ça transparaît dans votre livre, vous parlez de vous, mais on sent que ça vous gêne un peu. Qu'est ce qu'on peut tirer comme leçon au fond de votre histoire? Que la vie, c'est nos limites.

[00:25:05]

C'est à dire que quand vous lisez le livre et que vous vous lisez le titre, j'ai cru que j'avais choisi ma vie et que finalement, le métier d'entrepreneur était un métier formidable où on n'allait jamais chez le coiffeur le samedi parce qu'on pouvait aller quand on voulait. En réalité, on va toujours chez le coiffeur le samedi ou on ne va pas chez le coiffeur est donc le titre de la vie choisie montre bien que je n'ai rien choisi du tout. Ben oui, je suis parti sur ce truc là et que ça m'a emporté.

[00:25:26]

Et que la leçon, c'est que c'est ça que je donne aux jeunes aujourd'hui, c'est que personne ne sait si il va être entrepreneur ou pas. On ne sait pas. Avant, il n'y avait rien chez vous.

[00:25:34]

N'avez aucune regret. N'était pas entrepreneur, personne. Cet esprit d'entreprenariat, comme on dit aujourd'hui, n'existait pas.

[00:25:40]

Et en fait, la seule qualité qu'il faut pour avoir une des qualités importantes, c'est la résilience. Il faut supporter le nombre de fois où on tombe. Il faut se relever et continuer. Et ça, avant de l'avoir fait. On ne sait pas si on l'a. Donc, bon conseil aux jeunes. Mais maturer une idée, soyez sûrs que cette idée est bonne et partez sur cette route là. Neuf sur dix échoueront. Neuf sur dix ne recommenceront pas.

[00:25:58]

Mais de temps en temps, il y en a qui ne soit pas échouer. C'est assez rare, soit se relever suffisamment de fois pour faire un succès. C'est ça, la morale de cette histoire, c'est qu'on ne sait pas si on l'entrepreneur ou pas avant d'avoir.

[00:26:09]

Parce que ceux qui traversent votre vie, c'est quand même beaucoup de chance. Au fond, vous avez de la chance quand vous avez votre bac. Vous avez de la chance quand le père de votre copain vous vous aide à créer la CTB, vous avez de la chance. Quand François tombe du ciel, vous avez de la chance quand Thierry vous force en quelque sorte à foncer dans Internet. Et vous avez de la chance quand Vivendi vous rachète cette boite à un prix démentiel.

[00:26:31]

Donc, le titre de votre livre, c'est J'ai de la chance.

[00:26:34]

En vérité, oui, mais sauf que la chance, statistiquement, elle est répartie de la même manière auprès des gens. C'est qu'une image en français, tout le monde est au bord d'acquêts. Ça, c'est la vie. Y'a des trains qui passent dans ses trains. Il y a une porte ouverte à toutes les autres sont fermées et il faut sauter dans le train ou rester sur lequel la plupart des gens restent, sur lequel les entrepreneurs, de temps en temps, y sautent.

[00:26:50]

Et il y a des entrepreneurs qui ratent la porte parce que c'est très difficile d'avoir une porte ouverte. On rebondit, tombe, sur lequel j'ai sauté, sauter, sauter. Et puis j'ai fini par trouver une porte ouverte. Est ce que j'ai eu de la chance? Ou est ce que j'ai sauté de manière inconsciente autant de fois qu'il fallait? Je pense que c'est entre les deux. Tout le monde, normalement, à peu près le même potentiel de chance.

[00:27:10]

Vous écrivez Ma tête est ronde, façon nuage, pleine de poèmes et de textes à pleurer. C'est ça que vous êtes adolescent? Et là, il n'y a rien qui laisse présager du chef d'entreprise. Rien, rien, rien. Mon père était ingénieur et quand il présentait ses trois enfants à des amis, il disait Mon frère Daniel, ingénieur arts et métiers, Isabelle, ma soeur, un billet finance à Washington. Des marques poète.

[00:27:38]

Parce que vous étiez vraiment sain.

[00:27:40]

Parce qu'il n'y a que ça qui m'intéressait. Les mots, la littérature, les livres religieux ne m'intéressait qu'à ça. J'écoutais Brel, Ferré. Je faisais des logiciels qui écrivaient des poèmes.

[00:27:51]

Oui, j'ai lancé un dictionnaire de rimes qui, pour écrire des poèmes incroyables, c'était vraiment une catastrophe.

[00:27:57]

Mais voilà, j'aurais pu faire à Vu qui misait sur mon argent en Bourse. Je n'avais pas d'argent, mais maintenant, je faisais des poèmes. C'était complètement ridicule et j'avais absolument rien qui pouvait laisser présager que j'allais faire ce métier. Mais rien.

[00:28:08]

Alors, c'est le moment de vous dire que votre livre est extrêmement bien écrit, que vous avez une plume, c'est à dire que ça n'est pas qu'un récit autobiographique. C'est un peu de la littérature, même peut être innocent.

[00:28:17]

J'aurais au moins faire ça fait ça. C'est un encouragement à en faire un autre.

[00:28:22]

Vous choisissez vraiment l'informatique parce que ça sonne bien?

[00:28:27]

Bah oui, parce que franchement, alphabétiquement. Et puis j'en avais toujours entendu parler de ce mot. Mon père disait L'informatique, c'est formidable. Je sais pas qui parlait d'un course de cheval, mais je trouvais ça chouette. Et quand j'ai entendu le mot, j'y tiens, ça me parle. Et voilà. Et quand je suis arrivé le premier jour, j'ai vu que c'était des ordinateurs. Ben, c'est pas possible. Parce que franchement, moins poétique qu'un ordinateur, il n'y a pas quoi.

[00:28:47]

Alors, quand vous vous lancer dans dans cette aventure du Minitel chez Énergie Vidéotex, on sent que d'emblée, il y a un truc qui vous, qui, qui vous plaît, c'est l'ambiance qu'on va appeler l'ambiance start up. Pile à ce moment là, d'ailleurs, où dans les années qui vont suivre, c'est à dire le fait qu'il n'y a pas de hierarchie.

[00:29:02]

Le fait qu'on bosse sans compter ses heures et le fait qu'on mange de la vodka, ouais, c'est surtout que si on n'était pas dans les cases, c'est à dire que moi, à l'école, ça a été insupportable pour moi parce que j'étais dans des cases, parce qu'on me demandait de faire entrer des caret dans une tête qui n'était pas. Et j'ai beaucoup souffert de ça dans la start up. Il n'y avait pas de hierarchie, on faisait ce qu'on voulait, mais en plus, ça permettait que l'école ne permet pas.

[00:29:23]

C'était d'imaginer parce que le numérique, ce qui est formidable, c'est que tout est possible. Que si on vous avait dit il y a 20 ans, qu'un jour on allait parler dans un téléphone et que ça allait envoyer un texte, vous l'auriez cru? Non, il n'y a qu'à dire qu'il a imaginé et puis qu'il l'a fait. Et donc, c'est un territoire de liberté absolue. Le numérique, parce que la technologie et une telle puissance, qu'il n'y a pas de limite ou quasiment pas de limites.

[00:29:41]

Alors j'avais un endroit où je n'avais pas de case et en plus, où la liberté d'imaginer était énorme. C'était l'inverse de l'école. Et donc, là où je végétait dans un pot de fleurs, je me suis retrouvé dans une forêt enchantée avec des copains et on a créé des univers. On a créé des mondes, on a créé des jours, on a des tas de trucs et ça, c'était ma route.

[00:29:59]

l'École aurait pu vous amener à planter votre vie? Manifestement, oui. Plusieurs fois, oui, parce que vous coller pas au système, on ne comprenait pas.

[00:30:08]

J'étais parti avec un ou deux ans d'avance. Je crois que j'ai fait deux ans de retard. Je n'avais pas du tout quoi.

[00:30:12]

C'est vertigineux comme constat. Ça veut dire que des tas de gens comme vous sont passés à côté de leur vie à cause de ça.

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Oui, mais maintenant, on s'en rend compte. Et je prends l'exemple de l'école de Xavier Niel 42, qui est en train de former les meilleurs informaticiens, de très bons informaticiens en France. C'est une école dans lequel le bac, les études n'ont aucun intérêt et aucun sens. On ne regarde pas les diplômes, mais nous, quand on embauche des gens, on regarde pas vraiment leurs diplômes, on regarde la prison, ce qu'ils font, comment il programme.

[00:30:35]

Donc, on est quand même un peu sorti de ça, le numérique assorti de ça. Mais oui, il y a eu certainement tellement de gens qui ont dû souffrir de cette éducation qui n'était pas faite pour eux. J'écris dans le livre, d'ailleurs, je n'en veux pas à l'Education nationale. J'en veux juste pas avoir appris à apprendre.

[00:30:48]

Alors évidemment, il y a cette anecdote qui est absolument délicieuse. Vous êtes en stage chez Énergie Vidéotex et vous participez à cette équipe qui crée ce jeu d'échecs et qui, pour pallier un problème de, est un problème de programmation. En vérité, invente le théâtre, mais sans vraiment voir sur le moment que l'avenir d'Internet. En fait, c'est le Tchad qu'on fera des SMS, qu'on se parlera en instantané, comme ça, personne ne le voit, même vous.

[00:31:12]

Non, on ne voit pas.

[00:31:13]

Ce qu'on voit, c'est que les serveurs sautent parce qu'il y a tellement de gens qui jouent aux échecs que les serveurs qui mettent quatre personnes qui jouent et surtout S-400. Qu'est ce que t'as inventé pour que les gens? Joe's Déjà, j'en sais rien.

[00:31:22]

Et jusqu'à ce que l'anglais vienne me faire cette expérience. Et puis surtout, mon programme. Voyez bien qu'il y avait un énorme trafic, mais qu'aucune pièce ne bougeait. Je me disais il y a un problème, ça ne marche pas.

[00:31:31]

Fait, je vois que les gens bougeaient pas du tout les pièces du château du Minitel. Et c'est là que vous comprenez que le sexe doit être au cœur à la fois du Minitel. Parce que 40 pour cent de l'activité du Minitel à la fin de la grande période du Minitel était constitué par les 36 15 de sexe.

[00:31:46]

Mais moi, je ne l'ai pas compris parce que si je l'avais compris, j'aurais monté mes 36 cases roses et j'en aurais bien profité. En fait, mon truc, c'était de développer des programmes et j'ai fabriqué les programmes pour les gens qui exploitaient comme un abruti, j'ai laissé passer tous les trains.

[00:31:57]

Qu'est ce qu'on conclut de ça, d'ailleurs? Parce que ça veut dire que l'homme a une bite dans la tête.

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Vous savez, on dit qu'il s'est beaucoup vendu de voitures aux Etats-Unis dans les années 50 parce que c'est le seul endroit où les gens pouvaient faire l'amour au calme. Bon ben, les salles de cinéma appareillent, les gens allaient s'embrasser dans les cinémas et le Minitel. Ensuite, c'était comme ça. Internet, c'est le porno, c'est quand même beaucoup. Bon, voilà, il y a toujours cette dimension. Dieu merci, on fait. Je voudrais qu'on parle de ces mensonges que vous avez pratiqué à plusieurs reprises tout au long de votre carrière.

[00:32:27]

La première fois que vous mentez vraiment, c'est quand vous dites à haut type du bien public que vous êtes capable de lui faire son 36 15 bien public. Vous mentez vous? Le fait?

[00:32:40]

Est ce que ça, du coup, à l'avenir, changer votre regard sur les gens qui mentent? Est ce que vous êtes tolérant avec les gens qui vous ont menti depuis?

[00:32:46]

Non, ce n'est pas du mensonge. Le business, c'est beaucoup de bluff, c'est du bluff. Si vous achetez votre voiture, si vous voulez avant de Cherves, vous allez me dire que vous avez mis de l'avant. C'est du bluff. Ce n'est pas un mensonge, c'est du bluff. Tout le business, c'est du bluff.

[00:32:57]

D'ailleurs, vous avez un site de poker.

[00:32:58]

J'ai aussi essayé, mais je ne joue pas.

[00:33:03]

Pratique. Mais c'est vrai que on est obligé de bluffer avec quelqu'un qui vient vous acheter. Vous savez, vous demandez à quelqu'un de refaire votre cuisine et vous le demandez s'il est capable de le faire pour mardi. Ça m'étonnerait qu'il y en a beaucoup qui vous disent que non.

[00:33:13]

Et puis, l'odeur viendra de moyen torpillant dans deux mois plus tard. Dans le business, c'est du bluff.

[00:33:17]

Mais ça, ça vous a intérêt à être à être plus patient avec tous les bluffeur que vous avez croisés dans leur carrière?

[00:33:22]

J'en vois tous les jours. Et puis, les gamins qui aujourd'hui me font financer leur startup, leur business, sont toujours beaucoup plus beaux que ce qu'ils disent leur business plan. Pardon, ça fait partie du jeu, mais c'est pas franchement dans le business, c'est usuel, c'est usuel.

[00:33:37]

Alors quand vous vous lancez dans l'internet, c'est là encore à la faveur d'un bluff. Thierry, vous dis moi, j'ai de l'argent, mais je n'y connais rien Internet. Vous vous devez sans doute connaître quelque chose Internet et vous répondu oui, j'ai un projet. D'ailleurs, je vais vous le présenter dans dix jours. Vous n'avez vraiment, à ce moment là, en 97, jamais surfer sur Internet.

[00:33:56]

Jamais je ne l'ai fait une nuit comme ma fille aînée 97. Elle était sur mes genoux. Je donnais le biberon à 3 heures du mat et j'ai dit merde alors que j'allais voir sur Internet quand même. Donc j'ai ouvert mon ordi. D'ailleurs, j'étais expert pour taper d'une main parce que j'avais le bébé. Le biberon tapait de l'autre main et j'ai découvert Internet. J'ai téléchargé le premier navigateur Mosaïc. Je me suis connecté. J'ai vu cette page s'afficher et là, j'ai vu une bannière de pub vidéo lol.

[00:34:18]

Ça, ça va changer le monde.

[00:34:19]

La pub, la première pub sur une première page, ça va être un truc énorme.

[00:34:23]

Internet, ce qui est vertigineux quand on écoute votre histoire, c'est que tout ça n'a que 20 ans.

[00:34:30]

Ça paraît tellement vieux. Même vous, ça suffit.

[00:34:34]

C'est même pour vous. C'est vertigineux, c'est à dire que c'est aller à une vitesse incroyable.

[00:34:39]

La technologie, puisque ça crée aujourd'hui comme un bouleversement sur la planète dans ce secteur, est vertigineux.

[00:34:47]

Alors vous racontez extrêmement bien cette aventure qui vous a enrichi ce site iFrance, qui était un hébergeur pour d'autres sites, qui vous a permis de vendre de la publicité et son rachat par Jean-Marie Messier, à l'époque le PDG de Vivendi, au cœur de ce qu'on a appelé la bulle Internet. Il faut qu'on s'arrête deux secondes là dessus. Parce que est ce que ça valait 182 millions d'euros? Est ce qu'ils l'ont valorisé à ce niveau après?

[00:35:11]

Non, ça valait évidemment pas ce prix là. Ça valait ce prix là parce que quelqu'un d'autre le voulait aussi. Je prends toujours l'exemple d'un briquet. Un briquet, ça vaut rien. Un euro. Mais si vous êtes dans la forêt en pleine nuit, avec des loups autour, vous allez payer le briquet.

[00:35:23]

Un milliard. Bon, ben voilà, moi, j'étais le briquet des années 2000.

[00:35:26]

J'allais un euro, mais des gens avaient besoin de ça pour valoriser Vivendi, pour valoriser parce qu'il était à la bourre sur Internet, parce qu'il fallait avoir de l'internet, parce que j'avais un gros trafic, parce que tout le monde supposait à juste titre que le trafic Internet est très cher. Après, on s'est trompé de 15 en 10 ans, mais avant tout, on ne s'est pas trompé de sens. C'était le sens de l'histoire que le trafic valait cher et donc ils ne se sont pas trompés après les prix.

[00:35:48]

Mais vous savez, ils ont acheté ça 282 millions, mais ça a peut être fait augmenter la valeur de Vivendi de 3 milliards. Peut être que tout ça, c'est du jeu à somme nulle et des valeurs relatives. C'est la fameuse histoire du germanique.

[00:35:59]

Ce n'est pas relatif, finalement. A ce moment là, c'est 45 millions sur le compte tout de suite. J'ai donc tout fait pour perdre très vite et j'ai très bien fait ce que vous avez très bien fait. Ce qui m'a intéressé, c'est qu'à ce moment là, parce que ça vient évidemment corroborer une idée largement répandue selon laquelle l'argent ne fait pas le bonheur. Mais vous faites une dépression. On s'attend pas à ce qu'un type qui vient de prendre 45 millions d'euros fasse une dépression.

[00:36:24]

Il y a une déconnexion.

[00:36:25]

On devrait s'y attendre parce que c'est le syndrome de l'usurpateur. Si je vous Vandenbroeck, un milliard gens de chez moi en disant c'est super, j'ai gagné 1 milliard en plus. Un pauvre mec était dans le bois. Je n'avais pas beaucoup Minck. Oui, mais c'est une image, celui qui était dans la forêt. Vous avez un vrai problème avec ça. Ça dépend de comment vous êtes. Votre rapport à l'argent? Mais moi, franchement, j'ai mal vécu ça.

[00:36:46]

J'ai considéré que je méritais pas ça, que c'était pas un scandale. Mais enfin, c'était inconscient. J'étais ravi d'avoir tout cet argent, mais inconsciemment, je n'en voulait pas et je l'ai jeté.

[00:36:57]

Oui, parce qu'en fait, c'est 45 millions. Je vous disais c'est pas la peine d'avoir deux projets. Marc, c'est bon, ta vie est assurée jusqu'à la fin et celle de tes enfants après, et probablement celle de tes petits enfants.

[00:37:07]

Bah, c'était le double problème, c'est que j'avais cette culpabilité, entre guillemets, d'avoir gagné de l'argent aussi facilement, même si j'ai oublié les années de galère qui ont précédé ça. Et puis surtout, ça me couper les ailes. Pour mon nouveau projet, on n'a jamais vu un loup courir le ventre vide, le plein que j'avais le ventre plein. J'avais envie de créer. J'avais ce double problème là et ça a été la double lame qui m'a fait tout perdre pour pouvoir enfin recommencer.

[00:37:28]

Cette phrase dans le journal Simoncini créera peut être une nouvelle entreprise, mais elle ne voudra pas 182 millions de francs, ce qui était en regard extérieur à cette affaire extrêmement cruelle d'euros. C'est parce que cette phrase vous a piqué au vif que vous rebondissaient, je crois. Je crois que j'ai été vraiment. C'était complètement con comme phrase. Elle valait 182 millions et refera pas une qui vaudra 182, mais elle peut valoir 180 ou 184.

[00:37:51]

Ça répète beaucoup, mais elle m'a touché. Je me suis dit Mais pourquoi il dit ça, celui là? Qu'est ce qu'il en sait?

[00:37:57]

Je vous rappelle toujours un peu comme un défi qu'on vous lance. Ouais. Et puis je l'ai gardé. Je dis merde, je ne l'ai pas vu et ça m'a peut être pas entrepreneur. Et se relever, il faut quand même avoir un ego. Je pense que là, pour le coup, ça a piqué mon ego et ça m'a aidé.

[00:38:08]

Vous avez bien fait de raconter votre vie, monsieur Simoncini, parce que c'est bien intéressant. C'est gentil. Si vous aviez un doute? Merci. Je vous rassure en votre livre, je le rappelle, s'appelle une vie choisie. C'est un petit bijou, je trouve.

[00:38:21]

Il paraît chez Grasset, où des centaines d'histoires disponibles sur vos plates formes d'écoute et sur Europe1.fr.