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La fréquence jusqu'à sandalettes. Je vais vous raconter aujourd'hui l'histoire d'une jeune femme qui est là, en face de moi. Bonjour Marie-Laure Janssens. Bonjour! À l'âge de 23 ans, en pleine recherche spirituelle, vous avez intégré une communauté religieuse de la région de Lyon qui s'appelle les Sœurs contemplatives de Saint-Jean. Il vous a fallu 11 ans, 11 ans pour réaliser que dans cette communauté, vous avez été victime de manipulation mentale, d'emprise. Pour raconter ces 11 années dans un livre, Le silence de la Vierge, qui est paru chez Bayard.

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Et c'est ce livre qui a inspiré mon histoire d'aujourd'hui avant de la raconter. Il faut quand même que je restitue votre témoignage dans son contexte. Les sœurs contemplatives de Saint-Jean, dont vous avez été membre, font partie d'une communauté plus large qui s'appelle la communauté Saint-Jean les petits gris, comme on les appelle. C'est une communauté qui, depuis dix ans, est au cœur d'un immense scandale. Le fondateur de la communauté qui s'appelait le père Marie-Dominique Philippe, qui est décédé aujourd'hui, était sur le point d'être béatifié quand on s'est aperçu in-extremis qu'il avait couché avec beaucoup de femmes, dont il était le conseiller spirituel.

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Bonjour le modèle. La communauté a été, comme d'autres, frappée par plusieurs scandales de pédophilie et d'agressions sexuelles et elle a été accusée dans son ensemble de dérives sectaires. Tout cela pour dire que vous n'êtes pas folle, Marie-Laure. Autant le dire maintenant que votre histoire est étayée par d'autres témoignages, par des enquêtes notamment réalisées par le magazine catholique Golias. Si ça vous intéresse, vous pouvez aller sur le site Kolya. FR. Vous trouverez tout un tas d'informations sur la communauté Saint-Jean et voici donc votre histoire.

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Marie-Laure, que j'ai écrite avec Quentin Mouchel. Réalisation Céline Brace.

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Repin, Christophe Hondelatte. C'est une histoire qui commence par un petit mensonge. En novembre 1996, Marie-Laure, qui a 21 ans, va frapper à la porte d'une communauté religieuse à Tichy, dans l'Oise. La communauté de Saint-Jean, elle, prétend qu'elle était étudiante et qu'elle fait une enquête pour un travail de sociologie. Et c'est vrai, elle est à Sciences Po Paris en deuxième année. Mais ça n'est pas dans ce cadre que, ce jour là, elle frappe à la porte de ce prieuré catholique.

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En vérité, c'est une démarche personnelle. Elle a grandi dans un milieu catho bourgeois, à Compiègne et depuis toute petite. La religion, le travail. Le déclic s'est fait quand elle avait 14 ans. Un livre de soeur Emmanuelle chiffonnier avec les chiffonniers. Une vie au service des pauvres. L'été dernier, elle a fait un pèlerinage à Jérusalem. Et là, elle vient de passer deux mois comme volontaire dans une communauté qui accueille des handicapés. Elle est mûre.

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Il n'y a plus qu'à cueillir le fruit.

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À la communauté Saint-Jean, à Tichy, Marie-Laure a rendez vous avec le frère Régisse Marie, un grand roux d'environ 40 ans, les yeux bleus, potelée, très doux. Elle pose son dictaphone sur la table.

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Alors, pourquoi portez vous l'habit et pouvez vous nous dire en quoi il sert votre communauté? Elle pose comme ça une tonne de questions. Elle veut tout savoir. Et en face, le frère régisse, répond à tout, tranquillement, avec sa voix feutrée et sans cesse, il répète Voyez vous comme porte.

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C'est la recherche de la vérité. Dans la tête de Marie-Laure, c'est un nouveau déclic. Elle est comme happée par les mots du frère, régisse Marie et lui. En face, il voient bien qu'elle est réceptive. Que fais tu l'année prochaine? J'aimerais faire de la théologie. Je vais sûrement m'inscrire à l'Institut catholique de Paris. Je sais que je peux me permettre Lakatos n'est pas le meilleur endroit pour faire de la théologie. Le mieux serait de commencer par une année de philosophie.

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Tu devrais venir étudier à Saint Jodar serait un petit village à côté de Lyon et la communauté de Saint-Jean. Il y a un centre de formation. Le frère régisse Marie me proposer plus que des études. C'était une communauté qui s'ouvrait à moi. Je ne sais pas décrire ce que je ressentais, mais ces paroles me séduisait. A l'évidence, il incarnait un idéal spirituel qui m'attirait.

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Et voilà donc comment, quelques mois plus tard, Marie-Laure atterrit à Saint Jodar où, dans un prieuré, une quarantaine d'étudiants suivent des cours de philosophie et de théologie juste à côté. Elle trouve une colocation avec quatre autres filles. Elle se sent bien avec elle. Elles sont sur la même longueur d'onde. J'étais passée de Saint-Germain-des-Prés à ce coin de campagne perdue et, paradoxalement, j'avais le sentiment d'être sorti de l'isolement. Je me sentais renaître.

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Et à St. Jodar, elle côtoie aussi quelques sœurs contemplatives. Elle est trop joyeuse, elle est trop fraîche, mais en même temps, elles lui font un peu peur. Est ce qu'elle est faite pour ça? Quelle est sa vocation? Ça gamberge dans sa tête et ça l'épuise. Ça l'épuise tellement qu'un jour, elle rentre dans sa piaule. Elle s'écroule sur son lit et elle dort pendant 24 heures. Mais le lendemain, elle se réveille, sa décision est prise.

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Elle ne luttera plus contre Dieu. Elle va le laisser faire.

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Je voulais dire sa décision d'intégrer la communauté n'est pas encore prise. Elle a des doutes et elle voudrait bien que Dieu décide pour elle, mais elle est mûre. Elle attend juste le déclic. Un jour, à l'occasion de la Semaine sainte, on lui propose de s'inscrire à une retraite chez les soeurs contemplatives de Saint-Jean. Ça fait des mois qu'on lui parle de l'une de ses soeurs, soeur Marthe, la maîtresse des novices. On lui a dit qu'elle avait un charisme exceptionnel, donc elle y va et elle se retrouve face à soeur Marthe.

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Et l'autre n'y va pas par quatre chemins. Ton cas est clair comme de l'eau de roche, ma fille, ta place est chez les soeurs, quand veux tu entrer? Dans son livre, elle écrit Ses paroles étaient tellement Meité spontanées que je les ai accueillies, non comme le fruit d'une réflexion humaine, mais comme une réponse fulgurante du ciel. C'est la manifestation divine qu'elle attendait.

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Et donc, en septembre 1998, Marie-Laure fait sa rentrée chez les soeurs contemplatives de Saint-Jean, à St. Jodar, près de Lyon. Elle débarque un samedi, jour de désert, comme elles disent. C'est comme ça qu'elles appellent leurs jours de repos le jour de désert. On l'installe dans une cellule, un lit, quelques étagères, un tapis pour prier, une croix, une icône. Et c'est tout. Et le lendemain matin, elle plonge dans le grand bain.

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Son premier office dans le choeur avec les autres doit laisser soit.

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On lui remet sa Mélotte, son habit, une sorte de tunique bleu marine, et on lui présente sa sœur Ange, l'ange qui va veiller sur elle. Une religieuse plus âgée qui sera chargée de l'accompagner. La sienne s'appelle soeur Marie Ségolène. Et Marie-Laure se dit qu'elle tombe bien parce que depuis le premier jour, le matin, elle a des vertiges à la chapelle. Quand les sœurs commencent à chanter, elle a la tête qui tourne, comme si son corps lui envoyait un message, comme si son corps disait stop.

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Mais pour l'instant, ça n'est pas le corps qui décide, c'est le cœur.

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Les mois passent, sa vocation n'a rien d'évident. Elle a des doutes, mais d'une certaine manière, c'est ce doute qui la conforte dans son choix. C'est difficile et sa démarche est d'autant plus belle qu'elle est difficile. Voilà, je voulais me tenir face à Jésus et tout remettre entre ses mains. Mais pour franchir ce pas, j'avais besoin d'une confirmation. J'attendais le déclic. A la recherche du déclic, elle se résout à s'en remettre à soeur Marte. Ma foi, elle saura sans doute décrypter les signes qu'elle même ne peut pas voir qu'elle ne sait pas boire.

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Cet abandon de mon propre jugement me paraît aujourd'hui relever d'une incroyable imprudence. J'avais remis les rênes de ma vie à ma supérieure parce qu'en la matière, elle ne peut pas compter sur les autres novices de la communauté. Elle n'a pas le droit de leur parler de ce qui lui trotte dans la tête. C'est la règle de base de la communauté, la règle dite relationnelle. Il ne faut pas se dévoiler. Il faut dire le moins possible sur soi même.

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Un jour, bêtement, elle dit son âge à une autre sœur. J'ai 23 ans, ça ne se fait pas. L'une des anciennes lui dit Il faut vraiment éviter ça. Vraiment, ça donne un regard trop humain entre nous, trop humains.

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Il y a une autre règle ne jamais s'épancher sur ses doutes. Ne jamais partager ses états d'âme quand une novice a un coup de mou. Il est inenvisageable d'aller frapper à la porte d'à côté. Inenvisageable. Idem pour les gens de l'extérieur, les laïcs. Il n'est pas permis de se confier à eux.

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Ces remarques le répète souvent parlez de nous ou ma fille, ce n'est pas notre vie. Avec du recul, tout ça, c'est une route toute tracée vers une dépendance affective? Non. En 1999, en tout cas, soeur Martel même devient la soeur responsable de Marie-Laure. Elle est son cornac et d'entrée, elle s'applique à la couper de l'extérieur et même du frère Régisse, mari avec lequel elle était resté en contact. Ma fille ne pourra pas t'aider à plonger dans la vie des soeurs, à être dans l'unité avec elle.

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Si on se résume, il n'y a plus qu'une seule personne à qui Marie-Laure peut se confier. C'est soeur Marthe. Elle devenait l'unique personne à qui nous devions nous confier profondément. C'était elle qui nous connaissait dans l'intimité. Elle qui recueillait nos secrets. Alors elle voit encore ses parents. Ils viennent de temps en temps, mais au compte gouttes. Les parents, c'est l'extérieur. l'Extérieur, c'est mal. Et quand elle voit ses parents, Marie-Laure se met une pression de dingue.

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Les visites doivent être parfaites, parfaites. Alors, elle joue un rôle. Elle ne lâche rien de ses états d'âme. C'est du théâtre.

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Au noviciat, on leur apprend l'art de la correction ne pas marcher trop vite, ne pas parler trop fort. Être sous contrôle tout le temps. Un jour, ses parents lui apportent une polaire un peu moderne. Commentaire de soeur Marie Ségolène.

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Et les nouvelles, cette polaire?

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Tout ça pour dire que ça ne se porte pas. Ce genre de choses avec du recul. Marie-Laure se dit que c'était une manière d'élargir le champ de l'emprise au corps avant de s'emparer de sa tête. Elle perd le contrôle de son propre corps. On est en train de l'infantilisation, par exemple. A 24 ans, elle doit demander la permission de prendre Doliprane. Ma sœur, j'ai mal à la tête. Est ce que je peux prendre un paracétamol? On est en train de l'effacer.

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C'est comme ça qu'elle voit les choses aujourd'hui. On l'a effacée au service de la communauté Saint-Jean. Et puis vient le moment où, après huit mois de noviciat le 1er mai 1999, Marie-Laure devient pleinement soeur Marie-Laure. La cérémonie se passe sur une pelouse devant le bâtiment du noviciat. Est ce qu'elle est heureuse à ce moment là? Non. Elle est épuisée. Elle est épuisée nerveusement et physiquement. Elle a ce sentiment de ne pas être à sa place.

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Le samedi, le fameux jour de désert. Elle écoute souvent le Concerto en ré mineur pour violon et hautbois de Bach. Et ça lui même, c'est Bourdon. Et là, elle chiale, elle chiale de tout son corps. Elle ne va pas bien.

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En août 2001, Marie-Laure prononce ses vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, et elle devient une sœur à part entière de la communauté.

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Soeur Marie-Laure. Nous avons décidé de vous envoyer à Ségou, aux Philippines. Vous avez participé à la fondation d'un nouveau prieuré de la communauté. Et là, d'un coup, elle jubile. Voilà la vie de missionnaire qu'elle attendait. Façon Soeur Emmanuelle, et donc, en septembre 2001, soeur Marie-Laure atterrit à C'est beau. Et là, elle déchante tout de suite. D'abord le couvent dans un quartier résidentiel, un quartier de la classe moyenne. Elle n'est absolument pas au milieu des pauvres.

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Comme soeur Emmanuelle, les soeurs Marte n'est pas là. Elle doit faire le deuil de sa relation fusionnelle avec elle. Il me fallait désormais assumer au quotidien son absence. Mais curieusement, je souffrais moins de son absence physique que de sa présence obsédante dans mes pensées. Pendant un an, elle vit séparée de soeur Marthe. Et puis, en septembre 2002, soeur Marie revient aux Philippines. Tournée d'inspection. Et là, c'est formidable. Elle la retrouve pendant tout son séjour.

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Elle lui sert de traductrice. Elle lui fait visiter le coin. Elles vont marcher dans la montagne pendant cinq jours. Elles ne se quittent pas d'une semelle.

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Marie-Laure reste deux ans aux Philippines. Et puis elle rentre en France. Et là, qu'est ce qu'elle fait? Elle propose elle même à soeur Marthe de devenir son assistante, son bras droit. Aussi incroyable que cela puisse paraître à mes yeux, aujourd'hui, j'ai consenti à replonger dans un lien exclusif avec elle. Je m'apprêtais à rentrer dans l'antichambre de la reine. Et là, elles se mettent à agir avec les jeunes soeurs dont soeur Marte a la charge, exactement comme on a agi avec elle.

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Elle leur rabâche un discours tout faits, tout prémâché, destiné à verrouiller leurs esprits. Tu te sens éprouver ma soeur. Mais enfin, tu n'aurais pas tenu plus de six mois dans cette vie exigeante si tu n'étais pas porté par la grâce de Dieu et si tu as la grâce, c'est que tu as la vocation. Et bien entendu, soeur Marie-Laure répète et rapporte à sœur Marthe tout ce que lui confient les jeunes sœurs en bon petit soldat.

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En 2007, de retour d'une mission en Chine, soeur Marie-Laure tombe malade des maux de ventre terribles. On lui diagnostique une tumeur bénigne. Elle se fait opérer, mais en complément, Sir Martin insiste. Il faut faire exorciser ma fille. Le mal est en toi. Et c'est le père Paul Marie qui s'y colle. Et voilà comment ça se passe. Chaque séance commence par un bilan des dernières attaques du démon. Ma soeur. Avez vous ressenti ces derniers temps des douleurs musculaires?

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Avez vous fait des cauchemars? Avez vous eu des hallucinations, des engourdissements?

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Peut être des crises de larmes? Le démon, ma fille profite de vos failles pour influencer vos vies. Vos failles sont des portes ouvertes pour le diable. Mais de quelle famille parle t il? Et bien des blessures familiales. Est ce que dans votre famille, on n'aurait pas pratiqué le spiritisme, la voyance, la magie? N'aurait on pas commis chez vous des péchés graves avortement, suicide, crime franc maçonnerie?

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Et donc, le père Paul Marie pratique sur elle des séances d'exorcisme ça se passe en général dans la chapelle à l'étage de son prieuré. L'endroit est tendu de rideaux violets et tapissés d'icônes dorées. Il relève la capuche de son habit, façon nom de la rose. Elle se met à genoux, dos à lui, et il se met à réciter le prologue de saint Jean.

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Au commencement était le verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu.

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C'est par lui que tout est venu à l'existence de ce fils d'un coup, soeur Marie-Laure, sans son corps qui se tord, qui se cabre en lui, était la vie et la vie était la lumière des hommes.

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La lumière, sans même son corps qui se soulève de terre, puis qui retombe.

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Elle sort de cette séance épuisée, comme si elle avait fait un footing. Le père Paul Marie, lui, est dépité. Ma sœur, je ne sais pas quoi faire.

[00:18:34]

Si vous ne vous corrigeait pas, le témoin fera tout pour vous faire quitter le couvent tôt.

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Et maintenant? Une question qu'il faut bien évoquer. Je suis sûr que vous y avez pensé. Marie-Laure est elle amoureuse de soeur Marthe? Et inversement, d'ailleurs, soeur Marthe est elle amoureuse de Marie-Laure, soeur Marie-Laure? En tout cas, se pose la question. Par exemple, quand elle la voit dans son bureau, souvent à la nuit tombée, elles sont tellement proches que leurs genoux se touchent et parfois, l'autre lui prend les mains et lui caresse les mains.

[00:19:11]

C'est sensuel et quand elle sort, elle se sent sale. De ça, elle se sent impure. Encore une fois, il en parle. Mais Battikh, Marie-Laure, quand on aime, on aime tout ce qu'on est. C'est normal ce que tu ressent, c'est bien d'être sensible. Pour être honnête sur Marte. Je me demande si je ne suis pas homosexuel, ne t'inquiète pas. Moi, je suis épures dans ma sensibilité, alors ça ne m'inquiète pas que tu vive là face à moi.

[00:19:46]

Tordu, tordu. Et ça commence à se savoir à l'extérieur que ce sont des tordus. En 2009, la communauté de Saint-Jean est accusée de dérive sectaire.

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Et sa soeur Marie-Laure l'apprend alors qu'elle est en mission au Québec par un coup de fil d'une soeur de saint Jodar Arida.

[00:20:15]

Le cardinal Barbarin vient de débarquer à Saint Jodar. Il a décidé de reprendre le contrôle de la communauté. Le cardinal a débarqué, en effet, et il a destitué tous les cadres de la communauté, soeur Marte en tête. La crise, il faut dire, couvait depuis un bon moment. La communauté est accusée de maltraitance et de dérives sectaires. L'affaire est portée par des associations anti-sectes et par un magazine catholique progressiste, Golias. Pendant des années, le cardinal Barbarin a mis les responsables de la communauté en garde.

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Et là, il tranche dans le lard. Il les vire. Et comment réagissent les soeurs? Elles disent que c'est un complot. Marie-Laure en tête? Impossible de le nier. J'ai vécu ces événements dans une grande ambivalence intérieure. Devant cette remise en cause soudaine de mes repères, j'ai adhéré à la défense collective du système établi. Je demeurais comme aimanté à Marte. Remettre en question l'autorité de ma supérieure revenait à tuer une partie de moi même. Et donc, Marie-Laure rentre du Canada pour se lancer avec les autres dans la résistance.

[00:21:41]

Il est question à un moment d'aller s'installer dans un autre pays et de partir en croisade à Rome pour tenter de convaincre le pape. Le cardinal a tort. Et puis, à un moment, Marie-Laure décide de retourner au Québec. Et peu à peu, le doute émerge. Elle se confie à un ami, Sylvain, un Québécois, un laïc très engagé dans sa paroisse, qui anime les messes avec sa guitare. Marie-Laure est tout simplement en train de tomber amoureuse de Sylvain.

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Il y a des moments où je me sens perdue par rapport à ma vocation. C'est comme si il y avait en moi un combat de vie et de mort. Je n'ai que le désir de vivre, de vivre de plus en plus, de vivre enfin pleinement. Mais j'ai le sentiment que Dieu me demande au contraire de mourir. Parfois, je ne trouve plus de vie dans cette vie avec les sœurs, mais plutôt du vide, de la solitude, du non-sens.

[00:22:46]

l'Amitié avec Sylvain vient me chercher dans tout ça. Et petit à petit, Marie-Laure ouvre les yeux. Elle voit de plus en plus clairement les dysfonctionnements de sa communauté, et pas à pas. Elle prend des distances. En novembre 2009, elle appelle ses parents au téléphone. Elle leur raconte tout, tout ce qu'elle ne leur a pas dit pendant toutes ces années. Et en février 2010, elle obtient de Rome qu'on la dispense de ses vœux. Ça s'appelle un adulte.

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Elle retourne à la vie civile et aujourd'hui, elle est mariée à Sylvain et mère de deux enfants. Voilà donc pour cette histoire marinov. Oui, très bien, merci. Merci à vous de nous avoir livré tout ça. Comment est ce qu'on se sort de tout ça uniquement par l'amour de Sylvain? Ou est ce qu'il y a eu derrière une psychothérapie, peut être une psychanalyse, quelque chose pour comprendre et pour désamorcer cette emprise?

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C'est sûr que moi, j'ai eu la chance d'être aidé par une famille qui m'a comprise dans mon cheminement, qui m'a accueilli dedans. J'ai des amis qui m'ont aidé, qui m'ont hébergé. J'ai aussi eu l'aide d'une amie qui était psychologue, qui m'a aidée à me remettre debout parce qu'il faut réapprendre à se faire confiance. Il faut réapprendre à penser par soi même, à prendre ses décisions seul, à ne pas avoir peur de éventuellement tomber. Mais en tout cas, de prendre sa vie en main.

[00:24:33]

Et vous êtes une enfant? Quand vous sortez de cette aventure là?

[00:24:38]

Oui, oui, parce qu'on a été dépossédé de soi même, de sa personnalité. On a été dépossédé de son propre jugement, de son propre discernement. Donc, il faut réapprivoiser tout ça. Reprendre confiance en tout ça.

[00:24:50]

Combien de temps avant de remettre les pieds dans une église? Tout de suite, ça ne m'a pas fait perdre ma pratique religieuse. Je suis restée pratiquante catholique. Quand je suis sortie de la communauté, très engagée, même dans la paroisse, dans un centre de prière. Après, j'ai vécu un cheminement spirituel. Au bout de quelques années qui m'a fait quitter l'Église catholique? Oui, parce que j'ai découvert la foi en plongeant dans la parole de Dieu dans la Bible.

[00:25:17]

Et là, j'ai découvert vraiment autre chose dans le contenu même de ma foi.

[00:25:22]

Donc, aujourd'hui, je suis croyante, sans Église ou raccrochait une autre Église en lien avec d'autres chrétiens, mais pas rattachée spécialement à une Église pour le moment, en tout cas clairement séparé de l'Église catholique.

[00:25:34]

Oui, parce qu'il y avait un compte à régler de toute façon avec l'institution. Cette communauté a été l'enfant chéri de Rome pendant des années. Le pape Benoît 16 adorerez la communauté de Saint-Jean.

[00:25:46]

Oui, avant lui, le pape Jean-Paul 2. Combien de fois on nous a dit et redit le lien très intime qu'il y avait entre notre fondateur, le père Marie-Dominique Philippe et le pape Jean-Paul 2.

[00:25:56]

Donc, il y avait, il y avait un compte à régler avec l'institution. Et aujourd'hui, vous restez croyante. Mais l'institution, vous l'avez mise de côté?

[00:26:04]

Oui, il y a une démarche de foi qui est plus profonde aussi. C'est une remise en cause de mes croyances même. Mais c'est sûr qu'il y a une séparation par rapport à l'institution.

[00:26:13]

Vous avez porté plainte auprès de la justice parce qu'il y a Mathieu Verna?

[00:26:16]

Non, bien sûr. Je ne vais pas porter plainte parce que d'abord, mon premier réflexe n'a pas du tout été de porter plainte à l'extérieur, mais de me référer à des évêques pour leur remettre mon expérience, leur poser des questions. En l'occurrence, ils m'ont plutôt amené à me taire. En tout cas, c'est la volonté qu'ils ont exprimé.

[00:26:36]

L'avenir, notre linge sale en famille. Oui, c'est un peu le mot d'ordre. Il faut toujours que l'institution défende à la fois son image et ses intérêts. Donc, en tant que victime, nous sommes plutôt des personnes qui rangeons, qui faisons scandale. Donc, c'est un peu le réflexe. Des centaines et des milliers d'histoires qui se rapprochent sur ce point là, c'est que l'institution nous demande de nous taire et vous obéissez.

[00:27:01]

Oui, j'ai obéi sur le moment parce que j'étais encore dans un réflexe de loyauté vis à vis de l'institution. J'ai quand même gardé au travers de la gorge et quand j'ai vu que cette situation que j'ai vécue dans la communauté perdurait puisque le noyau le plus sectaire de mon ancienne communauté a réussi, malgré des sanctions, perdurer et être réhabilité. Alors ça m'a vraiment révolté. J'ai envie de parler.

[00:27:24]

Oui, vous savez ce que sont devenus les autres. Vous avez gardé des contacts ou couper complètement les ponts?

[00:27:30]

J'ai coupé les ponts. Au départ, mon livre m'a permis de renouer contact avec beaucoup d'entre elles qui m'ont écrit, principalement des soeurs qui ont quitté la communauté un peu dans les mêmes conditions que moi, certaines qui y sont encore. Il y a une petite minorité de sœurs qui sont toujours appelées sœurs de Saint-Jean qui, elles, ont accepté de se réformer comme l'Église le demandaient. La grosse majorité des sœurs suivant soeur Marthe et ses sœurs, là, bien sûr, ne lisent pas mon livre parce qu'elles n'en ont pas la liberté.

[00:27:59]

Elles me rejetteraient certainement comme une traîtresse. De toute façon, un représentant du démon?

[00:28:05]

Oui, comme tout ce qui vient contredire et critiquer leur communauté et leurs supérieurs, sœurs Martel ou là, aujourd'hui, sœur morte.

[00:28:13]

Elle est basée très certainement en Espagne, mais elle reste. Globe trotteur, donc. Elle visite sa communauté qui s'appelle maintenant les sœurs de Maria Stella, Mathoux, Tina. Un peu partout dans le monde, partout où elles ont réussi à être accueillies par des évêques, c'est à dire dans une dizaine de pays. Actuellement, elles sont reconnues par l'Église catholique. Elles ont été accueillies par un évêque de Saint-Sébastien, en Espagne, qui les a accueillis.

[00:28:36]

Et puis les Basques, de grands progressistes, en contradiction très certainement avec ce que le Vatican lui même avait souhaité en contradiction avec. Le cardinal Barbarin lui même avait exprimé, puisqu'il a quand même monté un gros dossier sur la communauté. Il a souhaité sanctionner la communauté. Mais voilà, l'Église, ce sont des évêques qui agissent chacun comme des seigneurs sur leur territoire. Et visiblement, ils ne sont pas tous d'accord.

[00:29:01]

Alors, j'ai dit que vos parents étaient eux mêmes des cathos. Mais étaient ils à ce point cathos? Non.

[00:29:08]

Si ce sont mes parents sont des gens qui sont très pratiquants et très croyants dans l'Église catholique. Nous avons reçu mon frère, ma soeur et moi même, une éducation qui était très catholique. Dès le départ. Après, je pense que c'est une aspiration personnelle, quelque chose qui est néanmoins très tôt. Effectivement, j'avais une attirance très tôt pour les sacrements et pour le service dans l'Église. Donc c'est quelque chose qui s'est affermie en moi même dans l'adolescence et qui a fait naître une certaine attirance pour la vie religieuse, même si en même temps, j'en avais très peur.

[00:29:43]

J'avais une grande ambivalence par rapport à ça, mais ce désir de me donner à Dieu, de par mon éducation, m'a conduite à me poser la question d'une vocation religieuse.

[00:29:54]

Quand cette chose se raffermit à 14 ans par la lecture du livre de soeur Emmanuelle. Et quand donc vous allez voir ce frère de la communauté Saint-Jean qui va être au fond, celui qui vous ouvre la porte de cet enfer? Vos parents?

[00:30:13]

Qu'est ce qu'ils disent? Mes parents ont eu assez peur.

[00:30:15]

En fait, ils ont toujours été très respectueux de mon cheminement et de toutes nos décisions. Donc, il y avait ce respect en même temps. J'étais quand même le deuxième enfant de la famille à exprimer quelque chose, une vocation religieuse, puisque mon frère était déjà au Séminaire. Il se préparait à être prêtre, donc avoir un deuxième enfant qui allait se consacrer à Dieu dans le célibat. C'était quand même quelque chose qu'il fallait assumer au point de vue familial, puisqu'il y avait une séparation.

[00:30:42]

Évidemment qu'il fallait envisager.

[00:30:44]

Pas de petits enfants, ça fait toujours. Bien sûr, c'était comme un renoncement.

[00:30:49]

Oui, un certain deuil. Et puis, mes parents n'avaient pas fréquenté la communauté Saint-Jean. On ne faisait pas partie du milieu qui était autour de la communauté et je pense qu'il y avait une certaine crainte d'une fermeture parce que c'était aussi ce que la communauté dégageait, une certaine fermeture dans un milieu très spécifique.

[00:31:10]

Ils se sont jamais douté de rien pendant 11 ans. Si, si.

[00:31:14]

Ils se sont douté de certaines choses, et notamment avant même que je sois embrigadé dans la communauté. J'ai passé un an comme étudiante, comme vous l'avez rappelé, et à ce moment là, ils sont venus faire un séjour sur le lieu de la communauté et ils ont été reçus par la soeur hôtelière qui à l'époque était cette soeur, Marie Ségolène, qui allait s'occuper de moi ensuite. Et ils ont été très choqués par une expression de soeur Marie Ségolène, qui leur a dit Mais c'était évident, Marie-Laure va rentrer dans la communauté dans quelques mois et moi même, je n'avais pas du tout pris la décision.

[00:31:47]

Et mes parents? On est quand même estomaqué de cette évidence. Dans le jugement, comme si déjà j'étais prise dans le filet. Donc, il y a eu un malaise dès le départ dans leurs esprits. Mais voilà, ils ont voulu respecter mon propre cheminement. Et puis, il y avait cette vitrine, malgré tout, qui était offerte par la communauté. C'était une communauté qui était appuyée par l'Église, appuyée par le Saint-Père. Et puis, beaucoup de jeunes, beaucoup de vocations.

[00:32:14]

Donc, voilà, il y a cet effet de vitrine qui a joué aussi, certainement.

[00:32:18]

On est d'accord que techniquement, tout au long de ces 11 années, vous pouvez partir pour vous voulez. Vous pouvez ouvrir la porte. Il n'y a pas de gris, il n'y a pas de serrure, il n'y a pas de clé planquée. Techniquement, c'est possible.

[00:32:35]

Il n'y a pas de grille physique. Il n'y a pas de portes avec un cadenas, mais il y a une grille psychologique et une emprise mentale. Un piège qui fait qu'on est enfermé et qu'on ne s'autorise pas à sortir. Parce que sortir, ça veut dire trahir, trahir sa vocation. Donc trahir Dieu, ça veut dire salir la communauté, ça veut dire renoncer à la meilleure vie possible qu'on nous offre. Parce que on est tout de suite persuadé et convaincu qu'on fait partie de la meilleure communauté religieuse au monde, celle que le pape préfère.

[00:33:05]

Ce serait comme un non-sens et ce serait comme une trahison. Et surtout, face à Dieu, je trahirait ma vocation. Donc, ça ne se fait pas. Ce soir, j'ai vu son jeu.

[00:33:14]

Néanmoins, de temps en temps à partir faire mon baluchon et hop!

[00:33:20]

C'est venu très tardivement, dans mon esprit. Vraiment, dans la dernière année, avant que je quitte effectivement la communauté Genkai, c'est je ne me permettait pas de critiquer. Je ne me permettait pas de remettre en question ma vocation. Je tenais à être fidèle. Je suis une personne persévérante et je tenais à être fidèle coûte que coûte à ma vocation puisqu'on m'avait convaincu que ma vocation était de faire partie de cette communauté.

[00:33:44]

Laséance. Est ce que votre corps se soulève vraiment du sol? Oui, j'ai raconté les choses exactement comme elles se sont passées après, je laisse le lecteur avec son interprétation de l'évènement.

[00:34:01]

Mais oui, mon corps s'est réellement soulevé et avant ça, il avait été pris de tremblements. Ce sont des images, ce sont des scènes que j'ai vues dans des communautés charismatiques. C'est assez courant. C'est extrêmement troublant. Ça ressemble un peu à une forme de folie. En vérité, oui.

[00:34:19]

Il y a quelque chose qui échappe à la volonté. Alors, je ne me suis pas prononcé. Mon propos n'était pas d'interpréter cette chose, ça se fait. Y avait il quelque chose de proprement spirituel là dedans, donc démoniaque? Est ce que c'était un phénomène purement psychique? Je sais, c'est tout à fait possible. Ce que je dénonce dans ce passage de mon livre, c'est vraiment la manière dont de spiritualité à outrance. Effectivement, des phénomènes qui étaient certainement plus d'ordre psychologique.

[00:34:49]

J'avais beaucoup de mal être en moi qui se caractérisait par des phénomènes physiques. Je pense que mon corps a compris l'emprise dont j'ai été victime bien avant mon esprit. Mon corps a réagi très vite, dès les premiers mois, dès les premières semaines et peut être même dès les premiers jours.

[00:35:06]

J'entends que vous vous croyiez à l'exorcisme. Néanmoins, est ce que ça veut dire que vous êtes resté dans cet univers là? Des charismatiques, c'est à dire des gens qui pensent que l'Esprit-Saint. Peut changer la vie des gens. Oui, je crois que l'Esprit Saint peut changer la vie des gens et je crois qu'il y a aussi un esprit du mal qui peut se manifester d'une manière ou d'une autre.

[00:35:29]

Donc, vous avez gardé la foi en ça? Oui. Après, j'ai lancé un jardin en déféqué.

[00:35:35]

Oui, il y a un vrai Normand. Très malsain de cette réalité et c'est ce que je dénonce. Le père Paul Marie, qui était exorciste de la communauté et qui l'est toujours, et qui est aussi exorciste officiel d'un diocèse en France, qui est le diocèse de Beauvais. Je pense qu'il a une manière très malsaine de traiter ces phénomènes. D'abord, il suivait énormément de frère et de sœur dans la communauté et donc je pense qu'il a eu une manière de spiritualité à outrance, certains phénomènes qui relevaient plus du psychologique ou simplement du physique.

[00:36:08]

Donc, dès qu'un frère ou une soeur se posait des questions, on considérait que c'était de l'ordre du mal être. Alors qu'en fait, il commençait à aller mieux, c'est qu'il prenait conscience, en fait, de l'emprise dont il était victime. Et à ce moment là, tu vas voir L'Exorciste parce que c'est le démon qui agit en toi. Et puis, cet exorciste agissait de manière purement solitaire. Il n'a jamais fait appel à des expertises. Justement, d'un psychiatre, d'un psychologue.

[00:36:34]

Et il le faisait de manière très culpabilisante et très menaçante. Donc, il a fait partie de cette dérive sectaire de manière évidente.

[00:36:43]

Alors, l'ambiguïté affective de votre relation avec soeur Marte? Je trouve Giaux dès que vous vous rencontrez et vous en parlez assez clairement dans votre livre. Est ce que Sœur morte était attirée par vous? À votre avis? Je pense qu'elle savait instaurer une relation très affective avec la plupart des soeurs et il y avait effectivement une certaine sensualité dans la manière dont elle exerçait ses liens alors qu'elle était spécialement attirée par moi plus que par une autre. Je ne saurais pas le dire.

[00:37:15]

Elle a toujours eu une jeune assistante. Oui, une ou deux. Et puis, et puis j'ai eu des retours. Suite à la publication de mon livre d'un certain nombre de sœurs qui m'ont dit avoir vécu exactement la même chose, ces gestes, ces petits mots extrêmement affectifs, il y a quelque chose de très féminin. Je pense qu'elle savait jouer sur le besoin que nous avions peut être plus encore en tant que femme, d'avoir une relation privilégiée de confiance ou pouvoir parler à quelqu'un d'être écoutée.

[00:37:45]

Et puis, comme elle nous coupait de tout le monde autour, que ce soit nos propres sœurs, que ce soit nos familles, nos amis ou des pères de la communauté, eh bien tout était catalysées par elle. Oui, elle avait l'exclusivité du câlin, quoi exactement?

[00:38:00]

Et finalement, cette communion qu'on voulait vivre avec Dieu, ça s'est transformée en une fusion avec elle.

[00:38:06]

Vous pensez qu'elle est allée au delà avec certaines filles?

[00:38:10]

Je n'ai pas eu de preuves de ça, mais je vous le supputé, supputent vous le supputé.

[00:38:18]

Une chose intéressante, c'est qu'avant de la rencontre, vous savez qu'elle a un charisme, le charisme. Il y a une version profane du mot charisme, et puis une version religieuse, la version profane, tout ça se croisant un peu. Mais la version profane, au fond, c'est cette capacité à séduire, à influencer, à fasciner les gens qui vous écoutent. La version religieuse sait que ce charisme, c'est un don de Dieu et qu'au fond, elle n'est comme intermédiaire entre Dieu et les personnes qu'elle a, qu'elle en fasse.

[00:38:46]

Vous méfier du charisme aujourd'hui?

[00:38:48]

Oui, je pense que ça appelle beaucoup de vigilance. C'est un peu le problème dans la vie religieuse. De manière générale, c'est qu'on a quelqu'un qui tient la place de Dieu parce que cette personne est investie d'une autorité spirituelle. Donc, c'est le supérieur ou la supérieure dans la vie religieuse. Et effectivement, cette personne est supposée avoir une grâce d'État, c'est à dire du fait même qu'il est supérieur ou qu'elle est supérieur. Elle est assistée par une grâce de Dieu spéciale pour conduire les âmes et je pense que ça demande énormément de vigilance parce que ça, ça met entre les mains de cette personne un pouvoir extraordinaire.

[00:39:23]

Donc, je ne remets pas en cause le charisme, mais ce que je dis, c'est que ça appel énormément de vigilance et que la personne qui est conduite garde tout son jugement et toute son intelligence. Là, le problème, c'est qu'on était captée dans notre intelligence et on nous conduisait peu à peu abandonner notre jugement.

[00:39:41]

Mais à votre avis, soeur Marthe Keller Makivik, elle, sait qu'elle est malsaine. D'une certaine manière, elle est névrosée, juste, névrosée, et donc elle ne se rend pas compte qu'elle est perverse.

[00:39:56]

Je pense que c'est difficile à dire. Je ne veux pas la juger sur sa conscience, mais je pense que c'est assez symptomatique de l'évolution d'une personne qui rentre dans un système comme ça, qui est pervers dans son fonctionnement et qui, du coup, est perverti. Et le problème, c'est qu'on rentre dans une communauté où on en est victime et très vite.

[00:40:19]

D'abord, elle a d'abord été victime, victime du père fondateur dont elle était extrêmement proche et religieuse.

[00:40:27]

Oui, exactement. Et puis, deux victimes. On passe très vite au statut de complices et de bourreau, et on répercute sur les autres. Et d'ailleurs, c'est ça qui fait que ça devient difficile à sortir de là et à dénoncer le mal qui est fait puisque on est à la fois celui qui subit et celui qui qui fait subir ce mal aux autres. Voilà donc je pense que ce n'était pas forcément une personne foncièrement perverse au départ, mais elle a été pervertie comme tant d'autres, comme tant de frères de Saint-Jean qui ont été pervertie par leur fondateur et qui en ont assez.

[00:40:59]

Qu'on leur donne quoi? Oui, alors, le problème, c'est que l'Église, là, a manqué énormément de prudence puisque ce sont des personnes qui, très vite, ont eu entre les mains pratiquement tous les pouvoirs puisque c'était une personne qui était responsable à tous les niveaux à la fois du gouvernement, de la communauté de la conduite spirituelle sur les âmes de la formation intellectuelle. Donc voilà, il n'y a aucune okah, aucun contre pouvoir, aucune séparation des pouvoirs qui permettraient un équilibre plus sain de l'exercice de l'autorité.

[00:41:30]

Merci Marie-Laure Gentson. Merci d'avoir accepté de livrer tout ça aux auditeurs d'Europa. Votre livre s'appelle Le silence de la Vierge et il est paru chez Bayard et comme tous les livres, paru il y a peu de temps, on le trouve assez facilement sur Sur Internet continuent de vivre des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur Europe1.fr.