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[00:00:02]

Raconte Christophe Hondelatte. Voici l'histoire d'un garçon qu'un jour, on a enfermé contre son gré dans un hôpital psychiatrique pour rien. Il n'avait aucune pathologie. Il est resté prisonnier par la seule volonté d'un psychiatre. Ce garçon s'appelle Marius Jaufré. Il en a fait un livre qui paraît chez Anne Carrière, Le Fumoir. Et il sera là tout à l'heure. Son histoire est l'histoire de quatre vingt deux mille Français chaque année, qui sont internés d'office à la demande d'un tiers 82.000.

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C'est 12.000 de plus en prison. J'ai écrit cette histoire avec du Val de Dieu, deux réalisation de Céline n'embrasse.

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Christophe Hondelatte. Ma première cuite Romney, Ghita, celui qui sert à flamber les crêpes et j'apprends que je tiens mieux l'alcool qu'un Polonais défiants de Biélorusse. Aujourd'hui, je vis dans un litre de label 5 par jour et deux bouteilles de coca, j'en brye. Après cinq verres, l'alcool m'apporte une sérénité, une sérénité qu'il m'est impossible de trouver dans la lucidité. L'alcool me permet de supporter une angoisse que sans lui, j'aurais abrégées en sautant du septième étage.

[00:01:41]

Un soir, place des Vosges à Paris, je suis à la terrasse d'un café bien décidé à déprimer tranquille. Mes mains se mettent à trembler. Le manque d'alcool, je dois boire, je dois boire encore.

[00:01:55]

S'il vous plaît, ça serait possible d'avoir une Leffe avec une paille.

[00:02:07]

Il m'apporte la bière sans commentaire et sans paille. Mais il y a deux milkshake abandonnées sur la table d'à côté, alors j'attrape la paille la moins mordiller et j'aspire Mabire à petites gorgées. Mais j'ai à peine fini que mes mains et mes jambes se mettent à trembler plus fort.

[00:02:24]

La crise s'annonce. Mon frère Thomas habite dans le coin, alors ce que je me suis mis à cette terrasse dans l'espoir qu'il tombe sur moi. Mon frère, c'est la seule personne à qui je peux parler sans faire semblant. Et d'ailleurs, le voilà marieuse et encore bourré. C'est ça, au moins après. Il matras par le bras pour m'arracher à la terrasse et je me retrouve que par terre, j'ai besoin d'un truc fort de la morphine, de la vodka.

[00:03:10]

Il me parle, mais je ne suis pas en mesure de l'écouter se montrer. Et là, comme un coup de couteau me traverse la tête, je fais un dernier effort pour me mettre debout. Marius, tu m'entends, Mariouche? Réponds moi, Marius.

[00:03:43]

Taxis, taxis. Mon frère me jette sur la banquette arrière. Qu'est ce qu'on fait là? On va au marieuse. T'es trop mal pour que je te laisse dans cet état. La voiture s'arrête sur un parking, cerné de grilles. Allez Marius, ça, c'est Lariboisière, non? C'est Ste-Anne, avec des crises de panique. Les médocs que tu prends l'alcool, c'est mieux de venir ici. Ste-Anne, c'est le grand hôpital psychiatrique de Paris. Je m'en remets à son intuition, à son pragmatisme.

[00:04:27]

Il sonne. Un type apparaît l'air bad boy, avec les cheveux gras et les aisselles, auréolé de sueur. C'est mon frère. Il a trop bu. J'ai peur qu'il fasse un malaise. Gré, on va l'examiner. Je me dis dommage, je requinquée, on me donnera un nouveau traitement pour la dépression des cachets plus efficace que le Valium, et peut être qu'on me recommandera un psychiatre plus talentueux que les charlatans que j'ai consulté jusqu'ici, au mieux un addictologues qui se prendra pour le docteur Freud.

[00:05:11]

Bonjour Monsieur Geoffrey! Le psychiatre qui va vous examiner. Je veux sortir deux minutes pour fumer. D'accord, Marco, tu peux l'accompagner pendant ce temps là. A l'intérieur, le psychiatre discute avec mon frère. Mon frère m'embrasse. Je reviendrai demain matin, Marius, tu vas passer la nuit chez. Je viens de chercher un Neuvirth. C'est bien, docteur. Et demain, je vais penser que si tu étais en forme, bah, on pourrait se faire un petit footing.

[00:05:48]

Mon frère, c'est peut être un peu empaler. Le bureau du psychiatre est étroit comme un KGB. Qu'est ce que vous avez bu avant de venir ici? Je dirais. L'équivalent d'une bouteille de whisky. D'accord, à quelle heure est ce que vous avez commencé? Je crois qu'il était déjà 8 heures au réveil quand vous avez pris autre chose. Cannabis, cocaïne, médicaments. J'ai pris un valium. Pour me calmer parce que sinon, je peux même pas sortir faire mes courses.

[00:06:32]

Marco Marco vous l'accompagnais pour une prise de sang. Bon courage! Après la prise de San Marcos ouvre une porte à coups de pieds. A assiette Ouanna. Déshabille toi, je vais te piquer dans la fesse, ça va te faire un peu mal. Voilà. Et là, il sort des sangles, des sortes d'élastique en caoutchouc et il m'attache par les pieds aux barreaux du lit. Mais pourquoi est ce qu'il m'attache? Il finit par me détacher et me changer de chambre.

[00:07:29]

Et quelques heures plus tard, c'est le matin et mon frère est de retour. Geoffrey. Bonjour, je prends la suite du psychiatre qui vous a vu cette mais alors monsieur? La situation de votre frère nous apparaît complexe. Il risque de développer ce qu'on appelle un syndrome de Korsakoff c'est une maladie qui est un peu comme un ver qui grignote une pomme, c'est à dire que le corps et l'esprit s'en vont. En quelques années, jusqu'à ne plus marcher avec des troubles de la mémoire d'abord immédiate, puis ensuite des délires, la démence, puis la cécité.

[00:08:09]

C'est pourquoi je propose que votre frère soit hospitalisé au plus vite. Mon frère est ingénieur en général et il est du genre qui croit à la science. Mais là, il émet de gros doutes. C'est à dire que mon frère était bourré hier soir et il est bourré tous les soirs, alors je comprends qu'il faut prendre en charge son sevrage. Mais là, ce que vous me dites l'âme. Je ne suis pas sûr quoi vous n'êtes pas médecin? Monsieur?

[00:08:42]

Il est de ma responsabilité de placer votre frère dans un établissement adapté à son état. Et d'ailleurs, si je ne faisais pas, vos parents auraient le droit de m'attaquer. Bon, alors, vous signez ici? C'est quoi une hospitalisation à la demande d'un tiers? C'est un document légal. Vous voulez faire interner Monfray? Mais on est venue ici de son plein gré. Et oui, est ce que vous comptez l'hospitaliser, c'est Sectors Isaias. Donc pour lui, ce sera dans le 13ème arrondissement.

[00:09:19]

Bon, si c'est pas vous qui signait, ce sera moi, je suis, je suis habilité à le faire, mais disons que ça serait préférable que ce soit vous, quoi? Je vais rester combien de temps là bas? Deux jours, sans doute. Allez signer! Et il a signé et deux infirmiers me prennent par les épaules, ils me saucissonner sur un brancard, les bras et les pieds attachés, et l'ambulance démarre en trombe vers le Groupe public de santé Pérot Vaucluse, dans le 13ème arrondissement.

[00:10:04]

On me détache lya par lien. Vous allez voir l'infirmière en chef et là, une grosse dame aux cheveux rêche fait son apparition au bout du couloir et elle se laisse tomber comme une pierre sur sa chaise. Mon. Ici, c'est un arrondissement parisien par étage. Donc, vous habitez le neuvième, donc vous êtes au troisième. Je peux voir le. Le psychiatre. Le docteur Foucault vous verra en temps voulu et vous fera un bilan avec lui dans les jours qui viennent, les jours qui viennent.

[00:10:41]

C'est mauvais signe, ça. Au troisième étage, on m'a introduit dans un cagibi blanc avec une odeur de vieux. Bon, ben voilà votre chambre! C'est la numéro 313. Bon séjour, je passe la main sur le couvre lit. Il est râpeux comme de la corde. Une corde? Une corde. Je balance un regard circulaire. Je pourrais faire une corde et cette corde, je pourrais l'accrocher à L'impliquant Ferraillent, qui accueille le néon. Et après, je pourrais faire un nœud coulant vite.

[00:11:29]

Je sais le faire. J'ai fait dix ans de catamaran. Parce que c'est 4 mètres carrés de cellules. Je ne m'y habituer pas, je ne m'y habituer pas, jamais. Le réfectoire est une usine. Les cuisiniers servent à la loucher et à la chaîne. Il faut manger très tôt. Manger comment? Piss?

[00:12:07]

Et toi? Oui, je suis arrivé cet après midi. Moi, c'est qui qui doit Mosset? Marius. Marius, c'est Couasnon et y'a des Pange. Il faudrait les mettre en prison. Et sous quel régime? Hospitalisation sans consentement? Il n'y a pas pire régime ne veut plus partir compter sur ce régime. Mais moi, je le sortir dans 2 jours d'un jour. J'ai connu personne qui soit resté deux jours ici. Et toi, t'es là depuis combien de temps?

[00:12:42]

2 ans?

[00:12:47]

Deux ans, je me vois tomber d'une falaise, m'écraser sur les rochers, même s'il raconte qu'il est là parce qu'il a sectionné les couilles de l'amant de sa copine. Le lendemain, me voilà face au docteur Faucon, alors jeune homme, comment vous sentez vous dans cette unité? Bages Je n'ai rien contre cet endroit, mais pour tout vous dire, je me prends pas ma place. Je veux voir. Pourtant, vous avez un dossier chargé alcoolisation massive, prise anarchique de médicaments et isolement social, risque de troubles de la personnalité, risques de fugue.

[00:13:39]

Je ne comprends pas, je suis majeur. Oui, enfin, je lis qu'à Sainte-Anne, vous avez quitté votre chambre sans autorisation. C'était pour aller à l'accueil, monsieur. En premier lieu, nous allons mettre en place votre sevrage.

[00:13:54]

Et puis, dans un deuxième temps, il faudra a choisi de me maintenir en observation et l'infirmière me verra pour le traitement. En général, combien les gens restent ici? Il me dit qu'il ne peut rien me certifier, qu'il n'y a pas de règles, alors je lui réponds que pour moi, ça ira sûrement vite, que ça n'est qu'un problème d'alcool. Et là, il élève la voix et il me met à la porte sans même m'accorder l'onction de sa poignée de mains.

[00:14:36]

Geoffrey. Tenez, voilà du lard gâtine. Et puis tenez, voilà votre Valliot! Le largage t il? Il ordonne à tout le monde. C'est un neuroleptique qui existe depuis 1951. On l'appelle la camisole chimique. Elle transforme les patients en pierre.

[00:15:00]

Ça fait une semaine que je trimballe ma carcasse de couloir en couloir à la recherche du docteur Faucon. Aujourd'hui, mon frère est venu me rendre visite. Et justement, voilà le docteur Faucon, docteur Faucon. Suite hommage au frère, le frère de Marius, on s'est parlé au téléphone. Nous avions rendez vous, vous m'avez dit qu'on pourrait s'entretenir à propos de mon frère, monsieur, s'il vous plaît. Bon, cinq minutes, pas plus. Voilà maintenant qu'il est ce vrai jeu.

[00:15:32]

Je pensais que mon frère pourrait continuer de se soigner en ambulatoire. J'ai contacté un psychiatre. Il s'engage à le suivre à l'extérieur. Oui, oui, oui, mais je vais le garder encore en observation. Il n'y a pas de recours. Vous pouvez écrire au directeur, mais je pourrais m'opposer à sa décision. Quoi qu'il en soit, à un moment, il sera présenté au juge des libertés. Ça, ça servira à quelque chose. Enfin, docteur!

[00:16:02]

Vous êtes incapable de poser un diagnostic? Et d'ailleurs, est ce qu'il a passé des examens qui concernent le syndrome de Korsakoff? Mais de quoi est ce que vous me parlez? En fait, il est beaucoup trop jeune pour Korsakov mon. Voir Mr. Pourquoi est ce que je n'en donnerai pas? Une grève de la faim, je pourrais informer les médias. Je pourrais lancer une pétition sur Internet, écrire au président de la République pourquoi je ne fais rien?

[00:16:37]

Parce qu'ici, on dresse les patients. On nous inocule le respect de la psychiatrie en même temps que le marketing. La seule personne qui a le droit de me faire sortir, ça n'est pas mon frère. Ce ne sont pas mes parents, ni même un juge ou un avocat.

[00:16:52]

C'est le psychiatre. Le psychiatre a la main mise sur l'établissement. Aucun juge ne contrarie jamais ses décisions. Le psychiatre est au dessus des lois et des droits de l'homme.

[00:17:14]

M. Genferei a rendez vous avec l'équipe psychologique Bureau 108.

[00:17:20]

Elle me fait entrer dans un bureau tapissé de moquette grise. Asseyez vous tout d'abord, vous allez remplir ça. C'est un QCM. Prenez vous de la drogue? Jamais. Parfois, souvent, très souvent. Êtes vous suicidaires? Avez vous des idées noires? Vous vous sentez bien, monsieur? Pour tout vous dire, non, non, je me sens prisonnier. Vous savez, c'est ce qui est Destouches au début. Vous pouvez rien faire pour moi. Mais je suis quand même content de vous voir parce que le docteur Faucon ne le voit jamais.

[00:17:57]

Vous avez besoin de voix? Vous savez, il est très compétent. Je veux bien vous croire, mais moi, je l'ai vu que deux minutes depuis que je suis là. Et puis merde quoi! Allez vous faire foutre? Et là, je lui balance le questionnaire. Je renverse la chaise d'un coup de pied et une alarme retentit.

[00:18:16]

Deux aides soignants fondent sur moi. Il m'emmène dans une chambre minuscule au sixième étage. Pas la peine de m'attacher. Je suis pas agressif. C'est pour votre bien, monsieur le psychiatre ou psychiatre. Une fille blonde se penche sur moi avec une seringue à la main et.

[00:18:43]

En fin d'après midi, le docteur Faucon me fait l'honneur de me recevoir. A donné une convocation au tribunal concernant la procédure de contrôle d'hospitalisation sans consentement.

[00:18:56]

Bon, c'est de la paperasse, tout ça. La loi du 5 juillet 2011 fait intervenir le juge des libertés et de la détention. Mais c'est une mascarade. Le juge se range toujours à l'avis des psychiatres et le nombre de personnes internées sans consentement a doublé en dix ans. Aujourd'hui, on est 82.000, c'est à dire 12.000 de plus qu'en prison, et plus de trois quarts des patients ne sont atteints d'aucune pathologie précise. Ils ne sont pas malades et leurs chances de retrouver leur liberté devant le juge et 2 0.

[00:19:37]

Si on n'a pas de famille, si on est orphelin, c'est perpétuité. Et donc, ce matin, j'ai rendez vous au tribunal de grande instance de Paris. Bonjour Monsieur, je suis votre avocate.

[00:20:04]

Le bureau de la juge est une petite pièce avec une grande fenêtre dorée. Bien, monsieur! Expliquez moi votre situation, je vous écoute. Je lui explique qu'on ne me donne pas de médicaments. On m'a retiré mes antidépresseurs et que c'est dur à supporter que j'ai peur pour ma santé. Si je reste dans cet endroit un jeune homme. Je vous écoute sans prêchi prêcha rempli de poncifs, dure à peine deux minutes et un. Monsieur, le délibéré aura lieu vers 13 heures.

[00:20:39]

Et il tombe par fax à mon retour en Asie. Ordonnons la poursuite de l'hospitalisation complète dont fait l'objet M. Mariouche aux frais.

[00:20:53]

Ça fait 15 jours que je suis coincé ici. 15 jours de taule, 15 jours qu'on me balance du monsieur comme une balle, un labrador. On le garde en observation, le monsieur. Il va prendre son traitement, le monsieur Fromenger, le monsieur pour se lever, le monsieur.

[00:21:12]

Je reviens de la visite rituelle aux distributeurs de boissons au rez de chaussée. Et là, surprise, je vois le docteur Faucon foncer sur moi à.

[00:21:22]

Vous cherchez? Désolé, docteur, j'étais en bas pour boire un café. Venez, je n'ai pas beaucoup de temps vous accordez. J'ai eu votre frère au téléphone. Il dit qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous logia chez lui pendant un temps indéfini. Or, il se trouve que je prends mes congés à la fin de la semaine et je ne vous cache pas que je vous aurais bien gardés en observation pour quelque temps encore, mais nous nous sommes mis d'accord avec votre frère pour vous faire sortir vendredi.

[00:21:54]

Vous en pensez quoi? Je pense que c'est un bon compromis. Je le pense, c'est. A présent, comme tout bon taulard, je connais la date de ma libération. J'aurais été enfermé 17 jours, 22 heures et 33 minutes. La moyenne nationale est de 2 mois pour 80 000 de mes concitoyens.

[00:22:24]

Thomas matant sur le trottoir d'en face et avec toute la douceur d'un frère qu'il me serre dans ses bras, comme je l'ai dit au docteur Faucon, tu vas passer chez moi tout le restant de tes jours et il me dépose chez moi.

[00:22:43]

J'entre dans mon immeuble le temps qu'il s'en aille. Et puis, quand la voix est libre, je file acheter une bouteille de Chibi. Je la pose sur la table et j'imagine l'orgasme intergalactique de la première gorgée. Je tourne doucement le bouchon pour entendre le métal Sauron et je me verse en vrai et je laisse couler dans ma corps de toutes petites gorgées pour laisser monter lentement l'ivresse.

[00:23:22]

Les bouteilles passent et les jours allongés sur mon lit, je ne sors que pour me ravitailler au Franprix. Quand mon portable vibre. Je l'éteint quand le facteur Tock. Je ne lui ouvre pas. Tant mieux si on me croit mort. La peur de l'enfermement, la peur que les psychiatres viennent me prendre. Elle me hante jour et nuit. Les voisins que je croise sont de potentiels flics en civil. Peur d'être arrêté et chez moi, je me déplace sur la pointe des pieds.

[00:23:54]

Est ce que j'ai mis la radio trop fort? Est ce qu'on va le signaler pour avoir tiré la chasse d'eau? C'est du tapage. Marieuse, vous êtes écroué. Monsieur Jauffret et toutes ces bouteilles que je descends dans de gros sacs poubelles bourrés de papier journal pour ne pas qu'elle tombe dans l'escalier qui bouenza lui tout seul.

[00:24:14]

Est ce qu'il ne faudrait pas penser à le faire soigner dans une structure spécialisée et les mégots jetés dans la cour dont la gardienne se plaint? Ils ne sont pas Aloui. Un jour ou l'autre, on m'en mènera pour m'enfermer. Et ce jour approche. Et puis, un matin de juillet, je me suis levé à l'aube, la veille, je n'avais vu que de la bière. J'ai écouté l'intégrale de Gainsbourg. Mieux vaut ne rien dire. Pas Bence, rien.

[00:24:59]

Déjà, à la nuit tombée, je me suis senti mieux paisible. J'ai ouvert en grand les fenêtres de mon studio pour laisser pénétrer les bruits de l'immeuble. Plus rien ne me faisait peur. L'homme mauvais et que j'étais devenu, en sortant de l'asile, se bonifier avec le temps. Je pouvais à nouveau me regarder dans la glace de l'armoire à pharmacie. Mon corps n'était plus aussi lourd. Et un matin, j'ai commencé à écrire. Si je termine mon livre, alors ce sera la preuve que ni l'Asie ni l'alcool ne m'ont détruit.

[00:25:40]

Ce sont ces petits riens qui vont vous donner. Ça fait toujours un peu de mal de couple. Gainsbourg? N'est ce pas Mario? Oui, c'est vraiment bien.

[00:25:53]

Parce que d'abord, il ne faut peut être situer cette histoire dans le temps. Le mois de juillet dont vous parlez, c'est le mois de juillet dernier ou celui d'avant. Alors, ça s'est passé en 2015. Donc donc, il y a longtemps. C'est la fin de cinq ans pour écrire le livre. Alors, je l'écris beaucoup plus rapidement. Simplement après. Bon, il y a toute cette partie pour le faire éditer. Donc, ça prend toujours un petit peu de temps.

[00:26:18]

Et j'ai pas pu l'écrire en sortant de l'asile, car j'étais dans une période vraiment où je buvais beaucoup plus qu'avant d'y entrer. J'étais terrifié comme je raconte, et ma seule solution était de boire, de boire de plus en plus pour voir combien de temps pour vous sentir capable de décrire.

[00:26:39]

Deux ans et demi, il m'a fallu deux ans et demi, car j'ai été atteint de paranoïa. Et comme je raconte dans un livre, j'avais très peur de tout ce qui était des bruits, une sonnerie, des bruits de pas de voisins, une porte qui claque. C'était devenu insupportable. Est ce que vous avez retenu dans votre récit? C'est vrai, la poubelle, la peur que les bouteilles éteintes. C'est vrai. Alors?

[00:27:05]

Peut être d'ailleurs, une explication sur les derniers mots de cette histoire, qui sont aussi les derniers mots de votre livre. Ni l'asile ni l'alcool ne m'ont détruit. Concernant l'alcool, ça peut choquer. C'est à dire que l'idée communément répandue est que l'alcool détruit. Et vous? Vous semblez défendre l'idée que oui, peut être un peu, mais quand même, on peut vivre avec.

[00:27:27]

Oui, on peut vivre avec. Alors, je n'ai pas voulu du tout faire. Je vous dirai cette donnée, cette vieille morale. Aujourd'hui, je ne fume plus et je ne bois plus. Il se trouve que j'ai arrêté de fumer. Je fume comme beaucoup la cigarette électronique. Le jour, je veux boylan en un an. Ça m'arrive de boire. Je fais très attention avec le passé que j'ai. Après tout, c'est légal, donc il n'y a aucune morale là dessus.

[00:27:53]

On ne sait pas du tout un livre pour faire la morale aux gens.

[00:27:56]

Mais en même temps, je savais que ça reste un sujet à traiter. Bien sûr, bien sûr qu'ils peuvent vous jouer de sales tours. Bien sûr. Bien sûr, il n'a pas été traité, car quand on enferme quelqu'un contre son gré, contre sa volonté, c'est très difficile de le soigner.

[00:28:13]

Alors ce qu'on comprend aussi, c'est que écrire votre histoire. A été votre thérapie, celle que vous ne pouvez pas vous offrir, le docteur Foucaud. Je me trompe? Vous vous trompez pas. Il y a eu ça et les Nocturnes de Chopin. Vous êtes pianiste? Je ne suis pas pianiste. Je joue du piano. Je vais jouer du piano. Chopin m'a beaucoup aidé, mais l'écriture aussi. Je me sens presque protégé maintenant que j'ai écrit ce livre.

[00:28:41]

C'est très étonnant le fait d'avoir comme ça tout déballé. Je me sens presque protégé de cette possibilité d'être à nouveau enfermé. Je peux vous offrir une piste. Ça me donne l'occasion de dire que vous êtes le fils de Régisse, bien sûr, qui est l'un des romanciers les plus populaires en France. Un écrivain contemporain très célèbre. Je me suis dit que sans doute, écrire était pour vous une obligation puisque en général, les enfants de vedettes disent que pour exister dans le regard de leurs parents, qui sont assez absents de leur adolescence et de leur enfance, il leur faut faire la seule chose qui les valorise.

[00:29:14]

C'était la même chose. Et que donc, d'une certaine manière, peut être. Dans cette expérience, vous avez réglé un compte avec votre papa.

[00:29:22]

Alors, ce n'est pas du tout un conte que j'ai réglé, en fait, car j'ai une relation très, très lumineuse avec mon père. Mais par contre, ce qui m'a fait énormément plaisir, c'est que mon père est fou de joie et je le vois fier de moi, vraiment très, très fier de moi. Et ça, ça m'a empli d'un bonheur absolument extraordinaire.

[00:29:42]

Mais écrire était une nécessité pour qu'il soit fier de vous. Il va sans doute sans doute.

[00:29:48]

Cela en faisait partie, oui.

[00:29:51]

Alors si on reprend l'histoire au début, oui. Il y a un truc qui m'intéresse bien aussi dans le non-dit, c'est que vous dites Est ce que je ne me suis pas installé à cette terrasse de café où je vais faire ce malaise? On peut être tombé bourré de beaux et par terre parce que je sais que mon frère habite dans le coin et que, d'une certaine manière, je me place sous sa protection. La réponse est oui.

[00:30:08]

Oui, évidemment, évidemment. Donc, c'était une alarme, c'était un appel. C'est pour ça que je l'ai suivi sans broncher dans le taxi et que moi aussi, à la place de mes parents, de mon frère, moi aussi, j'aurais signé. Parce que quand on vous annonce que votre fils va devenir un légume, parce qu'il a contracté le syndrome de Korsakoff, que vous n'êtes pas médecins et infirmiers, vous signez? Oui, parce que c'est présenté comme une horreur.

[00:30:38]

Vous ne lui en voulez jamais, même sur le moment? Non, absolument pas. Mais je perçois tout de suite que ce syndrome de Korsakoff n'existe pas chez moi et que c'est un prétexte pour m'envoyer dans cet hôpital du 13e arrondissement. Et je vais le nommer, c'est l'hôpital Henry.

[00:30:54]

Et donc, ce soir là, se mettent en place une sorte d'engrenage. En vérité, c'est à dire à partir du moment où votre frère a signé cette hospitalisation qui soit sous contrainte ou quelqu'un, c'est le psy qui soit à la demande d'un tiers, auquel cas c'est le frère. Vous ne pouvez plus sortir ni de vous même, ni de son initiative à lui. Donc, la morale Dossin, c'est quoi? C'est qui? Il ne faut jamais aller aux urgences psychiatriques.

[00:31:19]

Je pense qu'il ne faut jamais aller aux urgences psychiatriques. Moi, quand je suis arrivé là bas, il n'y avait personne. Je ne sais pas si c'est pour cette raison, pour remplir finalement des chambres qu'ils m'ont interné. Mais il n'y avait personne. Et c'est vrai que comme je raconte dans mon livre, on voit des personnages. Il y a cette femme qui est internée sur demande de son employeur, qui est un opérateur téléphonique, qui a subi du harcèlement moral et donc elle gifle son supérieur et elle se fait interner par la troupe, par le patron qui n'est absolument pas médecin.

[00:31:54]

Et si vous voulez, elle reste là bas. A partir du moment où elle n'a pas de famille ou qu'elle n'est pas mariée avec quelqu'un qui peut faire du forcing pour la sortir de là, c'est mal barré pour elle.

[00:32:05]

En revanche, moi, je n'ai pas lu que vous rejetez l'idée que vous méritez à ce moment là. A ce moment là, avant et après la psychiatrie, je rejette pas l'ensemble des psychiatres.

[00:32:19]

Par contre, c'est un système vraiment technocratique où tout le monde se soutient. Donc, si vous voulez les psychiatres, il n'y a pas de contre expertise. On passe devant un juge, mais le juge, n'étant pas psychiatre, suit toujours l'avis du psychiatre. Alors pourquoi il y a un juge dans ces cas là? Parce que si on met un juge. Normalement, il devrait pouvoir demander une contre expertise quand le patient, entre guillemets, lui dit qu'il n'est absolument pas malade et qu'il peut retourner chez lui, car c'est ce que j'ai dit.

[00:32:50]

Et là, on voit que le juge sait. C'est un juge fantoche, c'est le dindon de la farce. Mais il n'est pas obligé d'être le dindon de la farce. Personne n'est obligé de faire partie de ce système. C'est trop facile.

[00:33:02]

Je m'aperçois qu'à la manière que j'ai eu de tracer votre histoire à travers votre livre, jamais facile parce que le bouquin est beaucoup plus riche. Je le répète souvent que le récit que je peux en tirer ne comprend pas forcément le titre Le fumoir. Parce qu'en vérité, quoi? La cigarette, c'est. Moment de liberté qu'on vous laisse là bas, c'est la seule activité qu'il y a là bas dans cet hôpital, à enrayer ces fumées. C'est le fumoir.

[00:33:25]

Vous êtes à l'extérieur, alors vous profitez vraiment du temps, c'est à dire dans tous les sens du terme. Ce n'est pas couvert quand il pleut ou vous êtes mouillés quand il fait froid. Vous avez froid parce que vous êtes vous êtes du genre oui. Quand il fait chaud, vous avez chaud parce que vous êtes en pyjama et vous profitez du temps qui passe en fumant. C'est la seule activité et j'aimerais tellement vous dire qu'il y a d'autres choses à faire.

[00:33:47]

Mais non, c'est fumer clope sur clope. Mais c'est là aussi que vous rencontrez beaucoup de gens. Exact. Parlez avec eux, je vous laisse le choix. Un peu des personnages que je n'ai pas pu faire vivre de tout. Tous ces gens que vous avez rencontrés dans vos relatait l'histoire dans le livre. Un personnage qui finalement vous ressemble, mais qui n'a pas votre chance. Il qui a pas le frère, qui se bat à l'extérieur pour le faire sortir et qui ne s'appelle pas.

[00:34:12]

Alors, lui et l'orphelin? C'est quelqu'un qui n'a pas de parents qui est arrivé là bas parce qu'il était dans la rue avec sa bière. Il n'avait fait de mal à personne. Là, en l'occurrence, c'est les psychiatres qui l'ont interné d'office. Alors ils l'ont interné. Ils ont signé. Alors je ne sais pas si c'étaient des pédophiles ou pas, mais cette personne est restée. Ça faisait plusieurs mois déjà. Et moi, quand je suis parti, ça m'avait beaucoup touché parce que cet orphelin m'a dit Toi, t'as des parents.

[00:34:43]

Tu peux sortir.

[00:34:44]

Moi, je vais être obligé de rester ici parce qu'en vérité, si personne ne se bat dehors, c'est un peu la conclusion à laquelle vous arrivez. Ça peut durer quoi?

[00:34:51]

Ça peut durer très, très longtemps et les gens ne sont pas soignés, donc on les met sous leur gâtine. Voilà, c'est un traitement qu'on donne même à des gens qui n'ont jamais pris de médicaments. On donne de l'argent qu'ils ont donné aux dissidents russes. C'est la même famille de médicaments pour les tenir tranquilles. Et donc, on donne ça à tout le monde, même aux gens qui n'ont jamais pris de médicaments de leur vie, qui ne se sont jamais drogué, qui n'ont jamais bu un verre d'alcool.

[00:35:17]

C'est ça qui est fascinant. C'est que vous racontez qu'on donne de l'argent tactile aussi bien à vous qui avez un problème d'alcool qu'à bipolaire en crise maniaque qu'un schizophrène en crise qu'à quelqu'un dont on ne connait pas la pathologie. Même médocs, même médocs? Exactement. Alors, les psychiatres, au moment où vous êtes interné? Ce n'est pas la première fois que vous envoyez. Vous racontez que vous en avez croisé de bons et de mauvais. Il y en a eu une qui est parti à la retraite au moment où ça commence à coller entre vous.

[00:35:45]

Ça, c'est un gâchis terrible.

[00:35:46]

Oui, c'est un gâchis terrible. C'est une psychiatre que j'aimais beaucoup parce que justement, elle ne m'accusez pas de boire trop. Elle essayait de trouver des solutions. Elle savait que c'était très, très difficile d'arrêter de boire. Alors parfois, elle me disait Bon bah, si vous buvez, prenez un peu de Valium, mais prenez en moins ont trouvé des solutions. On pouvait discuter une discussion sereine alors que les autres, alors que les autres, c'étaient des engueulades perpétuelles.

[00:36:14]

Et je peux même vous dire que le jour où j'allais chez le psychiatre était le jour où je buvais le plus. Donc, ce n'était pas efficace du tout. Et on m'avait bourré de médicaments et ça ne servait à rien. C'était vraiment ça. C'était vraiment très dommage, effectivement.

[00:36:29]

Donc, votre avis général sur les psychiatres? C'est un truc qui n'existe pas, c'est à dire qu'il y a parfois des bons. Et si je vous lis bien. Beaucoup de charlatans, beaucoup de charlatans. Et je pense surtout que vous savez, il y a eu des suicides dans cet hôpital 3 en 4 ans. Ce n'est pas rien. Les psychiatres qui en interne, des gens qui n'ont rien fait et il y en a énormément. Parce que là, il y a quasiment 100 mille personnes qui sont internés à la demande d'un tiers.

[00:36:53]

Donc cela, c'est pas sur la demande d'un juge. Donc, ce n'est pas des gens qui ont commis des actes délictueux. Je considère que les psychiatres internes à tour de bras des innocents sont quelque part des criminels. Je suis désolé, mais quand on incarcère quelqu'un qui n'a rien fait, c'est un crime.

[00:37:11]

Et la loi de 2011? Quand on vous suit, ne sert pas à grand chose. Elle a instauré ce passage devant le juge des libertés et de la détention, qui est le même juge qui voit les détenus pour les faire sortir de prison. Mais le résultat est 0.

[00:37:26]

Le résultat est le même, alors c'est cette loi. C'est la loi Sarkozy qui avait fait cette loi sous le coup de l'émotion, car il devait y avoir une affaire ou un schizophrène avait poignardé une infirmière ou une aide soignante. Mais ça ne sert à rien de moins pour les faire sortir.

[00:37:42]

C'est que pour aider les gens à sortir, voilà. En réalité, c'est une mascarade que des juges participent à cette mascarade. C'est totalement dommage, sachant qu'ils sont eux aussi quelque part dans leur métier, sous le joug des psychiatres. Il faudrait un expert indépendant et il faudrait un psychiatre indépendant. Puisse vous voir en consultation et juger de lui, même si le psychiatre qui maintient la détention a raison ou pas.

[00:38:09]

Voilà, ce serait une idée. Mais Christophe Hondelatte y a quelque chose de beaucoup plus simple les gens qui n'ont pas besoin d'être internés. On ne. Mais en général, ceux qui sont internés ne savent pas s'ils ont besoin ou pas, c'est à dire que c'est plus compliqué que ça parce qu'ils sont vraiment en crise. On va vous dire qu'ils n'ont pas besoin d'être internes.

[00:38:26]

Bien sûr. Là, je vous parle des gens qui ont un petit peu bu. Des gens qui ont une parole malheureuse. Mais on parle de parole, on parle de boire de l'alcool. On parle d'un d'inscrit. On ne parle pas d'une agression. On parle de gens qui sont innocents aux yeux de la loi. Est ce qu'il y a eu un retour de l'institution parce que votre livre a un petit succès? Oui, donc je suppose que ça dure montée.

[00:38:51]

Alors écoutez, je suis très étonné. J'ai beaucoup de témoignages sur Facebook, de gens à qui c'est arrivé. Donc j'ai des gens qui me soutiennent à 500. Mais le système a un seul psychiatre. Je n'ai absolument aucune nouvelle. Et pourtant, c'est un scandale national. Je ne comprends pas. Je n'ai pas de nouvelles de cette institution. Je n'ai pas de nouvelles des psychiatres. Je n'ai pas de retour de l'hôpital.

[00:39:16]

Enrayer la torture rentre la tête sous la coquille. Merci infiniment. Marion Jaufré. Je vous rappelle le titre de votre livre qui s'appelle Le fumoir et qui paraît aux éditions Anne Carrière. Des centaines d'histoires disponibles sur vos plateformes d'écoute et sur Europe1.fr.