Christophe Hondelatte Je vais vous raconter aujourd'hui une affaire criminelle absolument unique, incomparable. Je ne vous ai jamais rien raconté de pareilles. C'est une histoire qui se déroule en Corse. En 2005, l'enquête sur l'assassinat de Jojo, Veet, Giannesini, vous allez retrouver tous les ingrédients qui font une belle affaire. Une partie de poker, un corps sans tête, une maîtresse qui joue aguicheuse et, cerise sur le gâteau, des nationalistes bras cassés, plus intéressé par le contenu du coffre fort que par l'indépendance de la Corse.

Et pour le débriefe tout à l'heure, je serai avec la journaliste Ariane Chemin du monde qui est là avec moi. Bonjour Ariane. Bonjour, vous avez couvert ce procès. Le procès de cette affaire pour le magazine 21. Voici donc cette histoire que j'ai écrite avec Thomas Audouard. Réalisation Céline Brace.

Christophe Hondelatte. Avant d'entrer dans cette histoire, je veux juste situer le décor, la Corse, mais pas la Corse des paillotes en bord de plage, pas la Corse des touristes, la Corse des montagnes Cortez, vous vous? C'est une petite ville pile au milieu de la Corse, accrochée à un piton rocheux. En théorie, c'est la capitale d'ailleurs de la Corse. Enfin, ça l'a été quand, brièvement 18ème siècle, l'île a été indépendante. Et aujourd'hui, c'est là que se trouve l'Université de Corse.

Et c'est là, accordée, que va débuter notre histoire. Dans un bistrot de quartier, l'Oasis, le bar des frères Giannesini, un bistrot de quartier, mais une institution. Et vous savez pourquoi on y joue au poker? Tous les dimanches soirs, et d'après ce que j'ai entendu dire, ça brasse pas mal d'argent. Je ne vous ai rien dit. Et là, on est lundi. Le 24 janvier 2005, il est 4 heures de l'après midi et Jean-Jean une chaîne Zinni.

L'un des deux frères est un peu inquiet. Oui, Jojo Jojo devrait être là. Normalement, il arrive beaucoup plus tôt. Alors, Jean-Jean tente de l'appeler sur son portable. Pas de réponse. Il va chez lui, sa voiture garée devant la maison. Les clés sont sur le contact. Il va vers la maison. La porte est ouverte. Il entre, il y a des taches de sang. Alors, il appelle les gendarmes et les gendarmes, à leur tour, pénètrent dans la maison.

Il y a effectivement des traces de sang sur le sol et, encore plus inquiétant, une trace de sang sur le mur en forme de mains et un peu plus loin, une feuille de sopalin couverte de sang et des rouleaux de Grosskost du genre qu'on utilise pour attacher quelqu'un. Mais là où il y a le plus de sang, c'est au pied du coffre fort qui est grand, ouvert et vide. Les gendarmes avancent encore dans la maison. Sur la machine à laver, ils trouvent quatre cartouches.

Ils se tournent vers le frère de Jojo. C'est normal, c'est là qu'il mettait son fusil en face, un fusil, il en avait 5, il n'y en a plus aucun disparu. Il n'y a plus aussi sa collection de couteaux, emportée elle aussi. Les gendarmes avancent toujours dans la maison, ils trouvent le portable de Jojo sur la table de nuit et là, ils ouvrent la porte de la chambre d'amis. Le lit est défait, la couette a disparu et sur le drap de dessous, il y a une grosse tache de sang.

A partir de ce moment là, tout le monde pense que Jojo a fini roulée dans la couette et que donc il est mort alors qu'il l'a tuée. Et pourquoi? Et où est le corps? C'était quand la dernière fois que vous avez vu votre frère? Hier soir, il y avait une partie de poker au café. À un moment, il s'est levé, il est parti. Je ne l'ai pas revu depuis. L'urgence est de retrouver le corps de Jojo.

Alors les gendarmes se mettent à ratisser les environs. D'abord le jardin et puis les égouts. La décharge de la station d'épuration. Il demande même à un hélicoptère de survoler à basse altitude le TAS Vigna, la rivière qui traverse Courtès et. Bien sûr, la disparition de Jojo vite Giannesini, qui était connue comme le loup blanc à Cortés et au delà, fait la une des médias locaux. Corse Matin Radio Corse fréquente Samora et là, la machine à rumeurs se met en branle.

Et il s'en dit des conneries. Jojo Giannesini, il avait tellement de maîtresses. C'est un mari jaloux qui a dû lui faire la peau. Jojo, c'était un multimillionnaire. C'est pour l'argent qu'on l'a tué. Il avait au moins quatre coffres forts chez lui. Ou ceux qui l'ont volé. Ils sont partis avec 3 000. Que les choses soient claires. Oui, Jojo avait de l'argent, mais normalement pas tant que ça. Avec son frère, il gère le bar l'Oasis et ils ont une boîte de nuit l'an 2000.

Mais bon, ce n'est pas le Queen aux Champs Elysées, mais il y a les parties de poker dont il était la banque. Et puis, il y a eu les machines à sous. A une époque, alors que c'était interdit, il a été condamné pour ça. Mais surtout, Jojo a un ami, Daniel. Vitaminés, tout le monde le sait, ça. Et Daniel Wittner. Il fait partie du gang de la Brise de mer. C'est la mafia locale.

Est ce que c'est de ce côté là qu'il faut chercher?

D'entrée, les gendarmes se disent Jojo connaissait son agresseur. Pourquoi? Parce qu'a priori, il lui a ouvert la porte sans se méfier. Jojo, ne laissez jamais la porte ouverte. Jamais. Pas même une minute, dit son frère.

Alors, il essaie de reconstituer son emploi du temps. Le dimanche 23 janvier, ils arrivent à l'Oasis à 15 heures. Normal. La veille, c'était samedi qu'il a une boîte de nuit qui s'est couchée tard. Il s'est levé tard. Il y passe tout l'après midi et le début de soirée. Ensuite, il va dîner avec des amis à lÉchiquier, un restaurant où il a ses habitudes. Renseignement pris, il a mangé une viande grillée. A 23 heures, il retourne à l'Oasis pour la fameuse partie de poker du dimanche soir.

De Rami Poker. C'est une variante. Les gendarmes interrogent tous les protagonistes de la partie de poker. Ils étaient huit. Ils ont mis chacun 200 euros d'entrée sur la table, soit 8, mais ça fait 1600 euros, c'est pas mal. Et tous les joueurs disent la même chose. À un moment, Jean-Jo a reçu un coup de fil sur son portable.

Tu me remplace un moment. Quand il est revenu, il était minuit moins 20. Je m'absente quelques minutes, je reviens. Il n'est jamais revenu et c'est la confirmation qu'il connaissait celui qu'il a tué suffisamment pour interrompre une partie de poker, alors qu'il appelait ça pour les gendarmes. C'est un jeu d'enfant. Il suffit de demander à son opérateur Orange la fadette, le relevé de ses appels. Tiens, tiens, tu vois quatre fois le même numéro dans la soirée.

Le premier à 19 heures et ensuite trois autres appels. Alors voyons, voyons, voyons à qui appartient ce numéro?

Nathalie Battesti. Nathalie Battesti est femme de ménage et accessoirement serveuse au restaurant lÉchiquier, où Jojo a mangé quelques heures avant sa disparition. Ce qui était étonnant, très étonnant même, c'est que quand on entre plus avant dans la facture de téléphone de Jojo, on s'aperçoit qu'il appelle cette Nathalie très régulièrement. Vingt et une fois en trois semaines et systématiquement le dimanche soir, tous les dimanches soirs. Alors, avant de convoquer cette Nathalie Battesti, les gendarmes se font envoyer le relevé de son téléphone portable et ils se rendent compte que à chaque fois qu'elle reçoit un appel de jojos, vite Jezzine.

Tout de suite après, elle appelle quelqu'un d'autre, y compris le jour de sa disparition. Et qui est ce quelqu'un d'autre? Et bien, c'est le patron du restaurant lÉchiquier, Xavier Lucciana. Donc, il y a un truc qui se trame entre ces trois là Jojo Nathalie Battesti et Xavier Lucciana, le gendarme, mettent Lucciana sur écoute et ils entendent sa femme lui faire des reproches.

Tu es irresponsable avec le jeu, le poker, le poker, le poker. Tu veux que je te rappelle à quel point, très endetté, tu as gâché notre vie de famille avec les cartes. Et maintenant, tu es avec la louche.

Gianni est donc accro au poker et il est couvert de dettes. Et celle que sa femme appelle la pute. Alors, qui sait bien, c'est Nathalie Battesti qui est toujours mariée. On est dans un vaudeville Lacq-Orthez et les dettes de Loot Giani. Alors, combien? Est pas mal. Il devait plus de 50 euros à George VI de Champagne à la suite de parties de poker perdues. Ça fait un bon mobile pour un crime, ça, non? Et les gendarmes découvrent que l'autre, pour être sûr de se faire payer, lui avait demandé des garanties des chèques en blanc pour 12 mille euros que le frère donne aux gendarmes.

Et quand on regarde le portable de Botany, on s'aperçoit que plus le temps avance, plus joujous l'appelle. Souvent, il lui réclamer son pognon. Donc, ce Xavier Luciani est le suspect numéro un. D'autant que le frère raconte que quelques jours avant la disparition de Jojo, Lucciana y est venu le voir au Jean-Jean. Un truc que je voudrais que ça soit clair entre nous, mais sans doute au courant. J'ai plus de dette envers ton frère. Je lui dois plus rien.

Je lui ai tout remboursé. Avec du recul, ça ressemble à quelqu'un qui se dédouane par avance. Il est temps de qu'offraient tout ce petit monde et de voir ce qu'ils ont à dire. Deux mois après la disparition de Georges Orbitent, Giannesini, Xavier Lucciana et Nathalie Battesti sont interpellés tous les deux et placés en garde à vue. Et au passage, les gendarmes saisissent la voiture de loucher. Annie, une 106 Peugeot. Et quand Lúthien y voit passer sa voiture sur le camion des gendarmes.

Devant les fenêtres de la gendarmerie où elle est en garde à vue, il devient blême.

Et au passage, les gendarmes ont saisi la voiture de Lucciana, une Peugeot 106, en se disant s'il a tué Jojo, c'est avec sa voiture qu'il a dû évacuer le cadavre.

Forcément. Il ouvre la voiture boire une odeur. Des mouches? Une horreur. Le siège arrière est abattu et la voiture est pleine d'un chargement de bois et de paille. Il écarte la paille et le bois. Il tombe sur la couette, la couette de Jojo qui manque dans son lit et sous la couette. Il tombe sur un cadavre. Un corps d'homme nu. Est ce que ces jojos vite Giannesini? Eh ben ça, c'est pas facile à dire, sans doute, mais c'est pas certain.

Parce qu'il n'y a pas la tête, il n'y a pas la tête. Le cadavre a été décapité, décapité.

Alors. Luciani, que s'est il passé? Qu'est il arrivé à Jojos? Pourquoi n'avez vous tué et pourquoi l'avez vous décapité? Il faut que je vous dise que quand il est arrivé à la gendarmerie. Monsieur Lucciana a dit aux gendarmes Je ne vous dirai rien. Je garde mes déclarations pour le juge. Alors, maintenant qu'on peut lui mettre le cadavre sous le nez, le cadavre qu'on a retrouvé dans sa voiture, est ce qu'il a quelque chose à dire?

Cloutier années à. J'ai fait une connerie. Une connerie. J'étais allé chez lui pour le rembourser, j'avais une enveloppe de 13 000. Ce n'était pas tout, mais c'était déjà ça. Il a dit que ce n'était pas assez. On s'est battu. J'avais un couteau. Je lui ai donné un coup au visage.

Il est tombé. Il nous sert la version light, c'est presque un accident. Le coup est parti comme ça, je voulais le rembourser. Bon. On se reparlera plus tard. Monsieur Lucciana. Et elle alors? Nathalie Battesti, elle aussi. Elle est en garde à vue. Qu'est ce qu'elle raconte au début? Rien. Elle ne sait rien. Elle n'est au courant de rien. Mais est ce qu'elle reconnaît au moins qu'elle est la maîtresse de longues années?

Oui. Et est ce que, par hasard, elle n'est pas aussi la maîtresse de Jojo, Whit Giannesini?

Non. C'est dommage parce que dans le bureau d'à côté, Lucci années est en train de nous servir une autre version sentimentale et passionnelle. On l'écoute. Le dimanche soir. J'ai vu le nom de Jean Jour apparaître sur le portable de Nathalie. Ce n'était pas la première fois. Après, elle est partie. Je l'ai suivi, je l'ai vu monter dans la voiture de Jean-Jo, je suis passé au restaurant, j'ai pris un rouleau à pâtisserie et j'ai foncé chez Jojo.

Quand je suis arrivé, c'était ouvert. Rendrais s'était allumée dans la chambre. Jojo était un poêler. Elle était en train de. De lui tailler une pipe. Ça m'a monté, elle, elle s'est barré et l'autre, il m'a proposé du pognon, du pognon. Il est allé à son coffre quand il a eu ouvert. Je voulais l'assommer un peu plus. J'ai dû taper trop fort en. Je ne voulais pas le tuer. Et après? Après, j'ai roulé une corde dans la tour avec du scotch.

J'ai pris les fusils et les couteaux pour faire croire à un cambriolage. Et après? Après, j'ai roulé jusqu'à Santa Lucia di Merdouille. Je connaissais un endroit où il y avait une porcherie comme les cochons. Ça mange de tout. Même les cadavres, j'ai voulu le foutre aux cochons. Mais alors, pourquoi avez vous tranché la tête? Et vous savez ce qu'on dit? Les cochons, ça mange tout, sauf les Jeux. C'est pour ça que j'ai relevé la tête.

Et donc, finalement, le corps. En janvier, la terre était trop dure. Je ne pouvais pas creuser. Je l'ai laissé dans la voiture. Je l'aurais enterré plus tard. Eh ben dis donc, quelle histoire!

Ça serait donc un meurtre passionnel. Enfin, si on l'écoute, c'est même un accident passionnel. Quant à l'histoire de la tête, on découpe parce que les cochons ne mangent pas les cheveux. C'est du grand art. Il en faut de l'imagination pour inventer une histoire pareille.

Et si on retournait dans le bureau d'à côté, alors Mme Battesti, vous n'êtes vraiment pas la maîtresse de Jojo. Finalement, c'est à. Et donc, vous étiez dans son lit dimanche soir. Oui, un rat et quelqu'un est venu vous déranger. Oui, un homme est rentré, on était en train de faire l'amour. Après, je suis parti. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Cet homme, vous le connaissez, un nom? Ça ne serait pas loucher, ni par hasard.

Je ne sais pas. Il était masqué, je ne l'ai pas reconnu. Le coup de l'homme masqué, un grand classique. Bref, Xavier Lucciana est mis en examen pour assassinat et Nathalie Battesti pour non-dénonciation de crime, sans que le juge ne soit tout à fait convaincu par cette version romantico passionnelle. Il l'a tuée pour ne pas lui rembourser sa dette. Ça, c'est la vérité. Et au passage, pour vider son coffre, c'est beaucoup plus convaincant parce qu'il y a un contexte où les gens se mettent à parler.

Xavier Luciani était tabou à cause de cette dette de jeu. Il était tabou. Jojo en profitait pour l'humilier en permanence. Il venait dans son restaurant et il partait évidemment sans payer la note. Et il recommençait comme ça tous les jours. Et cerise sur le gâteau, il coucher avec sa femme et tout le monde était au courant. Lucciana, il a pété les plombs et d'une certaine manière, les gens le comprennent. Interrogé par le juge, Nathalie Battesti raconte que Luciani lui a demandé un jour Tu connais une porcherie dans les environs.

Elle dit aussi que quand l'homme masqué est entré dans la chambre, il a laissé tomber quelque chose de sa poche, un rouleau de scotch. Et pour le juge, c'est pain béni. Ça signe la préméditation. Loot Giani avait préparé son coup. Mais est ce qu'on est certain que Nathalie Battesti était bien dans la chambre parce qu'on est d'accord? Cette version du crime passionnel, on n'y croit pas. Eh bien, si elle était dans la chambre, on a retrouvé son ADN dans les draps.

Oui, monsieur. Mais ce qui est bien intéressant, c'est qu'il y a d'autres ADN dans la chambre des ADN qui sont inconnus au fichier. Alors, est ce que ça veut dire qu'ils s'y sont mis à plusieurs pour tuer Jean-Jo?

Eh bien oui, ils avaient sans doute des complices et le juge va en avoir la confirmation. À la toute fin de son enquête, il était sur le point de boucler son dossier quand intervient un événement étonnant qui va venir in extremis donner une petite couche nationaliste corse indépendantiste à cette histoire.

Le 22 janvier 2006, une bombe explose au centre des impôts d'Aix en Provence et elle emporte avec elle le poseur de bombe qui est en Corse, a priori militant du FLNC, et un complice est arrêté, un certain Dominique Pascot Alhadji, docteur en archéologie et nationaliste corse patenté. Et qu'est ce que raconte ce monsieur Pascaud, Aladji? Bien que la bombe a été fabriquée dans la cuisine du restaurant lÉchiquier, chez Xavier Lucci Annie. Alors, quel rapport est ce que ça avec notre crime?

A priori, aucun. Sauf qu'évidemment, du coup, on va chercher Xavier, nous, dans sa prison pour lui poser quelques questions. Et là, que dis nous, Giani? Il dit que Pasqua l'a dit, a aussi participé au meurtre de Jojo Fitschen Zénit. Incroyable rebondissement, même si Pascal Adji, ni il ni lui, est un politique. Ce n'est pas un assassin à la petite semaine. N'empêche qu'il est quand même mis en examen pour l'assassinat de Jojos.

Et là se produit un évènement terrible. Il est dans le bureau des flics, au commissariat. Soudain, il se lève. Il se précipite vers la fenêtre, est grande ouverte et il saute du troisième étage. Est ce qu'il a voulu se suicider? Est ce qu'il a voulu s'évader? Quoi qu'il en soit, il ne meurt pas, mais il finit en fauteuil roulant, paraplégique. Alors, quel rôle a pu jouer le FLNC dans cet assassinat dont le mobile, je vous rappelle, n'est absolument pas politique puisqu'il s'agit de payer une dette de Beaucaire, rien de plus.

Le juge va mettre un peu de temps à démêler le sac de nœuds et voilà à peu près le scénario auquel il arrive. Xavier Giani a peur de jojos et de ses amis du gang de la Brise de mer. Et comme il a des accointances avec les nationalistes, à un moment donné, il leur demande un coup de main. Le deal aurait pu être le suivant vous m'aider à tuer Jojo et à me débarrasser du cadavre et en échange, vous vous servez dans son coffre fort qui, à priori, regorge de biftons.

Ça vous fera de l'argent pour la lutte. Un autre nationaliste, Joseph Fabiani, vient raconter que lui aussi, il a été contacté dès qu'il y a eu des réunions de préparation du meurtre. Ah, intéressant. Et qu'est ce qui s'est dit dans ces réunions? Eh bien, entre autres, que le rôle de Nathalie Battesti était de servir d'appât, de draguer Jojo, d'aller chez lui au prétexte de coucher avec lui et de laisser la porte ouverte pour que la fine équipe puisse entrer et le tuer.

Le rôle de Nathalie est enfin éclairci et il est diabolique. Du coup, mouillé jusqu'au cou, Nathalie balance un autre complice, le neveu de Xavier Luciani, Sébastien Goody Scheiner lui aussi. Il en était. Ça commence à faire beaucoup de monde. Il s'y serait mis à sac, donc, pour tuer Jojo? Eh bien oui. Et voilà à peu près le scénario auquel arrive le juge.

Le soir du 23 janvier 2005, à 23 heures 39 précisément, où 8 Giannesini propose à Nathalie Battesti de le rejoindre chez lui. Nathalie prévient tout de suite Giani qui va se poster devant chez Jojo. Nathalie, il laisse la porte ouverte. Elle se déshabille et elle commence à faire l'amour avec Jean-Jo. Xavier Luciani surgit dans la chambre. Il assomme Jojo avec un rouleau à pâtisserie. Et là, Nathalie s'enfuit et en sortant, elle croise le neveu Sébastien, planqué dans l'allée et un peu plus loin.

Dominique Pascale Hadjis, qui fait le guet près d'un réverbère. À un moment, Luchini siffle son neveu Sébastien pour qu'il rentre à son tour dans la maison. Et là, Jojo est assommé. Mais il n'est pas encore mort. C'est quoi ton code? C'est quoi le code de ton coffre? Tu nous le donne tout de suite ou on fume. A ce moment là, Jean-Jo se rebiffe et Luciani, le neveu, dit que c'est Pascot Alhadji qui arrive et qui lui donne le coup mortel avec le rouleau à pâtisserie, ce que psychologique conteste.

Il a un argument de poids il n'y a pas son ADN dans la chambre. Ensuite, le neveu raconte qu'avec Pascal Adjé, ils mettent le corps dans la voiture. Il lui coupe la tête et il la jette dans un puits. On a enfin des nouvelles de la tête et on va la retrouver dans ce pays. Et ensuite, ils vont jeter le corps dans l'enclos à cochons de la porcherie. Le lendemain, il y retourne. Horreur, malheur!

Les cochons n'ont pas touché au cadavre, donc ils remettent dans la voiture où il va moisir pendant deux mois. Voilà à peu près ce qui a dû se passer, même si tous les protagonistes ne sont pas d'accord avec ce scénario. Ce sera donc à la cour d'assises de trancher sur le rôle des uns et des autres. Le procès de la fine équipe s'ouvre le 31 mai 2010 devant la cour d'assises de Bastia. Il dure quinze jours pour des raisons diverses et variées.

Trois des protagonistes, Nathalie Battesti, Joseph Fabiani et Dominique Elhadji, dans son fauteuil roulant, comparaissent libres. Seul Xavier Lucciana et son neveu Sébastien Goody sont restés en prison depuis le début.

Je ne vais pas vous raconter ce procès en détail, disons pour résumer qu'on a un mal fou à savoir qui a fait quoi, qui a donné le coup fatal, qui a découpé la tête. A un moment, on se dit on va connaître la vérité. Le neveu Sébastien Goody de Chéli se lève. Il est à bout de nerfs.

Il est en larmes et il s'adresse à Passe bolla du comique.

Véritas Puta dit ce qui s'est vraiment passé, pourquoi on est là? On n'a plus le droit de jouer cette comédie. On le doit à la famille. Vitaminés maintenant, Dominique, on assume tout. Sébastien est en sanglots. Il tremble comme une feuille. Il est en train de craquer. Le tribunal tout entier retient son souffle. On va savoir. Eh bien non. La présidente annonce suspension de séance.

Et elle fait évacuer Sébastien pour qu'il se calme. Sauf que quand il est calmé, il n'a plus rien à dire. Elle aurait dû le laisser aller au bout. Quel gâchis! Du coup, au moment du verdict, personne ne sait vraiment qui a tué Jojo et qui lui a découpé la tête. Mais puisqu'il faut un verdict, en voilà trente ans pour Xavier Lucciana, vingt cinq ans pour Dominique Pascaud Alhadji, 15 ans pour le neveu Sébastien Goody Chany, 10 ans pour Lapa Nathalie Battesti et trois ans avec sursis pour Joseph Fabiani, Nathalie Battesti, Xavier Luciani et Dominique Aladji font appel et ils ont eu bien raison.

En mars 2011, la cour d'assises d'Ajaccio rend un nouveau verdict. Pas de changement pour Luciani, 30 ans, mais Pascal Hadjis voit sa peine ramenée à 18 ans et Nathalie Battesti Aguicheuses s'en sort avec sept ans de prison, trois ans de moins. Cette histoire, je suis avec Ariane Chemin, qui est grand reporter au journal Le Monde à l'époque, avec un autre de vos confrères qui s'appelle Antoine Albertini. Vous avez couvert ce procès que vous avez raconté dans Le Monde et dans le magazine 21ans en longueur.

Un très, très bel article d'une quinzaine de pages. Comment est ce que vous vous retrouvez à couvrir ce procès parce que vous n'êtes pas une spécialiste des affaires judiciaires? Vous êtes quelqu'un qui butinent sur les sujets qui l'intéressent. Pourquoi est ce que ce sujet vous intéresse? N'a rien fait.

Tout ce qui se passe en Corse m'intéresse et il me passionne. Et en fait, on garde toujours un petit peu le programme des actualités judiciaires. J'ai senti que ce procès était prometteur, qu'il allait se jouer une sorte de partie de poker, à l'image de du dossier qui ne concernait que ça pourrait être passionnant. Et ça a été passionnant. Et vous avez raconté effectivement cette scène inouïe où, tout d'un coup, le neveu va parler, parler.

Allez parler, effectivement.

Et on lui demande de se calmer. Il ne dit plus rien. Donc, on sort de ce procès de quinze jours à Bastia qui faisait très, très beau à la fois. Un peu perdu parce qu'on le sait. On ne saura jamais vraiment qui a traîné le corps, qui a coupé la tête, qui a tué et qui a porté le coup. Et en même temps, c'était une sorte de scènes de genre et une petite comédie, ou plutôt tragédie corse qui s'était jouée dans les murs de cette cour d'assises.

Il y a une impression de consanguinité un peu. Ils se connaissent, tous ces gens là. C'est à dire que le récit donne l'impression. Mais en vérité, tout le monde se connaît. Ils se croisent tous les jours.

Oui, et d'ailleurs, on part sur une mauvaise piste dans cette affaire. Parce que Jojo, qui est assassiné effectivement, il connaît denfance de l'école de jeunesse, un ancien de la Brise de mer. Donc on pense que c'est une histoire de grand banditisme alors que pas du tout. En fait, il y a des fausses pistes. Ce n'est pas une histoire à rebondissements incroyables. Mais c'est vrai que dans cette cour d'assises de voir cet ancien chef d'une branche dissidente du FLNC tétraplégique diminué, à qui on n'épargne aucune, aucun détail intime parce qu'il n'est plus rien.

C'est comme l'histoire d'un roi déchu, quoi. C'était terrible.

Donc, je compte sur vous pour compléter le portrait de de cette équipe de bras cassés à la tête de laquelle se trouve donc Lucciana Xavier Lucciana, qui doit 50 000 euros à Jojo Giannesini et qui donc organise son assassinat. Alors lui, c'est lui, le bourgeois du Delaborde, lui d'un restaurant. Il est en costard cravate.

Il a un restaurant. Il a mis son costume, son plus beau costume, encore son. Mais on sort son costume pour les enterrements, pour les mariages et pour les procès d'assises. Effectivement, il est assez chic, ce restaurant qui se trouve au milieu du cours. Paoli a contacté à peu près au milieu.

D'ailleurs, je m'en souviens bien. Et le court, il est tout petit. Il y a une expression corse où on dit faire le cours et faire le coup. Ça veut dire se promener en fin de journée et montrer, se montrer et se montrer. Alors il y a des codes bons trottoirs, mauvais trottoirs, etc. Et lui, il sentait confusément parce qu'il avait des dettes de jeu. Quand on le regarde mal, comme on dit, et qu'il sentait le mépris.

Y compris, évidemment, du patron du bistrot où il jouait et qui savait que chaque jour, ses dettes augmentaient. Et il avait le seul fait qu'on le regarde mal, justifiait pour lui Xavier Javier, comme on dit en Corse, qui il n'en pouvait plus.

Et il voulait se venger, humilié, humilié. Ce n'est pas rien d'être humiliant encore.

Ce qui est étonnant quand même, c'est la naïveté du bonhomme. Parce que l'appel téléphonique, le bornage des téléphones portables, enfin, tout ça fait que s'il avait réfléchi deux secondes, il est coincé. Il se fait arrêter. Il part en prison. Il n'y pense pas du tout.

Il préfère laver son honneur et on verra certaines choses, par exemple. C'est quand même encore ce qu'il y a vingt ans personne d'enlever sa batterie de téléphone, sauf en Corse quand on parle avec moi. Il a quand même en général. Ce qui est très intéressant encore, c'est que les gens connaissent très, très bien la justice. Les procédures ne font jamais une erreur de moins. Ils ne vont pas dire un jugement pour un arrêt, mais là, il y a quand même un peu foiré son affaire.

Et surtout, ce sont des gens. Et Xavier, bénissant les cochons, est très intéressante. Alors l'histoire du cochon sur des cochons, il traîne le corps jusqu'à la porcherie, de sorte que les cochons mangent les cadavres.

Eh bien, ils n'ont pas vu les bons films italiens sur la mafia sarde, mais ils ont vu des mauvais films et dans les faits, en Sardaigne, ça, ça se fait en Sardaigne, effectivement.

Sauf qu'on affame les cochons, évidemment. Avant, on leur donne à manger pendant une semaine. Et là, comme ils n'ont rien à manger des cochons, ils mangent effectivement dans les grands films italiens Le Canard. Sauf que eux, ils n'ont pas vu ces films là et ils savent ça.

Des cochons repus. Et Nathalie Battesti, elle donne l'impression d'être une fille à La Roche.

C'est toujours difficile de dire ça, mais effectivement, elle a une vie difficile. Elle passe beaucoup de temps à s'occuper de sa mère. Qui? Quelle maladie? Effectivement, elle donnait un peu cette impression là à l'audience.

Le neveu Goudurix, le neveu, a par cette crise de larmes et ses cris, on s'en souvient pas très bien, mais le personnage qui marque pendant le procès, c'est. Parce que Nadjib passe, c'est à dire que lui, il est vraiment au FLNC, alors pas ouvrées FLNC. En fait, il a grandi à Sarcelles, mais comme beaucoup de Corses qui ont grandi sur le continent, quand ils reviennent encore, ils sont toujours plus nationalistes que les nationalistes.

Tout d'un coup, Luiza au Pays basque. Là, c'est pareil, c'est pareil. Et là, tout d'un coup, il rêve d'aventures. Il a la foi dans la vie. Prof d'archéologie, très réputé, très pédagogue, ces élèves. Et puis, il décide effectivement de créer une sorte de petite branche dissidente du FLNC. Et là, il est tout d'un coup chef d'équipe avec des gamins qui l'entourent, qui sont soussou, soit complètement soukkot et drogués, soit pas très malin.

Et effectivement, ils fabriquent ces petits bombinettes, ces paquets, comme il dit dans la cuisine de Xavier Luciani. Donc, d'une certaine manière, Xavier Luciani lui a prêté sa cuisine. Et après, il a du mal à refuser le coup de main quand il s'agit d'aller donner une rouste.

Parce qu'en fait, c'est sale, donnant donnant. Je te prête ma cuisine pour préparer ta tambouille, donc tes bombes. Et en échange, si j'ai besoin, tu me donnes un coup de main.

Quoi exactement? Il a rendu Y'a un mot qui est très important en Corse, on dit il y a des gens de service et des hommes de service. Un homme, asservissent, on dit. Et là, le service rendu, il se refuse pas.

Alors, il se retrouve donc, à la suite de cette affaire, en fauteuil roulant parce qu'il a sauté par la fenêtre de la section antiterroriste au ministère de l'Intérieur. Il est tombé dans la cour, dans la cour. Il est tombé dans la cour du troisième étage. Il voulait s'évader ou se suicider. C'est ça qui est incroyable dans cette histoire.

D'abord, on voit bien qu'il y a eu deux histoires dans l'histoire. Elles auraient pu être irrésolues, c'est à dire que Lucciana aurait pu aller en prison seule et jamais personne n'aurait su qu'il avait des complices. Et c'est pas ce qu'il est arrêté dans une autre histoire. Un gamin qui se fait sauter devant un palais de justice. Tout d'un coup, on l'interroge et on lui dit voilà. Xavier Chaline nous a dit que vous étiez de mèche. Et là, je pense que l'idée que son petit bout de FLNC, puisqu'il s'appelait le FLNC du 22 septembre, Izaguirre, personne ne le connaît.

Il se trouve sali, entaché par une sombre histoire de fesses.

Oui, tout à coup, il dit lui même J'ai un blanc, il dit ça. Je me souviens aux juges. J'ai eu un blanc. Je ne sais plus ce qui s'est passé. Moi, je pense qu'il veut se suicider, mais c'est pas. C'est pas très clair. Il saute et il fait l'ange, fait l'ange. Il écarte les bras et évidemment, il se fracasse sur le pavé et il reste tétraplégique à vie. Et c'est vrai que ce procès est pour lui une horrible humiliation.

Parce que le guérillero, impotents d'une certaine manière, lui lui dit il, ne fait que rendre service.

Il rend service. Oui, il pense. J'imagine au départ qu'il fallait. Il s'agit simplement de donner une rouste, comme disent une bonne correction. Et puis ça dégénère et il se montent totalement complices. Puisque de toute l'affaire et effectivement, tout d'un coup, cette espèce de choc entre deux affaires va permettre de faire surgir la vérité.

Alors là, il se passe quelque chose. Moi, je trouve assez étonnant. C'est que si j'ai bien compris, quand on arrive au moment du délibéré, vous êtes bien incapable de dire qui a donné le coup fatal, qui a coupé la tête? Qui a fait quoi? Tout le monde conteste que ce dont on l'accuse. Et donc, il est difficile de rendre un verdict. Et pourtant, il y en a.

Oui, ça m'a fait penser un petit peu à l'affaire Colonna ou on ne sait jamais vraiment ce qui est qui. Ou personne n'a jamais voulu dire qui avait tué le préfet Boyer. On se regarde entre soi, on parle d'honneur, on dit dit la vérité. Si tu es un homme d'honneur, dis le, c'est un peu le même scénario. Voyez où il y a une affaire qui se joue entre hommes. On se dit un secret qu'on ne connait pas.

Et puis, le secret bien, il tombe. Il s'enfuit avec le verdict. Et en fait, c'est vrai qu'on est parti sur une impression de frustration parce que le scénario exact, le déroulé de ce qui s'est passé dans cette maison ce soir là, et bien on ne le saura pas.

Merci Ariane Chemin d'avoir passé ces quelques minutes avec nous dans la foulée de cette histoire. Vous qui nous écoutez, si vous souhaitez lire ce papier, vous le trouverez facilement sur Internet à Beaucaire, en Corse. Signé Ariane Chemin et Antoine Albertini dans le magazine 21ans et dans les archives du monde, on trouvera tous les autres papiers. Merci beaucoup.

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