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Christophe Hondelatte. Une histoire d'amour aujourd'hui toute simple, dont la seule particularité est de concerner un homme et une femme qui, à cause de leur âge, pensaient que c'était fini.

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Susy, 60 ans, et Georges, 74 ans. Il était veuf, veufs tous les deux, il avait tiré un trait sur leur vie amoureuse. Et puis, Internet les a fait se rencontrer et ça donne un très joli livre signé Susie Morgenstern et George Rosenfeld chez Bayard. Fleurs tardives au pluriel. Tout ce que je vais vous raconter vient tout droit de ce livre. Je le précise parce que vous risquez d'être un peu surpris par mon récit. La réalisation est signée Céline Le Lebrun.

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Christophe Hondelatte. Au tout début de cette histoire, Suzie et Georges ne se connaissent pas encore, ils sont veuf et malheureux, mais chacun dans leur coin.

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Souzy a 60 ans, elle a perdu son mari Jacques. Onze ans plus tôt, un cancer, et elle en est au stade où elle se dit Ma vie n'est pas finie, mais ma vie amoureuse, oui. Tant pis. J'ai un travail, j'ai des enfants, je viens d'avoir une petite fille.

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J'ai de quoi remplir ma vie. Mais il y a un signe qui ne trompe pas elle arrête de cuisiner. Et pourtant, elle adorait cuisiner. Mais pour quelqu'un. Elle s'achète des plats surgelés. Quelle horreur! Des barquettes qu'elle glisse dans le micro-ondes, du poisson sans goût, vous voyez?

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Et puis, elle ne se fait pas sur elle, mange directement dans la barquette. Ça fait moins de vaisselle.

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Jorge, lui, a 74 ans, il a perdu sa femme Heidi d'un cancer. Là aussi, c'est touchant. C'était son premier amour. La première fois qu'il a dit Je t'aime à une femme et ils ont passé 40 ans ensemble. Quand tu ailles demeure, il se retrouve très seul, très seul. Il ne supporte pas la compassion de ses amis, ni celle de son fils et de ses petits enfants. Alors, il s'éloigne. Il se planque.

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Il s'en mure dans la solitude. Et puis, un jour, il reçoit un mail, un site de rencontre lui offre un mois gratuit. Il dit Ça n'engage à rien. Ça ne débouchera sans doute sur rien, mais ça peut être amusant. Et donc, il s'abonne.

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Susi, c'est son gendre qui la secoue. Ça fait plus de dix ans qu'elle est veuve et un jour, il lui dit. Un coup, ça suffit de pleurer celui qui est encore potable. Et c'est lui, son gendre, qui l'a inscrit sur un site de rencontres. Au début, je ne sais pas si vous avez déjà essayé ce genre de site. C'est très addictif, alors elle se connecte un peu comme une adolescente qui va à une boum.

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Elle relève ses messages. C'est très excitant.

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Celui là, il pas mal, prend celui là, non pas celui là, mais elle ne va pas plus loin. Ça reste virtuel. Elle se dit que ça doit être un ramassis de mythomane, tous ces mecs. Alors, elle ne leur répond pas. Elle ne cherche pas à les rencontrer comme ça. Elle n'est pas un fidèle à son fantôme de mari.

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Et puis, un jour, elle tombe sur Georges. Elle lui envoie un message. Et pourtant, sur la photo de son profil, ce n'est pas le prince charmant. Et il répond. Sujet verbe, complément très simple, reposant par rapport aux autres qui en font des caisses. Et elle se met à lui poser des questions.

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Taille. Un mètre 88, très bien. Je ne veux pas d'un plus petit que moi, fumeur. Bien que je ne supporte pas la fumée, les juifs. Oui. Circoncis là, à l'autre bout, Georges tique un peu. Il est juif, mais il a grandi hors de toute culture juive. Alors il répond. Vérifie toi même! Revoir ça devient chaud autour de Georges maintenant de poser des questions. D'abord physique. Je suis grosse. J'ai des grands pieds et je ne suis pas top model.

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Ça lui va à Georges, mais elle lui dit aussi qu'elle est écrivain, la prétentieuse. Alors il va vérifier en tapant son nom sur Google. Elle n'a pas menti. Elle écrit, elle publie, elle a obtenu des prix.

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Un bon point. Ils viennent de se donner rendez vous à Paris, sur le quai de la gare de Lyon. Ils sont là, sur le quai. George arrive de Suisse et Suzie habite à Nice, mais elle est à Paris depuis quelques jours. Important ils ne se sont jamais échangés de photos. Oui, José et des jeunes l'auraient fait, mais pas eux. Vont ils se reconnaître? Eh bien oui, Georges arrive au bout du quai avec sa petite valise.

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Il la voit tout en rose. Il reconnaît tout de suite. Et elle? Joie grand, dégingandé, Courboyer avec un imperméable digne d'un espion de la guerre froide, un homme sans une minute de moins que la j'annonçais raus les oreilles, les oreilles.

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On a dû l'appeler Dumbo quand il était petit.

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Et là arrive à un moment assez délicieux. George n'a pas de point de chute à Paris alors que Susie sait où dormir puisqu'elle dort chez sa fille. Alors il lui a demandé de lui trouver un petit hôtel et elle lui a réservé le Novotel à côté de la gare. Ils y vont tout droit pour déposer la valise. Bonsoir messieurs dames, nous avons une réservation, n'est ce pas? C'est pour une ou deux personnes. Lui, il est un peu embarrassé, mais elle sait pour.

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Bon, elle a dit deux fois bien. Nous voici donc dans une chambre d'hôtel standard. Moi, confus, je me tiens au milieu. Que faire, que dire? Je ne sais pas. Et pendant ce temps là. Moi, j'ai répondu à sa place qu'il voulait une chambre double, mais c'était pour qu'il ait plus d'espace. Je pensais faire un brin de conversation et puis reprendre le métro.

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Mais vous y croyez pas moi, là dessus, la fille appelle. Maman. Maman, tu rentres à la maison, tu rentres à la maison tout de suite. Et confiance, moi, chérie, je t'embrasse! Georges, on pourrait demander de nous faire monter une bouteille de rouge. Qu'est ce que tu en penses?

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J'ai pas trop envie de ressortir webservices. C'est lui qui retire le bouchon et qui remplit les verres.

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Mais c'est elle qui le pousse sur le lit. Ce n'est pas son genre, c'est pas du tout dans ses habitudes. Elle est elle même un peu ahuri de ce qu'elle vient de faire. Mais en vérité, elle a compris qu'elle avait affaire à un grand timide. Et avec le recul, elle se dit que c'est la meilleure démarche qu'elle n'ait jamais entreprise de sa vie. Et lui, il n'en revient pas. Il n'est pas très beau. Plus très jeune, il se considère comme vieux.

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Et là, il a cette femme sur lui. Ouareau. Et elle? J'ai été tout de suite chez moi, dans ce pays de chair, de peau, de bras, de lèvres célèbre, était blindée, rouillée, mais coopérative. Il a enlevé ses lunettes. Et puis tout le reste. Je ne suis pas fier de ma personne physique trop grasse, mais lui, il avait l'air moins décomplexé avec son slip de l'avant guerre. Je me suis blotti contre lui et j'ai réveillé un mort endormi depuis longtemps.

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Vient le moment où Georges, 74 ans, doit aller chercher son Viagra dans sa trousse de toilette. Et voilà. Et après, ils s'endorment, scotchés l'un à l'autre dans une symphonie de ronflements.

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Le lendemain.

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Paris, Paris, Paris. Main dans la main. Enfin, non! D'ailleurs, à un moment, elle lui prend la main. Il refuse la pudeur, sans doute. La matinée se passe, il déjeune. Puis l'après midi, Suzy veut aller se changer. Elle est dans sa tenue de la veille et ils se disent à ce soir. Suzie rentre chez sa fille.

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Et là, Mamani? Non, mais maman est tenue cinglée.

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Cuidet couche. On dirait une ado.

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Mais Tape a 15 ans, maman est folle. Et ses petits enfants qui lui font la gueule et. Bye-Bye, elle, va rejoindre son amoureux pour une nuit de plus.

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Et après? Après, ils rentrent chacun chez soi. Susy dans sa maison de Nice et Georges dans sa maison sur le lac de Neuchâtel, en Suisse. Et c'est rigolo. Parce que chacun dans leur coin, ils font le même constat. C'est le bordel chez eux, il faut qu'ils rentrent. Et oui, la même mécanique a joué dans les deux cas. Veuve, les enfants partis, Suzy a accumulé Hanta et Georges a arrêté de remonter les pendules.

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Entre autres, donc, les retrouvailles se font chez lui, en Suisse.

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Il va la chercher à l'aéroport de Genève en train. Figurez vous, il n'a pas de permis de conduire. Il ne conduit pas et ça lui paraît surréaliste. Un homme qui ne conduit pas. Et puis les voilà chez lui, sur les bords du lac de Neuchâtel, face aux Alpes. Il lui a préparé une petite chambre rien que pour elle, au cas où elle lui dit. Non, mais ça ne va pas. On a plus de temps à gaspiller.

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A un moment donné, le fils de Georges, un géant, passe une tête. Il a peur, Georges. Qu'est ce qu'il va penser en découvrant que son père s'est amouraché d'une parfaite inconnue qui prend une partie du cœur jusque là uniquement réservée à sa mère? Mais ça se passe bien. Et d'ailleurs, tout le séjour se passe bien. C'est bien parti leur affaire et la prochaine fois, c'est chez elle, à Nice.

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Quatre jours, ils ont prévu de passer quatre jours ensemble à Nice. Et là, c'est au tour de Georges d'avoir des angoisses. Vont ils m'accepter? Ils pensent aux amis et aux enfants de Suzie. Et en tout cas, ils arrivent bien en avance à l'aéroport de Genève. Pas question de louper l'avion et à l'autre bout, à Nice, Susy aussi à ses angoisses. Comment est ce que je vais le mettre dans le lit de mon mari? Et oui, parce que Scilly, celui elle, se souvient très bien du jour où il a été fabriqué par un ébéniste.

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Il y a bien longtemps. Suffisamment haut pour qu'elle et son mari puissent voir la mer depuis leur plumard. Comment inviter un étranger dans son lit?

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Quoi qu'il en soit, le premier séjour de George chez Susy à Nice se passe bien, très bien même.

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Il mange chez l'une des filles de Suzie. Ça va. Elle est bienveillante. Il marche le long de la mer. Ils vont manger une socca. Ils vont pique niquer au soleil. Et l'endroit, la maison sur les hauteurs, plaît à Georges. A ce détail près que les toilettes sont un peu loin et qu'il lui faut une lampe de poche pour y aller la nuit.

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La fois d'après, il se retrouve à Paris. Mais là, plus question d'hôtel. Il se retrouve chez la fille de Suzy. Vous vous souvenez, celle qui avait traité sa mère d'ado attardé? La première fois qu'elle avait décroché. Depuis, la position de la fille et des petits enfants a un peu évolué, mais pas totalement. Je vois bien dans leurs yeux qu'ils le trouvent gentil, mais qu'ils se disent qu'est ce qu'elle fout avec lui?

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La fois suivante, c'est à nouveau chez lui, en Suisse. Deux semaines, il va chez le coiffeur se refaire une couleur. Elle passe aussi chez l'esthéticienne se faire épiler et elle prend l'avion pour Genève. Et lui? Pendant ce temps là, il se pose ces éternelles questions lorsque la maison est assez rangée. Est ce que c'est assez confortable pour elle? Comment je vais la nourrir? La voilà arrivée dans le train qui les emmène tous les deux chez lui.

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Elle se dit tiens! Je commence à ne plus voir ses oreilles. Pendant ce séjour, ils font Chabad tous les deux. Je vous l'ai dit, ils sont juifs tous les deux, ça compte beaucoup. Ils vont aussi passer une journée dans un camp naturiste à poil. Et quand vient le moment de se quitter? J'aime sa cuisine, j'aime sa douceur, son affection. J'aime sa sérénité qui déteint sur moi.

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Peut être bien que je l'aime aussi, mais elle reconnaît qu'elle aime aussi son absence. Et là, ça se passe par téléphone. Kakar Un jour, il part en voyage. Sans elle, il n'appelle pas de la semaine. Le téléphone portable n'est pas une annexe de sa main à son nom. Il n'a pas le réflexe de m'écrire 17 fois par jour. Et il n'entend pas toujours la sonnerie quand je l'appelle. Mais quand il répond pas, je l'imagine étalé par terre, gisant en danger.

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Il leur arrive même de parler mariage, mais ils ne sont pas riches et chacun perdrait la pension de réversion de son défunt. Alors le mariage, ça sera pour une autre vie. En vérité, ils ont trouvé la recette ne pas vivre tout le temps ensemble semble vivre une histoire hors de hors de la vraie vie.

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La vie des factures, des corvées, de l'entretien d'une maison, profiter de chaque minute qu'ils passent ensemble, c'est tout. Aller à l'hôtel, par exemple, dans de beaux hôtels. Et pour Georges, apprendre à supporter qu'elle vienne picorer avec sa fourchette dans son assiette. Chez lui, ça ne se faisait pas. Il faut apprendre à faire des concessions. Par exemple, quand ils sont chez Georges après son bain, il vide la baignoire et ils arinze, alors que quand ils sont chez Susy, ils se lavent dans la même auquelle odorante, moussants, chaude.

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Chez Georges, c'est lui qui remplit le lave vaisselle. Embrassa C'est pour éviter que je fourre une assiette plate dans sa rangée d'assiettes creuses ou. Et idem quand ils sortent du lit. Depuis toujours qu'elle pose le pied sur terre avant même d'avoir fait pipi, Susi fait son lit. George va mettre dix ans à lui dire Tu sais, moi?

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Je préfère qu'on ait la chambre avant de refaire le lit. Ah, les petites manies de l'un et de l'autre. Georges, par exemple, il met son manteau avant d'enfiler ses chaussettes et ses chaussures. Et la nuit, il se lève au moins trois fois et après, il se rendort. Mais pas l. Elle l'a prévenu au tout début. Georges. Si tu tombes malade. Désolé, mais c'est au revoir et bonne chance. Je pourrais pas supporter une autre maladie comme l'agonie de mon mari.

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Je t'aurais prévenu, je pourrais pas. Et bien entendu, elle ne va pas faire ce qu'elle a dit. Avec toujours ses problèmes de communication, Susy. Il lui faut des appels à heure fixe. Il faut qu'il lui envoie des messages quand il va au cinéma, par exemple. Et lui, il oublie. Dis donc, est ce que ça ne serait pas trop te demander d'écrire une ligne? Je vais au cinéma.

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Parcequ'elle à ce moment là, elle voit les pompiers, les urgentistes, le lit d'hôpital. Réponse de Georges relaxent, ne pense pas toujours à des catastrophes et évite de me faire sentir emprisonné. Je t'assure que je ferai de mon mieux, mais il m'arrivera encore d'oublier.

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A un moment agacé, elle lui fait une drôle de proposition. Ne pas s'appeler pendant une semaine. Réponse de Georges. Et c'est pendant une semaine toute communication entre nous. Je l'accepte. Mais je le ressent comme une punition, comme un danger latent de désunion. Sans toi, ma vie serait une catastrophe, un tas de débris dont je ne sais pas comment je sortirai. Il ne me reste que ça et je m'y accroche. L'espoir que nous trouvions un chemin d'entente.

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Et après viennent les petits malheurs de la vieillesse qui, malgré la différence d'âge 14 ans, va finir par les mettre tous les deux à égalité. D'abord, Georges fait un malaise seul chez lui, en Suisse. Il se retrouve à l'hôpital et Susi annule tout. Et elle débarque à Neuchâtel et le trouve en robe de chambre avec une couche. Pas très sexy. Et avec son fils, ils se mettent à parler maison de retraite. Et après, c'est elle qui fait une péricardite.

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Et puis un cancer des ovaires. Opération trois mois de chimio. Et c'est lui, Georges, qui l'accompagne à la première séance. Et la vie continue avec ses hauts et ses bas et notre amour. Fleur tardive et précieuse, fruit d'un hasard de la vie qui ne se font pas des centaines d'histoires disponibles sur vos plates formes d'écoute et sur.

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