Transcribe your podcast
[00:00:06]

9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Cork Cork, dans le sud de l'Irlande, est un port de belle taille caressé par les vents marins et en cette soirée du 12 août 1920 dans la mairie de Cork. Un large bâtiment au centre ville. Un homme d'une quarantaine d'années est en train de s'affairer. Il s'appelle Terraine McSween. Il faut, je vous le d'écrivain. Il est assez mince. Il a des traits doux, des cheveux très foncés.

[00:00:44]

Surtout, il a un regard habité, un regard que ses amis nous disent de la couleur de l'océan. Ses yeux la trahissent à la fois un être calme et décidée, un poète aussi épris de principes élevés. McSween, en dehors de ses activités politiques, est un écrivain. Il est un dramaturge, n'est pas devenu maire par hasard. Quelques mois plus tôt, son prédécesseur a été tué. Il faut vous dire qu'on est en 1920. Cork est l'un des cœurs battants d'une lutte après émaillée de violences, celle de la guerre d'indépendance irlandaise.

[00:01:17]

L'année précédente, trois ans après l'échec de l'insurrection sanglante de Pâques 1916, les pactes de Dublin. Vous savez, les séparatistes ont mis en place une assemblée révolutionnaire. Et cette assemblée? Londres refuse de reconnaître cette marche contre la souveraineté britannique fait suite à des siècles de domination teintée de mépris, souvent d'ailleurs entachés de cruauté. Il faut bien le dire. Et si Terence McSween est travail pendant cette soirée du 12 août 1920, ce n'est pas dans le cadre de son mandat de maire.

[00:01:51]

Il va devoir participer à la mairie à des réunions d'instances républicaines clandestines. Le genre d'activités secrètes auxquelles les Britanniques rêvent de mettre un terme, bien entendu, hors ce que terraine ignore, c'est que les autorités britanniques surveillent tout ça et qu'elle s'apprête à faire faire un coup, à effectuer une action choc. Il va vite s'en rendre compte d'ailleurs, puisque vers 19h30, son secrétaire court vers lui avec une nouvelle effrayante. Des soldats britanniques ont été postés tout autour de la mairie.

[00:02:25]

C'est un véritable coup de filet qu'on est en train de mettre en place pour le maire. Il n'y a pas de temps à perdre. Il faut essayer de s'échapper de cette souricière. Je cite Fiona Forde, le secrétaire, et Max Ruinait emprunter un escalier situé à l'arrière du côté ouest du bâtiment, où ils furent confrontés à un soldat tenant un fusil à baïonnette qui ordonna aux deux hommes de s'arrêter. Ils n'avaient pas reconnu le maire. Le secrétaire essaya de détourner l'attention du soldat, tandis que le maire se dirigea vers une porte en retrait.

[00:02:56]

Ça a l'air de marcher, cette affaire. Max Ruinait parvient jusqu'à une sorte de cour. Sauf que là, problème, lasortie est maintenant complètement verrouillé. Le voilà coincé dans la souricière. Les soldats ennemis sont proches. Ils ne vont avoir aucun mal à cueillir ce rebelle.

[00:03:14]

Franck Ferrand raté christique. Les Britanniques vont se saisir du lord maire de Cork. Il cherche en outre des éléments pour garnir le dossier qu'ils vont instruire contre lui. La mairie est perquisitionnée. On ouvre tous les tiroirs du maire, on scrute ses armoires. Et si l'on en croit plusieurs auteurs, les agents de Londres sont prêts, au besoin, à détourner quelques preuves. On est même pas à saperait, bien entendu, quoi qu'il en soit. Terence McSween est traité en conspirateur et on l'envoie devant la cour martiale.

[00:03:47]

Et là, sa ligne de défense va être claire. Tout ça n'est qu'un nouveau coup de force d'un gouvernement étranger contre l'Irlande. Il n'hésite pas à employer les termes qui fâchent. Il va prendre une décision très lourde. Une décision qui, déjà avant lui, avait été prise par d'autres combattants de l'indépendance. Il va refuser désormais de s'alimenter dès le 16 août. Max ruinait et face au tribunal, il va rester droit dans ses bottes, si j'ose dire.

[00:04:15]

Je cite Pierre Johannsson dans Historia. Affaibli par quatre jours de grève de la faim, Terrence McSween répond avec hauteur. Je souhaite dire un mot au sujet de la procédure en cours. Je suis lord maire de Cork et premier magistrat de cette ville et je déclare cette cour illégale et ceux qui la composent passibles d'arrestation conformément aux lois de la République d'Irlande. Le tribunal, vous l'imaginez bien, n'est pas tellement attendri par ce genre de sortie. McSween a écopé de deux ans de prison qu'il va devoir purger non pas dans sa chère Irlande, mais à la prison de Brixton, sinistre bâtisse au sud de Londres.

[00:04:55]

Et à partir de ce moment là, tout va très vite. Max Ruinait est installé dans une cellule provisoire et puis tout de même dans une pièce un peu plus confortable. C'est là qu'on vient le chercher en pleine nuit pour l'emmener sur un bateau britannique. Une fois la mer Celtique traversée, il va être transféré vers sa prison londonienne, qu'il atteint le 18 août. Cette incarcération? Le maire de Cork provoque une très vive émotion dans toute l'Irlande pour le pouvoir britannique.

[00:05:25]

Cette grève de la faim de Max Ruinait n'est pas une chose facile à gérer.

[00:05:31]

Le geste venant d'une telle personnalité ne peut interpeller l'opinion publique, bien entendu. De plus, après la Première Guerre mondiale, le droit des peuples à disposer d'eux mêmes est devenu une notion extrêmement présente. Les revendications irlandaises embarrasse Londres. Il faut bien le dire, ce qui commence avec l'affaire Max Fouiné, c'est un bras de fer idéologique. C'est une controverse morale. C'est une guerre de propagande qui va être une guerre très dure.

[00:07:17]

MIKL Columns dirigeait l'Orchestre symphonique de la Bible ici, dans ce Concerto pour clarinette. Vous venez d'entendre le final de ce concerto de Charles Villiers Stanford. Franck Ferrand sur Radio Classique. Finalement, les autorités britanniques ont compris qu'elles avaient tout intérêt à traiter terraine S-Max, ruinait avec certains égards sa femme, ses frères et sœurs, a couru en toute hâte, sont autorisés à venir le voir dans sa prison. On permet aussi à un capucin irlandais, le père Dominique, d'être présent pour l'accompagner spirituellement.

[00:07:53]

Il y a sans doute un peu de générosité dans ses faveurs, mais il n'y a pas que de la générosité. Le pouvoir anglais peut espérer que l'entourage de McSween est sensible aux souffrances du cher. Terry va peu à peu le pousser à renoncer à sa grève de la faim lorsqu'ils le verront se rapprocher d'une mort terrible. Ils seront là pour le dissuader et le père Dominique, dans un texte précieux, a raconté son arrivée auprès de son ami. On est là dès le 21 août.

[00:08:24]

Il était dans l'aile médicale de la prison. Confiné dans une vaste pièce aérée, cette salle était éclairée par huit grandes fenêtres et la nuit, par deux grandes lampes à gaz. Elle comptait sept lits. Le seul occupé était celui dans le coin gauche, dans lequel le lord maire était allongé. Le prêtre, en voyant Thérèse, constate qu'il est déjà très affaibli. Son teint est d'une blancheur qui n'a rien de très rassurant, même si ses traits ne sont pas encore trop marqués.

[00:08:52]

Il affiche une résistance absolument admirable. Cet homme, quand le personnel médical de la prison essaie de le convaincre d'accepter de la nourriture, il ne flanche jamais. Il entend protester jusqu'à l'extrême limite de ses forces pour le droit des Irlandais à choisir leur propre destin. Et tous les jours, les proches du maire poète vont se relayer auprès de lui pour l'occuper. On déploie de grandes pages de journaux devant lui. On évoque la question d'actualité. Évidemment, il lui arrive d'avoir des mots durs vis à vis du peuple anglais, qu'il considère comme une puissance vouée au déclin.

[00:09:29]

Et pérennisent demande aussi à entendre des textes spirituels. On lui dit notamment L'imitation de Jésus-Christ ou l'Évangile tout simplement dans des traductions gaéliques. Sa foi profonde, cette foi catholique le soutient et l'inspire. Bien entendu, il va y puiser des réflexions sur le sens de sa protestation. C'est un acte qui est un acte physique, certes, mais aussi un acte moral. Et avec le père Dominique. Il évoque le modèle de Jeanne d'Arc, qui vient juste d'être canonisé par le Vatican.

[00:10:01]

Jeanne d'Arc, dont le combat était contre le même ennemi et pour la même raison, distille au cours de leurs échanges spirituels. Cela n'empêche pas certains religieux à l'extérieur de s'interroger sur les questions éthiques que pose la grève de la faim. Est ce qu'on a le droit d'attenter à sa vie pour une cause, quelle qu'elle soit, même si c'est une cause juste? Se demande l'Eglise. Est ce que ce n'est pas finalement une forme de suicide, un moyen de pression qui pose problème en tant que tel?

[00:10:27]

D'autres vont évoquer les choix du Christ, selon L'écriture. Jésus savait qu'il allait mourir. Or, il y a consenti parce que c'était un acte d'amour pour l'humanité. Et les autorités pontificales, malgré les pressions, vont s'abstenir de trancher ce débat. De même, des camarades de lutte de Thérèse blâment son mode de combat, pensent que sa survie serait bien plus utile que sa mort, plus utile à la cause indépendantiste. Pendant ces débats délicats et disputés, à mesure que passent les jours avec une cruauté, chaque jour plus plus évidente, l'incarcération de terraine suscite des réactions de plus en plus vives.

[00:11:06]

Il y a de grands quotidiens dans le monde entier qui vont dépêcher des plumes avides de détails. On va les envoyer en Angleterre. On envoie aussi des journalistes, des reporters à Cork. La diaspora irlandaise à travers le monde s'intéresse particulièrement à la lutte sans armes de ce maire poète. Dans des pays très catholiques comme l'Italie, des gestes de soutien se multiplient et s'ajoutent à cela des démonstrations de ferveur qui mobilisent des foules entières à travers l'Irlande. Ça devient très impressionnant.

[00:11:37]

Je cite encore Pierre-Jean Hanon. Des messes et des prières publiques sont dédiées au lord maire agonisant, accorde 40 000 personnes, récite le rosaire à genoux à Dublin. Les conducteurs de tramway, les enseignants et les employés de la brasserie Guiness cessent le travail pour assister au service religieux. En Angleterre aussi, un mouvement d'opinion favorable à la libération du lord maire se dessine. Le, LE Times du 30 août déclare au peuple irlandais que l'opinion britannique regarde la mort imminente de Max Ruinait avec un profond regret et un certain sentiment de honte.

[00:12:10]

C'est dans le Times. Vous imaginez? L'affaire se mue en controverse sérieuse. Et d'ailleurs, le gouvernement de Lloyd George est beaucoup secoué par cette affaire. D'ailleurs, tous les membres du cabinet ne sont pas de la même opinion. Une question obsède et divise. Max Witney sera t il vraiment capable de tenir jusqu'à la mort? On s'enfonce à ce moment là dans l'automne et. Réelle du maire poète suscite des rumeurs. Des journaux laissent entendre qu'il s'alimente discrètement, d'autres ouvrent leurs colonnes à des témoins qui cherchent à rassurer sur sa santé, mais la vérité n'en est pas moins là.

[00:12:46]

Elle est terrible. Si Thérèse McSween ne recommence pas à se nourrir, alors il ne lui reste vraiment pas longtemps à vivre. Cet arrangement pour fanfare de Danny Boy pour le film Les Virtuoses est signé Percy Wenger. Il était interprété par des tops Khaled Ben.

[00:15:29]

Franck Ferrand sur Radio Classique. Le bureau de l'intérieur britannique va dépêcher un médecin à la prison. Il s'agit encore une fois de tenter de faire reculer terraine. L'homme s'approche de son lit et lui parle vigoureusement de la nécessité de tout arrêter. Moment terrible. A l'évidence, les deux hommes ne tomberont pas d'accord. De toute façon, il n'y a rien à faire et le visiteur se retire. Le père Dominique est encore présent auprès de son ami. Il raconte avant que le docteur du bureau de l'intérieur ne parte.

[00:16:00]

Le lord maire le fit appeler, le remercia pour ce qu'il avait fait pour lui et tendit son bras pour qu'il se serre la main en disant Nous pouvons ne pas partager les mêmes principes, mais nous pouvons toujours nous quitter, amis. Il est probable pendant ces longues semaines qu'au milieu de sa fermeté, des doutes et tourmenté terraine évidemment, et peut être surtout, il ne faut pas oublier sa petite fille qui va maintenant risquer de grandir sans lui. Il ne peut pas ignorer les sentiments de ses proches qui sont là après de solides tortures, à contempler sa terrible déchéance et autour de 70 jours de grève de la faim.

[00:16:35]

Terraine S-Max, ruiné, a les traits complètement creusés. Ses maîtres sortent terriblement. Sa faiblesse est évidente. Il a maintenant des difficultés à voir. Il entend de plus en plus mal, il ne peut plus vraiment se concentrer et son équilibre mental est vacillant. Et pourtant, même lors de crises où sa raison s'embuent, son amour pour sa patrie, son amour de la liberté va se révéler le plus fort. Il le professe par sa chair souffrante, mais aussi par des mots qu'il laisse échapper.

[00:17:06]

Sa sœur, qui a été citée par Pierre Jouanneau, s'en souviendra avec émotion dans son délire.

[00:17:11]

Quand nous étions encore là, il s'est mis à chanter notre chant populaire Wahab Green Flag, demi enroulé le drapeau vert autour de moi, et il s'est mis aussi à chanter La Marseillaise. Il aimait tant la France, mais il n'a chanté que jusqu'à Marchons! Marchons! Et n'a pas pu aller plus loin. Sa pauvre voix était toute brisée.

[00:17:31]

Franck Ferrand sur Classique.

[00:17:34]

Dans la nuit du 24 au 25 octobre, le père Dominique se rend d'urgence auprès de terrain. Il trouve son ami à l'extrémité. C'est le moment des derniers rites. Le prêtre énonce l'indulgence plénière offerte par l'Église à agonisant dans la grande pièce. L'émotion étreint tous les témoins. Vous imaginez bien et la respiration de terraine s'arrête. Et ses souffrances aussi. Et les mots sacrés vont escorter le poète. Tout cela devait finir. Il est mort juste avant que le jour ne se lève.

[00:18:04]

La nouvelle de cette disparition, après 74 jours, va bouleverser l'Irlande et derrière elle, elle va bouleverser bien des opinions publiques à travers le monde. Le pouvoir britannique a de quoi s'interroger sur cette émotion déclenchée par celui qui sera bel et bien allé au terme de l'engagement qu'il s'était assigné le cercueil de Thérèse et déposé dans la cathédrale Saint-Georges de Warwick. On est à quelques milles au nord de la prison où il est mort après une grande messe d'adieu. L'interminable convoi funèbre va emprunter de longues artères de l'agglomération londonienne pour rejoindre une gare.

[00:18:42]

Il faut fendre la masse indistincte de ces gens aux visages endeuillés. Des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants. Tous unis pour saluer l'homme de Cork. Un combattant qui, à sa manière, sujette à débat sans aucun doute, mais manière indéniablement courageuse, aura tenu tête à ses adversaires. Nous sommes bien en Angleterre et pour reprendre les mots de Pierre Johannsson, le fair play anglais n'est pas un vain mot. Le cercueil sera transféré en Irlande.

[00:19:10]

Pas longtemps après, la terre natale de Thérèse va lui faire un triomphe, mais un triomphe dans la tristesse et la plus grande gravité sur sa tombe. Un des leaders de cette république d'Irlande qui désespère de n'être complètement lance, solennel, Sainte-Jeanne d'Arc, accueille son camarade au ciel. La lutte des républicains continue. Il y aura encore bien des violences de part et d'autre et toutes sortes de divisions. Mais l'indépendance va faire un pas décisif. Un peu plus d'un an plus tard, et là aussi, on pourra dire que Thérèse McSween sera mort peu avant que le jour ne se lève.

[00:19:51]

Nous allons retrouver un peu de gaieté, de joie de vivre avec Christian Bobin. Christian, bonjour et merci pour ce très beau Danny Boy. On vous retrouve ce mercredi 18 novembre à Dauvers, justement.

[00:20:02]

Un petit défi, Franck. Si je vous dis par exemple Bonne journée, vous me dites.

[00:20:05]

Bonne journée!