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9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Permettez moi de vous présenter Victor Noir. C'est un grand gaillard de 21 ans. Il est assez solide et robuste, avec des yeux rieurs, une fine moustache, un début de double menton. Il a le visage assez rond, plein, avec des cheveux brun bouclés aussi. Une très bonne nature. Victor, Noir, un brin goguenarde, un petit peu le genre garçon d'honneur qui se met en frais.

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Voyez sans doute quelque chose d'un peu forcé dans sa personne, dans sa bonhomie, mais en même temps, il est de très bonne compagnie.

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Ça, c'est la personnalité. Le destin lui est moins favorable puisque cette fin du Second Empire qui va le rendre célèbre doit beaucoup, d'une certaine manière, à un drame. Et ce drame, c'est tout simplement celui de sa mort.

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Il était né à Tini, dans les Vosges, dans une famille juive converti au catholicisme.

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Son père s'appelait Louis Salomon. Le nom était devenu Louis Salmon et lui même était s'appeler Ivan Salmon et Ivan Salmon est devenu Victor Noir. Victor, il a choisi lui même le prénom. Quant à Noir, c'était tout simplement le nom de naissance de sa mère.

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C'est un lettré, Victor Noir, amateur de bons mots, qui, volontiers, va ferrailler dans la presse. Il aime la polémique. Il est venu à Paris pour s'essayer au journalisme.

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Et d'ailleurs, un de ses amis, veille, lui a lancé Quel journaliste vous ferez quand vous saurez la syntaxe? Oui, ça, ça fait partie, bien sûr, des conditions pour le moment. Il y a encore des progrès à faire, disons le. Le langage de Victor Noir est un peu trop familier pour son nouveau statut, mais il est jeune encore. Et disons que l'audace, comme beaucoup, lui tient lieu de talent. Ça viendra, le talent.

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Vous savez, c'est ce qu'on disait, ce qu'on écrit un beau jour son ami et protecteur Pascal Grousset, qui, notamment, représente à Paris les intérêts du journal L'avenir de la Corse. Pascal Grousset lui demande d'être son témoin dans une affaire d'honneur. Ce qu'on appelle une affaire d'honneur à l'époque, c'est tout simplement un duel. Vous le savez, affaire qui oppose ce fameux Pascal Grousset au prince Pierre Bonaparte. Oui, ça n'est pas rien quand même. Victor, je l'appelle Victor, même si son vrai prénom, c'est Ivan.

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Victor n'en revient pas. Pensez, dit il, être témoin contre un prince, ça, c'est chic.

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Et voilà pourquoi, en ce matin du 10 janvier 1870, le jeune Victor Noir s'habille avec une particulière recherche d'élégance. Il va mettre le frac noir, chemise blanche avec le col amidonné, séparé comme on faisait à l'époque, cravate noire, bien entendu. Et le voilà qui court se montrer ainsi tout beau chez sa fiancée et chez la sœur de celle ci. C'est d'ailleurs la future belle sœur qui lui refait le nœud de sa cravate.

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Vous êtes très beau, lui dit elle. Allez, vous pouvez y aller et on s'embrasse et on se congratule. Bref, tout ça est assez insouciant. Comment est ce que Victor Noir pourrait? Lui qui n'a que 21 ans et qui est un simple témoin dans une affaire dont il ne sait rien? Comment pourrait il s'imaginer que sa dernière heure est arrivée? Qu'il ne verra même pas le soir de ce 10 janvier? On l'aurait sans doute beaucoup surpris en lui disant non seulement qu'il allait mourir, mais que sa mort aurait un immense retentissement dans toute l'Europe et que pour le régime de Napoléon 3, cette mort allait marquer le début de la fin.

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Franck Ferrand, c'est un raté christique.

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En fait, dans cette affaire Victor Noir, vous aurez compris vous même que le personnage principal, c'est ce fameux prince, c'est le prince Pierre Bonaparte. Le moment est venu. Peut être que de vous en parler, de vous le présenter. Pierre Napoléon Bonaparte était né à Rome, dans le palais de ses parents, via comte Botti, le 11 octobre 1815. Quand on s'appelle Bonaparte. Ce n'est pas une bonne date pour naître puisque, évidemment, l'épopée napoléonienne vient tout juste de s'achever.

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Wattrelos a eu lieu quelques mois plus tôt. l'Empereur déchu est déjà en train de faire route vers Sainte-Hélène au moment de la naissance de ce petit prince. Le père du nouveau né, c'est Lucien Bonaparte. C'est le frère intrépide de Napoléon. Vous savez, l'un de ses complices dans le coup d'État du 18 et du 19 brumaire. Un frère trop rebelle, peut être trop indépendant, sans doute pour s'entendre avec le nouveau chef de famille. Les deux frères sont restés très longtemps séparés.

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Ils s'étaient quand même réunis tout à fait sur la fin pendant les Cent-Jours. Alors, ce jeune Pierre est passionné très tôt par les armes à feu dont il fait usage dans les jardins du palais de son père, dans les États pontificaux, à Kalymnos, à huit à huit ans. On le voit abattre un troupeau de vaches à coups de fusil.

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Ça vous donne une idée de la personnalité de notre petit bonhomme.

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Il va également s'entraîner sur des cruches à Viterbe, ça ne va pas évidemment avoir un peu de temps, mais faire un petit scandale à 10 ans, on le voit s'échapper de son collège pour ne pas subir une punition. Bref, il va d'ailleurs s'en aller en Espagne, où il a appris que des insurgés se battent pour la liberté, ce qu'on appelle la marche vers Livourne. Sauf que lui se perd complètement en chemin. Mais il est tout jeune. Bien entendu, on va l'arrêter, l'incarcérer.

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Il fait un tel tapage que finalement, on l'installe au palais du cardinal Albani et c'est là que son père va venir le chercher.

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Il a 13 ans quand, pour les beaux yeux d'une servante d'auberge, on le voit se battre au couteau avec l'aubergiste. Encore une fois, il est arrêté et libéré. Bien entendu, il va aussi avoir un problème avec un cocher qui aurait mal parlé de Napoléon. Mais c'est une espèce de chez lui. Il y a quelque chose disruptifs comme ça.

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Et l'honneur, l'honneur, l'honneur, toujours l'honneur et les armes à feu. C'est important de le souligner. À 18 ans, en 1831, c'est l'insurrection des Romagne. Vous savez, les nationalistes se dressent contre la souveraineté du pape sur les États pontificaux. Et parmi les insurgés, il y a un certain Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon 3. Eh bien, Pierre est de cette affaire. Lucien va quand même solliciter l'arrestation de son propre fils pour essayer de le mettre à l'abri.

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Et c'est à la suite d'une intrigue galante où, là encore, il va voir. Il va y avoir usage d'armes à feu. Comment envoie le jeune homme en Amérique chez son oncle Joseph? Joseph, c'est l'ancien roi d'Espagne, bien entendu. Et là bas, on verra en Amérique. Pierre Bonaparte se lier d'amitié avec son tombeur. On pense même qu'il est le successeur de Bolivar. Vous savez, il pourrait même devenir un des principaux chefs de ces armées nationalistes américaines s'il n'était pas français.

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Oui, il ne peut pas commander, il est étranger. Le voilà de retour en Italie en 1833. Il enlève la maîtresse de son frère Louis. Mais finalement, il va se réconcilier avec lui. Et c'est pistolet. Au point qu'il va obliger un curé à marier son frère Louis avec la jeune femme. Il est poursuivi par les gardes pontificaux. D'ailleurs, là encore, il y a des échanges de coups de feu qui vont lui valoir un mois d'emprisonnement au château Saint-Ange.

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Il se mêlera par la suite à des brigands dans une vendetta. Je ne veux pas tout vous raconter, mais après de nouvelles escarmouches avec des carabiniers, le pape va le faire arrêter, ainsi que son frère Louis. D'ailleurs, sur la demande du cardinal Fesch, le cardinal Fesch, qui était son oncle, était son propre, son propre cousin. Tout ça se poursuit par des combats au couteau au cours desquels notre petit prince va blesser deux hommes. Il va même tuer un lieutenant.

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Cette fois, il est de nouveau incarcéré au château Saint-Ange, mais il est condamné à mort. Toute la famille impériale, l'ancienne famille impériale, devrais je dire, intervient. Le pape finit par commuer la peine à 15 ans de forteresse.

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Il sera relâché discrètement en 1837. Il n'a que 22 ans. Le revoilà aux Etats-Unis, à New York, où il a retrouvé Louis-Napoléon Bonaparte, qui s'était exilé après son coup d'Etat manqué de Strasbourg. Louis Napoléon, qui, en 1848, deviendra bien sûr le président de la République française, et en 1851, le nouvel empereur Napoléon 3, un empereur qui va tenir son cousin Pierre, évidemment, dans la réserve qu'il va essayer d'éviter qu'il ne n'intervienne trop dans les affaires de la France.

[00:08:55]

On lui donne une petite pension pour qu'il se tienne tranquillement chez lui, à Neuilly, où il vit maritalement avec Nina Flin, qui est la fille d'un ouvrier fondeur en cuivre. Elle a 15 ans de moins que Pierre et il va vivre avec elle. Il ne l'épousera en Belgique qu'en 1867. Or, en 69, alors qu'il vit donc tranquillement, modestement à Auteuil, il envoie un article à un journal bonapartiste corse qui s'appelle L'avenir de la Corse. Les articles en question.

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L'article est commenté sans indulgence par le journal républicain de Bastia, qui s'appelle La revanche, et c'est un échange de courriers qui commence à aller très mal. Finalement, il va y avoir affaire d'honneur.

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On se défie en duel entre ce prince Pierre Bonaparte et puis Tomasi, un patron de rédaction qui s'adresse à son correspondant à Paris.

[00:09:55]

Pour nous, pour lui, pour Beaubourg, pour que son honneur lui soit rendu.

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Le correspondant à Paris, c'est le fameux Pascal Grousset qui va choisir deux témoins, Ulric defonds vièle et Victor Noir. Ce jeune journaliste de 21 ans voit là le point de départ de l'affaire Victor Noir. Un extrait de l'ouverture de Don César de Bazan de Jules Massenet à l'Orchestre des frivolités parisiennes était sous la direction de Mathieu Romano. Franck Ferrand sur Radio Classique. Il faut bien comprendre à ce stade, c'est l'état d'esprit qui règne en France et d'abord à Paris en ce tout début des années 1870.

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Donc 1870 janvier 70. C'est le début de la 18ème et dernière année du Second Empire. Le bilan du régime de Napoléon 3 est, disons le, assez contrasté. Bien sûr, il y a eu beaucoup de victoires, notamment en Crimée, en Italie. Vous savez, on peut dire de Napoléon 3 que en récupérant notamment Nice et la Savoie, il a vengé les traités de 1815 et donc, d'une certaine façon, la défaite de son oncle à Waterloo.

[00:11:54]

Le pays est très puissant, il est très prospère. On peut sans doute dire de la France de Napoléon 3 qu'elle est le pays le plus puissant du monde à l'époque, avec une expansion économique, un développement industriel considérable sur un plan politique depuis 1852.

[00:12:10]

On en est revenu à un régime un peu plus libéral avec Napoléon, Louis Napoléon. Napoléon 3 est un homme de gauche.

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D'une certaine manière, c'est un homme libéral qui a toujours été très sensible aux questions sociales. C'est à lui qu'on doit le droit d'association. D'où va naître le syndicalisme moderne? Or, depuis quelques temps, cet empereur qui est vieillissant, qui est malade, est revenu politiquement à ses premières amours. Et après que les premières années du Second Empire, sous la houlette du duc de Morny notamment et de quelques autres ont été des années de Perseigne, etc.

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Ont été des années assez ancrée à droite, donc elle rentre dans l'ordre et dans la tradition. Eh bien, on arrive dans cet empire libéral de la fin de Napoléon 3. l'Empereur a même confié le gouvernement à Émile Ollivier, qui est le chef de l'opposition républicaine. Vous allez me dire tout ça doit faire plaisir aux républicains? Pas du tout. Parce que ce qu'il voit les républicains, c'est que l'empire est en train de venir chasser sur leurs terres électorales, si je puis dire.

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Les hommes politiques sont prêts à vous pardonner beaucoup de choses tant que vous ne venez pas piétiner leurs plates bandes. Le jour où vous le faites, vous commencez à les inquiéter. Eh bien, c'est ce qui se passe précisément en 1869.

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Et le chef de file des républicains inconciliables, c'est bien sûr Henri Rochefort qui, dans son journal La Marseillaise, s'insurge constamment contre la cour des Tuileries. Et justement, dans La Marseillaise, le dimanche 9 janvier, paraît un article signé Ernest Lavigne, articles qui rend compte de la fameuse polémique entre ces deux journaux corses dont je vous parlais. Il y a dans la famille Bonaparte de singuliers personnages Delavigne, dont l'ambition enragée n'a pu être satisfaite et qui, se voyant reléguée systématiquement dans l'ombre sèche de dépit, de n'être rien et de n'avoir jamais touché ou de toucher au pouvoir.

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Il ressemble à ces vieilles filles qui n'ont pu trouver de mari et pleurent sur les amants qu'elles n'ont pas eu. Rangeons dans cette catégorie de malheureuses coupes. Éclopé, le prince Pierre Napoléon Bonaparte, qui fait la guerre à la démocratie radicale. Mais il y remporte plus de Wattrelos que d'Austerlitz. Grattez un Bonaparte. Vous verrez apparaître la bête féroce. Ben oui, il y a de quoi. Il y a de quoi énerver Pierre Bonaparte. Forcément, c'est ce qui explique.

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Sans doute donc que ce 10 janvier, vers 14 heures, quand on annonce à Pierre Bonaparte que deux messieurs souhaitent lui parler, nous savons, nous, que ces deux messieurs sont donc font vièle et notre Victor noir le prince répondent d'une façon assez. Comment, dirais je? Assez résigné. Il répond Ce doit être les témoins de Rochefort. l'Orchestre de l'Opéra de New York, sous la baguette d'Alberto Véronais, y interprétait le prélude de cet opéra vériste de Jules Massenet.

[00:16:07]

La Navarraise.

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Franck Ferrand sur Radio Classique. Alors, vous voyez où se situe la scène? On est Andy chez le prince Pierre Bonaparte. Pire, Napoléon Bonaparte. On est au 59 de la rue d'Auteuil, exactement celle qui est devenue depuis deux ans la femme du prince. Nina a fait atteler sa calèche pour aller faire des courses à Paris. Et voilà qu'elle arrive en face, une Victoria ouverte dont descendent quatre hommes. Pascal Grousset, parce qu'il est venu contre toutes les habitudes.

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Un journaliste ami qu'on a pris en chemin. Et donc nos deux témoins font vièle et noir qui vont se présenter chez le chien, le prince. Et alors? Là, là, il y a deux versions contradictoires de ce qu'il s'est passé.

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Ce sont deux versions qui sont même complètement inconciliables.

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Font Vièle va raconter qu'après avoir lu la lettre de Grousset, le prince Bonaparte a dit J'ai convoqué monsieur Rochefort parce qu'il est le porte drapeau de la crapule. Quant à monsieur Grousset, je n'ai rien à lui répondre. Est ce que vous êtes solidaire de ces charognes?

[00:17:14]

Vous comprenez bien que le prince ne veut pas se battre avec Grousset. Il veut se battre, lui, avec Rochefort. Les témoins de Grousset répondent que, bien sûr, ils sont solidaires. Alors, le prince a donné ces le témoignage de fond vièle. Le prince a donné un soufflet à Victor Noir, a tiré un pistolet de sa poche et a fait feu à bout portant sur le malheureux. Il a tiré aussi sur fond Viel et l'a manquée et ses fonds vièle qui s'est enfui en criant à l'assassin, à l'assassin assassin.

[00:17:40]

C'est la première version. La seconde version, c'est celle de Pierre Bonaparte lui même. On lui a dit il a annoncé la visite de deux hommes.

[00:17:50]

Il a cru que c'étaient les témoins de Rochefort quand il a compris que la lettre de Grousset lui désigner un autre adversaire. Il a été surpris avec Rochefort. Volontiers avec ses manœuvres. Non! Aurait il répondu. Lisez la lettre! S'est écrié le plus grand des deux, dira Pierre Bonaparte, c'est à dire justement, notre Victor noir.

[00:18:12]

Elle est toute votre lettre. En êtes vous solidaire à ces mots? Encore une fois, c'est le prince qui raconte à ses mots. Le plus grand me frappe vivement à la joue gauche d'un coup de poing et je vis le plus petit armé d'un pistolet qu'il avait tiré de sa poche.

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Il a cherché à l'armée en s'appuyant sur la main gauche dans laquelle se trouvait l'étui du pistolet. Je me suis reculé de deux pas. J'ai tiré de ma poche droite un pistolet à cinq coups que je porte habituellement sur moi. J'ai tiré un coup sur le grand. J'étais à deux ou trois mètres de lui. Il s'est retourné immédiatement et a quitté le salon par la salle d'armes par laquelle il était entré. Tout cela n'aura duré qu'un instant et le prince ajoute que le second individu que vous avez, vous avez reconnu, Fons Vièle, s'est enfui en criant à l'assassin, à l'assassin.

[00:19:01]

Ce qui est sûr, c'est que Victor Noir va descendre et il est transporté chez un chez un pharmacien voisin.

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Et c'est là qu'il va mourir. Ce qui est sûr, c'est qu'on a bien retrouvé des traces d'ecchymoses, de griffures sur la joue de Pierre Bonaparte qui les a faites. Dans quelles circonstances? Après ça, je crois que personne ne le saura jamais. Ce qui est sûr, c'est que le scandale est gigantesque. Un prince de la famille impériale vient de tuer un jeune journaliste totalement innocent dans La Marseillaise. On s'insurge bien entendu. Un assassinat a été commis hier.

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L'assassin est un membre de la famille impériale. Je demande ça. C'est Rochefort qui écrit. Je demande à monsieur le ministre de la Justice s'il a l'intention d'opposer au jugement et à la condamnation probable de ce personnage. La fin de non-recevoir qu'on oppose ordinairement à ceux qui ont été frustrés ou même bâtonnets par les hauts dignitaires de l'Empire. Oui, ça commence à sentir le roussi. Et d'autant plus que le lendemain, au moment des obsèques de Victor Noir, c'est une foule considérable de quelque deux cent mille personnes qui s'est réunie.

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Et la grande question, c'est de savoir si cette foule, elle va tourner à gauche, descendre vers Paris, si je puis dire, et faire la révolution ou se rendre vers le cimetière de nuit pour simplement enterrer Victor Noir. Finalement, c'est la deuxième solution qui prévaut sous la demande, à la demande du père de Victor Noir, Louis Salmon, qui s'écrie Vous oubliez le respect dû aux morts.

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Alors, le prince, me direz vous bien. Il est déféré devant la Haute cour dont sont justiciables tous les membres de la famille impériale et, disons le, entre les deux versions du drame. Les magistrats ont longuement hésité.

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Ils font faire des expertises sur cette fameuse ecchymose qui prouverait le soufflet que Victor Noir a appliqué au prince Pierre Bonaparte. Finalement, c'est cette version, la version princière, qui va l'emporter. Le prince, le 27 mars 1870, est acquitté, mais condamné tout de même à verser 20 000 francs de dommages et intérêts à.

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Mort inutile de vous dire que l'empereur a ordonné à son à son cousin de s'en aller à l'étranger et il mourra en 1878. Je cite ici André Castelot. Celui qui ne fut qu'un malheureux raté demandera à être enterré en terre ardennaise auprès la Lacroix, au pied d'un chêne, son cadavre simplement enveloppé d'un linceul, la face tournée vers le ciel. Et Victor, noir, me direz vous. Avec lui, on va le transférer au Père-Lachaise.

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Franck Ferrand, c'est un raté christique. Au cimetière du Père-Lachaise, il y a quelques années, il apparut nécessaire de protéger la tombe de Victor Noir d'une grille fichée d'un panonceau dissuasif. En effet, il semblerait que cette sépulture ait été l'objet de frottements indécents et autres démonstrations contraires aux bonnes mœurs. Il faut dire que la tombe est surmontée d'une statue allongée, une sorte de gisant moderne, très réaliste, qui est l'œuvre de Jules Dalou Jules Dalou, l'auteur de la stèle La statue de la République, place de la Nation.

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Et ce bronze grandeur nature représente en effet le jeune journaliste au moment de sa mort, allongé, un chapeau haut de forme dans la main droite et, disons le, sa culotte trop moulante ne laisse aucun doute sur une vie, sur une virginité que certains jugeraient provocante. En tout cas, depuis des décennies maintenant, cette partie de la statue est devenue la cible de caresses et autres manifestations de la part de jeunes femmes en quête de fécondité, diton. Il paraît qu'il y a quelques temps, on aurait même retrouvé dans le chapeau du malheureux une paire de chaussons de bébé.

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Et le moment est venu de retrouver notre Christian Morin Bonjour Christian, bonjour mon cher, je ne pense pas mes journées au Père Lachaise, mais figurez vous que lors d'obsèques, il y a un petit peu plus d'un an et demi, j'ai croisé la tombe des reclus.

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C'est étonnant parce que justement, par endroits, même sur le nez de Paul Victor Noir, eh bien, le bronze est légèrement très lustré. Puis à un autre endroit que la morale m'empêche de dire ici, de souligner davantage alors que vous venez de le faire brillamment. C'est étonnant, la sculpture est remarquable en dehors de toute autre considération. La sculpture de Jules Dalou, c'est ça et un travail formidable. Mais vous avez peut être remarqué il y a la balle sur la poitrine qui a traversé l'impact de la balle.

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À la statue. Mais oui, non. Ecoutez, en tant qu'ancienne élève des Beaux-Arts, quand je suis passé devant ce gisant, je me suis demandé de qui il s'agissait et je revenais d'un enterrement. Ce n'était pas d'une folle gaieté, mais enfin, ce Père-Lachaise mérite visite, si j'ose, du nom d'autres cimetières à Paris d'ailleurs tout autant. Merci beaucoup. En fait, ce n'est pas le moment pour les cimetières. Parce qu'en ce moment, les temps sont plutôt gris.

[00:24:10]

Et pensons à du soleil qui arrivera dans nos coeurs bientôt. On vous retrouve demain matin, je vous souhaite une excellente journée. Et qu'est ce que je peux vous souhaiter de meilleur aujourd'hui? On peut écouter quelques écritures, peut être de nouvelles belles histoires dès demain matin.