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9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. En ce mois de mars 1811, la nuit est tombée depuis longtemps sur le château de Navarre. Le château de Navarre se trouve à quelques kilomètres d'Evreux, dans un cabinet, l'impératrice douairière. C'est ainsi qu'on l'appelle maintenant Joséphine est encore éveillée. Elle a 47 ans à l'époque. Vous connaissez son regard sensible. Vous pouvez vous figurer son visage un peu vieilli, mais toujours gracieux. Soudain, on frappe.

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Un messager se présente. Il est porteur d'une nouvelle importante l'impératrice Marie-Louise.

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Celle qui lui a succédé auprès de Napoléon, l'impératrice Marie-Louise, vient de donner naissance à un petit garçon. A l'annonce de cette naissance, un témoin remarqua une légère contraction sur le visage de l'impératrice, note son biographe. Pierre Brandira. Cette naissance était attendue, bien sûr, et pourtant, elle ravive à l'évidence une blessure encore mal cicatrisées. Ça fait un peu plus d'un an que Napoléon a délaissé Joséphine pour s'unir à une femme plus jeune est de sang royal impérial, en l'occurrence une femme tout simplement mieux susceptible qu'elle de lui donner un héritier.

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Ça a été une épreuve extraordinaire. Elle aurait aimé, elle, être la mère de ce petit roi de Rome. Elle aurait aimé entendre résonner pour lui les 101 coups de canon dans les rues de Paris. Mais que voulez vous, c'est une autre qui a eu ce privilège. Et Joséphine fait bonne figure. Elle répond l'Empereur ne peut douter de la vive part que je prends à un évènement qui le comble de joie. Elle entend aussi montrer qu'elle appartient même de loin à ce monde brillant où elle a tenu pendant longtemps une si grande place dans son château de Navarre.

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Elle va même organiser une fête, une fête somptueuse pour célébrer cette naissance. Le sacrifice de son mariage n'aura pas été vain! Se dit elle, et dans un décor raffiné, comme toujours autour d'elle. Elle est là, qui resplendit. Vêtue d'une robe de gala aux reflets argentés, l'on danse et l'on festoie en l'honneur du petit héritier quelque temps plus tard, de retour à la Malmaison, qui est sa résidence proche de Paris. Joséphine, à la surprise de voir surgir le nouveau père.

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Oui, l'empereur est venu discrètement, bien entendu, sans avertir la jalouse Marie-Louise. C'est un jour d'avril 1812, le domaine de la Malmaison, avec ses roses rares, avec son étang aux plantes exotiques et baignée de soleil. Et l'empereur, dont la silhouette déjà un peu alourdie, flâne auprès de celle qu'il l'a vue peu à peu gravir tous les échelons. Peut être lui parle t il de ses ambitions à la veille de son départ pour la campagne de Russie.

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En début d'après midi, il repart. Et Joséphine, bien sûr, reste. Elle reste seule.

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Franck Ferrand sur Radio-Classique à la Malmaison.

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l'Impératrice douairière essaie de tromper son ennui. Sa vie lui semble monotone. Vous l'imaginez en comparaison avec la vie qu'elle pouvait mener dans toutes les années passées dans le sillage du bouillonnant empereur. Alors, évidemment, il lui arrive encore de recevoir de grandes visites, mais elle a perdu beaucoup de son prestige, a perdu beaucoup de son influence. Elle a bien fait quelques tentatives pour retrouver un rôle, même un rôle mineur à la cour, mais en vain. Ce serait inapproprié, semble t il, notamment depuis que Marie-Louise est arrivée en France.

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Vous comprenez bien, on ne peut pas y avoir de place pour deux impératrice à l'été 1812. Joséphine va se concentrer sur des joies toutes familiales. Elle va faire le voyage jusqu'à Milan, rendre visite à sa belle fille, la femme de son fils Eugène de Beauharnais, qui est parti au front, lui, avec l'empereur. Elle fait la connaissance de ses petits enfants et malgré les craintes que commence à lui inspirer l'aventure russe et tout ce qui s'ensuit, elle ne montre aucun signe de faiblesse.

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Pendant la première phase offensive de la campagne, nous raconte Françoise Wagner, qui est également biographe de Joséphine. Elle se maintient. À preuve, elle dirige de loin les travaux qu'elle a commandé à la Malmaison, notamment la réfection de sa chambre à coucher à Milan. Elle s'occupe de futures acquisitions de peintures pour sa galerie. Elle envisage les paiements à compter du printemps 1813. En un mot, elle ne change rien à ses habitudes. Lorsqu'elle rentre à la Malmaison, c'est néanmoins pour apprendre, sans doute avec une pointe d'angoisse, qu'un complot contre l'empereur vient d'être déjoué à Paris.

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C'est ce qu'on appelle la conspiration du général Malet. Une histoire assez rocambolesque, alors que le froid s'abat sur la Malmaison, alors que les arbres se sont complètement dépouillés. Les échos de la campagne de Russie se font de plus en plus inquiétants. Il faut bien le dire. Oui, mademoiselle Avrillier, qui est femme de chambre de Joséphine, je la cite l'hiver de 1812 à 1813 fut d'une morne tristesse à Paris. l'Empereur était en Russie. La fortune, pour la première fois, lui avait été contraire.

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Chaque courrier apportait de l'armée de longues listes de mort et le deuil régnait dans un grand nombre de familles. Et malgré tout, Joséphine n'entend pas se laisser abattre. Elle donne le change devant son entourage. On la voit qui vaque à ses occupations. L'air de rien, de façon presque habituelle, elle prend soin de ses plantes, bien entendu, mais aussi de ses collections. Elle profite de la présence des enfants de sa fille Hortense, l'ancienne reine de Hollande.

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Mais au fil des nouvelles nouvelles, entrecoupées de silence insoutenables, de plus en plus long, de plus en plus épais. C'est une atmosphère lourde qui s'installe dans l'entourage de Joséphine. Un doute? Et si se demande si, finalement, tout l'édifice impérial. Incroyable défi lancé au monde, bâti en à peine quelques années? Et si cet édifice venait à s'effondrer? Que deviendrait elle? L. Joséphine? Si l'aigle venait à chuter?

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Le Dilliès Ciré du Requiem de Roubini, un requiem à la mémoire de Louis Sèze, l'Orchestre Philharmonia et Ambrosienne Chorus était sous la direction de Riccardo Muti. Franck Ferrand sur Radio Classique. Dès l'automne 1813, la bataille des Nations augure du pire. Les vents contraires qui se sont mis à souffler sur l'empire ne vont pas s'arrêter maintenant. La chute de Napoléon est de plus en plus certaine. Sa grande armée décimée a pas mal d'alliés qui sont en train de se retourner contre lui.

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Bref, c'est un retour de fortune. Alors, Joséphine prend sa plume pour soutenir celui qui a été non seulement son mari, mais le grand homme de sa vie. Bien sûr, vos peines sont les miennes, écrit elle. Elles iront toujours à mon cœur. Les choses vont de plus en plus mal. Les troupes napoléoniennes doivent bientôt batailler sur leur propre sol, alors que les alliés avancent de manière inexorable. C'est une coalition très puissante. Bien sûr, le courage de Napoléon et de ses armées est très grand, mais il ne va sans doute pas suffire.

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Les coalisés seront bientôt à Paris, aux Tuileries. L'angoisse monte. Marie-Louise et son fils ont pris la fuite. Quant à Joséphine, qui, pour l'instant, était toujours à la Malmaison. Mais la Malmaison, c'est très près de la capitale. Elle ne dispose que de 16 gardes qui, d'ailleurs, sont assez mal en point, il faut bien le dire, pour la protéger. C'est vrai qu'on a connu mieux. Elle va devoir fuir vite. Il lui faut boucler ses malles.

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Elle glisse les joyaux, les diamants dans la doublure de son jupon. Et puis, au petit matin du 29 mars 1814, la voilà en voiture. Direction la Normandie. Direction le château de Navarre, où elle arrive complètement bouleversé dans des heures qui, pour l'Empire, sont des heures cruciales. Bien entendu, elle est là, isolée, en pleine campagne, sans nouvelles. Sa femme de chambre écrira toujours elle. l'Impératrice était dans des transes mortelles sur le sort de l'empereur et sur celui de ses enfants.

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Sa Majesté ne se coucha que très tard et ne put fermer l'œil de la nuit. Joséphine est aussi inquiète de son propre sort, disons le, parce qu'elle sait très bien que sans l'appui de Napoléon et sans la rend extrêmement confortable, l'impératrice douairière qu'on s'est mis à lui verser. Elle va avoir le plus grand mal à survivre. Elle qui, pendant toutes ces années, a dépensé sans jamais compter, risque de se retrouver dans une situation difficile dans sa vaste demeure dans ce château de Navarre.

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Elle a tout de même le réconfort de voir paraître sa fille, la reine Hortense. Les deux femmes sont très proches. Elles peuvent, si vous me passez l'expression, se serrer les coudes en attendant de savoir comment les choses vont tourner. Il y a des nouvelles qui arrivent constamment.

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Hortense racontera dans ses propres mémoires au milieu de la nuit. Elle entra dans ma chambre, se jeta tout en larmes sur mon lit et s'écria à ma fille ce pauvre Napoléon qu'on envoie à l'île d'Elbe. Le voilà donc malheureux. Sans sa femme, j'irai m'enfermer avec lui. Et oui, je vise à quel point elle l'aimait encore et je pensais avec amertume au courage qu'il lui avait fallu pour s'en séparer, écrit la reine Hortense. Napoléon a abdiqué, en effet, le 6 avril.

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C'est maintenant un bourbon. C'est le petit frère de Louis 16 Louis 18 qui est appelé à reprendre le trône de France. Et dans cette tempête, l'empereur déchu n'oublie pas sa première épouse alors qu'il discute son son avenir avec les Alliés. Il donne des instructions à un de ses proches. Et quel proche! Un Caulaincourt qui est vraiment son bras droit pour les négociations. Il me parla de nouveau de l'impératrice et de son fils, du vice roi et de l'impératrice Joséphine Notre, a t il dit.

[00:11:23]

Il me recommanda de ne pas oublier les intérêts. Joséphine. De son côté, doit préparer la suite. Qu'est ce que vous voulez? Elle s'adresse directement au gouvernement provisoire pour défendre sa cause. Quant à Hortense, elle envoie sa lectrice à Paris pour s'assurer des intentions des Alliés et le tsar Alexandre Alexandre, 1er de Russie, un des nouveaux maîtres du jeu. Le grand homme de l'occupation alliée à Paris semble, disons le, bienveillant vis à vis des Beauharnais.

[00:11:51]

Joséphine, sans trop de crainte, peut se rapprocher de Paris et elle arrive à la Malmaison. Son sort se celle avec le traité de Fontainebleau, qui lui accorde un revenu d'un million de francs. Tout de même une perte importante par rapport à ce qu'on lui accordait jusqu'alors. Mais vous avouerez que ça reste confortable et malgré la fragilité de sa position, elle refuse de faire sa cour aux Bourbons. Comme beaucoup le font et comme elle pourrait le faire elle même.

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Je cite encore pire branda. Elle semblait bien décidée à ne pas se rallier aussi bien en public qu'en privé, au nouveau régime. Jamais elle ne ferait allégeance. Hortense prétendit qu'elle refusa énergiquement de signer une lettre en faveur des Bourbons et Mademoiselle à Vrignon raconte plus tard avoir vu Joséphine tancer vertement son intendant, revenu de Paris avec une cocarde blanche, la cocarde blanche étant l'insigne des royalistes, des gens qui approuvent le nouveau régime.

[00:12:47]

C'est dans cette atmosphère, pour elle crépusculaire, que Joséphine va. Voir briller une dernière petite lueur puisque elle va retrouver à la Malmaison la petite musique mondaine qu'elle affectionne tant, elle reçoit en effet un jour une visite très inattendue, cette Hortense qui raconte à une heure j'entrais à la Malmaison, étonnée de voir la cour remplie de cosaques et tout le monde en mouvement. J'en ai demandé la raison. On me dit que ma mère se promenait dans le jardin avec l'empereur de Russie.

[00:13:17]

J'allais les rejoindre et je l'ai rencontrée près de la serre. Ma mère, heureuse et surprise de mon arrivée m'embrasser avec tendresse et dit à l'empereur. Voilà ma fille et mes petits fils. Je vous recommande le tsar qui se montre décidément sensible au sort de Beauharnais, c'est le moins qu'on puisse dire. Faites donc une visite de courtoisie à celle qui est l'ancienne impératrice elle même, on pourrait dire l'ancienne l'impératrice douairière. Sans tarder, ils trouvent leur compagnie plus divertissante que celle des Bourbons, beaucoup trop guindée et trop vieille France à son goût.

[00:13:50]

On le voit de plus en plus souvent à la Malmaison. Autant dire que cette amitié naissante agace le nouveau roi Louis 18es. Ça fait plaisir à Joséphine. Que voulez vous? Quant à Napoléon, qui est sur le point de s'exiler, est ce qu'il a été touché par la proximité manifestée par le chef des Alliés à celle qui fut son épouse? Pour Pierre Branda, rien ne permet de le dire. Une chose est sûre, il prend le temps de lui écrire quelques mots avant son départ pour l'île d'Elbe.

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Je cite l'Empereur Adieu ma chère Joséphine, résignez vous ainsi que moi et ne perdez jamais le souvenir de celui qui ne vous a jamais oublié et ne vous oubliera jamais. Cette nouvelle séparation, à distance cette fois, est toujours douloureuse pour Joséphine, mais elle semble malgré tout reprendre un peu d'entrain. Elle se dit qu'après tout, une nouvelle vie est peut être possible pour elle, une nouvelle vie après la cour et la Couronne. Les doigts plus agiles de Maria Clara Bonetti au piano et d'interpréter ce concerto pour piano et orchestre numéro quatre de Perriello, l'English Ember Orchestra, l'accompagnaient sous la direction d'Anton Nikopol.

[00:16:45]

Franck Ferrand sur Radio Classique. Et avec le printemps, voici que renaît la Malmaison et les jardins refleurissent et les allées s'emplissent de jeunes élégants. D'importantes personnalités comme le roi de Prusse vont se presser à la suite du tsar Alexandre pour profiter de la douceur de vivre qui règne à la Malmaison. Et pour profiter de cette maîtresse de maison hors du commun, il faut bien le dire, Joséphine savoure ce retour de popularité. Elle est finalement assez apaisée quant à son avenir.

[00:17:15]

Le tsar a beaucoup œuvré pour qu'elle conserve un certain rang en France. Les soirées à la Malmaison sont animées. On joue de la musique, on danse, on parle peinture. Le hasard est également invité chez Hortense, à Saint Leu, près de la forêt mont Branzi, et les Bourbons aux Tuileries enragent. Alexandre aime visiblement mieux batifoler avec les beaux, armait que d'assister avec eux à la messe, à la mémoire de Louis 16 et de Marie-Antoinette. Qu'importe, Joséphine et Hortense entraînent le souverain russe pour une excursion bucolique et Joséphine, pour l'occasion, va enfiler une de ses robes aériennes dont sa garde robe conserve quelques exemplaires extraordinaires.

[00:17:57]

C'est, raconte Françoise Wagner, l'habituelle promenade dans le grand Chaaban Hortense, un rustique moyen de locomotion qu'elle se plaît à utiliser. Joséphine a pris froid, mais elle n'en dit rien, ce dominant en femme bien élevée. Elle paraît au salon avant le dîner, sans pouvoir y demeurer. Nul ne se rend compte que l'impératrice a fait une grande imprudence. Son état général, apparemment florissant ces deux dernières années, cache en vérité un terrain fragile que les récentes fatigues, les insomnies et les anxiétés à répétition rendent sans doute encore plus vulnérable au mal.

[00:18:33]

Franck Ferrand, si Radio-Classique, dans les jours qui suivent la santé de Joséphine, se dégrade. Elle a mal à la gorge. Sa respiration se fait plus difficile. Sa température monte et pourtant, elle refuse de se laisser aller. Elle s'entête à honorer les invitations qui lui parviennent. Et d'autant plus qu'en cette fin de mois de mai, elle a convié le tsar Alexandre avec le roi de Prusse. Comme le note Pierre Branda, elle ne voulait rien entendre.

[00:19:01]

Il n'était pas question de rester au lit. Depuis un mois, elle avait l'avantage et elle entendait bien le conserver. Que dirait on à Paris si elle faiblissait? Elle voulait continuer à recevoir, continuer à se montrer et à éblouir, quitte à y laisser ses dernières forces.

[00:19:17]

Et bientôt, ce sont effectivement les dernières forces qui sont mobilisées. Elle ne peut plus faire semblant. Ces quintes de toux deviennent terribles. Elle gêne tout le monde. Elle est fiévreuse, Joséphine, et elle va sombrer dans un état de très grande faiblesse. Le 29 mai 1814, elle rend son dernier souffle dans les bras de son fils, ce gène emporté quelques jours seulement avant ses 51 ans, emporté par une pneumonie. Hortense raconte dans ses mémoires que peu avant de s'éteindre, une femme de chambre l'avait entendu murmurer Bonaparte, l'île d'Elbe.

[00:19:53]

Le roi de Rome, Joséphine, n'aura donc pas survécu à l'empire de l'homme dont, ditOn, elle, avait été la bonne étoile puisque tant qu'elle avait été à ses côtés, son ascension s'était poursuivie quand il sera averti sur l'île d'Elbe de la mort de sa première épouse, Napoléon en sera complètement bouleversée. Sept ans plus tard, sur son lit de mort, dans son exil de Sainte-Hélène, un proche croira entendre l'empereur déchu murmurer France Arbi, tête de l'armée.

[00:20:27]

Joséphine, oui, vous m'avez bien compris. Le dernier mot de Napoléon en ce monde fut pour Joséphine.

[00:20:36]

Et mon dernier mot à moi ce matin sera pour Christian Maurin Bonjour Christian Franck Ferrand, je vous salue et je vous souhaite une excellente journée. Bonne journée. Plaisir.