Le chantage du chevalier d'Éon
Franck Ferrand raconte...- 1,765 views
- 15 Mar 2021
Comment un petit diplomate de rien du tout, sans appui ni fortune, a-t-il pu mettre en péril la paix de l’Europe ? Voici l’histoire extraordinaire du Chevalier d’Éon.
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9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Quand la question a t elle commencé à captiver les cours d'Europe, apparemment en juin 1772? Jusque là, certains s'étaient bien posé la question, mais là, là, d'un seul coup, la rumeur se répand. L'on aurait eu la preuve que le chevalier d'Éon, le français le plus célèbre de Londres, serait une femme comme on est dans la capitale anglaise. Les paris vont bon train. On connaissait les bookmakers anglais.
Certaines mises vont monter, monter jusqu'à cent mille niveaux, ce qui, à l'époque, est une somme vertigineuse. Alors, je vous le dis tout de suite, je ne vais pas m'attarder sur ce mystère qui n'en est plus un. On peut admettre en effet que la question est amuser les contemporains et même qu'elle les passionnés, les curieux depuis lors.
Mais on sait maintenant qu'on sait de façon absolument certaine qu'à sa mort, en 1810, il avait 83 ans. Le chevalier d'Éon a été observé par 11 Anglais dignes de foi. Il y avait d'ailleurs parmi les 11, 2 chirurgiens et un procureur. Ils ont conclu qu'il s'agissait bien d'un individu de sexe masculin normalement constitué. Voilà de quoi mettre tout le monde d'accord. Alors maintenant, la vraie question qui se pose, c'est celle là. Pourquoi ce personnage a t il décidé d'alimenter lui même la rumeur sur son ambiguïté sexuelle?
Je vous propose une réponse qui en vaut une autre. C'est qu'à partir de 10 766 67, le chevalier d'Éon, qui vient de connaître une célébrité phénoménale, sent qu'il est en train de retomber dans l'indifférence publique et pour échapper à cet oubli qui est insupportable à un homme comme lui. Eh bien, il va se prêter au jeu de la rumeur. Ce que l'on a tendance à négliger un peu vite, en effet, à cause peut être de cette histoire d'énigmes sur la sexualité du chevalier d'Éon, on sait que ce personnage, pendant 18 mois, en 1763 et 1764, aura été le principal acteur d'un des plus formidables chantages de toute l'histoire.
Franck Ferrand.
Si tu christiques, comment un simple secrétaire d'ambassade s'est il retrouvé en position de faire marcher le roi de France par le bout du nez, sous peine de déclencher une guerre calamiteuse pour le royaume? Une guerre meurtrière pour toute l'Europe? Avant toute chose, voyons un petit peu qui est ce chevalier d'Éon? D'où vient il? Comment s'est il retrouvé secrétaire de l'ambassade de France à Londres? Ses origines sont assez modestes, même si lui prétend je ne sais combien de quartiers de noblesse.
Il est issu en vérité d'une famille de tonnelier de tonnerre, en Bourgogne. Une suite de hasards qui serait un peu longue à raconter. La conduit, par l'intermédiaire d'un dénommé Monnin, à décrocher un tout petit poste dans la délégation diplomatique envoyée en Russie par Louis, 15 ans, 1757. Il fait partie d'un petit groupe chargé de réchauffer secrètement les relations franco russes. Et il a beaucoup de charme, ce petit dont il a de l'intelligence, un culot à toute épreuve.
Tout cela fait merveille dans ce genre de mission. Permettez moi d'insister afin d'être certain que ce soit bien clair sous couvert d'un diplomate de second rang. C'est bien un agent secret qui se cache sous la forte personnalité de celui que tout le monde appelle affectueusement le petit Déon. Il est vrai qu'il a l'air fragile, gracile comme une fille, ce qui ne l'empêche pas d'être un grand bretteur et de manier l'épée mieux que personne. On ne lui connaît aucune aventure galante.
On ne lui connaît pas non plus de grandes relations familiales. C'est donc un mystère, si vous voulez, ce jeune homme à la mort de Lazzari. Elisabeth, la personnalité du nouveau. Le hasard s'appelle Pierre Trois. Cette personnalité plaide en faveur de l'envoi en Russie d'un diplomate de second rang et l'unanimité va se faire aussitôt sur le nom du petit Déon, qui doit être affecté à Saint-Pétersbourg comme simple résident de France. Lui s'imagine déjà dans la place. Une promotion inespérée?
Oui, seulement la chute de Pierre 3 et la prise du pouvoir par Catherine, celle qu'on appellera plus tard la grande Catherine va en décider tout autrement. Et voilà notre petit Déon qui, entretemps, a fait ses preuves à la guerre. Embarqué pour l'Angleterre dans les malles de l'ambassadeur de France et cette fois chargé de négocier au plus vite un traité de paix, on est là en 1762, à Versailles. La chancellerie sait que les traités proposés à la signature ne sont jamais, par tradition, confiés à des diplomates en poste.
Aussi qu'elle n'est pas la stupéfaction des ministres français lorsqu'il voit débarquer le petit Déon tout fier, avec sous le bras la proposition du traité de Paris. Le chevalier va même s'offrir le luxe de jouer les gens tout à fait modeste parce qu'au fond, il sait bien qu'il triomphe!
A aurait lancé Louis, 15 ans, en personne. Ce petit homme porte chance s'il savait le bon monarque, s'il savait.
Pour comprendre l'épisode absolument dément qui va se jouer maintenant, il est indispensable d'avoir à l'esprit une chose que l'on sait bien aujourd'hui, mais qui, à l'époque, était totalement inconnue, c'est que le roi mène une diplomatie parallèle, une diplomatie secrète, ce qu'on appelle le secret du roi. De quoi s'agit il? En marge de ce que font les diplomates officiels du royaume et les ministres, et même parfois à l'encontre même de cette diplomatie officielle, eh bien, Louis 15 a pris l'habitude de mener sa propre diplomatie secrète avec l'aide de quelques agents de confiance.
On appelle ça le secret du roi. On pourrait dire que c'est l'ancêtre de nos services secrets modernes. Si vous voulez, au moment où commence notre affaire, le secret du roi s'intéresse de très près à l'Angleterre. En effet, la France sort d'une guerre désastreuse de sept ans liée à la nouvelle alliance autrichienne. Guerre pénible qui a vu les Anglais s'imposer partout sur les mers et nous nous chiper nos colonies, si je puis dire. Et l'idée secrète de Louis 15?
Elle est très simple, mais extrêmement audacieuse. Elle serait infiniment choquante si une indiscrétion venait à la révéler, notamment aux Anglais. L'idée de Louis 15, c'est d'organiser un futur débarquement préventif en Angleterre. Il se prend un peu pour Guillaume le Conquérant, le roi de France, et pour préparer cette opération incroyable, le roi et ses hommes. Ces agents secrets ont besoin d'envoyer un officier de l'autre côté de la Manche et d'assurer son appui sur place par un membre du secret.
L'un et l'autre doivent être très efficaces, très fiables et par dessus tout. Ils doivent être discrets, abella.
Ils vont être servis. C'est Philippe Jaroussky qui interprétait le très célèbre Brahmā fou du Cersei de Haendel. Il était accompagné par l'ensemble baroque Eesti sous la direction de Diego Fazul.
Franck Ferrand Si tu christiques, évidemment l'argent qu'a choisi Louis pour mener les affaires sur place à Londres, c'est le chevalier d'Éon Cantos à l'officier missionner. C'est un de ses cousins lointains, un dénommé Larosière. Coïncidence, il se trouve qu'à ce moment là, l'ambassadeur de France, l'ambassadeur en titre et le charmant duc de Nivernais et qu'il demande son rappel à Versailles pour convenances personnelles. En fait, il ne supporte tout simplement plus le climat londonien, dans la mesure où l'ambassadeur ignore tout de la mission secrète lancée par le roi.
Ça devrait n'avoir aucune incidence sur la suite des opérations.
Et oui, seulement voilà, le duc de Nivernais, qui a repéré le petit Odéon et a su apprécier son zèle, s'arrange pour faire octroyer au jeune homme l'ambassade par intérim en attendant, si vous voulez l'arrivée du nouvel ambassadeur. Et donc, dès qu'on sera à la fois officiellement ministre plénipotentiaire de France et officieusement agent secret de Sa Majesté, vous voyez que ça commence à devenir compliqué pour un garçon aussi imbu de sa personne qu'il peut l'être d'ailleurs, fragilisé par toutes sortes de complexes.
Ça fait beaucoup, si l'on peut dire. On ne tarde pas à apprendre à Versailles que le sieur Déon en prendrait à ses aises à Londres et qu'il se mettrait à mener grand train sur les crédits du successeur. Le successeur en question, c'est le comte de Guerchy, un homme de bien qui a fait une grande carrière diplomatique et comme beaucoup de ses congénères pétris de préjugés nobiliaires. Et d'emblée, Guerchy est exaspéré par ce qu'on lui rapporte du comportement outrecuidant de ce petit Déon qui n'est même pas de bonne famille et qui est en train d'entamer ses crédit comme un parvenu qu'il est alors avec l'accord de la chancellerie.
Monsieur de Guerchy se permet d'écrire au chevalier d'Éon pour l'engager un peu plus de sobriété. Bref, il lui remet à sa place. Si vous voulez ça, c'est précisément la seule chose que le chevalier, par ailleurs si compétent, si dévoué, ne pouvait pas supporter. Il a bien compris qu'il a deux points faibles le chevalier d'Éon, son impuissance sexuelle notoire ou plus exactement son défaut d'appétit dans ce domaine, et puis ses origines trop modestes pour les postes qu'il prétend occuper.
Deux points faibles dont il est particulièrement honteux. Il suffit d'appuyer un petit peu sur une des deux blessures pour que le malheureux perde tout sens de la mesure de leur point de vue.
L'ambassadeur Guerchy et le ministre Choiseul Pralin n'ont rien à faire de ce genre d'états d'âme d'un commis d'ambassade. Vous voyez ce que je veux dire? Laisse parler leur morgue versaillaise. Comment pourrait il deviner que, dans le plus grand secret, ce petit d'Éon de rien du tout est en correspondance immédiate avec le roi en personne pour des affaires de la plus haute importance et qui touchent aux intérêts supérieurs de l'Etat? Évidemment, s'il le savait, il comprendrait où ce blanc bec, même pas bien, n'épuise ses airs de supériorité, son insupportable arrogance.
Mais comme ils sont loin de s'en douter, eh bien, ils vont le pousser. Rabou, le petit d'Éon. Et du même coup, sans le savoir, ils vont mettre Louis 15 en porte à faux et ils vont mettre en danger toute la sécurité de l'Europe sur tout ce qui Niort, Guerchy et Choiseul pralin. Comment est ce qu'ils peuvent le savoir? C'est que le petit Déon est en possession d'une lettre de la main du roi, lettre dans laquelle Louis 15 expose son projet de débarquement français en Angleterre, alors même que le roi de l'autre main est en train de signer un traité de paix avec les Britanniques.
Voyez un peu la situation, cette lettre du roi, en termes clairs, ça porte un nom en diplomatie. On appelle ça une bombe et ça peut devenir un incroyable moyen de chantage. Imaginez en effet la catastrophe majeure si jamais les Anglais venaient à récupérer un tel document. Vous comprenez pourquoi Louis 15 aimerait bien que ses ministres soient un peu plus polis avec le sieur d'Éon à Versailles. À la chancellerie, on est toujours à mille lieues de toutes ces cachotteries.
La seule chose que voit le ministre et ses services, c'est que depuis sa nomination au poste intérimaire, on semble pris d'une espèce de folie des grandeurs. Se retrouver d'un seul coup dans une position aussi enviable à 34 ans, sous l'ancien régime, quand on est fils d'un tonnelier, vous assurer que cela a de quoi tourner un peu la tête, évidemment. Faudrait il donc passer toutes ces incartades, à commencer par le ton insolent qu'il adopte dans les lettres qu'il adresse aux ministres et à l'ambassadeur en titre?
Sûrement pas. Choiseul Pralin n'y va pas par quatre chemins et lui annonce dans un même courrier sa mise à pied et sa disgrâce.
Aïe, aïe, aïe! Sentir le roussi. Histoire de détendre l'atmosphère, le comte de Guerchy débarque à Londres sur ces entrefaites. On est là en octobre 1763 et il a l'intention de prendre officiellement ses fonctions. Le chevalier, apparemment radouci, lui remet les pouvoirs qu'il exerçait à titre intérimaire. Il fait mine de vouloir rentrer dans le rang. En fait, en fait, cette paix de surface. La merci du moindre prétexte, le prétexte ne va pas manquer de se présenter en la personne d'un Français de passage en Angleterre qui s'appelle Sac de verges.
Il s'agit d'un aventurier de bas étage avec lequel Déon, très à cran, va se prendre de bec au point d'en venir aux témoins. Toujours cette susceptibilité à fleur de peau du petit Déon. Un duel en Angleterre alors que c'est totalement interdit, proscrit. Ce serait de la folie. Bien sûr, l'ambassadeur appuyé par Lord Halifax veut à tout prix éviter un tel scandale et il fait signer à Déon une renonciation qu'il conçoit lui même comme une humiliation supplémentaire. Or, on apprend deux jours plus tard que le chevalier d'Éon, contournant l'interdit, a tout de même séquestré Vergely chez lui et l'a menacé au point que ce dernier aille porter plainte.
Ce chevalier d'Éon manque tout de même singulièrement de discrétion pour un diplomate. Quant à l'agent secret, on n'a jamais vu un agent en mission attiré à ce point l'attention sur lui. Vous imaginez que dans le bureau de Louis 15, à Versailles, c'est la consternation.
L'ouverture de Naïs de Jean-Philippe Rameau. l'Orchestre Orfeo était sous la direction de Guiorgui Vaché Guy. Franck Ferrand sur Radio Classique. Et voilà que la population londonienne s'en mêle. On adore le scandale à Londres. Vous savez, les Londoniens vont prendre fait et cause pour le petit secrétaire d'ambassade contre le nouveau diplomate en titre. Ce qui énerve beaucoup Guerchy, qui paie un scribe pour trousser un beau pamphlet contre le chevalier. Et inutile de vous dire que dès qu'on voit rouge, il faut quand même reconnaître que dans le rôle du pousse au crime, cet ambassadeur se pose là.
C'est un peu l'ancêtre de Gaston Lagaffe. Si vous voulez à Versailles, Louis 15 et les agents du secret sont complètement atterrés. Ainsi, c'est l'ambassadeur en personne qui pousse à bout, sans le savoir, le détenteur de la fameuse bombe. On croirait vivre un mauvais rêve. Les craintes du cercle occulte sont décuplés quand on apprend que Larosière lui même, qui est cousin du chevalier, se trouve mêlé à la polémique par l'un des amis de Guerchy. Pire, le dénommé Monnin, cet initié qui a aidé jadis à recruter Déon Monnin, est devenu le conseiller intime du comte de Guerchy.
Je vous dis, c'est un véritable. C'est un mauvais rêve. C'est un imbroglio. C'est une poudrière extraordinaire et les hommes du secret n'attendent plus que l'étincelle qui va tout faire sauter. Et pendant ce temps là, on continue à Versailles. En tout cas dans le Versailles officiel, de tout ignorer du danger. Le duc de Choiseul Pralin demande officiellement aux Anglais l'extradition du sieur d'Éon et l'extradition. Elle est signée de Louis 15. Comment voulez vous que le roi raconte tout ce qu'il est en train de faire en secret contre ses propres ministres?
Louis 15, non sans incertae, pas non sans un certain panache, va décider d'envoyer directement une lettre à Guerchy, l'ambassadeur, pour lui ordonner de conserver personnellement tous les papiers qui viendraient à être saisis chez le sieur d'Éon et de n'en communiquer aucun à quiconque. Après tout, se dit le roi. Si quelqu'un doit être mis dans le secret, mieux vaut quand même que ce soit l'ambassadeur sur place que le ministre et lui même.
Mieux vaudrait à la limite le ministre que les Anglais eux mêmes. Chez lui, dans une espèce de camp retranché qu'il a institué au 38 Bouillot Street, le chevalier d'Éon vit maintenant dans une sorte d'état de siège. Il fait surveiller chaque issue nuit et jour par des hommes à sa solde, persuadé que Guerchy a déjà essayé de le tuer. Il craint aussi la raison que le gouvernement français cherche à se saisir de lui physiquement. Les Anglais lui font moins peur.
Et là encore, il a raison. On apprend en effet que le cabinet britannique vient de refuser l'extradition du chevalier d'Éon. Non seulement il est considéré comme un homme libre, mais il va maintenant pouvoir contre attaquer à sa guise. Et ça, ça risque de faire très mal. Toutes ces péripéties nous ont quand même fait perdre de vue la mission de Larosière. Là où c'est très fort, c'est que le cousin du chevalier a su très habilement se servir de toute la publicité indésirable de cette affaire comme d'une couverture, de sorte qu'il a pu mener, lui, à bien sa mission et qu'il va fournir à Louis 15 tout un ensemble de carte détaillée des côtes anglaises, avec des indications précises en vue d'un débarquement dans les règles.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères, toujours ignorant du projet du roi, adresse à Déon l'injonction de restituer tous les papiers diplomatiques qu'il a conservé depuis son intérim.
Il s'agit de documents qui, naturellement, n'ont rien à voir avec le secret du roi. Il n'empêche. Le chevalier, qui se trouve en rupture de ban maintenant et qui n'est plus à une désobéissance près, c'est que les secrets d'Etat sont sa seule arme dans un bras de fer certes inégal, mais dans un bras de fer où il a son rôle à jouer. Et donc, il refuse en bloc.
Franck Ferrand, raté, christique. Il continue à très mal s'entendre avec Guerchy. Bien entendu, il va trouver le moyen de procéder à une nouvelle publication, un véritable brûlot où sont reproduites un grand nombre de lettres très fâcheuses pour la réputation de l'ambassadeur, notamment pour sa fierté d'époux. Cette publication est un grand succès dans toute l'Europe. Maintenant, c'est un vrai scandale et Le Chevallier devient très célèbre. Et c'est à ce moment là que les responsables du secret décide l'envoi à Londres d'un émissaire chargé de traiter purement et simplement avec le chevalier.
A ce moment là, voilà que Vergy refait surface. Il a été dégoûté par le comte de Guerchy, contre lequel il accumule les griefs.
Il vient d'offrir à Déon ses services pour appuyer devant la justice la thèse d'un attentat fomenté contre sa personne par l'ambassadeur en personne. Mais voyez un peu où on en arrive. Cette fois, monsieur Guerchy est véritablement en mauvaise passe. Et d'autant plus qu'un jury populaire, donc, qui n'aime pas trop les Français si vous voyez ce que je veux dire, injurie anglais vient de l'inculper des plus lourdes charges. Si la justice suit son cours, il pourrait se retrouver pendu comme un vulgaire criminel.
Et là, le chevalier d'Éon se frotte les mains. Ils ont voulu se moquer de lui. Eh bien, tant pis pour eux. Ils n'ont pas voulu le reconnaître comme un des leurs. Eh bien, maintenant qu'ils paient. Ayant perdu toute réputation à Versailles et partant, tout espoir de faire carrière, le sieur Déon décide de monnayer son joker. La lettre de la main du roi.
Vous savez, vous comprenez. Cette situation me coûte cher et l'opposition anglaise est à la fois très riche et très avide de documents, de documents compromettants. Il fixe son prix 650 000 livres françaises. C'est complètement fou d'une fortune colossale.
Nous avons affaire à un fou, dit Louis 15. L'affaire en est à ses extrémités quand, soudain, tout retombe comme un soufflet. En effet, le roi d'Angleterre George Trois va personnellement voler au secours de Guerchy et le tirer de son mauvais pas. Le diplomate est autorisé à se retirer en France à prendre un long congé. En fait, il ne se remettra jamais vraiment de cette ambassade désastreuse. Il mourra de chagrin. Pour le chevalier d'Éon, la chute de son adversaire, c'est le signal du désarmement puisque maintenant a disparu.
La cause de son déshonneur est bien. Le petit Déon redevient doux comme un agneau. Il accepte de remettre ces documents explosifs au nouvel ambassadeur qui, ça tombe bien, fait partie du secret du roi. Inutile de vous dire que Louis 15 a tout fait pour et en échange, il va recevoir une pension confortable de 12 000 livres à titre de dédommagement. Il a bien sûr perdu maintenant tout espoir d'avancement. Est ce que j'ai besoin de le préciser? Voilà la preuve que ce chantage historique n'était pas dicté par l'appât du gain.
Cette situation démente qui, pendant plusieurs jours, devait empêcher le roi de France de fermer l'œil, n'avait été dicté que par la fierté incommensurable d'un petit maître fort jaloux de sa réputation.
D'ailleurs, Louis 15 se ravise et il écrira finalement à propos du chevalier d'Éon Je ne le crois, point fou, mais orgueilleux à l'excès et forte extraordinaire. Ah oui, ça, on ne saurait mieux dire. Et voici maintenant habillée en homme, je précise notre Christian Morin un bonjour, je pensais mettre une jupe de type écossaise. Ça vous amuse à vous? Va bien? Oui, oui, mais pas de boucles d'oreilles quand même. Dites moi le chou Brydon, qui était né à Tonnerre, provoqué quand même un tonnerre dans la diplomatie et dans l'espionnage pour l'époque, quand je l'avais vu.
Et puis, c'est vrai que vous avez raison d'insister sur cette ville de tonnerre en Bourgogne, absolument extraordinaire avec ce qu'on appelle la fosse Dionne. Vous savez, cette espèce de trou, c'est une résurgence très exactement et infiniment profonde puisque les plongeurs, les spéléologues n'arrive même pas à descendre jusqu'au fond. Et ça sert de la voir à la Ville. Mais quand vous vous approchez de cette espèce de trou sans fond, ça donne le vertige. Je trouve ça impressionnant, l'un des endroits les plus extraordinaires qu'on puisse voir en France.
En tous les cas, les débuts de l'espionnage sont peut être nés à cette époque là. C'était même un Arsène Lupin avant le transformant de personnage en personnage. Merci beaucoup Fangs. Bonne semaine à vous et nous nous retrouvons bien sûr sur Radio Classique.