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9 heures 9 heures 30. Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Et c'est dans l'atelier qui l'occupe au Louvre que je suis allé rendre visite à monsieur Fragonard au début de 1805. Ce grand palais, devenu musée sous la Révolution, avait besoin d'un certain nombre de conservateurs et sur l'intervention du maître David, qui n'était pas un grand monsieur, Fragonard avait donc rejoint ce collège de conservateur. Hélas, un décret de l'empereur réorganisant le Muséum central en musée Napoléon a ordonné l'expulsion de tous les artistes et conservateurs logés au Louvre entre parenthèses.

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Ce décret mettait fin à une tradition qui remontait à Louis 14. Et quand je l'ai rencontré, monsieur Fragonard Fragonard, comme l'appelle avec une pointe de déférence familière tous ceux qui se flatte de bien le connaître Fragonard. Monsieur Fragonard, si je puis dire, était fort inquiet de devoir quitter ces lieux magnifiques pour déménager non loin de là, me direz vous, dans les galeries du Palais royal.

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Alors, à quoi ressemblait t il alors?

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À un petit monsieur de 73 ans, l'oeil vif, encore dans un visage, un petit peu par cheminée, rasé de frais, les cheveux ras. Eux aussi faisant seulement à son crâne carré comme une sorte de auréole grisâtre, le cou engoncé dans une imposante cravate, comme ça se portait à cette époque des débuts de l'Empire. Le corps replet, ramassé dans une roquelaure de drap gris, autrement dit une sorte de houppelande, a évidemment. On est loin à ce moment là de la frimousse charmante du gamin échevelé de tels autoportraits de jeunesse.

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Le charmant ragot, tout révolutionnaire qu'il ait pu être, avait conservé les usages de l'ancien régime. Mais c'est avec beaucoup de grâce qu'il m'a fait asseoir et m'a proposé très aimablement un petit verre de vin doux de sa province natale. Comment n'aurait pas jeté un regard? Et puis un autre, et puis encore un petit, à la quantité de toiles et de dessins qui étaient là, entassés plus ou moins pêle mêle, dans ce cabinet atelier en cours de déménagement, dans une sorte de désordre étudié et qui aurait pu faire songer à un décor partout.

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Des couleurs, des roses, des rubans et des froncement d'étoffes, des ombres profondes habitées d'ombres nimbée, puis des roses ou encore des roses, toujours des minois mutin, des faces angéliques et puis des chairs, des chairs soyeuses, nacrée des chairs, languide, chaude et ronde, pleine et douce. Des chairs immortelles à l'incarnation du maître. Et puis cette palette, et puis ces contrastes et surtout, et d'abord même, peut être essentiellement, cette touche, cette pâte de Fragonard, le coup de pinceau vif, pelucheux, présent et fondu tout à la fois et déposant sur le fond sombre de la toile un écheveau tellement vivant, tellement mouvementé de rubans de peinture, de lacis de couleurs tout en courbes, en volumes, en bouillonnement presque textile.

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Je vous l'ai dit, monsieur Ragot était plutôt inquiet de cet impérial décret d'expulsion du Louvre.

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Cependant, il a bien voulu évoquer avec moi plus d'un demi siècle d'une carrière féconde, d'une carrière vive et colorée, presque autant que son art lui même. Et puis, polisson, bien sûr, et surtout terriblement humaine.

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Franck Ferrand, c'est un raté christique. Petites révisions sur Fragonard.

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Si vous le voulez. Avant d'aller plus loin, Jean Honoré était né dans le midi. Je vous l'ai dit au soleil et au parfum de grâce. Les roses déjà noyées dans ces temps doux et prospères des premiers temps du règne allègres de Louis, 15 ans, en 1732, dans la famille d'un gantier, vous savez quels liens unissent depuis le 16ème siècle les gantier et les parfumeurs, puisque il fallait au moment où l'on offrait des gants, ces gants étaient parfumés.

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Les deux professions avaient eu tendance à se joindre, alors on ne sait pas exactement quelle mauvaise affaire a contraint le père de Jean Honoré, François Fragonard, à prendre un jour la route de Paris. On dit en tout cas que cette route, il l'a fait avec son fils à pied. Il était ruiné.

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Les Fragonard. Jean Honoré avait 11 ans quand il a été présenté à un notaire du Châtelet auquel on a demandé de bien vouloir l'admettre comme saute ruisseau. Dans son étude, le notaire a bien voulu que les Fragonard avaient quand même à Paris quelques relations. C'étaient de bons commerçants, n'est ce pas? Il n'est pas resté longtemps chez le notaire. Notre honoré, comme tout le monde l'appelait à l'époque. Non. Il a été très vite renvoyé. C'est son père qu'on a convoqué.

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Et voilà. C'est en tout cas ce que nous dit André Castelot, qui a imaginé le dialogue. Voilà ce que le notaire aurait dit à François Fragonard.

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Voyez, monsieur, c'est votre fils qui a dessiné ces silhouettes en. Acte notarié? Tenez, voilà une donation entre vifs ornée d'une dame qui fait galoper ses attraits. C'est fort Galam venu. Je ne dis point le contraire, mais vous constaterez que ces fantaisies libertines ne peuvent être admise dans une étude notariale. Et puis, cela fournit des motifs de rêveries à un compas incompatible avec le travail que j'exige de mes clercs. Tenez, voyez cette dame qui s'apprête à se mettre au lit au bas de cette expédition.

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Elle a fait rêver toute l'étude et une étude qui rêve, monsieur. C'est la fin du monde, non? Vous constaterez que je vous rende votre fils. Mais qu'est ce qu'on va faire, ce dit François Fragonard. Qu'est ce qu'on va bien pouvoir faire de ce barbouiller? Alors, on cherche un atelier qui veuille bien de lui. Et c'est là qu'on pourrait dire que les grâces sont. Et les filles se sont penchées sur le berceau de ce jeune peintre puisque les deux professeurs qu'il va avoir successivement sont Chardin.

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S'il vous plaît. Chardin, qui, notamment, lui apprendra à donner corps aux figures et gravités, et qui lui apprendra le sens de la matière.

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Et puis Boucher Boucher, avec sa passion de rendre si désirable le corps féminin dans toutes ses postures. Et là encore, on peut dire que la leçon sera bien apprise. En 1752, après quatre années d'apprentissage auprès du maître absolu de la peinture rocaille. Cette peinture à la fois brillante et aimable, flatteuse pour l'œil, peut être, diront certains. Et c'était le grand reproche de Diderot, un peu vide pour l'esprit. Après ses quatre années dans l'atelier de Boucher, voilà que Jean-Honoré Fragonard décroche le Grand Prix de Rome.

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Ah oui, il est très doué, mais là, il a la peinture dans les veines, en quelque sorte.

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Et il va intégrer l'école royale des élèves protégés à travailler encore.

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Il va se perfectionner. Il va se mettre à même de profiter le mieux possible de la leçon des grands anciens. Et ce n'est qu'en 10 756, après trois ans et demi de perfectionnement, qu'il part pour l'Italie faire son grand tour et exercer son œil et son savoir faire au contact des plus grands maîtres. Il y restera jusqu'à l'été 1761 et va demeurer essentiellement à l'époque à l'Académie de France, à Rome, chez Monsieur Battoir, à l'exception d'une excursion à Tivoli et d'un séjour à Naples juste à la fin sur le départ, au printemps 1761, il sera au moment de ce départ en présence en compagnie du meilleur des conseillers esthétiques puisqu'il est voyage avec l'abbé de Saint Nom avant son départ.

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Monsieur Boucher lui avait glissé un conseil à propos de Michel-Ange et de Léonard et de Raphaël, dont il allait devoir se gorger le regard. Si tu prends ces gens là au sérieux, t'es foutu! Lui avait dit Boucher. Et c'est sans doute la vraie leçon qu'aura retenue Frugaux. Notoire, devine néanmoins chez son élève le génie affleurant, je cite Natoyens, qui dirigeait de l'Académie de France à l'époque. Il n'y a point à appréhender que le sieur Fragonard refroidisse le feu qu'il possède naturellement pour son talent.

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Il est vrai qu'il arrive quelquefois que pour vouloir se surpasser, on se trouve au dessous de soi même. Mais je crois que celui ci reprendra aisément ce que la nature lui a donné. Et je vois de lui des choses par intervalles qui me donnent de grandes espérances. De retour à Paris en 1761, nous verrons. Fragonard se jeter littéralement dans la réalisation d'une grande toile pour le salon. Ce sera le grand prêtre corrézien se sacrifiant pour sauver Calero et Tableau qui va obtenir un succès tellement vif que le roi Louis 15 lui même va l'acquérir pour quelque 2400 livres SVP!

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Et en ordonner la copie par les ateliers des Gobelins. On va donc en faire une grande tapisserie. La vérité, c'est une carrière toute tracée, s'ouvrait devant le jeune Fragonard, mais lui était plus intéressé par les petites choses, par les pochade, par les portraits de jeunes femmes aguichantes, dont les sœurs Colombe, dont Rosalie du thé, une des plus belles filles du Paris de l'époque et dont on disait que l'opulente chevelure blonde pouvaient servir de vêtements dans l'intimité.

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Ces amours vont faire glisser honorez vers des peintures un peu plus frivoles. Voilà ce que dira Diderot. D'ailleurs, monsieur Fragonard, ce jeune artiste qui avait donné il y a quatre ans les plus grandes espérances dans le genre de l'histoire et dont les talents s'étaient peu développés au salon dernier, ne figure plus d'aucune façon à celui ci. On prétend que l'appât du gain l'a détourné de la belle carrière où il était entré et qu'au lieu de travailler pour la gloire et pour la postérité, il se contente de briller aujourd'hui dans les boudoir et dans les garde robes.

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Eh oui, notre frigo est en train de verser dans la peinture libertine.

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C'est bien sûr, dit Mesplède, accompagné par Michel Binz et l'Orchestre des Concerts Lamoureux, sous la direction de Jean-Claude Hartman, qui a interprété ce grand air de Véronique Pousser, pousser les Paulette Véronique d'André Messager. Franck Ferrand sur Radio Classique Lescar Paulette, c'est bien sûr la grande toile qui va rendre, qui va rendre frugaux, célèbre et comment dans son atelier en plein déménagement, lui même l'a raconté. C'est un de mes amis, dit il. Le peintre doyen qui est venu me voir un jour en me disant Je t'apporte une affaire.

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Alors Fragonard lui dit quelle affaire et pourquoi. Au sujet d'une commande, je t'explique un peu. Un homme de la cour m'a envoyé chercher pour m'en commander, pour me commander un tableau dans le genre de ce que je venais de faire. Sainte Geneviève des ardents.

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Autant dire un tableau de piété.

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Bien sûr, ce seigneur était à sa petite maison avec sa maîtresse. La petite maison voyait s'étaler des espèces de lieux où l'on se retrouvait pour vivre une vie assez débauchée. N'oubliez pas qu'on est dans l'époque des Liaisons dangereuses. En cette fin du règne de Louis 15, où tout est permis. Bref, ce seigneur était là lorsque je me présentais à lui pour savoir ce qu'il me voulait. Il m'a accable de politesse et d'éloges et finit par avouer qu'il se mourait d'envie d'avoir de ma façon le tableau dont il allait me tracer l'idée.

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Voilà ce que dit le commanditaire. Je désirais que vous initiait, madame, sur une escarres, Paulette. Vous me placerai de façon, moi, à ce que je sois à portée de voir les jambes de cette belle enfant. Le peintre doyen est bien embêté. Vous imaginez comment accepter une telle commande alors qu'on commence soi même la carrière d'un peintre religieux? Et c'est dit. Je vais proposer ça à mon copain Ragot qui, lui, bien sûr, accepte la commande et va exécuter cette fameuse escarres.

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Paulette, qui sera peut être un des tableaux les plus célèbres de tout le 18ème siècle et qui fait évidemment de Fragonard. Très vite une référence dans le genre de la galanterie.

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Diges, en regardant un joli, très joli portrait qu'il y avait là, dans l'atelier de la célèbre Guimard, la jolie danseuse si piquante. Si, en sortant, elle s'y ensorcelante, c'est Bachaumont qui disait de la Guimard.

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Elle est d'une légèreté digne de Terpsichore. Il lui manque. Il ne lui manque que des grâces plus arrondies dans certaines parties de son rôle, précisais bien Bachaumont.

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Elle vivait à l'époque avec un d'étais entretenue par un évêque. Mais oui, ça ne s'invente pas, monsieur de Tarente, qui était quand même l'homme de la feuille des bénéfices. C'est un des personnages très important de l'Eglise de France qui répartit les bénéfices. Il avait donné la feuille, comme on dit. Ce qui, d'ailleurs, avait permis à Sophie Arnou, qui n'en manquait pas une, de dire comment se fait il que cette chenille de Guillemard engraissent pas davantage, elle qui vit sur une si bonne feuille?

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Bref, je ferme cette parenthèse. Mademoiselle Guimard avait, disait on, la plus belle gorgent du monde et elle va rendre amoureux fou amoureux Fragonard qui devient son amant de cœur. Vous savez, elle avait l'amant honoraire. C'était le maréchal prince de Soubise, ami de madame, ancienne ami de Madame de Pompadour et qui avait pris la place de l'évêque de Tarente. Et puis, il y avait l'amant util, celui qui finançait tout. Monsieur Delaborde, s'il vous plaît.

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Et puis l'amant de cœur. C'était notre petit ragot qui va peindre, peindre la Guimard dans toutes les postures. Elle était, nous dit madame Vigée-Lebrun, comme un oiseau. Evitant le zéphyr. Sa danse n'était qu'une esquisse. Elle ne faisait que des petits pas, mais avec des mouvements si gracieux que le public la préférait à toute autre danseuse. Elle était petite, mince, très bien faite et quoi que laid. Elle avait des traits si fins qu'à l'âge de 45 ans, elle semblait sur la scène n'avoir pas plus de quinze.

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Vous remarquerez la petite touche de jalousie perfide et bien féminine de madame Vigée Le Brun. Virago ne va pas pour autant se détourner de celle dont il est fou. Il multiplie les portraits de sa belle danseuse jusqu'à ce qu'elle le laisse carrément tomber et qu'elle lui demande néanmoins de préparer un certain nombre de compositions pour la décoration de son grand hôtel de la rue d'Antin.

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On dit que c'est une anecdote, mais on raconte que Fragonard était tellement furieux de cette affaire qu'il a accepté la commande. Et il y avait le plus beau portrait qu'il ait jamais fait de la belle danseuse de la Guimard.

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Et un jour, sous prétexte de venir prendre des mesures pour le décor, il s'est immiscé dans son hôtel particulier et pendant qu'elle était en train de rire à gorge déployée avec certains invités. Vous avez bien compris qu'elle n'avait pas jugé utile d'inviter Fragonard. Il est allé d'un petit coup de pinceau modifier le sourire de la Guimard, elle qui était tellement charmante, accorte et accueillante sur le tableau. Il en a fait presque une mégère, simplement en modifiant légèrement les traits.

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Ce qui fait que lorsqu'avec sa jolie compagnie, elle est venue dans le salon pour montrer à tout le monde à quel point M. Fragonard avait fait d'elle. Enquise des représentations. Elle s'est retrouvée face au visage d'une mégère. Elle aurait voulu du diton, arracher les yeux de Fragonard Fragonard, qui néanmoins va peindre encore la Guillemard sur les grandes compositions qu'il réalise pour le château de Madame du Barry, à Louveciennes. Le roi Louis 15 avait offert à sa toute nouvelle favorite, celle qui sera la dernière en date.

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Bien sûr, Madame du Barry lui avait offert le pavillon de Louveciennes et c'est un Fragonard que la dame avait demandé la réalisation de quatre grandes compositions. Hélas, au moment où il les livre, on s'aperçoit d'un très grand malentendu.

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Et oui, madame Dubarry voulait quelque chose de très moderne. Et elle avait vu certaines esquisses de Fragonard qui montrait à quel point ce peintre pouvait être moderne et lui, croyant lui faire plaisir. Au contraire, a rendu des tableaux très léchés et très exquis. Des tableaux un peu dans l'esprit de Lescar Paulette, bourré de guirlandes de roses qui n'ont pas plu à la favorite et qui lui a, elle, préféré préférer un autre peintre nettement plus classique, Fragonard.

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Je devrais vous parler quand même de son épouse Marianne Gérard, qui venait de sa ville natale de Grasse, qui n'était pas très belle non plus, mais dont il va tomber éperdument amoureux. Et puis, elle fera venir elle aussi sa propre sœur, Marguerite Gérard, dont le peintre tombera amoureux. Mais alors là, Marguerite ne veut même pas en entendre parler. Je compare l'amour à une rose printanière dont la couleur éblouissante séduit, lui dit elle. Son parfum pénètre tous les sens.

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On l'accueille non sans blessures. Elle se fanes, elle n'est plus. Je compare l'amitié à la modeste Violette, dont le maintien tranquille n'attire point les regards. On ne la découvre que par son parfum. On l'accueille sans crainte. Elle est sans épines et par conséquent, elle est sans danger. Et oui, elle a su tenir son beau frère à l'écart. C'est cette visiteuse qui va devenir en même temps Marguerite Gérard, l'élève préférée de Fragonard. J'aurais tant de choses à vous raconter sur le personnage dont la gaieté paraissait irréfragable.

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Un jour qu'il avait tout perdu avec sa femme, on est là. Au tout début de la révolution, madame Fragonard dit à son mari Mais enfin, que se passe t il? Tu es en train de danser, tu es devenu fou. Nous avons tout perdu, non? Dit il. Non. Je me dis que nous aurions pu perdre davantage encore.

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Quelques notes de la gavotte de masse Kesey Bergamasque de Gabriel Fauré, l'Orchestre de chambre de Lausanne était sous la baguette d'Armand Jordanne.

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Franck Ferrand sur Radio Classique, alors je ne vais pas m'attarder là maintenant sur le financier Bergeret qui va emmener Fragasso et son épouse en Italie en 1773, ni sur son fils Alexandre Evariste, qui lui même teintera de la palette et deviendra un artiste réputé. En 1780 d'ailleurs, Alexandre Evariste verra mourir sa grande sœur. Il n'a que 8 ans à ce moment là et Rosalie meurt à Cassan, près de Paris, justement chez monsieur Bergeret. Pendant la Révolution et Fragonard iront cacher leur deuil à Grasse quelque temps avant de parcourir l'Europe centrale.

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Et puis, le maître reviendra glorieusement à Paris, au Louvre, sous les instances de son élève et ami devenu la gloire des républicains, Jacques-Louis David. On aurait pu penser que l'âge, le deuil, la crise politique et sociale amènerait Ragot à délaisser son genre frivole, pour ne pas dire érotique, pour se rapprocher des thèmes héroïques de sa prime jeunesse. Non, non, pas du tout. C'eût été mal le connaître. L'illustrateur coquin des comptes parfois graveleux de Monsieur de La Fontaine, le collaborateur et ami de Pierre-Antoine Baudoin, maître de la peinture légère et dont il avait partagé l'atelier avant de le reprendre.

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Tout cela ne devait jamais quitter ce maître qui ne se départit jamais de son petit nuage de soufre gracieux, de poli sonneries charmantes, de tout ce qui aura somme toute beignée son oeuvre dans une forme d'érotisme toujours pensé. Bien sûr, au délicat baiser qu'on a pu voir à l'exposition du Luxembourg il y a quelques années. Ou bien la feinte résistance et bien sûr, le verrou du musée du Louvre, verrou d'ailleurs où, me semble t il, le style de le style de Fragonard apparaît peut être le moins.

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Je voudrais, avant de quitter l'atelier du maître, citer le grand historien d'art Albert Châtelet qui nous disait dans les années Vous savez, à l'époque, on faisait ces grandes sommes d'histoire de l'art. Dans les années 60. J'adorais ces livres magnifiques.

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Albert Châtelet disait vie simple et discrète, sans ambition apparente, vie d'un artiste épris de son art et que le soutien de quelques amateurs suffit à contenter. S'il paraît ouvrir en artisan, Fragonard n'en demeure pas moins singulièrement isolé dans son temps. Exception faite du petit groupe de peinture qu'on peut réunir autour des fontaines d'amour, aucune œuvre ne se rattache nettement au souci de sa génération. Sa liberté de facture n'a d'égal chez aucun de ses contemporains, sinon dans leurs esquisses réputées telle.

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Et pourtant, il est un fils du 18ème siècle. Le tourbillon de ses oeuvres est comme l'épanouissement du rococo. Ses peintures légères développent dans une sensualité poétique l'érotisme du temps. Sa poésie galante répond à celle de Watteau. Mais il n'y a chez lui aucun regret mélancolique, aucune subtilité intellectuelle non plus. Il accepte la vie. Il la parcourt avec une joie sans cesse renouvelée au déclin de la royauté, conclut Albert Châtelet. Ce n'est pas un peintre officiel qui évoque une dernière fois tout ce que cette société brillante aura aimé.

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Non, c'est Fragonard. Monsieur Fragonard, qui mourra à la terrasse de Verri alors qu'il vient juste d'emménager dans ses galeries du Palais-Royal, il meurt le 21 août 1806 pour avoir peut être trop mangé d'une glace et d'une crème glacée. Jean-Honoré Fragonard a été frappé de congestion ce 22 août 1806. Je cite son acte de décès. Acte de décès de M. Jean-Honoré Fragonard, peintre de la ci devant Académy, âgé de 74 ans, neuf mois, né à Grasse, département du Var, décédé aujourd'hui à 5 heures du matin.

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Palais du Tribunat, maison de Verri, restaurateur, division de la butte des Moulins, époux de Mme Barry Gérard.

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Et voici tout en gras et en légèreté lui aussi. Notre Christian Morin, Mangeot, Christian Anjos, mon cher Franck. Pas de glace pour vous cet après midi, même même sur une terrasse couverte. De toute façon, elles sont fermées. Ce n'est pas la saison. Savez, je pensais que vous pourriez vous entraîner tous les quinze jours, chaque mois, dans ces balades. Ça me donnait envie d'être avec vous parce que votre narration me séduit, comme beaucoup de auditeurs et auditrices.

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Mais vous pourriez nous emmener place Fürstenberg. Oui, cet escalier un peu Rajhi, ce cher Eugène Delacroix à l'atelier. C'est une bonne idée. Voilà une autre. J'ai une autre idée aussi. Parce que quand vous avez arpenté cette rue montante, surtout à pied, je l'ai fait pour aller dans cette bastide qui était l'atelier de Cézanne à Aix en Provence. Encore bonne petite balade. Et puis puis mon idole en idole, emmener moi chez mon idole Toulouse-Lautrec, à l'angle de la rue LACC et de la rue Caulaincourt, où il y a eu parce qu'il y avait sur le même palier de l'appartement de Lautrec, de l'atelier de Lautrec, une certaine Marie Clémentine, autrement dit Suzanne Valadon et son fils Maurice.

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Nous y avons eu écho. C'est vrai que c'est une très belle idée. C'est une belle balade. Quand on pense que c'est ce qui est passionnant dans la vie tout court, que tout a commencé par quelques cris hommage dans des colonnes de texte. C'est un hôtel, un hôtel qu'il a viré d'ailleurs pour ces mêmes raisons. Merci beaucoup de cette belle aventure ce matin avec ce cher Fragonard. Repartons d'un pied léger, tout en Wickens. Et puis, bien sûr.