Transcribe your podcast
[00:00:00]

Ils sont les maîtres absolus de la dissimulation, du mensonge, des fausses identités pendant des mois, des années. Ces hommes, ces femmes ont réussi à tromper leur famille, leurs amis, leurs collègues de travail, mystifié la société tout entière. Des doubles vies fascinantes, dangereuses, toujours secrètes. Bienvenue dans le monde parallèle des rois de l'imposture.

[00:00:30]

Je suis Jean Alfonse Richard. Vous écoutez les imposteurs dans ce podcast, je vais vous raconter des vies invraisemblables, des personnages qui sont devenus des virtuoses du mensonge, au point parfois de ne plus savoir qu'il était vraiment simple, affabulateur, criminel ou escroc. Ils ont passé leur temps à travestir la réalité, à devenir un autre qui serait enfin respecté, reconnu et admiré. Une soif de reconnaissance effrénée qui mène toujours à l'imposture. Dans ce premier épisode consacré aux imposteurs, nous allons voyager entre la France et la Suisse à la poursuite d'un médecin qui n'existait pas et qui aura finalement commis les pires des crimes.

[00:01:43]

18 ans de mensonges. Voici donc l'histoire de Jean-Claude Romand, roi de l'imposture.

[00:01:52]

Ce lundi 11 janvier 1993, à 4 heures 15 du matin, les pompiers défoncent la porte d'une ancienne ferme totalement rénovée, route de Bellevue, après cinq mois. Une commune tranquille du pays de Gex, à la frontière avec la Suisse. Des flammes s'échappent de la toiture, éclairent l'obscurité du petit matin. C'est dans l'escalier qui monte à l'étage que le feu semble s'être déclaré. Les pompiers appellent, mais ils n'ont pour écho que le seul crépitement du feu. Dans une première chambre envahie de fumée, ils trouvent un premier corps, celui d'un petit garçon, Antoine, 5 ans, la tête cachée sous un oreiller ensanglanté.

[00:02:37]

Dans une chambre voisine se trouve un deuxième corps, quasiment dans la même position, celui de Caroline, 7 ans. La découverte macabre n'est pas terminée. Dans une troisième chambre, dans le lit, se trouve la mère de famille. Florence, 37 ans elle aussi, a le crâne et le visage maculé de sang. Un homme est également présent dans la pièce, mais lui n'est pas mort. Son pouls bat faiblement. Il respire, mais il est totalement inconscient.

[00:03:09]

Sans doute a t il inhalé les vapeurs toxiques de l'incendie. A moins qu'il ne soit groggy à cause des barbituriques. Qui aurait pris une boîte de médicaments est à côté de lui. On le place dans une civière. L'ambulance file vers l'hôpital de Genève.

[00:03:29]

Cet homme plongé dans le coma, placé dans un caisson hyperbare, est le père d'une famille d'ores et déjà décimée. Il a 38 ans. Il s'appelle Jean-Claude Romand. C'est un médecin respecté qui n'a jamais fait parler de lui et qui va être démasqué comme l'un des plus incroyables imposteurs de l'histoire criminelle.

[00:03:57]

Jean-Claude Romand est né le 11 février 1954 à Lons le Saunier. La famille est modeste, mais ne manque de rien. Un père forestier, une mère femme au foyer mère poule. D'un naturel inquiet qui couve le petit Jean-Claude. Ce fils unique, choyé, est un élève discret, réservé, appliqué à son procès. Bien des années plus tard, il dira J'étais toujours souriant et je crois que mes parents m'ont jamais soupçonné ma tristesse. Je n'avais rien à cacher, alors, mais je cachais cela, cette angoisse, cette tristesse.

[00:04:35]

Jean-Claude Romand ajoutera. Mes parents étaient prêts à m'écouter, sans doute. Ma femme Florence aussi y aurait été prête. Mais je n'ai jamais su parler, ne pas savoir parler, ne pas parler ou parler si peu qu'on ne le remarque pas. Ainsi se construit le personnage de Jean-Claude Romand dans ses années d'adolescence lycéen qui passe son bac sans encombre au mois de juin 1971 au lycée de Lons le Saunier, où il est interne. L'écrivain Emmanuel Carrère, qui écrira un jour un livre sur Roman L'adversaire, découvrira qu'à l'épreuve de philo, celui ci avait choisi un sujet pour le moins prémonitoire.

[00:05:19]

À cette question la vérité existe t elle? Le candidat avait obtenu une très bonne note 16 sur 20.

[00:05:30]

Jean-Claude Romand n'a pas de rêves particuliers pour son avenir. Ou alors il les garde pour lui. Il est sérieux, appliqué, obéissant. Ses parents lui font confiance. Ils l'inscrivent à Lyon dans une classe préparatoire aux grandes écoles. Pourquoi pas Polytechnique, par exemple? Pourquoi pas ne pas devenir un ingénieur des Eaux et Forêts? Après quelques semaines de prépa au prestigieux lycée du Parc, Jean-Claude Romand revient pourtant chez lui, dans la maison familiale de Lons le Saunier.

[00:06:02]

Affecté par un secret qu'il aura bien du mal à avouer des moqueries, un bizutage qui l'aurait conduit à quitter l'établissement, personne ne saura vraiment ce que cacher ce renoncement. Jean-Claude Romand ne sera pas ingénieur des Eaux et Forêts, mais il sera médecin. C'est une certitude et une volonté bien ancrée en lui. Le voilà inscrit en cette année 1974 à la faculté de médecine de Lyon. Ses parents sont ravis de ce choix qui va lui ouvrir les portes d'une situation confortable.

[00:06:41]

Ce que ne leur a pas dit leur fils. C'est que ça n'est pas vraiment par vocation qu'il veut devenir médecin, mais pour les yeux d'une lointaine cousine, Florence, crawlé, dont il est secrètement amoureux. La cousine est inscrite en pharmacie et elle n'est pas insensible aux charmes de l'étudiant en médecine. Le flirt. Puis leur rapprochement va suivre le rythme des premiers mois d'études. Tout se passe sans encombre. Le cap de la première année. Si Florence crawlé mène brièvement sa scolarité, tout se complique.

[00:07:20]

Pour Jean-Claude Romand à la fin de la deuxième année de médecine. Va commencer alors la construction d'un mensonge qui va durer près de vingt ans. Le démarrage d'une machine infernale qui ne va cesser de s'emballer jusqu'à conduire à l'abominable et l'indicible en cette fin de deuxième année de médecine. Jean-Claude Romand, peut être perturbé par l'histoire d'amour qu'il vit avec Florence Romand, rate son passage en troisième année pour quelques points seulement. Rien de dramatique. Ses parents le rassurent il obtiendra sans doute son passage lors de la session de rattrapage au mois de septembre.

[00:07:57]

Sauf que Jean-Claude Romand ne va jamais se rendre à cette session. Il s'est fracturé le poignet en tombant dans un escalier. Vrai ou faux accident? Échec subi ou échec volontaire pour une raison quelconque que lui seul connaît personne. Une fois encore, n'aura le fin mot de l'histoire.

[00:08:22]

Román est condamné à rester en deuxième année de médecine. Pourtant, quand les résultats du rattrapage tombent, un mois plus tard, l'étudiant annonce fièrement à ses parents qu'il est admis au niveau supérieur. On le félicite, Jean-Claude Romand se retrouve prisonnier de son mensonge. Il fait part de la même bonne nouvelle à Florence, sa fiancée, la future femme de sa vie, qui est elle aussi le congratule. Roman ne dira jamais pourquoi il s'est ainsi engouffré dans la spirale de la dissimulation pour ne pas perdre la face devant ceux qui le connaissent.

[00:09:00]

C'est en premier lieu Florence, peut être par orgueil démesuré, que des experts psychiatres présenteront un jour comme un narcissique pathologique. Sans doute Jean-Claude Romand. L'étudiant devient ainsi Jean-Claude Romand l'imposteur. Une double vie stupéfiante. Pendant douze ans, il s'inscrit en deuxième année de la fac de médecine de Lyon. Il est plus ou moins présent aux cours, mais ne passe jamais les examens pour accéder à la troisième année. Officiellement, il réussit à toutes les épreuves et sera bientôt médecin à ses parents.

[00:09:37]

Impressionné par le travail et la réussite de ce fils unique, il raconte dans le détail ses études, son internat d'où il sort cinquième. De quoi assurer une carrière digne de ce nom. Florence, avec qui il s'est marié lors de ses études en 1980, ignore tout de cette extraordinaire mascarade. Elle voit en lui le père de leur futur enfant et un praticien plein d'avenir. Les parents de Florence, les Crawlé, ont aussi beaucoup d'affection pour ce gendre un peu austère, mais serviable, dévoué, sérieux et parfaitement honnête.

[00:10:15]

Si Jean-Claude Romand a su s'attirer la sympathie, puis l'amour de Florence, c'est aussi grâce à la pitié. Il lui a fait croire, peu après leur première rencontre, qu'il était soigné pour un cancer et qu'il n'était pas étonnant qu'il paraisse parfois un peu ailleurs, qu'il ne répond pas à toutes les questions, qu'il rate des cours à la fac et qu'il ait envie de s'isoler. Florence le croit.

[00:10:41]

Comment et pourquoi d'ailleurs remettre en doute une affirmation aussi grave à quelques amis? Jean-Claude Romand sert aussi l'histoire du fameux cancer dès lors que ceux ci se montrent un peu trop curieux sur sa vie, son parcours, ses études. Eux aussi n'assisteront pas. Romand n'aura aucun compte à rendre.

[00:11:08]

Ces études officiellement terminée, Jean-Claude Romand se retrouve au pied du mur, mais il ne se démonte pas et continue à suivre le cours tortueux de sa deuxième vie. En cette année 1983, il annonce avec tambours et trompettes qu'il est embauché à l'Organisation mondiale de la santé à Genève. Vu son cursus et ses qualités, il n'a eu aucun mal à dégoter cette place de rêve bien payée et prestigieuse. Une garantie pour l'avenir de sa famille. Il n'est d'ailleurs plus nécessaire que Florence continue à travailler comme pharmacienne.

[00:11:46]

Elle va bientôt pouvoir tranquillement élever les deux enfants du couple et se consacrer à l'aménagement et aux travaux de la vieille ferme dont il rêve. Dans ce cadre parfait et bucolique, le docteur Romand aura vite l'allure d'un notable discret, sympathique, un ponte de la médecine suisse qui, croit on savoir, est également chercheur à l'Inserm.

[00:12:10]

L'un des meilleurs spécialistes de l'art Thério Scléroses romand est un travailleur acharné. Il indique aussi qu'il continue à suivre des cours pour se perfectionner et qu'il enseigne une fois par semaine à l'université. Cette vie bien remplie du docteur Roman s'étale aux yeux de tous. Famille et voisins. Chaque matin, et parfois même le week end lorsqu'il y a urgence, Jean-Claude Romand quitte la maison de près de cinq mois à bord de berlines toujours luxueuses Mercedes ou BMW.

[00:12:52]

Direction la frontière toute proche, puis Genève, où se trouve le siège de l'OMVS, son bureau et les laboratoires de recherche.

[00:13:00]

Romand, a interdit à son épouse de lui téléphoner afin de ne pas le déranger. Il a besoin de calme, se déplace beaucoup dans l'immeuble et n'est pas toujours joignable en cas d'urgence. Il lui a donné son numéro de biper. Un boîtier dont sont équipés la plupart des médecins. Florence a obtempéré.

[00:13:20]

Tout le monde ignore alors que le médecin de l'OMVS n'a aucun diplôme et bien sûr, aucun emploi. Il passe bien chaque matin la frontière suisse. Mais ses journées sont toutes particulières. Il passe son temps des heures entières sur des parkings de supermarché, dans des zones commerciales, à marcher en forêt et en solitaire. Il fréquente aussi beaucoup les bibliothèques de Genève avec son badge Visiteur à l'eau MS. Il peut consulter les ouvrages médicaux, lire les thèses déposées à l'organisation et, au passage, avoir une bonne idée à quoi ressemble son lieu de travail en s'échappant parfois dans les couloirs.

[00:14:02]

Roman est également un habitué des conférences données par d'éminents professeurs et experts. Avec toutes ces connaissances, il peut briller en société, épatée, même de vrais médecins qui diront avoir été séduit par le savoir et l'intelligence de leurs collègues. Jean-Claude Romand ne néglige aucun détail.

[00:14:21]

Le moindre grain de sable dans cette vie inventée pourrait le perdre. Il devance les questions, anticipe des incohérences possibles dans son emploi du temps. La mystification tient presque du chef d'oeuvre, tant elle est pensée et élaborée. Il lui arrive de déclarer qu'il part pour un séminaire ou un congrès à l'étranger, trois ou quatre jours passés à Mexico ou à Hong Kong pendant ses absences. Il prend toujours soin de téléphoner à son épouse ou à ses parents en tenant compte des décalages horaires quand il revient à la maison.

[00:14:57]

Il a généralement les bras chargés de petits cadeaux, des souvenirs de pays imaginaire achetés dans des boutiques de gadgets ou au duty free de l'aéroport Genève Cointrin.

[00:15:08]

Rien ne semble échapper au bon docteur Romand, devenu un imposteur. Repères. Le problème, c'est que cette vie parallèle lui coûte cher et qu'il n'a aucun salaire sur cette absence de revenu.

[00:15:23]

Florence, l'épouse, ne s'est jamais posé de questions. La déclaration d'impôt ne mentionne que son nom. Jean-Claude ayant expliqué dès le début que, en qualité de fonctionnaire dans une organisation internationale, ses impôts à lui était directement prélevé à la source. Florence fait confiance. C'est une femme dévouée, catholique convaincue, qui fait parfois le catéchisme aux enfants de la paroisse et ne doute pas de la parole de son époux.

[00:15:56]

Malgré son absence de revenus, Jean-Claude Romand continue pourtant de régler les factures et d'entretenir la maison. Les enfants fréquentent la meilleure école du coin, L'institution Saint-Vincent. Grâce à son prétendu salaire de MS, le couple peut même se permettre d'afficher un train de vie luxueux. Belle voiture, sorties, vacances. Les dépenses avoisinent jusqu'à 6000 euros par mois. Mais de quelle poche roman l'imposteur tire t il tout cet argent? Il a tout simplement mis en place une fructueuse escroquerie, démarré tout d'abord dans le cercle familial.

[00:16:33]

Après quelques mois passés à l'eau, MS, le respectable Jean-Claude Romand propose aux uns et aux autres une astuce pour faire fructifier leurs économies. Il assure connaître des placements qui rapportent jusqu'à 15 ou 20 pour cent. Les frère de Florence lui confient quelques milliers d'euros. Son beau père lui ouvre sa retraite 61 000 euros lorsque celui ci décède. La vente de la maison 100 000 euros est aussitôt placée en Suisse. Ses propres parents lui confient les cordons de la bourse.

[00:17:05]

Il a une procuration sur leur compte en banque. Jean-Claude Romand ira jusqu'à vendre un médicament miracle hors de prix contre le cancer à un oncle de sa femme. Près de 10 000 euros empochés pour, en fait, de simples placébo. l'Oncle mourra sans jamais avoir été guéri.

[00:17:29]

Pendant presque dix ans, Jean-Claude Romand va ainsi vivre grâce à l'argent confié par ses proches, presque l'équivalent de trois millions et demi d'euros dépensés au cours de cette période. L'heure des comptes est toutefois en train de sonner. Romand est passé jusque là entre les gouttes et à éviter les soupçons. Mais l'orage arrive.

[00:17:51]

La première alerte est survenue cinq ans après son installation à l'eau MS. Son beau père, Pierre, crawlé, se fait à l'époque, insistant pour récupérer ses dividendes.

[00:18:02]

Romand tente de le rassurer, mais Pierre, Crawlé, insiste. Peu de temps après, il meurt d'une brutale hémorragie cérébrale avec pour seul témoin son gendre médecin. Il sera, lors de l'enquête sur la tuerie, soupçonnée d'avoir tué son beau père. Il démentira formellement. Le dossier sera classé sans suite, faute de preuves.

[00:18:31]

Si Jean-Claude Romand a évité ce premier écueil, il n'en va plus de même pour la suite.

[00:18:36]

Sa propre mère s'inquiète d'un lourd découvert dans le compte joint qu'elle possède avec son mari. Son fils a une procuration. Il lui explique qu'il a dû faire un investissement. Tout s'est arrangé avec la banque, dit il. La situation sera rapidement rétablie. Romand est trop méfiant et trop intelligent pour ignorer que la nasse est en train de se refermer sur lui. Sa dernière victime, Chantal, une Parisienne, l'ex femme d'un ami devenu sa maîtresse, souhaite elle aussi récupérer son argent.

[00:19:09]

En 1990, quand elle a vendu son cabinet de dentiste, elle lui a confié près de 140 000 euros pour un placement mirifique en Suisse. Trois ans après son versement, Chantal se fait de plus en plus pressante. Jusque là, elle ne réclamait rien. Il la couvrait de cadeaux, lui offrait des déjeuners et des nuits dans des palaces sans qu'elle ne se doute une seconde, que c'était son argent à elle, qu'il était en train de dilapider. Chantal le harcèle pour récupérer son dû.

[00:19:40]

Une nouvelle fois, il prétexte des problèmes de santé pour retarder l'inévitable échéance, lui rappelle ce cancer contre lequel il lutte, qui occupe son temps et ses pensées. Romand est coincé. Pour la première fois de sa vie en ce début du mois de janvier 1993, il a conscience que sa vaste entreprise de mystification va être éventée. Le docteur donne alors à sa maîtresse une date à laquelle il pourra lui rendre son placement. Ce sera le samedi 9 janvier au soir, au moment où ils iront dîner chez un très bon ami.

[00:20:18]

À lui, un docteur célèbre, Bernard Kouchner. L'affabulation touche à sa fin et le sol se dérobe sous les pas de l'imposteur Jean-Claude Romand. Il ne peut plus faire marche arrière, ne supporte pas l'idée du regard que porteront sa femme, ses enfants, ses parents, ses amis sur lui. Quand la vérité éclatera, on fera de lui un menteur, un mythomane, un escroc, mais surtout un parfait raté.

[00:20:51]

Au soir du 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand est comme promis à Paris pour son rendez vous avec Chantal. Il la rassure, il a bien son argent. Il lui donnera ce qu'elle attend une fois qu'ils auront dîné chez Bernard Kouchner. Direction donc la forêt de Fontainebleau. Mais dans la nuit, le docteur ne reconnaît plus la route et se perd. Il s'arrête pour faire le point au carrefour des ronces. L'endroit est désert.

[00:21:22]

Chantal le questionne. Il lui demande alors de fermer les yeux pour dit lui passer autour du cou en cadeau, un collier.

[00:21:30]

Il l'asperge de gaz lacrymogène et essaie de l'étrangler. Mais la maîtresse se débat. Elle est affolée, le supplie de ne pas la tuer. Bromance perd ses moyens, s'excuse, explique qu'il s'est affolé à cause du traitement pour son maudit cancer.

[00:21:47]

Il raccompagne Chantal, effrayée et tremblante, chez elle. Ce que Chantal ne sait pas ce soir là où elle a failli mourir, c'est que son amant a signé ce samedi, dans les heures précédant leur rencontre, le plus terrible des massacres. À son réveil, il est descendu dans la cuisine, s'est emparé du rouleau à pâtisserie et a fracassé le crâne de son épouse Florence. Quand les enfants Caroline et Antoine se sont réveillés, il a fait comme si de rien n'était.

[00:22:19]

Il les a installés devant la télé, a glissé dans le magnétoscope une cassette vidéo des Trois petits cochons. Je savais, après avoir tué Florence, que j'allais tuer aussi Antoine et Caroline. C'était le dernier moment que nous passions ensemble. J'ai dû leur dire des mots comme je vous aime, racontera mécaniquement Roman lors de son procès. Les enfants sont abattus de dos dans leur chambre à coups de carabine, après que leur père leur ait demandé, pour jouer, d'enfouir leur tête sous l'oreiller.

[00:22:54]

Après avoir exécuté femme et enfants, Jean-Claude Romand sort relever le courrier dans la boîte aux lettres. On le voit dans le bourg en train d'acheter son journal. Il téléphone ensuite à sa mère et s'invite à déjeuner au volant de sa BMW. La carabine 22 long rifle empaquetée dans le coffre, il parcourt les quatre vingt quatre kilomètres qui le séparent de la maison de ses parents, à Clairvaux les Lacs, dans le Jura. Le déjeuner se déroule de façon tout à fait banale.

[00:23:25]

Puis, Romand entraîne son père, puis sa mère dans sa chambre d'adolescent sous prétexte de vérifier un radiateur électrique. Il Lethu de dos, une balle dans la tête pour aimer trois balles. Pour Anne-Marie.

[00:23:55]

Le lendemain dimanche, alors qu'à l'étage reposent les corps de son épouse et des deux enfants, Roman téléphone à Chantal, sa maîtresse encore sous le choc de l'agression de la veille. Il ne lui dit pas un mot de son massacre familial, mais l'exhorte à ne rien dire à la police, car sinon, il perdrait son emploi à l'OMVS. Jean-Claude Romand passe la journée devant la télé. Il avait tout prévu acheter des balles de 22 long rifle pour les exécutions et rempli à la station service de jerricanes d'essence pour embraser la demeure.

[00:24:29]

Il mettra le feu en pleine nuit après avoir calfeutrée sa chambre pour éviter sans doute d'être asphyxiée, puis se bourras de barbituriques périmés depuis plusieurs années. Sans doute, Jean-Claude Romand ne voulait pas mourir. L'imposteur Jean-Claude Romand ne va pas rester longtemps à son réveil du coma. Le directeur d'enquête de la section de recherches de Dijon, Jean-François Pini, a beaucoup de questions à lui poser. Romand fait mine de ne pas comprendre, décrit un homme en noir qui serait rentré dans la maison pour tuer.

[00:25:11]

Tout le monde fait mine d'apprendre la mort de ses parents. Mais le personnage qui s'était construit s'écroule comme un château de cartes. Pas de diplôme, pas d'emploi, L'OMVS? Pas d'argent, sauf celui des tournées à ses proches. Une vie inventée de toutes pièces, cousues d'un fil invisible devenu du fil blanc dans la BMW. Les enquêteurs ont trouvé ce mot de sa main. Un banal accident, une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon, Chantal? Pardon, mes amis, pardon aux braves gens de l'Association Saint-Vincent qui voulait me casser la gueule.

[00:25:50]

Ainsi se termine l'imposture de Jean-Claude Romand, le 25 juin 1996. Plus de trois ans après la tuerie, la France découvre le visage du faux docteur sur le banc des accusés de la cour d'assises de Bourg en Bresse. Un crâne chauve, de grands yeux écarquillés derrière des lunettes. Romand a alors 42 ans, mais il est impossible de lui donner un âge à son procès. Il garde la plupart du temps le silence. Il est prostré, ne regarde jamais le public ni sa belle famille.

[00:26:22]

Il ne répond pas aux questions sur ses actes, indique qu'il ne se souvient pas. Il s'écroulera au troisième jour d'audience, demandera pardon du bout des lèvres en fixant la table des scellés où étaient déposés les photos de sa femme et de ses enfants. Le faux médecin et assassin est condamné sans surprise à la perpétuité, assortie de 22 ans de sûreté. Le 28 juin 2019, sa peine purgée, Jean-Claude Romand est sorti de prison. Lui qui ne cessait de prier en cellule a rejoint sous bracelet électronique une abbaye bénédictine entre Poitiers et Châteauroux, où la messe célébrée en latin.

[00:27:05]

Il est chargé de menus travaux d'informatique derrière les murs de ce monastère.

[00:27:10]

Personne ne sait ce que se raconte le soir l'imposteur Jean-Claude Romand. Et s'il sait qui il est vraiment? Vous venez d'écouter le premier épisode des Imposteurs, un podcast réunissant une collection de portraits des maîtres absolus de l'imposture. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de ce podcast sur RTL point. FR et sur toutes vos applications favorites. A très vite.