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Raconte Christophe Hondelatte. Je vous raconte une histoire de médecin légiste que je tire du livre du docteur Michel Sapin, né chez Plon, en direct de la morgue. Voici l'histoire d'une dame que l'on retrouve dans un congélateur. Je l'ai écrite avec Nicolas Loupian. Réalisation Céline le brave.

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Christophe Hondelatte. Aujourd'hui, je vais passer mon après midi au palais de justice dans une affaire de dentistes massacreurs par un dentiste qui a décidé de couronner toutes les dents d'une patiente qui n'en avait pas besoin. Oui, je fais aussi ce genre de choses. Je crois que ma journée est terminée quand le standard de l'hôpital m'appelle. Car Chabanais, j'ai un appel de la gendarmerie de Saujon pour vous. D'accord, je prends. Bizarre. D'habitude, les gendarmes m'appellent sur mon portable.

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Bonjour docteur! La brigade territoriale de Saujon, l'appareil. Moi, on a vu avec la brigade de recherche celle qui nous a dit de vous appeler. Voilà, on a encore à vous envoyer pour un examen externe et peut être même pour une autopsie. Et on voudrait le faire avant le week end. D'accord. Mais en fait, d'ordinaire, vous devez envoyer une réquisition à mon secrétaire, rien de spécial, docteur. Comment la victime est une dame de 65 ans très déprimée avec enfants, un conflit familial sur la succession de son mari décédé il y a peu, et on a des doutes sur les causes de la mort.

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Et donc, on voudrait vous vous transférer le corps, mais on ne sait pas trop comment faire. Pourquoi vous ne savez pas comment faire? Il est en petits morceaux. Non, non, non, il est entier, mais il est dans un congélateur. Ce n'est pas un congélateur à tiroirs. J'espère. Je l'entends à l'autre bout, le rire crispé du gendarme qui enchaîne donc c'est une dame qui donnait plus de nouvelles. Et le notaire chargé de la succession de son mari s'est inquiété quoi?

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Et donc, il nous a prévenus. On a trouvé la maison vide avec du courrier vieux de quinze jours dans la boîte aux lettres. Et puis, la patrouille, sur le moment, a fouillé la maison et ils n'ont rien trouvé. Et puis, la semaine suivante, elle n'avait toujours pas donné de nouvelles. Et donc, ils y sont retournés. Et là, ils ont tout fouillé. Et cette fois là, ils ont eu l'idée d'ouvrir un petit congélateur dans l'arrière cuisine.

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Elle était là, quoi? On soupçonnait les enfants. On ne sait pas. Le parquet réclame un examen du corps au scanner et éventuellement une autopsie. Bon, très bien écoutez, il faut nous la transféraient. Comment est ce que vous voulez qu'on procède? C'est simple, vous m'envoyez le congélateur, c'est à dire qui rentre pas dans le fourgon mortuaire. A écouter, trouver un autre moyen. Le lendemain, le congélateur trône dans la morgue de l'hôpital branché.

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On entend le moteur qui ronronne et tout le service est là pour assister à l'ouverture. Je brise les scellés apposé par les gendarmes. Je soulève le couvercle et là apparaît une chevelure grisonnante et une tête penchée en avant sur un corps recroquevillé, dur comme du bois. Et là, tout le monde a son avis. BHF Moi je dis, on le sort. Et on laisse dans la pièce quoi! Mais non, non, non, on le sort et on le met à décongeler au frigo.

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Moi, ce que je propose. C'est qu'on débranche juste le congélo. Cette dernière suggestion semble finalement faire l'unanimité et le congélo et son contenu sont placés en salle d'autopsie couvercle fermé et prise débranchée. Le temps du week end au revoir mamie! Et le lundi. Ce week end là, je dois recevoir mes beaux parents dimanche midi et j'ai prévu de leur faire un cuistot de sanglier. Mon idée est de cuire à basse température parce que ma belle mère est toujours en retard et donc c'est le seul moyen d'être à peu près raccord et donc la veille.

[00:04:51]

Le samedi matin, je sors le cuistot du congélateur et je le mets à décongeler dans une marinade en me disant vu son bois, il sera décongelé en fin d'après midi.

[00:05:02]

Tu parles, je dois attendre jusqu'au soir. Et là, je me dis la mamie, ça risque d'être pareil. Ça sera plus long que prévu.

[00:05:17]

Le lundi matin, j'arrive à l'hôpital. Bon, vous êtes allé voir ce que ça donnait la décongélation de la mamie. Nous allons voir. Elle est toujours raide comme la justice. Il faut dire que le congélateur est tropicalisé. Il est capable de conserver le froid pendant plus de 48 heures. Y'a plus qu'à laisser le couvercle grand ouvert. Sinon, on va pas, Grégor. Trois jours plus tard, le haut du corps et décongelé, mais pas le bas.

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Y'a plus qu'une seule solution sortir de là. Les agents d'amphithéâtre prennent les choses en main et glissent des sangles sous ses genoux et sous ses bras, il l'attire et elle apparaît les bras croisés sur sa robe de chambre. Elle porte encore ses boucles d'oreilles et son alliance. Elle a les yeux fermés et le visage plutôt serein. Ils la mettent sur un chariot et la dame passe une semaine entière en salle d'autopsie à 16 degrés. Et le vendredi soir. Enfin, on peut allonger le corps et le glisser dans un frigo.

[00:06:26]

Et le gendarme de Saujon qui me relance? Alors, cette autopsie, docteur, où est ce qu'on en est? Écoutez, on a eu un petit peu de mal à la décongelés, ça a été assez long, mais là, c'est bon. Je m'y mets dès lundi. Le lundi, l'autopsie est bouclée sans encombre. Aucun signe particulier, aucune lésion et, dans le sang, une dose massive de somnifères. Ça ressemble à un suicide. Donc, la fin, je me tourne vers le gendarme.

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Bon, maintenant, qu'est ce qu'on fait du congélateur? On rentre à la famille, mais la famille refuse. Vous n'avez qu'à le garder. Bon, on lui trouvera bien un usage et donc l'argent d'amphithéâtres le prend pour le nettoyer. Et là, il enlève un drap qui traine au fond du coffre et ce faisant, il découvre une pochette plastique qui contient une lettre manuscrite. Mes enfants. Excusez moi pour la mauvaise surprise. Depuis que mon époux est parti.

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La vie n'est plus la même. Je n'ai plus envie de poursuivre. Je me suis mise dans le congélateur. Je donne mon corps à la science. Récupérer les bijoux. Elle prévient tout de suite les gendarmes. Il compare l'écriture à d'autres documents que cette dame a pu écrire. Et cette lettre, c'est bien elle. C'était donc un suicide.

[00:08:07]

Le procureur ordonne la remise de la dépouille à la famille. Et depuis, le congélateur est toujours là. Il ronronne dans un coin du service. On s'en sert. J'ai tiré cette histoire du livre de Michel Sapin chez Plon, en direct de la morgue. Demain, une autre histoire de médecin légiste.

[00:08:33]

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