Romain, le match de sa vie…
Hondelatte raconte - Christophe Hondelatte- 1,499 views
- 23 Aug 2020
En 2017, le rugbyman Romain Carlier est victime d’un accident du travail hors norme : il est enseveli sous plusieurs tonnes de goudron…
Bonjour, ce n'est plus Mathieu Noël qui vous parle, mais celui que désormais vous aurez l'obligeance d'appeler Mathieu Premier, puisqu'en effet, j'ai été adoubé par celui qui va m'accompagner chaque après midi de 16 heures à 18 heures sur Europe 1. J'ai nommé Stéphane Bern, mon nouveau complice avec lui. Il y aura des scoop.
Voltaire buvait des interviews choc au cœur de l'actualité. C'est quoi les qualités d'un bon pharaon? Sans oublier, évidemment, de l'humour. Reine n'est pas simplement un nom de pizza.
Qu'elle soit ou pas avec des champignons. Raconter l'histoire sans se la raconter. C'est bien ça, comme slogan? Oui, c'est pour ça qu'on l'a choisie tous les jours à 16 heures, à partir du 24 août, avec Stéphane Bern. Nous sommes historiquement votre.
Hawtin 14 heures 15 heures. Raconte. Bonjour à tous! L'histoire de Romain aujourd'hui Romain Carlier, qui travaille dans les travaux publics et qui, un matin d'avril 2017, se retrouve par accident, enseveli sous sept tonnes de goudron brûlant. Il est grièvement brûlé et il va s'en sortir grâce à sa volonté, à sa force physique de rugbyman, à la solidarité formidable du monde du rugby et au savoir faire inégalable du service des grands brûlés de l'hôpital militaire Percy, près de Paris.
Il raconte son histoire dans un livre qui paraît aux éditions Les Lumières de Lille, ne siffle pas la fin et il est là, bien sûr, avec moi. Bonjour Romain. Bonjour, voici donc votre histoire. J'ai juste prêté ma voix. Je l'ai écrite avec Véronique Mériadec. Réalisation Céline Lebrun.
14 heures, 15 heures. On raconte sur Europa. Je m'appelle Romain Carlier, j'ai 27 ans le matin du 25 avril 2017, je me suis retrouvé presque mort, le corps brûlé, couché sur le sol. Ce que je vais vous confier, c'est mon histoire. J'aurais pu ne jamais vous la raconter. Et pourtant, contre toute attente, je suis bien là, debout, vivant.
Avant l'accident, je suis, disons, un homme sans histoire, discret, tranquille, le gendre idéal. Je suis amoureux de Noémie. On n'est pas mariés, mais c'est ma femme, c'est mon âme sœur. A côté de ça, j'ai une passion le rugby. Le rugby, c'est toute ma vie depuis tout petit, depuis mes 7 ans.
J'ai fait sport études au collège, au lycée et depuis, je suis resté fidèle à mon club, ma maison. Je suis arrière au RCC, le Rugby Club Piednoir. Je travaille, bien sûr. Je suis intérimaire pour une entreprise qui fait des routes en ce moment. On est en train de terminer le parking d'une maison de retraite à Guiscard, dans l'Aisne. Encore quelques mètres d'enrobé à poser et c'est fini. En général, on finit à la main.
Pas besoin de machine pour si peu. J'attrape une brouette. Je la place au dos du camion, sous le goulet. Bazzi lève la base. Et j'attends. Le chauffeur enclenche la montée de la benne. Et là, j'entends un drôle de bruit pas normal, comme si le crochet de sécurité avait cédé. D'instinct, je me retourne, je commence à courir. C'est trop tard. La goupilles s'est effectivement détachée de la grande porte. Tout vient de s'ouvrir.
Les deux bâtiments s'écartent et libèrent le contenu intégral de la benne. Sur moi, sur moi, sept tonnes d'enrobé chauffé à 150 degrés et une avalanche brûlant. J'essaye de me dégager, mais ne peux pas bouger pouce. Mon corps est recouvert jusqu'aux épaules. Sur. Les gars, les gars portaient des vite. Mes collègues tentent de me dégager à la pelle. Christophe, mon chef d'équipe, s'agenouille devant moi. Il creuse avec sa main. Je vais mourir.
Je sens que c'est la fin. Je ne me sens plus vivant. Christophe attrape mon portable dans la poche de mon pantalon, prévient ma femme, le tout de suite avant que le téléphone ne fonde. Il le fait. Je l'entends qui parle à Noémie. Christophe est toujours les genoux, plongé dans l'enrober. Il essaye de me soulever sous les aisselles une fois, deux fois. Cette fois, huit fois. Ça ne marche pas.
Écoute Christophe, on va faire le travail ensemble. OK, je compte. A trois, on y va. Deux, trois. Et je pousse une dernière fois sur mes jambes. Et Christophe me tire sous les bras. Et Saillé? Il est parvenu à me sortir de cet enfer. Il a réussi. Je suis vivant. Mes collègues me déshabillent Cruchot. J'ai chaud, mes jambes me font très mal, très mal. La morphine, je veux de la morphine.
Le Samu va arriver. T'inquiète pas. Aller chercher des bouteilles d'eau vides.
Il faut me refroidir le plus vite possible. Les collègues trouvent des bouteilles, ils font des allers retours jusqu'au robinet et ils déversent des litres et des litres sur moi et moi. Je ne sont rien. De la fumée s'échappe de ma carcasse brûlante. Je suis en train de me consumer. Je suis en train de cuire sur place et là, mes yeux tombent sur ma main gauche. Elle est à vif. Ma peau se détache de mes doigts et glisse vers mon poignet.
Les secours viennent d'arriver à la morphine, s'il vous plaît, de la morphine. La morphine commence à produire son effet. Je commence à planer. Je ne gère plus rien. J'entends vaguement le bruit d'un hélicoptère. J'ai mal. J'ai toujours mal malgré le produit. Et puis mon âme s'envole quand on m'installe dans l'hélico. Direction le service des grands brûlés de l'hôpital militaire de Percy, à Clamart, près de Paris. Le médecin m'a plongé dans un coma artificiel.
Je ne sais pas si je suis vivant ou mort. Je me retrouve dans un tunnel, un tunnel très clair qui s'ouvre sur une grande lumière blanche.
Je me sens incroyablement bien. Je n'ai plus mal. La lumière se rapproche.
Ça y est, j'attends le bout. Comme elle est pleine, cette lumière, elle est attirante, cette lumière. Et puis. Et puis, d'un coup, c'est le trou noir, le tunnel a disparu. Je suis dans le noir. Je pense que c'est à ce moment là que je plonge dans le coma, un coma dont je ne me réveillerait que dans un mois et demi. On enveloppe, décharnée et livrée aux mains magiciennes des chirurgiens de l'hôpital, percez pendant un mois et demi.
Je vais subir une vingtaine d'opérations et moi, je rêve. Je suis sur un bateau de croisière avec Noémie à Paradis. Coquetel, bronzage, piscine. On est à table et soudain, une violente secousse renverse mon verre de vin. Le bateau a commencé à couler. Nous plongeons dans la mer. La plage n'est pas loin. On arrive à la plage. J'ai perdu une chaussette. Elle doit être dans mon sac de voyage. Le bateau a coulé.
Je nage vers l'épave. Je plonge. Je tire mon sac de l'épave. Je remonte à la surface. Je retourne vers la terre. Noémie n'est plus là. Y'a plus personne. Je me retrouve complètement seul.
Mais 2017? Depuis combien de temps les gens dormaient de temps en temps, je me réveille entre deux opérations et puis je repars. Mais est ce que le monde extérieur se rend compte que je refais surface? Je ne le sauraient que plus tard en découvrant le journal que Noémie tient en mon absence, mercredi 3 mai. Je suis arrivé dans ta chambre, je te vois cligner des yeux, je vais prévenir les médecins, tu n'as pas donné signe de vie depuis l'accident depuis une semaine déjà.
Est ce que tu es en train de te réveiller? Ils me disent que tu es seulement réactif aux machines, que tu ouvres les yeux sans être là. Samedi 6 mai, j'ai rendez vous avec le chirurgien pour faire le point sur tes opérations, tu en a déjà subi quatre. Je crois qu'il essaye de sauver tes jambes en remplaçant tes muscles par ceux qui n'ont pas été brûlés. Tu ouvres moins les yeux que la dernière fois, mais tu as ressenti que j'étais là dans ta chambre.
C'est important que tu saches que je suis là. Dimanche 14 mai, ça fait deux semaines que l'accident s'est produit. Chaque opération m'angoisse. J'ai peur de voir le numéro de l'hôpital s'afficher sur mon portable. J'ai peur de l'annonce fatale. J'ouvre les yeux le 8 juin 2017, après un mois et demi de coma autour de moi, je vois des fils, beaucoup de fils partout, des câbles, des machines, du bruit. J'aimerais me retourner pour observer.
Je ne peux pas bouger. Qu'est ce qu'ils m'ont fait? Où sont mes jambes? Où sont mes bras? Je tente de bouger mes pieds genoux sans rien. J'aimerais appeler à l'aide. Aucun son ne sort de ma bouche. Un tuyau m'empêche de parler. Et là, je vois des infirmières accourir et des chirurgiens. Il tente de m'expliquer. Vous avez eu un accident du travail, monsieur? Vous êtes à l'hôpital? On me parle, mais moi, je ne peux pas répondre.
Et là, je commence à pleurer. Je pense à Noémie. Je regarde autour de moi. Elle n'est pas là. Mais bon sang, pourquoi est ce que je ne peux pas bouger?
Les quatre nuits qui suivent mon réveil sont les plus longues de mon existence. Impossible de dormir tout ce bruit. Ce sentiment d'oppression. Ces jours qui ressemblent aux nuits. Quatre nuits à attendre, c'est interminable. Au bout de cinq jours, enfin, je mets Kröll. A mon réveil, j'ai soif. Putain, hier soir, est ce que tous ces gens qui sont autour ne peuvent pas comprendre que j'ai besoin d'eau? Ça dure deux semaines, deux semaines sans que la moindre goutte d'eau ne vienne rafraîchir ma bouche.
Deux semaines jusqu'à ce qu'on vienne me retirer, ce tube, cette traquées Ōtomo qui me transperce la gorge.
Enfin libéré. Et deux jours plus tard, je peux enfin parler, je téléphone tout de suite à ma femme Coco bébé. On m'a fait trois. Ne t'inquiète plus, ma chérie, tout va bien. Je t'aime, je t'aime, je t'aime. Je raccroche et je me tourne vers l'infirmière. Moi, ce qui s'est réellement passé svp. Et surtout, ce n'est plus. Le chirurgien va passer, monsieur. Il pourra répondre à vos questions. Quand le chef de service débarque dans ma chambre, je lui pose tout de suite la question qui morente docteur?
Dites moi! Est ce que je suis handicapé? Est ce que je pourrais rejouer au rugby? Je ne sais pas me garder, c'est beaucoup trop tôt pour le dire. Vous avez été très sérieusement brûlé au troisième degré sur les jambes, sur l'arrière des cuisses, sur les fesses, le bas du dos, l'abdomen et le dos de vos mains et au deuxième degré, sur le cou, le dos, le haut de votre abdomen et le bras gauche.
C'est vraiment très grave. Vous savez, quand vous êtes arrivé, vos fonctions vitales étaient très instables. J'ai été greffée. Nous avons enlevé les parties les plus touchées et procédé en urgence à une grève. Il fallait absolument assurer la vascularisation de vos organes pour vous maintenir en vie, tout simplement. Alors, au début, nous vous avons greffé des tissus externes aux vôtres et puis ensuite, nous avons enlevé la totalité de votre peau restée saine, la totalité essentiellement.
Là, vous voyez sur le thorax et sur le dos. Et nous avons procédé à ce qu'on appelle des autogreffe, mais nous n'avions pas suffisamment de peau pour tout recouvrir. Donc, nous avons dû l'étirer à 1 pour la déposer comme une sorte de filet filet très fin sur les parties où nous avions retiré la peau brûlée. C'est une technique que nous utilisons très rarement, mais bon, je vous rassure, la cicatrisation va prendre du temps. Mais vos tissus se reconstruisent.
Je suis désolé, nous n'avons pas réussi à sauver votre annulaire et votre auriculaire de la main gauche, nous avons été obligés de les amputer. Si ce n'est que ça, je me débrouille très bien sans ses doigts. Est ce que je pourrais recourir au docteur? Je vous le redis, c'est trop tôt. Nous avons dû également procéder à des greffes de vos muscles, utiliser ceux des parties les moins touchées, comme par exemple les muscles de vos épaules pour vous les greffer ensuite sur les parties inférieures.
Je ne vous cache pas que je ne suis pas très optimiste pour vos jambes. Ça fait deux fois que nous tentons une greffe de muscles. Pour l'instant, c'est sans succès. Nous allons tenter une troisième intervention demain matin. Et ce sera la dernière. En cas d'échec, nous devrons vous amputer du pied gauche. Mais bon, peut être un peu plus haut.
Quand je me réveille le lendemain après l'opération, la première chose que je regarde, c'est mon pied. Est ce qu'il est toujours là sous l'énorme couverture? Impossible de le savoir à ce moment là. Une aide soignante me sourit. Je vous rassure, M. Carrelé, ils ont réussi. Quel soulagement! Mais je comprend vite que ça n'est que le début. À chaque fois que je bous une douleur terrible, terrible, mi radhi, je ne tient que grâce aux antidouleurs et aux opiacés.
Juillet 2017, un mois que je me suis réveillé. Ma mère est montée du Sud. Ça fait des années qu'on ne s'est pas parlé. Quand je le revois, je pleure. J'ai besoin d'elle, comme tous les bébés, sans défense. Aujourd'hui, les infirmières m'ont fait passer une clé USB de la part de mon frère. Je me dis ça doit être des vidéos des copains du rugby. Je glisse la clé dans un ordinateur, ça ne sont pas mes copains.
Ce sont des rugbymen que d'habitude, je regarde à la télévision. Jules Plisson, François Trinh-Duc, Mathieu Bastareaud, tous les grands du rugby ont enregistré des messages.
Courage Romain! Elle se voit bientôt sur le terrain romain et ce message de Vincent Moscato au Mail Je te soutiens, je croise les doigts pour que tu te sorte mon poulet et je souhaite que le bon Dieu soit avec toi. Je t'embrasse aux Romains.
Il y a aussi des photos des clubs de Biarritz, de Castres, d'Ageas, des joueurs du Stade Français aussi.
Ils tiennent un panneau. Courage romain. Comment se fait il que ces gens pensent à moi? Moi, je suis une personne discrète qui ne cherche pas à se mettre en avant. Je me doutais que mon histoire ferait le tour du club de Compiègne, mais là, ça vient de tout le pays. Quand j'ai terminé le visionnage, je me fondre, éclate en sanglots. Mais ce sont des larmes de joie. Je dois prouver à tous ces gens qu'ils ont eu raison de prendre du temps pour m'adresser leur message.
Je dois leur montrer que je peux me relever, qu'il est toujours possible de remonter par la force de la volonté. Je dois m'en sortir, je dois sortir d'ici. Le docteur Leclerc me dit. Vous savez, vos qualités physiques vous ont sauvé la vie. Si vous n'étiez pas en bonne santé, jeune et athlétique, on n'aurait pas pu vous récupérer.
Nous avions besoin de beaucoup de muscles pour reconstruire vos jambes. Votre masse musculaire, notamment sur la partie supérieure de votre corps, nous a permis de prélever en profondeur et donc de sauver vos jambes. Sans cela, honnêtement, vous seriez moi. Mes journées dans ma chambre stérile à l'hôpital Percy sont interminables. La journée démarre à 3 heures du matin par une première piqûre antidouleur. La morphine et la kétamine sont devenues mes meilleures amies. À 6 heures arrive mon aide soignant pour la toilette, une toilette d'Ochamps.
On ne me lave que le visage. Pour le reste, il faut anesthésier. Anesthésie générale tous les jours, tous les jours, on m'endors pour une grande douche ou pour une opération.
Un matin, ils sont en train de décoller, la peau brûlée, couchée dans le dos. Rendort.
M'invitent. Août 2017, quatre mois que je suis là. Deux mois que je suis réveillé. Je me demande si je ne vais pas finir ma vie dans cette pièce. Je pose souvent la question de ma sortie à mes Romain. C'est impossible de quitter l'hôpital tant qu'il est nécessaire de vous anesthésier pour changer vos pansements. Depuis que je suis réveillé, je vis sous des pansements et des draps. Pour l'instant, je ne me suis jamais vu. Émilie. Je peux me voir.
Elle m'apporte un miroir, j'ai peur de regarder. Ouf, je suis soulagé. Je n'ai plus de cheveux, je n'ai plus de moustache, je n'ai plus de barbe, mais c'est moi, c'est bien moi. Je ne savais pas que mon visage n'avait pas été brûlé. Je n'avais jamais osé poser la question. J'avais trop peur de la réponse. Mi août 2017, ça y est, on commence à me parler de transfert en rééducation, mais la seule condition, c'est que je ne sois plus dépendant de l'anesthésie générale quotidienne pour changer mes pansements.
La première fois qu'on me met dans un fauteuil Ouareau la douleur, je transpire. Ensuite vient l'épreuve de la table de verticalité. Je ne peux pas me redresser. La table le fait à ma place. On me met sur la planche, on m'attache et on déplace la table en position verticale. Tous les jours, un peu plus longtemps, j'ai la tête qui tourne. Mon cerveau n'est plus habitué. Un matin, je reçois la visite des gendarmes de Noyon qui enquêtent sur mon accident.
Ils ont fait 120 kilomètres pour enregistrer ma plainte. Ils installent leur ordinateur, leur imprimante. Ils posent leur ceinturon avec leurs pistolets, leurs menottes au pied du lit et à la fin, je ne peux pas tenir le stylo pour signer le PV. Je fais une croix. Est ce que c'est à cause de leur ceinturon, du clavier, de leur ordinateur ou de leur imprimante qui n'était pas assez désinfectées? En tout cas, quelques heures après leur départ, la fièvre se met à monter.
J'ai été infecté par une bactérie virulente que les gendarmes ont introduits dans ma chambre. Tous les deux jours, le médecin change de traitement antibiotique. Je repars en arrière. Octobre 2017, ça fait six mois que ma vie s'est arrêtée. Linfection est enfin vaincue. M. Carlier. Nous avons terminé les interventions. La cicatrisation se passe bien. Vous allez être transféré dans un centre de rééducation Hubert, en Seine et Marne. Cependant, pour ça, il faut réussir à vous passer d'anesthésie pour changer les pansements.
C'est toujours le même problème. Pour sortir, je dois donc me sevrer et affronter les pansements en restant éveillés. C'est une barrière psychologique, en vérité. Pour la première fois, je vois, je vois ce qu'il y a sous mes pansements, je vois ma peau brûlée. Je regarde ma main. Elle ressemble à tout, sauf à une main. Elle est violette. Au bout de 30 secondes, je tourne la tête et le lendemain, je tiens une minute et chaque jour, un peu plus.
Il faut que j'ai le coeur bien accroché pour soutenir la vision de mon corps. Ça me prend aux tripes, mais c'est la clé de ma sortie. Fin novembre 2017. Depuis que je suis à Goubert, dans ce centre de rééducation, je suis assis dans un fauteuil, mais pour l'instant, je ne me suis jamais levé. Il me faut plusieurs semaines avec l'aide des kinés pour me redresser lentement. Maintenant, on me lève deux fois par jour et chaque jour, je tiens un peu plus.
21 novembre 2017 Sept mois après mon accident, ça y est, je marche, je marche vers la liberté. Je marche vers l'avenir. Je marche vers ma nouvelle vie. Je m'appelle Romain Carlile, j'ai bientôt 29 ans, j'ai gagné le plus beau des combats. Je suis un miraculé. Je suis prêt à débuter cette nouvelle vie dont je vais savourer chaque chapitre sans jamais chercher à sauter une seule page.
Retrouvez Christophe Hondelatte sept jours sur sept, de 14 heures à 15h30. Tiens, Antoine! Donc, pour cette histoire romain tiré du livre que vous publiez aux éditions Les Lumières de Lille, co-écrit, il faut le dire, avec Clémence ou Eric. L'histoire est amusante. C'est une journaliste du Courrier Picard qui couvrait Beau match de rugby et qui a vous a aidé à raconter ces deux années de doutes et de victoire. Clémence ou Terrill, du Courrier Picard. Alors, il faut terminer l'histoire parce qu'elle est pas tout à fait finie.
Vous aviez ce rêve de rejouer au rugby? Vous avez vu marcher en entrant dans le studio. Ce n'est pas pour tout de suite. Non, pas pour tout de suite. Il y a beaucoup de travail à faire encore, mais on le fait. J'ai repris à la séance les séances de muscu. Il y a un mois, donc, proprio, endurance cardio, on travaille et pourquoi pas reprendre d'ici deux mois. Mais d'ici quelques mois. Mais vous êtes entraîneur?
C'est ça? C'est ça, le staff de Compiègne, ma maman, dedevenir entraîner les trois quarts vu que j'étais cette dernière. J'ai un bon élément de l'équipe et j'étais arrière. Exactement. J'ai dit oui. J'ai fait quelques entraînements. J'ai fait quelques matchs et ça m'a plu. Et l'année prochaine, je vais entraîner les plus jeunes des moins de 18 ans, les juniors. Si vous deviez rester entraîneur et uniquement entraîneur, ça, vous irez quand même?
Non, pas du tout.
Mon objectif depuis que je suis réveillé à Percy, c'est de rejoindre le rugby. Dans tous les cas, c'est mon objectif. C'est votre moteur, c'est ça. Il faut avoir des objectifs et c'est celui là. Et je le tient vraiment à coeur et je vais le réaliser, c'est sûr. D'accord, on ne peut pas évoqué l'hypothèse que ça ne se fasse jamais. Non, non, non. OK, OK, on gagne quelque chose. Sans doute que les gens ont compris à travers les lignes puisque Noémie est très présente au début de l'histoire.
Puis elle disparaît à un moment de sa. Petit à petit disparaît. Elle a disparu. Elle a disparu complètement de ma vie. Ça arrive souvent.
On m'avait prévenu à Percy. À force de voir des visions de leurs compagnons, les compagnes ne supportaient plus la souffrance de leur conjoint. Ça s'est passé comme ça et c'est mis de côté pour moi pendant presque deux ans. Et elle a voulu vivre ça, oui. Donc, je respecte son choix. Dans tous les cas, ça m'a rendu encore plus fort et je la remercie, Robert. Je la remercie, mais je l'en remercie pour ça. Il faut reconstruire autre chose.
C'est ça à partir de ce que vous êtes aujourd'hui, c'est ça exactement, vu que j'ai eu ma renaissance après le coma. Après? Au début, quand on revient à la vie active, on est un peu perdu parce que dans le centre de rééducation, on est dans, on est dans un cocon. En fait, on est avec tous les grands brûlés. On ne voit pas ce qui se passe à l'extérieur. On n'a pas trop de nouvelles, donc on travaille beaucoup sur notre corps et confort.
Là bas, on est lâché à la vie de tous les jours et c'est difficile de se reconstruire. Dans les premiers mois, j'étais dans ma chambre. Je ne pouvais pas sortir. En fait, c'est soi et les autres, c'est ça. C'est son hors champ. En quoi ça? C'est un combat trop puissant pour soi même?
Exactement. Heureusement que j'ai des bons amis. Et le rugby qui m'a entouré, qui m'ont aidé à surmonter cette épreuve. Encore un point technique. C'est un accident du travail, c'est ça exactement. Il y a eu une enquête en main. On a vu que ces gendarmes sont venus prendre votre plainte à l'hôpital. Où en est on de la recherche de responsabilités? Est ce que c'est une faute humaine au fond, ou est ce que c'est une défaillance de matériel?
Je ne sais pas encore. J'ai appelé il y a deux semaines. Mon inspectrice du travail venait juste de terminer l'enquête, mais elle n'avait pas le droit de communiquer les raisons de l'accident.
C'est important pour vous que soit établi la responsable? Oui, bien sûr que j'ai failli coûter ma vie à transformer mon corps de A à Z. Donc oui, j'aimerais bien savoir du pourquoi, du comment.
Au passage, d'ailleurs, vous, vos collègues, au moment de l'accident, ont le bon réflexe quand ils vous arrosent tout d'eau. Peut être qu'on peut en profiter pour faire passer ce message. C'est exactement ça qu'il faut faire quand quelqu'un est grièvement brûlé.
De l'eau, de l'eau et pas de dentifrice pour certaines personnes. Que de l'eau, de l'eau, de l'eau. Et après? Si c'est grave, Froyo refroidir au four à bois dur et après, à aller à l'hôpital si c'est grave, mais pas paniquer. Parlons de cet hôpital quand même, parce que dans votre malheur, vous avez une chance incroyable que de Compiègne où il nous arrive, cette histoire de la région de Compiègne. Où vous arrive cette histoire?
On a eu l'idée géniale de vous transférer dans le plus grand service de prise en charge des grands brûlés en France est Percy, à Clamart, près de Paris. Vous avez conscience de ça?
C'est un endroit absolument extraordinaire des chefs. Ils sont énormes au niveau des soins, de la rigueur, du. Je devais aller à Lille au début, je n'allais pas tenir le coup. Ils ont appelé Percy et m'ont pris directement. En fait, il faut expliquer à un sondé sont des militaires qui vous ont soigné exactement, de l'aide soignante jusqu'au médecin. Ils ont des grades, c'est ça exactement. Ce sont des. Ce sont des soldats. La technique utilisée est assez fascinante.
C'est à dire que si j'ai bien compris, ils vous ont enlevé la totalité de la peau, brûlée, la peau, brûlée, exactement, et la peau saine. Toute la possède aussi vous a été retiré et ensuite, ils ont retiré cette peau pour vous la recoller dans une petite machine qui etalle la peau comme de la pâte à pizza, quoi. Exactement comme pour faire des pâtes. Mais après moi, je ne l'ai pas vu, ça donne.
Est ce qu'ils ont fabriqué de la peau pour vous? Ils n'ont qu'une ma peau ou ils font de la culture, c'est ça. Ils sont moins de trois ans, sont très, très forts, très, très forts. La greffe de muscles, ça aussi, c'est fascinant. C'est à dire? Aujourd'hui, les muscles qui vous permettent de marcher viennent tous de la chute d'eau, des dorsaux, des pecs, des pectoraux.
Ouais, ouais, c'est extraordinaire. Sans ça, je serais encore en fauteuil roulant.
Mais il vous manque pas aux muscles du cou. Maintenant, il manque que les dorsaux. Après, on a fait beaucoup de travail avec le centre de rééducation de Coubertin pour apprendre des séances de muscu, les séances de déchirement, tout pour retrouver cette souplesse et pour que cette peau, ça arrête de tirer, se recroqueville. Mais vous saviez vous?
Je ne le savais pas. Vous saviez qu'on pouvait greffer des muscles? Non, je ne le savais pas, même de la bouche. Je ne savais pas du tout. Je n'étais pas. Je n'étais pas du tout intéressé par le cas des grands brûlés. Mais quand ça, ça nous arrive, bah alors on se pose des questions et on rentre. On rentre dans le système quand on apprend comment ça se passe, comment ça fait. Et franchement, c'est beau, c'est intéressant.
Alors vous raconter quelque chose que sans doute beaucoup de gens vont retenir. Et vous n'êtes pas le premier à le raconter ici. Vous racontez donc ce tunnel après l'accident. Ce tunnel au bout duquel il y a une lumière. Elle est belle, vous dites cette lumière belle. Elle est séduisante, elle est séduisante et elle est attirante. Surtout, c'est la mort, c'est la mort. Exactement, c'est la mort. Mais plus on s'approche et moins on souffre.
Quand je l'ai touchée comme mon bras, il a traversé le portail.
La lumière, le bras traverse la lumière. J'avais aucune douleur. J'étais heureux. J'avais avait plus de problèmes purins et en une demi seconde, il y a quelque chose ou quelqu'un ou une force qui m'a tiré de là et je suis avec lui sur le bateau. Mais votre envie à vous était d'aller de l'autre côté de la éclairement, clairement pour avoir mal. On est d'accord qu'avant que vous ne viviez cette expérience, vous n'aviez rien lu. On appelle ça les expériences de mort imminente.
Vous n'aviez pas lu de livres? Non, non, non, non, non, non, non, non. C'est incroyable. J'ai au moins raconté ici trois histoires qui racontent exactement la même chose, avec les mêmes mots que vous. Vous avez donc vu la mort? C'est bien, c'est pas si mal et pas si mal. Je suis revenu de la mort quand on m'a repoussé de la mort.
Alors, dans cette histoire, il y a une jolie histoire. C'est que vous vous êtes fâché avec votre maman. Ce n'est pas très original. A vingt ans, il y a tout un tas de gens qui sont fâchés avec leurs parents. Depuis, vous l'avez retrouvé grâce à cet accident final? Exactement. On a créé des liens et tout ça fait plaisir de retrouver sa maman. On s'appelle, on a une complicité comme avant. C'est très, très bien et même encore plus.
Une nouvelle complicité? Très bien. C'est plus fort et ça, c'est une victoire pour le coup. C'est ça. C'est une belle victoire. Pour le coup, c'est grâce à ce qui vous est arrivé? C'est ça? Ce n'est pas facile à dire, mais là. Vous en voulez aux gendarmes qui ont introduit cette bactérie dans votre chambre stérile?
On est certain que ces normes Bassinia, c'est juste après qu'on c'est juste après le journal. Le lendemain, j'étais, j'étais affecté au fait que les symptômes de l'infection se sont manifestés.
Non, non, je ne veux pas. Ça ne pas, je pense. Mais oui, il y a eu un petit point faible du système. Ouais, c'est ça, oui. Si c'est pas parce que ce sont des militaires, il doit pas obéir aux autres militaires. Alors là, la solidarité du monde du rugby. Comment ça s'organise? Comment vous vous retrouvez avec cette clé USB? Des messages de vos héros, en vérité. Des stars de votre univers, mais que vous ne connaissez pas du tout.
C'est tous les compères du rugby de Compiègne qui ont tous des connaissances un peu partout dans. Qui ont envoyé des messages en disant On a un copain qui a eu un grave accident de travail. Allez y, soutenez le. Faites partager le message et tout est fait. Un effet boule de neige, ça a été en international Wilkinson. Ben oui, il y a Wilkinson aussi. J'ai oublié quand même. Énormissime, c'est la star ultime, la star. Il vous envoie un message, c'est ça exactement.
Ça m'a aveuglé alors que c'était bien leur idée. C'est quoi d'apporter de la force? Et dire que le rugby, c'est une grande famille. Même quand on a un frère qui est blessé au combat, faut rien lâcher. Il faut toujours être derrière lui pour le relever à sa façon. La façon, c'était un message de soutien que mon frère a récolté sur l'USB. Mais ça m'a. Ça m'a apporté des. Ça a été utile.
Ça a été utile, puis déterminant même une puissance de soutien comme ça. Je pense qu'il y a très peu de personnes qui ont qui ont vécu ça, mais c'est énormissime et ça va loin parce que vous êtes dans ce centre de rééducation et qui débarque dans votre piaule.
Damien Traille, Damien Traille. Joueurs du Quinze de France, anciens du Biarritz du Biarritz Olympique. Une star, lui aussi. Une star, et il prend le temps d'aller en Seine et Marne pour venir me voir et me m'accompagner. Le temps, le temps d'une après midi, ça a été déterminant.
Tout ça. Est ce que ça se serait passé différemment s'il n'avait pas été là?
En arrière plan, tous ces gens là, je pense que j'aurais pas eu les épaules pour continuer parce que d'un accident comme ça, il faut être soutenu à fond. Faut pas être tout seul enfermé dans sa bulle. En fait, faut faut prendre tout ce qu'il y a à prendre et vivre le jour au jour. Et normalement, ça devrait bien se passer. Mais il y a un après dans cette histoire avec tous ces joueurs là, c'est à dire ils savent aujourd'hui que vous vous en êtes sortis.
Ils sont au courant de la suite de l'histoire.
Oui, on est sans nouvelles, on s'envoie quelques textos et tout. On dit que Damien y vient sur Compiègne, soit Damien Traille.
Ouais, d'ailleurs, il va à Compiègne. Moi, vous voir.
Pas pour me voir, mais pour une invitation au club de rugby. On fait ça parce que oui, il joue avec l'équipe vétérans phoques clown de Compiègne, donc à la fois. On est parti à Lyon, c'était pas mal ça. C'est compliqué parce que même si vous n'était pas arrivé ça, vous n'auriez jamais rencontré tous ces gens là. Vous n'auriez jamais été copain avec Damien Traille. C'est peu probable. Oui, oui, mais il est vrai que les deux poids, deux mesures.
Donc vous pensez que ça aurait pu se faire dans le foot? Un truc pareil ou c'est spécifique au rugby? Moi, je pense que c'est spécifique au rugby. Pourquoi? Parce que quand on rentre sur le terrain, on est tous des frères. Qu'importe, on peut se mettre sur la gueule à la fin, à la troisième mi temps, boire un coup tous ensemble racontent nos exploits. On raconte que les autres équipes, on raconte nos vies et après le match retour.
On se remet à l'un contre l'autre et on rba. On reçoit des coups comme ça.
Il y a moins d'affrontements, moins d'enjeu entre qu'humains.
Après le rugby, c'est vraiment du combat, du combat, du combat. Donc, si on est 15, 15 combattants dans la même équipe, on doit être soutenu. À gauche comme à droite, donc, on est des frères et on avance tous ensemble dans la même direction pour gagner le match. Vous avez connu la douleur extrême, la souffrance extrême que vous racontez que j'essayais de retranscrire. Ce n'est pas évident parce que moi, je ne connais pas véritablement cette douleur.
Mais je suppose qu'elle laisse des traces quand même. C'est à dire? Vous êtes un homme différent pour avoir connu ce que c'est que la douleur ultime. Elle est ultime.
N'allez jamais autant souffert de ma vie. Faut pas le cacher. Mais on apprend à oublier la douleur. On vit avec, mais on apprend à l'oublier. Elle n'est pas restée comme un traumatisme pour vous, non? Au contraire, je pense que c'est plutôt une force. Me dire que j'ai souffert. Maintenant, j'ai avancé. J'ai presque presque plus de douleur, mais je suis encore là. C'est pas grave, il faut avancer, même si on a de la douleur et une scène qui est très, très forte.
C'est le moment où vous demandez un miroir pour voir votre visage et vous vous dites que jusqu'à ce moment là, qui se situe donc trois mois après votre accident, vous n'aviez jamais osé demander si vous étiez défigurée. Vous passiez les mains à vous, ne pouviez pas les passer.
Je pouvais pas. J'avais des orthèses, des pansements. Je ne pouvais rien faire. Vous n'aviez pas osé? Non, je n'avais pas osé. J'avais tellement peur de perdre mon identité. Que le visage. Chelly, vous aviez peur qu'on vous dise oui, t'es défigurée? Oui, clairement oui. En fait, c'est le seul point où on ne voit rien. C'est votre visage. On verrait ça exactement. C'est le seul endroit où tout est resté. Dans mon malheur, comme on dit, j'étais vraiment content de prêter ma ma voix à votre histoire.
Romain Carlier et je vous renvoie les uns et les autres à ce livre qui paraît tôt aux éditions Les Lumières de Lille. Quand je dis doline, c'est pas de l'île de la Réunion, c'est de l'île. La ville, la grande capitale du Nord, ne sifflez pas la fin. Le match de ma vie, signé Romain Carlier, co-écrit avec Clémence Entérique, journaliste au Courrier Picard. Merci infiniment.
Christophe Retranchait Christophe Hondelatte sept jours sur sept, de 14 heures à 15 heures, sur Antin.