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Christophe Hondelatte Voici l'histoire bouleversante d'une femme qui s'appelle Yvonne Salamon et qui est née dans le camp de concentration de Perkin Delsey. Cette histoire, je la tire de son livre. Je suis née à Bergen-Belsen, qui paraît chez Plon. Elle sera là tout à l'heure. Et ce qui est stupéfiant dans cette histoire, c'est que pendant six mois, les six mois qu'elle a passés dans ce camp, la petite Yvonne n'a jamais pleuré. Elle est restée cachée en silence contre le sein de sa mère.

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Les SS n'ont jamais su qu'elle était née. Duelle de Dieu le veut m'a aidée à écrire son récit. La réalisation de Céline Le Braz.

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Christophe Hondelatte. Mon histoire commence évidemment par l'histoire de ma mère Hélène, ma mère, née en Pologne en 1905 et à 16 ans à Varsovie. Elle rencontre mon père Natan, mon père. Enfin, oui, mon père. Vous comprendrez plus tard.

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Jeune, mes parents sont anarchistes et finalement pas très loin des communistes et dans la Pologne antisoviétique est très catholique de ces années là, des juifs en plus, on les expédie en prison, on va les condamner et d'après leur avocat, ils risquent entre 5 et 6 ans de prison.

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Alors ils s'enfuient. Et un matin de 1924, ils arrivent à Paris et ensuite, ils s'installent à Montpellier. Ce sont des années heureuses. En 1931 naît mon frère aîné Jean. Ensuite, déménagement à Marseille et en 1937, arrivée de ma grande sœur Maggie.

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Entre temps, mon père est devenu médecin et ma mère sage femme.

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Et puis la guerre. Mon père est mobilisé et très vite, il est fait prisonnier et envoyé en Allemagne.

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Trois ans plus tard, en octobre 1942, la rumeur enfle. Les Allemands arrivaient de Marseille, certain certaines. Ma mère décide de confier mon grand frère Georges à un curé dans les Basses Alpes qui va lui faire servir la messe. C'est cocasse et ma grande sœur Maggy, qui n'a que 5 ans, elle l'a place chez une veuve, une veuve sans enfant. Madame Breuil, petite chérie, ma petite Kiki va bien s'occuper de toi. Je reviens très bientôt.

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En novembre, les Allemands finissent par prendre Marçais et un mois plus tard, le tampon juif est apposé sur ses papiers. Maman n'a plus le droit d'être sage femme. Elle décide de rejoindre la résistance de rejoindre Louis, qui a fait ses études de médecine avec papa et qui est entré en clandestinité. Maman devient agent de liaison. Elle porte des lettres. Elle ne les ouvre pas. Elle ne les lipa. Elle les remet en mains propres où elle les dépose dans des boîtes aux lettres qu'on lui a indiqué.

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Et puis un jour, en février 1944, elle est d'anime. Elle est venue livrer une grande enveloppe.

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Elle s'apprête à rentrer chez elle, à remonter dans le train. Elle est arrêtée par deux hommes qui la font monter dans une voiture. La milice et les supplétifs français de la Gestapo. Nous avons lu Les papiers dans votre sacoche, Mme. C'est absolument passionnant. C'est un trésor pour qui traque les résistants. Alors, il se trouve que nous connaissons certaines personnes dont le nom apparaît. Un certain Louis, par exemple. Ni nous, quel est son rôle?

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Mme? Un ami de longue date. Les médecins. Il dit de porter les lettres et je ne sais pas ce qu'elles contiennent. Je vous l'assure. On l'enferme dans une cave humide et obscure. Je dors par terre, tout habillé. Grelotter de froissent. Sans rien manger, sans rien boire. Ma bouche étant en feu, mes lèvres crevassée. Il m'interroge sans cesse Je résiste. Mes règles sont en retard. Je suis enceinte. Vingt mois de grossesse.

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Je voudrais en finir, mais mon bébé m'empêche. Et son bébé Yvonne. C'est déjà toi. Et ensuite, la milice livrais lenn ma mère à la Gestapo. Il paraît que vous ne voulez pas parler. Ça tombe bien, nous n'avons pas envie de vous écouter et là, il Labatt ma mère avec une brutalité inouïe. Et ensuite, il la traîne au sous sol. Elle est tout à l'heure, on va vous sortir pour aller au lavabo, l'arabo.

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Derrière la cuvette des toilettes. Vous trouverez un morceau de sucre. Maman m'a dit que jamais un sucre n'avait eu meilleur goût. Deux mois plus tard, en avril 44, Hélaine échoue au camp de Drancy. Trois longues barres d'immeubles entourées de barbelés et dans la cour, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, d'invalides. Il en arrive tous les jours et il en parle tous les jours. Des bus pleins à craquer qui quittent le camp.

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Paris, qui les amène travailler à l'aise, se rend en guidez. Ils disent qu'ils partent à pitchs Schipol, autrement dit à appétences ou Schnock. Et puis Tchibo, c'est un lieu inconnu, mystérieux, inquiétant, très inquiétant. Hélène, ma mère, quitte Drancy en mai 1944. Elle grimpe dans un camion bâché et ceux qui restent aux champs.

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Maman m'a raconté toute l'angoisse qu'elle a ressentie à ce moment là à la gare de l'Est. On les fait monter dans un train. Le convoi passe par la Belgique.

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Ils pénètrent en Allemagne et ils s'arrêtent à Bergen-Belsen, dans le nord du pays. Un camp cerclé de barbelés et planté de miradors et les voix de l'autre côté des barbelés. Elle les voit en tenue rayée, le regard vide ou à vide. Et elle sent cette odeur. Elle ne comprendra que plus tard. C'est l'odeur des corps qu'on brûle dans le crématoire.

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La baraque de maman est identique aux autres. Il n'y a pas de chauffage, des lits superposés à trois étages, deux par paillasse, une maigre couverture et la douche collective et maman qui est enceinte de quatre mois maintenant, c'est ici qu'elle va devoir me couver. Le plus terrible. Dit que c'était la fin. Une soupe à midi, une autre le soir, une demi louche de liquide tiède dans lequel nagent des fragments de légumes et une fois par semaine, un pain, un pain noir et sec.

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C'est un aliment très précieux dans le coeur, mais pour maman, ça n'est qu'une monnaie d'échange te donne le pain contre du tissu. J'ai besoin de tissus pour faire des langes et langes pour mon bébé et il me faut aussi du lait en poudre, du lait en poudre. Hélène Maman ne pèse plus que 30 kilos et elle a le ventre gonflé, forcément. Mais elles ont toutes le ventre gonflé à cause de la famille et du goulet. SS ne soupçonne pas qu'elle est enceinte.

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Fait peur d'être découverte. Ma fille. J'ai peur de tout perdre. Je repasse dans ma tête les cours que j'ai suivi pour devenir sage femme. Les cours sur la diététique des futures mères, sur les besoins du fœtus pendant la croissance. Et ni moi, ni toi, mon bébé, n'avons ce qu'il nous faut. Pourtant, le tout sans bouger faiblement, mais ça me soulage tellement mon bébé, tu vis, tu te développe et ça. Ça me donne une force et une force incroyable.

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Beaucoup d'espoir, car j'ai la volonté farouche de mettre au monde. C'est mon obsession et c'est ma planche de salut. C'est cet espoir fou qui m'est d'atonie. Grâce à toi, je peux m'oublier. Il est parfois plus facile de sauver quelqu'un d'autre que se sauver soi même. Au fil des mois, Bergen-Belsen se transforme en mouroir. Les corps s'entassent par morceaux et les enfants s'amusent à les compter. Chacun son. Hélène, ma mère, dort à côté des morts.

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Elle vit à côté des morts. Elle marche à côté des morts avec les poux qui prolifèrent. Pas les poux de tête. Les poux de corps. Les poux qui dévore les corps qui transmettent le typhus. Et puis, le froid terrible, l'hiver 44 45. Pendant des semaines et des mois, les températures tournent autour de moins 20 degrés. Et rien à boire de chaud ni à manger. Aucun vêtement, jamais de chauffage. Heureusement, ma mère est affectée à l'infirmerie, où il y a un peu de chauffage.

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C'est sans doute ça qui lui a sauvé la vie. Et moi aussi.

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Ma mère m'a raconté que sur une couchette proche de la sienne, un jour, elle fait la connaissance d'une toute jeune fille. Tu t'appelles comment? Anne-Frank. Tu as quel âge? 15 ans. Anne est atteinte du typhus. Et pourtant, elle chante, elle chante dans sa langue, le néerlandais. Un jour, tu vois Hélène. Moi. Et ben, j'irais visiter Paris. Hélène lui sourit, elle l'encourage à rêver, mais c'est écrit sur les traits de son visage.

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La mort approche. Maman, comme j'aurais aimé que tu me raconte ma naissance. Mais tu ne l'a jamais fait. Tu n'as jamais voulu, tu ne pourrais pas surement. Alors moi, je l'imagine, je l'imagine en me nourrissant de tous les témoignages de rescapés de Bergen-Belsen qui, parfois, dans leurs écrits d'oseille de là, évoquent ma naissance.

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Alors voilà comment je la vois.

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C'est le soir et il fait nuit. Surviennent les premières contractions.

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Tu vas à l'infirmerie en te cachant, tu pose des couvertures sur le sol et par dessus, tu sauras que tu as lavé à l'eau froide avec un petit bout de savon, tu allume une bougie et tu la cacho. Une casserole un peu relevée pour ne pas être repéré. Maintenant très sage femme, tu sais qu'il va falloir fournir des efforts colossaux. Mais tu ne pèse que 30 kilos. Des muscles ont fondu, alors le travail est long, difficile, douloureux.

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Mais tu trouves la force de pousser.

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Et moi, moi, je finis par sortir sans un cri, sans pleurs, comme si j'avais déjà compris qu'il fallait se cacher. Je suis tellement petite, je dois peser moins d'un kilo et demi, mais tu me trouve jolie, coupe toi même le cordon ombilical, tu me sers sur ta poitrine et, miracle, tu découvre que tu as peu de lait. Alors je teste ensuite une enveloppe dont ces morceaux de tissu que tu as échangés depuis des mois contre des rations de pain.

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Et pendant six mois, je vais vivre caché sous ta blouse, en sécurité contre toi, sans bouger et sans jamais pleurer, ni même geindre.

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Tu m'appelle Yvonne à cause du prénom de Mme de Gaulle. C'était aussi ton pseudonyme dans la Résistance. Et maintenant, tu n'as plus qu'une seule pensée. Maman, Me Doré, ça occupe toutes tes journées et tout ce que tu trouves. Je l'accepte de la Soupault rutabaga, des morceaux de betterave crue, tu les maj avant de les déposer dans ma bouche et parfois un peu de lait en poudre que tu as échangé et que tu délayée dans de l'eau froide.

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Longtemps après, au début des années 2000, on m'a offert un livre, un livre d'une certaine Francine Christophe, qui racontait son internement avec sa maman à Perkin Belsen et page 124. Je suis tombé sur ces mots. Maman, malgré l'interdiction formelle de sortir la nuit, est allée un soir à l'hôpital voir madame S. Qui venait de mettre au monde une jolie petite fille, et elle lui apportait un morceau de chocolat qu'elle gardait en réserve pour les jours encore plus durs.

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Mme S. S comme Salamon, une petite fille guiné dans le camp, je me dis ça ne peut être que moi. Quelqu'un connaît donc mon histoire. Quelqu'un m'a vu naître ou presque. Quelqu'un m'a côtoyé là bas. Je veux la retrouver. Je veux lui parler. Je veux l'écouter surtout. Alors j'écris à son éditeur et un jour, elle m'appelle. Francine avait 11 ans à l'époque. Sais, elle n'était pas bien grosse. La maman, on ne voyait pas qu'elle était enceinte.

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Et s'il nous l'avait pas dit, on l'aurait pas touché. Et toi, tu es toute maigrelette et. Surtout, c'était incroyable, tu moufté pas. Pas simple. Pendant tous ces mois. Pas simple. C'était fascinant. Le chocolat, alors? Le chocolat. Ma mère m'a dit. Hélène peut mourir cette nuit. Ce chocolat peut l'aider, peut être la sauver, lui donner de l'énergie, mais bon, elle m'a dit ce chocolat, il est battoirs et on peut le garder.

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Mais je n'ai pas hésité. Je n'ai pas hésité une seule seconde. Je lui dis évidemment, on lui offre notre chocolat. Quelque temps plus tard, Francine Christophe organise une conférence à Paris Gyver et elle est là, devant moi, sur l'estrade qui témoigne, je l'écoute.

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Et puis, à la fin, le micro passe de main en main. Et là, je me lève, tout tremblante. Je m'appelle Yvonne Salamon, alors j'aurai beaucoup de choses à vous dire, mais aujourd'hui, je suis venue, madame Christophe. Pour vous donner quelque chose, ou plutôt pour. Pour vous rendre quelque chose. Et là, je m'avance vers elle et je lui tend un chocolat. Voilà Mme. Je suis le bébé. Le bébé, c'est moi.

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Et là, elle se lève, elle descend de l'estrade. On s'en lasse. Je n'en reviens pas. Maman, que tu m'as jamais raconté cette magnifique histoire. Le 9 avril 1945, sentant venir la défaite, les SS évacuent les déportés juifs du camp pour s'en servir d'otage ou de boucliers, alors ils nous empilent dans des camions. Et moi, je suis toujours ligoté contre la poitrine de maman et je ne pleure toujours pas. On arrive à la gare, on nous fait monter dans un wagons à bestiaux.

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On ne sait pas où on va, mais est ce qu'il y a pire que Bergen-Belsen? Eh bien oui, ce voyage en train est pire. Tout le monde a la dysenterie. Il n'y a pas de toilettes. Alors les gens se vident sur le plancher. De temps en temps, le train s'arrête. Maman descend ramasser de l'herbe sur les talus. Elle la mâche et elle me la met dans la bouche. Et elle me donne aussi un peu de lait en poudre qu'elle a économisé et qu'elle allonge avec l'eau des fossés.

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Et le train tourne en rond comme ça pendant 14 jours, car ça prendrait plus tard.

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Les Allemands sont cernés par les Britanniques d'un côté et par les Russes de l'autre. Et puis, le quinzième jour, le train s'arrête. Tiens, tiens. On n'entend plus le hurlement des SS.

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Ils nous ont abandonnés. Et là, on voit arriver des Russes, des Russes avec de drôles de pantalons bouffant. Ma mère n'a qu'une idée se laver, se débarrasser de ses vêtements plein de peau. Alors elle s'approche d'une maison allemande et là, une dame la la laissant entrer chez elle de mauvaise grâce. Y a de la nourriture partout. Mais attention, maman le sait par ses études, il ne faut pas se jeter dessus, ne pas remplir d'un coup nos ventres aussi creux.

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On pourrait en mourir. Dame nous attribue une chambre et là, dans cette chambre, se produit un miracle. Ma mère m'enlève, mélange. Elle me sépare d'elle et pour la première fois, je crie, je crie comme un bébé qui sort du ventre de sa mère.

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Six mois plus tard. Nattend aussi le mari d'Hélène a survécu à la guerre et les retrouvailles ont lieu à Marseille en janvier 1945 et quand il arrive, il me voit dans les bras de maman et lui, il rentre d'un camp de prisonniers où il était détenu depuis 10 940.

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Alors, est ce qu'il croit l'histoire que ma mère lui sert d'un bébé hollandais qu'elle aurait adopté? Je ne sais pas. Je crois pas. En tout cas, il décide de me reconnaître. Il n'a jamais voulu que je sache qu'il n'était pas mon père biologique et j'ai beaucoup hésité à vous le révéler pour ne pas salir sa mémoire.

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Mais je le dis parce que c'est noble au fond, ce qu'il a fait. Je n'étais pas sa fille, mais il m'a reconnu et il m'a aimé. Il a été un père magnifique et il nous a tous élevés de la même manière.

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A partir de là, la vérité qu'on me sert en grandissant, c'est celle de mes papiers d'identité sur lesquels il est écrit que je suis né le 15 août 1945 à Marseille. Mais vers l'âge de 16 ans, forcément, je me pose des questions. Le camp de Bergen-Belsen, où était ma mère, a été libéré au mois d'avril 45.

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Il y a quelque chose qui cloche. Quand est ce que j'ai été conçu? J'interroge maman. Voilà ce qui s'est passé. Papa s'est échappé du camp de prisonniers où il était détenu. Et il s'est introduit à Bergen-Belsen. Et c'est là qu'on a conçu. C'est tout. C'est une fable. Mais j'y crois un jeu, je veux y croire jusqu'à ce que je vois le film Nuit et brouillard d'Alain Resnais et que je comprenne que ça ne tient pas.

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On ne s'introduisait pas dans un camp de concentration la nuit comme ça, alors que maman a été violée par un nazi. Elle me jure que non, mais le trouble s'installe et il dure jusqu'à mes fins. Twittant. Et puis un jour, maman. On remet la Légion d'honneur et Louis est là ton compagnon de résistance. Et ça me saute aux yeux. Il me ressemble le visage, surtout alors après la cérémonie. Maman, ne me manque plus, je te supplie est ce que Louis est mon père biologique?

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Désormais, sur ma carte d'identité, il est écrit Yvonne Salamon, née le 20 octobre 1944 à Bergen-Belsen. Et morte le 5 décembre 1987 à l'âge de 82 ans. J'ai beaucoup pleuré beaucoup et longtemps, moi qui pourtant ne pleure jamais. Cinq jours plus tard, on l'a mise en terre au petit cimetière des Olives. Et pendant vingt ans, je n'y ai jamais remis les pieds parce qu'en réalité, elle était là.

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Je lui parlais tous les jours. Elle me conseiller, elle me guider. Et puis, en 2008, j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis forcé à aller sur sa tombe. Et personne ne m'a rien fait.

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Je n'ai rien ressenti comme Seillier, comme si tu étais resté en moi au fond, comme si je t'avais assimilé un amour fusionnel que la mort n'a pas pu dissoudre. Je ne suis jamais retourné au cimetière. Et la prochaine fois, ce sera pour mes propres obsèques.

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Quand je te rejoindrai dans le caveau familial pour reposer à jamais près de toi. Voilà donc l'histoire Yvonne Salamon que j'ai tirée de votre livre Je suis née à Bergen-Belsen, qui paraît chez Plon. Vous n'avez pas pleuré? Vous l'avez écrit, vous pleurez pas la mère.

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Je ne pleure pas. Non, ça ne veut pas dire que vous n'êtes pas ému. Ça veut dire que vous n'êtes pas ému. Non, ça ne veut pas dire que je ne suis pas ému, je suis ému, mais un autre homme du même pleurer, non. J'ai pleuré une fois quand j'ai appris la mort de ma mère. C'était la dernière fois et la dernière fois. Cette relation fusionnelle que vous décrivez, elle existe dans votre souvenir depuis le début de votre histoire.

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Ou bien elle est devenue vraiment fusionnelle quand vous avez su ce qui s'était passé vraiment. Je pense qu'elle l'a été depuis le début, depuis le début. Je raconte dans mon livre le souci qu'elle a eu toute sa vie de me suralimenté tous les soirs, quand elle montait se coucher, elle m'a apporté un fruit. Elle a toujours été tellement préoccupée par moi et vraiment cédant à toutes mes volontés, quand même. Je pense que j'ai été très gâtée depuis votre enfance où on ne savait rien.

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Vous sentez qu'il y a quelque chose entre vous deux qui dépassent la relation mère fille habituelle? Oui. Et puis, il y a quand même quelque chose de particulier dans ce souci pour moi suralimenté qu'elle n'avait pas avec ses autres enfants. Et puis, il y avait une différence de morphologie entre mes deux frères, ma sœur et moi. J'étais toujours plus fluette. Donc, je pense qu'elle avait un souci particulier depuis début pour moi. Qu'on comprenne bien dans votre enfance.

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Donc, avant ce moment, à 16 ans, où vous vous dites que vous commencez à comprendre comme un bébé de neuf mois, etc. Et que ça ne colle pas tout ça. Qu'est ce que vous savez de l'histoire de votre mère avant? Au tout début de votre adolescence? Bien. Je connaissais parce qu'il y a eu beaucoup d'articles faits sur elle en sa qualité d'ancienne résistante. Elle faisait partie d'une association d'anciens déportés. Il y avait des manifestations, donc je connaissais toute l'histoire.

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Si ce n'est que je ne connaissais pas l'existence de ma naissance dans le camp.

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Elle vous raconte toute l'histoire, mais à aucun moment, elle ne dit tout ou si tu es né à Bergen-Belsen.

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A aucun moment, je pense que ça a été un accord entre mes parents et mon père. Pour lui, c'était fondamental que je pense être né de lui. C'est une question d'époque, ça aussi. Peut être. D'ailleurs, dès que j'avais quelque chose, il me disait Ah, c'est moi qui décide de le transmettre. Voilà. Il a été un père merveilleux.

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Je suppose évidemment qu'en tant que, puisque c'est votre histoire, vous avez une explication. Puis vous êtes devenu psychiatre. Après, est ce que vous êtes d'ailleurs psychiatre et psychanalyste? Oui, c'est votre génération. C'est un peu. C'est en général le cas. Qu'est ce que vous pouvez dire là dessus?

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Ce qui me reste, en tout cas encore aujourd'hui, c'est l'horreur. Dès que j'en entends parler l'allemand. Une horreur terrible. Je ne le supporte pas, j'imagine. Vous êtes germanophobes? Complètement, complètement, wala. J'imagine que tout petit collé sur sa peau. Et qu'est ce qu'on entendait? Que des hurlements. Je vais dire des aboiements de chiens, des ordres en allemand, ça va être terrible, je vais dire, j'ai dû sûrement ressentir tout ça.

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Ils m'ont protégé, j'analyse comme ça. Et vous le sentez. Vous pensez que c'est indispensable pour votre survie? Bien sûr. Et vous ne pensez pas que votre mère, à un moment, vous dit chiche? 3 C'est possible, mais il n'en rester là encore quelque chose. Je ne supporte pas les pleurs des bébés. Pour moi, un bébé comme toi, est ce que ça a à voir avec le fait que vous n'avez pas eu d'enfants vous marier?

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Oui, oui et non. Mais ça a été mes problèmes de santé. Quand on ne sort pas indemne d'une telle épreuve. Il y a des séquelles. D'où ça vient dans votre développement? Oui, oui, c'est clair. Vous ne pouvez pas. Vous n'avez pas pu avoir d'enfants? Non, mais de toute façon, en auriez vous voulu non plus? À une seconde période, je n'aurais voulu, mais c'est passé maintenant. Votre trauma, comme on dit.

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Est ce qu'il a aussi à voir avec le fait que vous soyez devenu psychiatre? Bien entendu, bien entendu. Bon, il y a eu quand même un évènement facilitateur pour ma mère. J'allais être médecin. De toute façon, comme elle aurait dû l'être et comme ses enfants l'étaient les autres. Il fallait être médecin et après, me disait elle, on réfléchit à ce qu'on veut faire dans la vie. Donc, dans le fait que je sois médecin, que je commence, j'ai commencé mes études de médecine, ce qui est très rare.

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A trente deux ans avant, j'étais orthophoniste, puis j'avais fait des études de lettres et elle m'a dit Enfin, tu fais des études! Enfin, m'ont aidé mes parents. Bref, pourquoi un psychiatre? Mais d'abord, j'ai été orthophoniste. Quand on m'a amené un enfant qui avait une dyslexie dysorthographie, je recevais les parents. Je parlais avec les parents, donc je veux dire, la psychiatrie n'était pas très loin. Et puis, quand j'ai fait médecine, il y a eu deux métiers qui m'aurait plu la chirurgie et la psychiatrie et la chirurgie.

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J'avais des problèmes de santé. Je ne voulais pas me retrouver à 6 heures du matin dans un bloc. Donc ça a été la psychiatrie. Mais c'est un métier que j'adore et que vous avez exercé jusqu'à il y a très, très peu de nuit. Et que peut elle faire encore? Exercer, peut être auprès de Médecins du monde? Après mon livre, peut être. A là l'envie de réparer les traumas des autres ou d'aider les autres à réparer leurs traumas et d'aider les autres.

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C'est sûr. Mais vous dire qu'il y a quelqu'un qui s'est occupé de réparer vos traumas? Oui, oui, j'ai consulté. J'ai fait une analyse personnelle, bien sûr, avant de devenir vous même. Voilà vous même analyste.

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Oui, juste dire un mot sur le deuil, l'impossibilité du deuil que je décris d'ailleurs, vous, votre mère.

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En vérité, devant sur sa tombe, comme le fait tout le monde. Non, c'est pour ça que je ne suis pas allé. Je me suis forcé une seule fois à y aller parce que je trouve que c'est une mauvaise expression. Faire son deuil, faire son deuil, je trouve que ce n'est pas d'accord avec vous. Ce n'est pas faisable de faire son deuil. C'est impossible. On ne le fait pas, son deuil. Je voulais juste faire cette semaine avec Hélène et avec qui que ce soit exactement, mais plus encore avec Hélène.

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Encore. Vous vous le racontez très, très bien dans le livre. Le grand mystère de votre vie, c'est que votre mère n'a jamais vraiment voulu vous raconter votre naissance. On comprend que vous lui avez posé la question, n'est ce pas? Bien sûr. Plusieurs fois, plusieurs fois, c'était un refus catégorique. Oui, enfin, elle m'a raconté une histoire invraisemblable. C'est à dire? Mon père serait rentré avec un uniforme de la Croix-Rouge internationale dans le camp de Bergen-Belsen et le lui aurait conçu.

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Il serait reparti après la France dans son camp de prisonniers. Elle n'a jamais voulu aller au delà. Non, mais elle n'a pas su que Francine Christophe, vous avez donné des informations?

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Non. A la fin de sa vie, quand je lui ai dit Je sais, c'est pas papa, mon géniteur. Je sais qui c'est. C'est lui, c'est lui. Elle a convenu et elle a organisé un rendez vous avec lui, moi et moi.

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Mais la naissance, ce moment là, c'est à dire que la couverture, le drap qu'elle a lavé, tout ça, ça reste des suppositions. Oui, bien sûr, elle n'a pas parlé parce que c'était trop douloureux. Je pense pour elle, je pense, comme tous les anciens déportés. Elle n'a pas parlé pendant des dizaines d'années. Elle a fini par écrire tout ce qu'elle a écrit que je mets dans mon livre. Que peut être dix ans avant sa mort.

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Je crois que c'était indicible. Vraiment, ça, c'est quelque chose qu'on constate dans beaucoup de récits de déportés que j'ai raconté, y compris ici. C'est cette capacité qu'ont les survivants à tracer leur vie sans se retourner. Et dans notre génération, pour notre génération qui vient, pour un oui, pour un rien et qui se prétend traumatisé par pas grand chose. On a du mal à comprendre.

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Et vous, vous avez compris. Comment dire? Je pense que s'ils n'ont pas pu parler, je pense que c'étaient des êtres humains comme eux qui exerçaient cette barbarie sur eux. Je pense que ça doit être terrible, c'est à dire que ce n'est pas croyable.

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Même que tant de barbarie chez un être humain et que c'est insurmontable et que comme on ne peut pas le surmonter, on n'en parle pas, je pense. Et après, on trace sa vie parce que ce que j'entends ces temps ci est sous tendu. Mais je Botmeur a été une hyperactive. Ensuite, elle a tracé sa vie et que si on n'avait pas su, on n'aurait rien vu.

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Oui, elle a quand même tracé sa vie. Oui. Ils ont eu un autre enfant juste après. Voilà, en 47, mon frère Roger, qui est devenu un grand savant, mais aussi peu de temps après, s'est arrêté de travailler. Il faut dire qu'elle a souffert le martyre tellement elle avait reçu de coups pendant des années. Elle ne pouvait plus s'allonger. Et à l'époque, n'avait pas d'imagerie médicale. Mon père était médecin. Il l'amenait chez des spécialistes et tout le monde lusieurs.

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Vous savez, ce qu'elle a souffert est un peu dérangé. Jusqu'au jour où, à Paris, on a fait le diagnostic LV1 Noreen homme de la moelle épinière, on lui a enlevé. Ça fini. Elle a souffert des années. Elle a plus pu travailler. Votre père m'attend. Il a su que vous saviez? Non, non, il ne l'a pas su. Ça s'est fait après sa mort, voilà après sa mort. Il ne l'aurait pas supporté et c'est pas grave qu'il n'avait pas su.

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Il ne voulait pas le savoir. Et d'ailleurs, il a bien fait. Mon père, c'est lui. Le père, c'est celui qui aime, disait Pagnol. Il a bien raison.

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Louis, vous avez gardé quel genre de relation avec lui? Très, très, très petit. Allez le voir une fois. On sait qu'il peut être deux ou trois fois, mais il faut dire que c'était un ami de mes parents. Je l'ai vu toute votre enfance. Il était là. Merci beaucoup, Yvonne Salamon, d'avoir livré tout ça à travers son récit que j'ai tiré de votre livre. Je suis né à Bergen-Belsen, qui est un formidable livre dont je n'ai évidemment pas tout raconté.

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Comme toujours, en trente minutes, c'est pas possible. Et donc, vous pourrez vous nourrir d'autres épisodes de cette histoire en lisant ce livre qui est publié par Plon.

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