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9 heures 9 heures 30. Le meilleur de Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. 16 juin 1963 Elle porte une combinaison orange, l'encombrant casque des cosmonautes cache sa chevelure brune, chevelure courte quoique fournie à travers la visière, comme on arrive quand même à distinguer le visage encore poupon, le regard clair, légèrement cerné. Et puis, ce sourire encore timide et qui va devenir célèbre. Nous sommes à Baïkonour, dans ce qui, à l'époque, est le Kazakhstan soviétique, et Valentina Terechkova s'avancent sur l'aire de lancement.

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Vous imaginez sa démarche un peu lourde? C'est un peu celle d'un robot. Il y a cet équipement qu'il n'entravent. Que voulez vous? Elle gravit malgré tout l'escalier métallique avec vy, avec vaillance. Elle l'avancent comme ça marche après marche.

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Et en haut et en haut, il y a la fusée immense. Juste avant d'y pénétrer, Valentina se retourne face aux ingénieurs, aux techniciens en responsables soviétiques qui ont préparé son voyage. Elle est tout sourire. C'est le dernier salut! Les mains en l'air. Nous sommes en pleine guerre froide et le régime soviétique a tout orchestré pour que ce jour entre dans l'histoire. Oui, si tout va bien, Valentina doit être la première femme jamais envoyée dans l'espace.

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Deux ans après l'exploit de Youri Gagarine, c'est la jeune femme de 26 ans réussit la mission qu'on lui a assignée. Elle sera une preuve de l'avance prise par l'Union soviétique sur les Etats-Unis.

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Valentina ne peut plus faire machine arrière maintenant. Elle ne laisse rien paraître, évidemment, mais c'est beaucoup d'angoisse qui, au fond d'elle, se mêle à la fierté. C'est l'aboutissement d'un parcours à peine croyable, celui d'une modeste ouvrière textile appelée à affronter un défi inédit, plein d'incertitudes, plein de dangers. Et aussi un parcours dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a, aux yeux de l'histoire, été éclipsé par les exploits de Gagarine et même par ceux d'Armstrong aux Etats-Unis, alors, bien avant d'être destiné à tutoyer les étoiles.

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Valentina était née le 6 mars 1937 au nord de Moscou, près de Yaroslav, dans une famille tout à fait modeste. Son père est conducteur de tracteur. Il va d'ailleurs mourir pendant la guerre contre la Finlande en 1940, ce qui fait que, quasiment pas connu, sa mère reste seule avec trois jeunes enfants et elle travaille dans le textile. Tout cela est compliqué. C'est la guerre, c'est la pauvreté. Valentina racontera dans ses souvenirs qu'elle et ses frères et sœurs, qui sont tenaillés par la faim, ont souvent dû se partager un tout petit morceau de pain pour arriver à survivre.

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Et elle se met au travail très tôt. À 16 ans, elle est déjà dans une usine de pneumatiques. Elle aussi travaille ensuite dans le textile. Ça veut dire un travail à la chaîne. La journée est finie.

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C'est le moment des cours du soir à l'école technique soviétique. Où en est d'Orthe? Il faut se remettre dans tout le climat, dans toute l'ambiance de l'époque, et elle va obtenir un diplôme de technicienne en filature du coton. Bon, a priori, c'est quand même le chemin banal pour cette ouvrière tout à fait communiste, tout à fait comme il faut.

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Tout est tracé, sauf qu'il y a cette passion qui va changer le cours de son existence. Dans son livre témoignage Sopel, bonjour Qosmos qui entre nous, est un modèle de propagande soviétique.

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Elle raconte Je sais, je la cite. Je m'étais éprise de parachutisme. J'ai effectué mon premier saut le 21 mai 1959. Un an plus tard, j'ai été parachutiste de première catégorie et j'ai pris la tête d'un cercle de parachutistes. J'étais tellement entiché de parachute que je rêvais d'entrer dans un institut aéronautique.

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C'est après le vol de Youri Gagarine, le 12 avril 1961, que je commençais à penser au cosmos.

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Vous imaginez bien que pour cette petite ouvrière soviétique, le cosmos était un peu loin. C'est un rêve a priori totalement improbable.

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Et pourtant, Franck Ferrand, c'est un raté christique.

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Il se trouve que les ambitions politiques de l'U.R.S.S. Vont coïncider avec les aspirations. Comment dire Céleste de Valentina? Les dirigeants soviétiques envisagent de franchir un nouveau pas dans la course à la conquête spatiale qui les oppose aux Etats-Unis. Vous savez que c'est d'abord et avant tout une guerre de propagande, une guerre de publicité, comme nous pourrions dire. Et ils se disent qu'en envoyant une femme dans l'espace, eh bien, ils pourraient prendre un avantage décisif sur les Américains.

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Alors bon, d'accord, une femme. Mais laquelle? Vous imaginez que la question peut agiter un certain temps les spécialistes de l'espace aussi des spécialistes de la propagande soviétique. Bien sûr, on définit un cahier des charges. Le programme russe doit recruter une femme qui soit âgée de moins de 30 ans, qui mesurent moins d'un mètre 70 et pèse moins de 70 kilos. Ceci pour des raisons de. La nouvelle cosmonaute devra avoir des compétences en parachutisme. Tiens, tiens, et bien sûr, il faut qu'elle soit dans une condition physique éblouissante.

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Et les recruteurs cherchent une perle rare parce qu'il faut aussi qu'elle représente le peuple soviétique dans ses profondeurs et dans ses aspirations. Alors, ils vont écumer dans le plus grand secret tous les clubs aéronautiques du pays. Et voilà qu'à Yaroslav, ils s'intéressent aux cercles de parachutistes, dont Valentina et, vous l'avez compris maintenant, la chef de file. La jeune fille répond aux critères. Elle répond même à tous les critères. Évidemment, elle est candidate, mais il faut quand même être bien conscient qu'elle n'est pas la seule candidate.

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L'aventure spatiale tente évidemment plusieurs centaines d'autres jeunes femmes. C'est une sélection très rude, avec des sessions d'observation, des tests, des interrogatoires qui n'en finissent plus. Et puis donc, au mois d'avril 1962, Valentina apprend qu'elle fait partie des cinq dernières sélectionnées. C'est la dernière ligne droite de la compétition. Ah, le rêve est en train de prendre consistance. Les étoiles ne sont plus très loin. Et cependant, Valentina n'est pas au bout de ses surprises.

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Un extrait de l'ouverture festive que Chostakovitch avait composé pour le 30ème anniversaire de la révolution d'Octobre. l'Orchestre national du Capitole de Toulouse était sous la direction de tout Ganne SOQUIP.

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Le meilleur de Franck Ferrand, raconte Radio-Classique. Il y a donc cinq candidates qui ont été retenues et vous imaginez bien que pour elles, le parcours du combattant commence. Batterie d'examens médicaux, tests physiques qui d'ailleurs sont tout à fait similaires à ceux qu'on réserve aux cosmonautes masculins. Laconcurrence pour Valentina est rude. Et alors? Bien sûr, en plus, c'est un climat d'exaltation extraordinaire. On est gentil avec ces jeunes femmes qui sont dans la dernière ligne droite. Bien entendu, tous les jours, elle croise celui qui est son héros, Youri Gagarine, qui fait partie de l'équipe d'entraînement.

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Vous imaginez ça? C'est un rêve éveillé pour elle. Et sur la base d'entraînement, elle découvre toutes ces machines très impressionnantes. Le siège retors qui propulse en tous sens les apprentis cosmonautes. Bref, on leur fait faire des tests de chaleur, d'isolement, des sauts en parachute. Ça n'est pas pour l'impressionner, des cours de pilotage, c'est une évidence.

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Tout ça, bien sûr, dans le plus grand secret, puisque même les familles des candidates ignorent absolument tout de ce à quoi on les destine. Je cite de nouveau Valentina parce qu'elle a raconté tout ça. Je n'ai jamais été faible de constitution, dit elle. Il s'avéra pourtant que pour ce qui était de la préparation physique, mes lacunes étaient nombreuses. On avait beau me cacher mes insuffisances pour ne pas me chagriner, je savais que les entraîneurs sportifs avaient l'impression un certain temps que j'étais une cosmonaute improbable.

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Je ne m'accorder aucune indulgence. Je restais pendant des heures à la salle de gymnastique. C'est une ténacité extraordinaire. Elles sont toutes tellement motivées en même temps. Vous imaginez pour une jeune ouvrière textile à l'idée de devenir la première femme de l'humanité, la première femme à aller dans l'espace? Et finalement, c'est elle qui donc va être choisie pour s'installer aux commandes du vaisseau Vostok 6, comme le raconte Jean-François Clervoy et Franck Le Haut dans l'histoire de la conquête spatiale qu'ils ont écrite, je les cite qualifiés respectueusement de Gagarine en jupe par le directeur de l'entraînement.

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Elle est approuvée par Khrouchtchev, lui même célibataire, jolie travailleuse issue d'un milieu ouvrier. Elle présente le profil idéal pour la propagande soviétique.

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Autant dire que si c'est elle qui a été choisie parmi les cinq, c'est moins sur des critères purement physiques ou techniques ou de compétences de pilotage que sur ces critères qui sont politiques, bien entendu. Mais après tout, c'est une mission politique. N'oubliez pas que Valentina est une jeune communiste convaincue qui croit dans toute la phraséologie communiste, etc.

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Et nous voilà donc notre 16 juin 1963. Il est midi et demi heure de Moscou sur le cosmodrome de Baïkonour et Valentina Terechkova, désormais connue sous le nom de code de Tchaïka, La mouette n'est pas loin de Tchekov. Notre Valentina est prête au départ. Elle entre donc dans la fusée. Je vous ai expliqué avec quelles difficultés puisqu'il faut arriver à marcher avec cette énorme combinaison orange. Elle s'installe là le cœur battant et le ciel.

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Ôte ton chapeau, j'arrive! CRIE t elle.

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Il faut imaginer le compte à rebours. Le bruit assourdissant, invraisemblable, des moteurs. Et puis, cette puissance extraordinaire qui entraîne ce petit brin de femme là où aucune autre avant elle n'avait osé s'aventurer. Et ça marche, ça fonctionne. Valentina est maintenant en orbite. Alors, elle a des missions. Bien sûr, il lui faut tenir un journal de bord, mener des expériences biomédicales, prendre des photos, etc. Elle doit entrer en contact avec un autre cosmonaute parti deux jours avant elle dans un autre vaisseau.

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C'est un vol simultané qui, en soi d'ailleurs, constitue une prouesse, communication qui a lieu rapidement au cours du vol. Tout cela est un succès. Valentina chante même à sept autres cosmonautes, une chanson qui a été transmise par les ondes radio. Ils ont volé comme ça, de concert et à quelques quelques kilomètres de distance. La bonne humeur de Valentina, néanmoins, va être bientôt mise à rude épreuve. Première contrariété. Bon, pour l'instant, c'est encore assez anecdotique.

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Valentina découvre qu'on a bien préparé ses réserves de nourriture et même son dentifrice, mais on a oublié sa brosse à dents. Bon, une petite erreur.

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Jusque là, on va dire ça. On doit pouvoir survivre à ça. Mais il y a bien pire. Je cite de nouveau Clervoy et de O. Elle est victime du mal de l'espace qui la perturbe pour la réalisation de certaines tâches en vol. Elle souffre aussi de l'inconfort, s'endort d'épuisement et doit être réveillée par une alarme déclenchée depuis le sol. Ah oui, là, ça commence à pas être agréable du tout. Les responsables du programme qui sont sur Terre sont à Baïkonour se demandent s'il ne serait même pas plus raisonnable d'écourter la mission seulement lorsqu'on commence à évoquer la question avec elle.

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Valentina refuse absolument cette éventualité, mais un autre problème est alors là. C'est un problème qui est nettement plus inquiétant. C'est que la trajectoire que suit maintenant la capsule la fusée dans laquelle elle se trouve, n'est pas la trajectoire qui était prévue et qu'au lieu de perdre progressivement de l'altitude, comme l'avait calculé les ingénieurs, elle est en train en réalité de s'éloigner de la terre. Donc là, il va falloir se mettre aux commandes, si je puis dire, et essayer de rectifier la trajectoire.

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La cosmonaute va s'y employer, d'ailleurs. C'est extraordinaire parce que tout à fait tout à fait communist tout à fait dans l'orthodoxie communiste plusieurs décennies. Elle gardera le secret sur cette défaillance technique. Il ne s'agissait surtout pas d'aller ternir l'image du pays, n'est ce pas? On a gardé tout ça sous silence. Alors, au bout de trois jours et 48 en orbite autour de la Terre. L'aventure, néanmoins, a permis à Valentina de faire toutes ses preuves.

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Elle a réussi à maintenir rectifiés en tout cas l'orbite. On en arrive à la phase très délicate du retour.

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Aucune erreur ne va être permise dans ce retour. Vous savez que c'est la phase la plus dangereuse de toutes celles de toute cette aventure.

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Il faut maintenant atterrir.

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MAGNAC Radovic était au violon, bien sûr, pour interpréter le final de ce Concerto pour violon de Khatchatourian. Il était accompagné par l'Orchestre philharmonique d'Istamboul Ozanne sous la direction de Sacha Decelle.

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Le meilleur de Franck fuiront, raconte Radio-Classique. Tchaïka La Mouette éjecte donc de son vaisseau. Il y a encore 7 kilomètres entre elle et la Terre. Aucun des sauts qu'elle a pu accomplir jusqu'alors n'était aussi impressionnant et elle est là qui voit les étangs du sud de la Sibérie, les lacs, les montagnes défiler sous elle et des reliefs qui, sur la surface de la terre, ne sont encore pour elle que quelques rides. Et cette fois encore, il y a un peu de flottement dans la trajectoire.

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Valentina n'interdira pas là où on l'attendait. On peut imaginer la surprise des habitants de la région qui découvrent dans un champ entouré de son immense toile de parachute blanche. Cette femme, elle, est aussi connue en s'éjecter contre la visière de son casque. Résultat elle a une forte ecchymoses au visage. Bon, pas question pour les responsables communistes que ce détail vienne entacher l'exploit de la petite ouvrière de l'espace. On va faire une bonne séance de maquillage pour les photos historiques qui vont placer Valentina sur les podiums de l'histoire, si je puis dire.

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C'est une aventure médiatique qui commence maintenant au service de l'U.R.S.S. Triomphantes. Il faut qu'on la voit dans les rues de Moscou, dans une voiture découverte aux côtés de Khrouchtchev, bien entendu, acclamé par une foule qui était réunie sur commande. Les hauts responsables communistes veulent tous être photographiés à côté de la nouvelle héroïne, Franck Ferrand.

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Si elle va avoir droit à toutes les récompenses possibles la petite Tchaïka, on imprime même un timbre à son effigie. Elle est membre du Soviet suprême, vous imaginez, puis la Douma, etc.

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Comme le raconte Estelle Girault dans son livre Ni vu ni connu du collectif Georgette Sand, je cite Silvère SS de gros. Shove cherchait aussi, par cet exploit, à encourager les femmes à faire carrière dans les sciences. Et ce fut une réussite. Les tendances réactionnaires de Brejnev remise le programme Vostok et les aspirantes cosmonautes au placard au prétexte fallacieux qu'on a peur pour leur vie. Elle proteste, Valentina en tête, mais on lui fait épouser un cosmonaute et elles mettent au monde le premier enfant de cosmonaute.

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Ce mariage avec Andrian Nikolaïev, on dit que c'est Khrouchtchev lui même qui avait voulu. Ce mariage est célébré dans tout le pays. C'est quasiment si vous me passer cette image un peu osée. Un mariage royal à la sauce soviétique. Il faudra attendre vingt ans. Je dis bien 20 ans pour qu'une autre femme soit à nouveau envoyée dans l'espace. Ce sera une autre Russe, d'ailleurs. Puis les Américaines iront à leur tour dans l'espace en 1983. Les Françaises, en 1996 seulement, représentaient, si je puis dire, par Claudie Haigneré.

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Bien sûr, Terechkova reste la seule femme à avoir fait ce voyage en solitaire. On peut imaginer sa frustration, ses désillusions lorsqu'elle a compris qu'elle ne retournerait jamais dans l'espace. A l'heure où je vous parle, elle est toujours de ce monde. Valentina, elle, a 82 ans et elle déclare encore dans ses interviews qu'elle serait, n'eût été son grand âge. Candidate pour un vol sur Mars, c'est un nouveau rêve. Mais lorsqu'on voit à quel point les rêves de la jeune fille ont pu se réaliser, on peut se dire qu'après tout, les rêves de la vieille dame finiront peut être un jour par prendre corps.

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Franck Ferrand, raté, christique.

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Pour tout vous dire, il n'est pas certain que le bel exemple de 1963 est véritablement fait changer toutes les consciences, notamment en Russie. C'est Jacques Villain, notamment, qui nous dit que assez récemment, en 1997, l'ancien cosmonaute russe Valeri Ruminent, déclarait Les femmes devraient rester à la maison. Les femmes doivent prendre soin des enfants et de la maison.

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Rappelons nous, dit Villin, que Ruminent est quand même le mari de la cosmonaute Elena Konda Cova. Le dialogue entre les deux époux est toutefois intéressant. En réponse, Elena indiquait Je comprends mon mari. En fait, nous n'avons pas de baby sitter. En Russie aussi, le choix est difficile. Comme quoi l'humour, peu de temps en temps sauver la mise. Et elle ajoutait, conciliante Pendant mon long séjour à bord de Mir, la station orbitale, il s'est transformé.

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Mon mari, il s'est transformé en mère, s'occupant des enfants. De même lorsque je me suis entraîné pour faire partie du corps des cosmonautes. Finalement, on doit toujours pouvoir s'entendre.