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9 heures 9 heures 30. Le meilleur de Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. 987, en voilà une date. Avec 15 115 1789, ça fait partie de ces dates que tous les Français connaissent ou sont censés connaître. Cette année là marque le basculement. Tout commence en mai, quand le roi de la dynastie déclinante des Carolingiens, le roi Louis 5, qui règne depuis bien longtemps sur la Francie occidentale, est victime d'un accident de chasse. Tragique accident de chasse.

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Le voilà qui meurt sans aucun fils. Il n'y a personne pour lui succéder, pour le remplacer. Les grands barons et les évêques vont soutenir Hugues Capet, qui est un des plus puissants seigneurs du temps. Il y avait quand même un héritier carolingien, Charles de Lorraine.

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Mais il n'est pas question pour les barons de France de livrer le domaine à Charles de Lorraine, le nouveau roi. Hugues est sacré à Noyon en juillet 987. C'est le début d'une nouvelle dynastie dont la légitimité est discutée. Ce n'est pas tellement le lieu ce matin d'en parler. Pour Hugues, imaginer le Hugues avec un visage marqué, si l'on en croit les chroniqueurs, un regard un peu dur. Il est barbu, il a 46 ans. Pour lui, le défi, c'est d'inscrire ce nouveau pouvoir dans la durée.

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Et bien sûr, de faire en sorte qu'il lui survive. Cela signifie tout faire pour que son fils Robert soit reconnu de son vivant. Et Hugues ne va pas perdre de temps dès Noël 987, qui n'est pas sur le trône depuis longtemps. Il persuade l'archevêque de Prince qui, c'est vrai, l'avait beaucoup aidé à devenir le roi. Il le persuade de sacrer Robert, qui n'a qu'une quinzaine d'années. Cérémonie qui a lieu au rythme des prières et des rituels sacrés dans la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans.

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Le royaume compte maintenant deux souverains associés, le père et le fils.

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C'est un bon début pour accomplir le rêve dynastique. La suite logique. Maintenant, ça va être de trouver une femme digne de Robert. Il faut dire que l'adolescent, outre son élévation précoce à la dignité royale, a des qualités à faire valoir. Je cite François Menant. Il a étudié Arinze à l'époque même où il a enseigné Gerbert, le plus grand savant d'Occident. Cette culture, plus approfondie que celle de la plupart des grands laïcs de son temps, le fait apparaître comme un lettré.

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Robert est aussi un chrétien, un modèle qui multiplie les actes de dévotion. Et la recherche d'une princesse n'est pas une chose aussi simple que cela pourrait paraître. Il faut une candidate d'abord de très haute naissance, dont le choix soit profitable sur un plan politique qui ne soit pas une cousine trop proche. Tout de même, parce qu'à cette époque, l'Eglise cherche à imposer des règles de plus en plus strictes en termes de mariage et à éviter les consanguinité. Et dans ce cadre, donc, on lutte beaucoup contre la pratique des alliances trop proches dans la famille.

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Voici ce que nous dit Laurent Thise le cher laurentais, ce que je salue et qui est l'un des biographes le plus récent de Robert. Le roi Hugues chercha d'abord du côté de la race la plus prestigieuse du monde, celle des empereurs romains d'Orient. Gerbert fut chargé d'écrire une lettre à Basile 2 pour lui demander une princesse impériale. Peut être sa propre fille Anne, pour son fils unique. Hugues Capet songeait donc à réussir pour son fils. Ce coton, le grand à la tête du Saint-Empire, donc, avait obtenu, mais il n'était pas du même calibre.

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C'est pourquoi, à supposer même que cette missive ait été envoyée, ce qui est très douteux, elle ne fut honorée d'aucune réponse.

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Franck Ferrand, christique, et Hugues Capet va devoir opter pour une solution plus évidente et locale. Au début de 988, voilà que se présente une opportunité le comte de Flandre Arnou disparaît brusquement et sa veuve Rosalba devient une veuve bonne à marier. Alors, c'est vrai qu'elle a plus de trente ans. Elle est selon les critères du temps d'un âge quasi canonique, mais elle est la fille de Bérenger, deux rois d'Italie et de Provence. Elle a une ascendance carolingienne.

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En outre, il peut être avantageux de se rapprocher des Flamands dont elle est la comtesse. Bref, l'affaire est conclue. l'Union n'enchante pas le jeune Robert. On peut le comprendre. Sa femme a presque deux fois son âge. Il semble assez mal vivre qu'elle lui soit imposée par son père. Et de plus, il estime vite qu'elle sera incapable de lui donner le fils qu'on attend pour prolonger la dynastie. Robert n'y va pas par quatre chemins. Il songe à une répudiation pure et simple.

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Une telle perspective a de bonnes raisons de créer des remous dans un contexte qui, déjà, est rendu difficile par la lutte qui se poursuit en outre contre les soutiens des candidats carolingiens au trône. Bien sûr, les conséquences diplomatiques vis à vis de la Flandre s'annoncent très néfastes. Vous voyez que le père a de bonnes raisons de s'inquiéter. Hugues Capet est vraiment vraiment mécontent. Mais qu'importe, Robert a pris sa décision après deux ou trois ans. Là doit reprendre la route du Nord et même pire, on lui prend son douaire, le port de Montreuil, ce qui fait que la reine déchue non seulement a été renvoyée, mais on lui a pris son.

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On lui a pris son territoire. De quoi nourrir un ressentiment légitime. Alors, Robert Louis, le jeune Robert se sent évidemment libéré suivant la vision dominante. Pour ce qui est des mariages de l'époque, il peut prendre maintenant une autre épouse sans trop de difficultés. Et justement, il s'éprend quelques années plus tard d'une autre veuve, mais cette fois nettement plus jeune, Berthe de Bourgogne. Elle a été mariée à un comte de Blois. Elle semble elle aussi vouloir s'unir à Robert.

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On pourrait dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Pas du tout, parce que ce qui est en train de se préparer, c'est un des plus grands scandales de l'époque.

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l'Orchestre national du Capitole de Toulouse, sous la baguette de Michel Plasson, a interprété ce prélude de l'acte 3 de guerre Coeur guerres. Un opéra composé par Albéric Magnard entre 1897 et 1901. Un opéra qui n'a jamais pu être créé du vivant de l'auteur et dont l'action se situait au Moyen-Age. 14H. 14H30. Le meilleur de Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Alors, Robert a pris un peu d'âge maintenant et il est sous le charme de cette princesse Berte de Bourgogne, princesse importante sur l'échiquier européen.

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Seulement, se rapprocher d'elle n'a rien de neutre sur un plan politique. Berte D'abord, il y a tout un clan avec lequel Hugues Capet a eu maille à partir dans le passé. Et puis surtout, il y a un autre problème, c'est que Robert a pour filleul un fils. Berte a eu de sa première union. Il faut dire en plus que les deux promi ont des arrière grands parents communs, ce qui fait qu'aux yeux de l'Église, ils peuvent passer pour consanguin.

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Et certains prélats disent non, cette alliance ne peut pas avoir lieu, etc. SIGGRAPH. Somme toute, cet interdit était encore une nouveauté dont aucune prescription biblique, aucune disposition conciliaire, aucune tradition connue ne venait justifier l'extraordinaire rigueur, nous dit laurentais. En vérité, son application stricte aurait conduit à annuler la quasi totalité des mariages conclus au sein de l'aristocratie occidentale. Ils ne venaient donc, lorsqu'ils étaient brandis, qu'à l'appui d'une stratégie d'un autre ordre. Personne n'aurait songé à déclarer Cousin, Robert et Berte si la conjoncture avait été différente.

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Or, justement, les relations sont houleuses avec le nouveau pape Grégoire 5, à cause notamment de lutte d'influence pour les nominations épiscopales. C'est toute la grande question gallicane qui, déjà, est à l'oeuvre. Le danger est donc grand de voir l'affaire dégénérer. Et bien ça ne va pas empêcher Robert, à l'automne 996, de sauter le pas. Il a quand même attendu la mort de son père pour le faire. Hugues Capet n'est plus et donc Robert, devenu pleinement roi, épouse sa chère Berte et dans la foulée, il déclenche une offensive pour aller défendre les intérêts de sa nouvelle femme contre un certain nombre d'autres barons.

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On se bat beaucoup à l'époque. En parallèle, Robert essaie évidemment de se rabibocher avec le pape. Il donne des gages. Il met de l'eau dans son vin, si je puis dire. Pour Grégoire 5, qu'importe cette soudaine tentative de conciliation, ça ne change rien au fait que Robert et son épouse commettent aux yeux du pape un inceste. Et déjà, le pape est décidé à taper du poing sur la table à la fin de l'hiver 997 à Pavie.

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Et puis, l'année suivante, à Rome, il affirme et il le fait en public, entouré d'autres prélats. Il affirme que la nouvelle union du roi des Francs est purement et simplement non valide. Robert est donc appelé à rompre sur le champ ses liens coupables avec ce que la papauté considère comme sa concubine. Et s'il ne le fait pas, il est menacé d'excommunication. Voyez que c'est un bras de fer. Déjà, d'une certaine manière, quand on connaît toute l'histoire de France.

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Un bras de fer déjà entre cette couronne de France et la couronne de France. On peut dire encore à l'époque et le pape Robert, plutôt que de plier, va préférer composer avec tous ceux qui le désapprouvent, y compris au sein du royaume. Il y en a beaucoup. Il semble d'ailleurs que l'excommunication ne se soit pas concrétisée. De toute façon, la mort du pape Grégoire Grégoire 5 à l'hiver 999 va un petit peu calmer les choses. Il ne faudrait pas croire pour autant que Berte soit en position de force, car le roi se désespère de n'avoir toujours aucun enfant.

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Autrement dit, on est face au même problème que celui qui s'était présenté avec Rezala. Mais bientôt, il devient très problématique de laisser défiler les mois sans agir. Il va bien falloir faire quelque chose pour le bien du royaume, pour le bien de la dynastie en mal de descendance. Il va falloir en passer par une décision qu'on peut imaginer pénible. Robert va sacrifier son deuxième mariage, ce mariage pour lequel il s'était tant battu. Il va sacrifier ce deuxième mariage pour en contracter un troisième.

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Alors, on parle beaucoup de roi bigame. En l'occurrence, il n'y aura pas de problème de bigamie puisque l'union avec Berte est considérée comme n'ayant jamais été constituée par les autorités de l'Eglise. Comme communion, me direz vous, mais pas aux yeux de l'Eglise. Alors, on est donc face à un troisième dilemme qui choisir maintenant? Une chose est sûre, tout doit être fait pour éviter les complications des deux premières unions. Une candidate apparemment idéale est trouvée.

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C'est la fille d'un conte d'Arles qui est mort depuis une dizaine d'années. Ce conte et cette jeune fille de 16 ou 17 ans qui n'a, elle, jamais été mariée et dont on dit que la personnalité est forte, étonnante. Cette jeune fille s'appelle Constance. Les modalités du mariage sont négociées. La princesse du Midi est envoyée dans son nouveau royaume. Elle finit par arriver sous les cieux franciliens, si je puis dire. Son immersion lui impose de s'adapter à cette culture qui est tellement plus rugueuse, tellement plus âpre que la sienne.

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Ça fait penser à un peu, toutes proportions gardées, à ce que pourrait ressentir, un peu plus d'un siècle plus tard, Aliénor d'Aquitaine quand elle découvrira la cour de Louis. Tellement tellement triste à côté de sa cour d'Aquitaine natale. Mais là, c'est un peu la même chose. La cour de Provence, c'était quand même autre chose que celle que celle de Robert le Pieux. Et puis, Constance a une difficulté supplémentaire pour elle. C'est difficile de remplacer Berte parce que, visiblement, Robert n'a pas oublié sa deuxième épouse.

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Et déjà, déjà, on peut dire que ce troisième mariage s'engage sous de tristes auspices et que des problèmes et des menaces planent déjà dans l'air. Un extrait de La Pastorale, c'était lire la deuxième suite de l'Arlésienne de Georges Biset, l'Orchestre symphonique de Londres était sous la direction de Sir Neville Mariner. 30 Le meilleur de Franck Ferrand, raconte sur Radio Classique. La nouvelle reine est donc une Arlésienne, c'est Constance d'Arles, déjà, elle satisfait son mari sur un point absolument crucial, c'est qu'elle va enchaîner les grossesses.

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C'est essentiel dans ce siècle troublé où la monarchie est affaiblie. Une petite fille va naître, semble t il, assez rapidement, suivie de deux garçons, dont Hugues, qui voit le jour en 1007, et Henri l'année suivante. En revanche, d'un point de vue plus personnel, les relations entre le roi et la reine semblent très difficiles. Voici ce qu'écrivait à Scheele le maire. Cette femme ambitieuse, avide, d'humeur acariâtre, prit sur son mari l'ascendant que toute nature violente exerce sur une nature faible, tout en subissant le joug de Constance à qui il était obligé de cacher même ses actes de charité.

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Robert restait attaché au cœur de Berte. Voilà la vérité. C'est que Robert a été obligé de se séparer de Berte parce qu'elle ne pouvait pas donner d'enfant à la dynastie, mais qu'il était assez malheureux et, d'une certaine manière, en ménage avec cette femme. Trop dure, trop forte que Constance d'Arles. Et c'est vrai que pour lui, tourner la page sur son union avec Berte a été d'une certaine manière impossible. Il semble que le roi ait gardé des liens avec Berthe.

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Jusqu'à quel point ça serait difficile à dire aujourd'hui. C'est une affaire très ancienne, quand même. Pour ne rien arranger, Berte et Constance sont liés à deux partis aristocratiques qui se font une véritable guerre. Et l'affaire va se compliquer encore lors d'une partie de chasse du roi. On est là sans doute. En 1008, un proche de Berte est tué par un groupe d'hommes surgi par surprise. Et pour Robert, c'est la sidération. L'assassinat semble avoir été perpétré à l'instigation d'un puissant seigneur qui se trouve lié à Constance.

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Cela ferait une jolie série télé. Je me dis tous les rebondissements et les haines sourdes. Évidemment, tout cela fait désordre à la cour du Capétien, j'allais dire du premier allez disons du deuxième Capétiens directs. La justice se penche sur le cas des meurtriers. Il est clair que c'est une grande tension qui règne maintenant à la cour, si tant est qu'on puisse parler de cour. Et la fière constance voit d'un seul coup sa position quand même fragilisée. Sans qu'on sache précisément quand le roi va faire une démarche osée.

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Il entreprend d'aller jusqu'à Rome, semble t il, pour faire accepter au pape le renvoi de sa troisième femme au profit de la deuxième. Mais oui, vous m'avez bien entendu. Et d'ailleurs, Berte a beau jeu de faire la route jusque là bas avec lui.

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Franck Ferrand, c'est un raté christique. Vous imaginez la tête de Constance qui, elle, est restée en France? Bien sûr, la suite de sa vie dépend de ce que le pape va décider. On imagine ses tourments, ses doutes. C'est alors que Savinien nous dit Laurentais. Le premier évêque de Sens, lui apparut en rêve pour l'assurer de sa protection. Trois jours après, Robert était de retour bredouille. Et dès lors, il chérit son épouse plus que jamais, plaçant tous les droits régaliens en son pouvoir.

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Plus tard, le couple royal devait remercier magnifiquement Saint-Savinien Berte. A partir de là disparaît de notre vue. Quand vous parlez de coup de théâtre, vous voyez qu'il y en a quand même pas mal. Lenthousiasme de la chronique, quand même, nous laisse un peu songeur. Il faut bien le dire. Il n'empêche que Constance, contrairement à Rosalba et contrairement à Berte, va être confirmé dans sa position de reine. Et comme le souligne François Menant, Robert devra la supporter jusqu'à sa mort.

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Elle a d'ailleurs d'autres enfants de lui, dont encore deux filles. Et puis, cette reine victorieuse, disons le, ne reste pas inactif politiquement. Et si l'on en croit les chroniqueurs, ces intrigues au fil des années sont très nombreuses. C'est elle, notamment, qui va favoriser le sacre précoce de son aîné, Hugues des 1017. Mais il se trouve que quelques années plus tard, Hugues va disparaître subitement et prématurément. Quand Robert rend l'âme à son tour après un long règne, on est là en 1031.

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C'est son cadet Henri, le nouveau roi Henri 1er, qui va prendre les rênes du royaume. Constant Constance n'est pas heureuse de voir son fils au pouvoir. Elle entre dans une rude opposition avec lui, sans succès. Et finalement, la dynastie aura survécu à toutes ces vicissitudes matrimoniales du deuxième roi capétiens. On peut dire que les malheurs conjugaux de Robert le Pieux n'auront pas eu raison de sa dynastie.

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14H. 14H30 Le meilleur de Franck Ferrand, raconte Radio-Classique. Je cite le texte pour la dernière fois cet après midi le 29 juin 1031, ont cru voir une éclipse partielle de soleil, du moins en nutons, quelques mois plus tard. Le souvenir, c'est que le roi Robert ne pouvait pas mourir comme cela, lui dont la vie avait été, surtout vers la fin, si lumineuse de piété. Ainsi, avertit il eu le temps de se préparer à passer comme il convenait, chantant les psaumes, priant inlassablement, se purifiant par le signe de la croix tracée sur les points névralgiques de son corps.

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Puis, terrassé par la fièvre alors qu'il se trouvait à Melun, il sanitas communiants une dernière fois sous les deux espèces et très passa le mardi 20 juillet 1031 au petit matin. Lui sera regretté par son peuple. On ne peut pas en dire autant de sa troisième épouse qui, elle, était très mal, très mal perçue. Le mal que Constance fit à son pays ne saurait être calculé, conclut en guise d'épitaphe un historien pourtant doué d'un bon sang froid, nous dit Laurentais.