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9 heures 9 heures 30. Le meilleur de Franck Ferrand raconte sur Radio Classique. Vous avancez vers la mer Morte, côté israélien, vous allez voir se détacher sur le paysage minéral de ce désert de Judée, l'éperon rocheux de Massada Massada. C'est cette sorte de montagne aux parois abruptes, avec un sommet quasiment plat de loin, écrit Paul Nevski. Le rocher ressemble à un navire échoué au milieu d'un océan de pierres pour gravir ces centaines de mètres de hauteur. Vous avez plusieurs solutions.

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Alors, la plus facile de prendre le téléphérique la plus ardue, c'est d'emprunter le sentier qu'on appelle le sentier du serpent, qui est tout escarpé et caillouteux. Et c'est une option qui permet de mieux comprendre pourquoi ce site, dans l'Antiquité, a été choisi pour y établir une forteresse inexpugnable. Quand, après une longue marche, vous atteignez le sommet. C'est une sorte de l'esplanade qui fait à peu près 80 000 mètres carrés. C'est très sobre. Du gigantesque plateau comme ça, vous ne pouvez qu'être frappé.

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Vous ne pouvez qu'être empreint d'une étrange émotion. Quelque chose se dégage des ruines que l'on découvre Massada, balayées par ce vent chaud du désert, est abandonné depuis des siècles, depuis de nombreux siècles. Et pourtant, pourtant, des fantômes donnent le sentiment de l'habiter encore. Il est vrai qu'ici s'est joué une tragédie parmi les plus poignantes de l'histoire juive. Le site de Massada, qui probablement a été fréquenté depuis une période extrêmement ancienne très tôt, va posséder une fonction défensive.

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C'est dans les années 30 avant notre ère, sous l'impulsion du roi de Judée Hérode, le fameux Hérode, dont on a la trace dans le Nouveau Testament. Bien entendu, c'est sous l'impulsion d'Hérode qu'il va prendre une dimension de premier plan. Je cite le grand historien romain Flavius Josèphe. On dit que Hérode préparait cette forteresse pour lui servir de refuge en vue d'un double danger. D'une part, la multitude des juifs qui pouvaient le renverser. De l'autre péril, plus grand et plus terrible, la menace de Cléopâtre, reine d'Égypte.

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Le souverain n'a pas fait les choses à moitié. Il a fait élever un vaste complexe étagé qui est à la fois complètement inaccessible et qui, en même temps, est un lieu de pouvoir avec tout le luxe que cela suppose. Cela implique l'exploitation d'une main d'œuvre très nombreuse dans un chantier qui, sans doute, a dû être impressionnant. Il a fallu hisser tous ces matériaux jusqu'en haut de l'éperon rocheux, mettre en place un procédé ambitieux d'acheminement et de conservation de l'eau, bien entendu.

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Et puis, tout construire selon le goût du roi Hérode était un goût romanos fils. Le rocher fut entouré d'une muraille hérissée d'environ 30 tours, nous dit Jean des Croix. Sur l'esplanade, la majorité des constructions étaient concentrées dans la partie nord palais, résidence pour l'élite, bâtiments administratifs. Hérode fit élever deux palais, le premier à abriter ses appartements privés. Le second était pour les cérémonies et les réceptions. Pour parer aux dangers d'un siège, Hérode fit aussi construire une série d'entrepôts et de magasins.

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S'y ajoutait enfin un grand établissement thermal tout à fait perfectionné et conforme aux dernières exigences de la mode romaine. On peut dire que lorsqu'il s'est installé à Massada, Hérode a dû apprécier le confort qu'on avait organisé pour lui. Je ne suis pas persuadé qu'il en ait lui même éprouvé toutes les possibilités défensives. Et pourtant, elle était extraordinaire.

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Franck Ferrand, raté christique. Hérode meurt dont quatre ans avant Jésus-Christ.

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Après, les Romains intensifient leur emprise sur la Judée. Cela signifie qu'ils vont nommer des cadres à eux, qu'ils assurent une présence étroite sur le territoire avec une garnison de soldats romains qui prend ses quartiers à Massada. On est à l'époque de la vie de Jésus-Christ, bien entendu. Un période d'une émulation religieuse extrêmement intense dans le monde juif, mais dans le monde juif, mais aussi période de grande tension politique. Toute une partie de la population refuse, se joue romain.

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Cette domination romaine. Et vous avez des groupes qui vont se structurer pour lutter contre cet envahisseur romain. Et parmi ces groupes, les fameux zélotes. Qui sont les radicaux? Si vous voulez prêt à saisir toutes les opportunités, peut renvoyer les Romains d'où ils sont venus de six à 70, nous dit Paul Netsky. Les Helvètes sont le noyau d'une révolte endémique. Elle prend en 66 les proportions d'un soulèvement général. Pour mater, les Romains doivent appeler d'Europe les meilleures légions romaines pendant quatre ans.

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Une guerre ponctuée d'atrocités et de massacres. En 70, enfin, Titus s'empare de Jérusalem et détruit le temple. C'est la date célèbre, cette date de 70 de notre ère. La destruction est un choc absolument immense. Les Romains sont. Dont vous connaissez la cruauté, ils ne s'embarrassent pas de leurs conquêtes. Généralement, elle n'est pas tout à fait finie, d'ailleurs. Leurs conquêtes, un lieu résistent encore à ce moment là. Et ce lieu, c'est bien sûr Massada.

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Vous avez là un certain nombre d'insurgés qui ont réussi à déloger les soldats romains pour s'installer à leur place. Maintenant, ils sont dirigés par un certain Eléazar Ben Yaïr. Ils tiennent cette place extrêmement solide de Massada. Ils n'ont aucune intention de baisser les armes.

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Ces dernières poches de résistance, si vous voulez, mais celle là, elle va être quasiment impossible à prendre. On peut dire à partir de là que ce qui est lancé, c'est une véritable lutte à mort.

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Vous avez dit péplums, la parade des origines du film Ben-Hur de William Wyler? La musique est signée Miklos Rosat. Elle était interprétée par le Boston Pops Orchestra sous la direction d'Artur Fiedler.

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Franck Ferrand sur Radio Classique. Je ne voudrais pas vous imaginer qu'un Massada se sont réunis que quelques dizaines de personnes, c'est un bon millier de personnes qui sont là. Il y a beaucoup de zélotes parmi elles, mais aussi d'autres rebelles opposées depuis longtemps aux Romains. Bref, tout ça fait du monde. Y a pas mal de femmes, de vieillards, de jeunes enfants et tout en renforçant les défenses de la place forte. Il faut mettre en place des conditions de vie qui puissent, qui puissent être convenables parce que ça peut durer, cette affaire.

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Il faut survivre dans ce lieu tellement particulier, là haut, au sommet de ce plateau rocheux et en même temps, il faut répondre aux obligations de la religion juive. On y croit, nous dit ils construisirent toutes les installations nécessaires fours à pain, fourneaux, armoires, silos. Les matériaux de construction étant sur place, dans les palais devenus inutiles, adossés aux édifices existants, furent construites des pièces aux murs frêles. Ils érigèrent synagogue et bain rituel. Une grande salle construite le long de la muraille fut adaptée à cet usage et malgré toutes les difficultés, les élites observaient scrupuleusement toutes les ordonnances de la loi.

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Sous entendu de la loi L majuscule de la loi religieuse, Eléazar ben Yaïr semble superviser l'organisation de la petite ville avec une véritable qu'une remarquable autorité. Il est probable que chacun doivent respecter des limites en termes de consommation d'eau, de consommation de nourriture. Tout le monde a des tâches bien assignées.

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Massada est faite, elle est organisée pour tenir le plus longtemps possible. Et du reste, l'attitude des hasards et de ces hommes n'est pas seulement défensive, n'est pas seulement attentiste. Depuis la forteresse isolée, ils vont avoir Aland et vont avoir tendance à lancer contre les troupes romaines un certain nombre d'attaques très ciblées. Alors, les troupes romaines? Pour l'instant, elles sont bien occupées à éteindre complètement les foyers de résistance qui subsistent un peu partout en Judée, mais en 72, quand tout est sous contrôle.

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Si vous me passez l'expression, le procurateur Lucius Flavius Silva va lancer les opérations pour s'occuper une bonne fois pour toute de cette espèce de poches de résistance de Massada. C'est la dernière grosse épine enfoncée dans le pied des Romains.

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Si vous voulez Flavius Flavius Silva? Pardon, non, pas Flavius Josèphe, bien sûr, mais Flavius Silva, chef romain, a bien l'intention de mettre tous les moyens disponibles à son service. C'est une légion entière qui s'en va assiéger la forteresse surplombant la mer Morte, ainsi que diverses troupes et un certain nombre de captifs juifs. Environ douze à quinze mille personnes. Si vous voulez du haut de la forteresse, ceux qui sont retranchés là sont au nombre de 977 967.

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Et autour d'eux, ils voient s'installer huit grands campements romains qui s'organisent méthodiquement, qui constituent une espèce de rempart humain absolument infranchissable. Bien entendu, pour ceux qui sont là haut, la situation est extrêmement grave et ne saurait être question de fuir la lutte avec l'ennemi, avec cet ennemi redouté un temps, avec cet ennemi surtout ami. Cette lutte entre dans une phase décisive. Les Romains n'ont pas seulement des atouts dans ce combat. L'importance de leurs contingents les rend vulnérables parce qu'on est dans un milieu extrêmement hostile.

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Cela les oblige à une logistique très coûteuse, très éprouvante. Par ailleurs, ils vont pouvoir constater à quel point la forteresse des élites est quasiment impossible à attaquer. C'est un point inexpugnable. Là où le génie fait ce qu'il nous dit. Les Romains ne pouvaient songer à l'assaut qu'après avoir fait une brèche et ils décidèrent de s'en prendre au mur, à la porte ouest de Massada, en un point où la hauteur de la falaise est d'une centaine de mètres seulement.

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Mais comment mettre en branle un bélier à cette altitude?

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Oui, là, on était une montagne qu'il convient d'attaquer d'une certaine façon. Et ça, c'est un problème presque insoluble. Les Romains vont entreprendre de régler ce problème d'une manière spectaculaire en bâtissant, pierre après Pierre, une espèce de gigantesque terre plein qu'il accole à l'éperon de Massada afin d'atteindre peu à peu en faisant en gravissant la pente. Si vous voulez, afin d'atteindre le sommet, ça paraît complètement extraordinaire. La falaise abrupte de Massada va être transformée en une sorte de gigantesque rampe, un peu dans l'esprit sans doute, de celle qu'on avait dû construire à l'époque de l'édification des pyramides d'Égypte.

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C'est un travail de génie, de génie, au sens militaire du mot absolument extraordinaire.

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Et en face, les insurgés dont qui sont dans la forteresse n'ont qu'une seule stratégie possible, c'est de perturber ces travaux romains. Bien entendu. Projectile. Avec tous les moyens disponibles, ça oblige à attirer ça sur un certain nombre de juifs captifs qui sont employés comme esclaves sur le chantier. Et c'est très difficile. De toute façon, on sait une chose, c'est que les Romains, dans leur dans leur stratégie de fourmis, si je puis dire, finiront par y arriver.

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On ne peut que retarder l'inéluctable et on voit ce terre plein qui s'élèvent, qui s'élèvent de plus en plus quasiment jusqu'aux fortifications défendues par les par les eloquent. Les Romains, de cette manière, ont résolu le problème de l'accès à la forteresse. Reste maintenant à percer les défenses défenses qui ont été consolidées par les rebelles. Mais l'ennemi sait y faire et il progresse. Massada prend de plus en plus les allures d'un tombeau qui va se refermer sur ceux qu'il était censé protéger.

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Un soir d'avril 73, Eléazar et les siens savent maintenant que, quoi qu'il fasse, les Romains vont entrer dans Massada le jour suivant, c'est à dire qu'ils ont résisté. Ils se sont particulièrement bien organisés. Mais que voulez vous faire face à cette gigantesque masse humaine qui est en train, qui a construit maintenant ce terre plein et qui fait que la forteresse n'est plus du tout inaccessible? A l'intérieur, l'atmosphère est lourde, c'est le moins qu'on puisse dire.

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Quoi faire? Comment va t on procéder? Est ce qu'on peut se laisser prendre comme ça? Se laisser égorger par les Romains après tant d'efforts? Non, ça paraît véritablement impossible. Et c'est la raison pour laquelle Eléazar va prendre la parole face à ses troupes et faire une annonce assez stupéfiante.

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Un petit extrait de la musique de la mini série réalisé par Boris Sagal en 1980, qui s'appelait Massada, tout simplement. Cette musique est signée Jerry Goldsmith. C'était une série. C'était un téléfilm avec Peter O'Toole dans le rôle de Silva et Peter Strauss dans celui des Hazard Benyahia.

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Franck Ferrand sur Radio Classique Eléazar prend la parole face à ses troupes.

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Généreux juif qui avait résolu depuis si longtemps de ne souffrir ni la domination des Romains ni celle d'aucune autre nation, mais d'obéir à Dieu, dit il. Voici le temps arrivé de voir, de faire voir par des efforts que vous avez véritablement ses sentiments dans le cœur. Nous nous sommes exposés jusqu'ici à toutes sortes de périls pour nous affranchir de la servitude, ne nous déshonorants pas maintenant en nous soumettant à la plus cruelle des morts. Si nous tombons vivants entre les mains des Romains, ils nous tueront.

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Ne nous rendons pas indignes de la grâce que Dieu nous fait de pouvoir mourir volontairement et glorieusement en étant encore libres. Ils continuent de parler et il va finir par déterminer les indécis. Pour eux, il n'y a pas d'alternative satisfaisante à cette mort collective et d'une certaine façon, on va tenter de transformer ce qui devrait être un désespoir absolu en un acte d'espérance. La mort subie doit devenir dans cette optique un sacrifice consenti devant Dieu. Est ce un hasard que tout cela ait lieu à la date même de la célébration de Pessah?

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C'est le début d'une scène terrible, une scène d'une violence absolument invraisemblable. La première étape vise à tuer tous les plus faibles. Chaque homme va à la rencontre de sa femme, de ses enfants. Les combattants font des adieux, se font des adieux déchirants. Et puis, dans ce qui, probablement, est le geste le plus inouï qu'on puisse imaginer. Eh bien, vous voyez les pères de famille qui mettent fin à la vie de leur propre conjoint, de leurs propres enfants.

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C'est une sorte de grand suicide collectif. Et à la fin, ne reste plus que les hommes. Passe par un sinistre tirage au sort à l'aide de morceaux de terre cuite sur lesquels on a écrit les noms. Dix d'entre eux sont choisis pour mettre à mort tous les autres. On imagine l'effroi qui règne sur l'esplanade de Massada. Les personnes dont les noms sont sont sortis attendent que les autres s'allongent au milieu des corps encore chauds de leurs proches. Et puis, il les exécutent.

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Ils tirèrent encore une fois au sort afin que fut désigné celui qui tuerait les neuf autres, raconte Flavius Josèphe. Celui qui resta seul après avoir regardé de tous côtés pour voir s'il n'y avait point quelqu'un qui eut besoin de son assistance pour être délivré de ce qu'il lui restait de vie. Après avoir reconnu que tous étaient morts, celui là mis le feu dans le palais. Et ce transport se transperce de son épée avec toute la force dont il était capable.

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En fait, en fait, sept personnes, deux femmes et cinq enfants qui s'étaient qu'il était caché que dissimulé dans une cavité rocheuse. Sept personnes vont échapper au massacre. Ce sont ces rescapés qui pourront, comme cela, raconter ce qui s'est passé. Sinon, on ne saura pas exactement ce qui s'était passé à l'intérieur de la forteresse de Massada. Mais eux, une fois découverts par les Romains, ont raconté. En attendant, quand les Romains pénètrent dans la forteresse, ils s'étaient préparés et ils s'étaient surarmés.

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Ils avaient l'impression qu'ils allaient mener là un combat. Le dernier combat de l'assaut?

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Si vous voulez. Et ils sont surpris de ne rencontrer qu'un silence. Terrible bourdonnement d'insecte. Aucune résistance. Seulement ce spectacle absolument lugubre. Ce spectacle de désolation, je cite Alain Reinach se frayant un chemin à travers les flammes. Ils arrivèrent en vue du palais et trouvèrent les éloges reposants dans leur dernier sommeil. Un grand sentiment d'admiration les remplit et il n'osait pas se réjouir de la mort de leur ennemi, Franck Ferrand.

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C'est un raté christique. Il y a une quarantaine d'années, au moment des fouilles en aréna qu'avait fait paraître dans Historia un article dont je vous lis les dernières lignes dans le réseau des grottes situées près du sommet de l'escarpement sud, à quelques mètres au dessous du mur Kase Mater, les archéologues firent une découverte impressionnante 25 squelettes gisaient là, entourés de provisions et d'ustensiles de ménage. En analysant ces tristes reste et après une étude minutieuse, le médecin de l'expédition démontra qu'il s'agissait de 14 squelettes d'hommes d'un âge variant entre 22 et 60 ans.

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Un septuagénaire, six jeunes femmes de 15 à 22 ans, quatre d'enfants de 8 à 12 ans. On trouve à même le squelette d'un fœtus. Nulle part ailleurs, on ne découvrit d'autres ossements. Toutefois, près des entrepôts, un groupe de chercheurs volontaires en train de déblayer des ruines exhumés. Dix petits ostraca, c'est à dire des tessons de poterie étranges. Sur chacun d'eux, un seul nom était inscrit et tous ces noms différaient. Une inscription portait le nom de Ben Yaïr.

[00:27:30]

Sans doute s'agissait il d'un hasard. Il est permis de penser. Et si émouvantes que soit cette hypothèse, elle est probable, bien que l'on ne pourra jamais la vérifier avec certitude. Permis de penser, donc, que ces dix petits tessons de poterie représentent les noms des dix zélotes dont parle Joseph, choisi pour faire périr leur frère.